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La délivrance du l’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement préjuge du respect des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme par le permis de construire

L’appréciation des risques présentés par une installation classée pour la protection de l’environnement au regard des préoccupations saisies par les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme relève, au premier chef, de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de cette législation.

CE. 15 février 2007, Ministre de l’écologie et du développement durable, req. n°294.186 / CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852.


Aux termes de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme « le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ». Quant à l’article R.111-14-2 du Code de l’environnement celui-ci précise que « le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article 1er de la loi n. 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ».

Eu égard à la rédaction des articles précités qui ne visent expressément que « les constructions » toute la question est de savoir s’ils peuvent justifier un refus de permis de construire ou l’annulation de l’autorisation éventuellement obtenue lorsque les risques existants ne relèvent pas directement de la construction projetée mais de l’activité devant y être exercée.

En matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, cette question est d’autant plus problématique que les préoccupations visées, d’une façon générale, par les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ont vocation à être contrôlées, d’une façon spécifique, par une procédure d’autorisation ou de déclaration relevant d’une législation indépendance, en l’occurrence la législation environnementale.

A cet égard est s’agissant d’un permis de construire une unité de production et de stockage de liants routiers, le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de juger que « si le requérant soutient que le permis de construire ne pouvait être délivré, en vertu des dispositions de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme, celles-ci ne visent que "les constructions qui par leur situation ou leurs dimensions sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" et non les activités qui y sont exploitées, lesquelles relèvent d'une législation distincte » (CE. 10 octobre 1994, Sté Euroliants, req. n°111.167).

Les deux ordonnances de référé commentées ce jour – lesquelles ont été rendues dans la même affaire – tendent à confirmer que, par principe, le permis de construire une installation classée ne peut utilement être contesté pour des motifs relevant directement de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de cette législation, et inversement.

Dans le litige objet de la première ordonnance, le Conseil d’Etat avait à connaître de la décision par laquelle le juge des référés avait suspendu l’exécution de l’autorisation d’exploiter contestée en considérant que l’urgence était présente eu égard au travaux de construction de l’installation critiquée. Mais la Haute-Cour devait, pour sa part, censurer cette analyse au motif suivant :

« Considérant, en premier lieu, que l'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement et le permis de construire les bâtiments et les équipements de cette installation, qui sont pris en vertu des législations distinctes du code de l'environnement et du code de l'urbanisme et selon des procédures entièrement indépendantes, ont chacun une portée et un contenu propre ; que l'engagement des travaux de construction autorisés par le permis de construire et les nuisances susceptibles de résulter de ces travaux ne sont pas susceptibles d'être utilement invoqués pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de l'autorisation d'exploitation ; qu'ainsi, en fondant son appréciation de l'urgence sur des circonstances qui découlent de la délivrance du permis de construire et sont dépourvues de rapport avec l'exécution de l'acte dont la suspension est demandée, le juge des référés a entaché sa décision d'une erreur de droit ».

A contrario, les risques présentés par l’exécution de l’autorisation d’exploiter ne peuvent donc pas justifier l’urgence à suspendre le permis de construire l’installation contestée ; précisons qui n’est pas inutile puisque si, par principe, le requérant bénéficie d’une présomption d’urgence à suspendre un permis de construire, celle-ci peut être contrebalancée par l’urgence à l’exécuter, laquelle ne saurait alors être remise en cause par des considérations tenant aux conditions d’exploitation de la construction projetée.

Dans le second litige, le permis de construire l’installation classée contestée était donc critiqué sur le terrain de l’article R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ; grief que la Haute Cour devait écarter au motif suivant :

« Considérant qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés que le permis attaqué autorise la construction d'un équipement entrant dans la catégorie des installations classées pour la protection de l'environnement ; que ce projet a fait l'objet d'une enquête publique puis a bénéficié, avant la délivrance du permis, d'une autorisation d'exploitation délivrée dans le cadre des articles L. 511-1 et L. 512-1 et suivants du code de l'environnement ; que par suite, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions du code de l'urbanisme».

A titre liminaire, on peut ainsi relever que le Conseil d’Etat a apprécié les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme de façon globale, ce qui n’est pas illogique dès lors que, d’une part, les préoccupations visées par ces deux articles sont peu ou prou identiques en matière d’installations classées et où, d’autre part, il est de jurisprudence dorénavant bien établie que l’article R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ne peut justifier à lui seul un refus de permis de construire ou l’annulation de l’autorisation éventuellement obtenue (CE. 14 février 2003, Sté civile d’exploitation agricole le Haras d’Achères, req. n°220.215).

Mais il faut surtout relever que le Conseil d’Etat n’a pas rejeté ce moyen en considérant, d’une part, que les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ne visent que les constructions et pas les activités qui s’y développent et/ou, d’autre part, que l’indépendance de la législation d’urbanisme et de la législation environnementale interdit, par principe, que des préoccupations relevant de l’autorisation d’exploiter soient opposées au permis de construire puisqu’en effet, la Haute Cour a écarté ce moyen du simple fait que le projet litigieux avait fait l’objet, « avant la délivrance du permis, d’une autorisation d'exploitation délivrée dans le cadre des articles L. 511-1 et L. 512-1 et suivants du code de l'environnement ».

En substance, c’est donc la seule délivrance préalable de l’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installation classée pour la protection de l’environnement qui a suffit à établir que le projet, pour ce qui intéresse le permis de construire, ne méconnaissait pas les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme.

Tout d’abord, il faut souligner que le Conseil d’Etat a souligné que l’autorisation d’exploiter avait été délivrée avant le permis de construire ; ce qui ne va pas de soi puisqu’aux termes de l’article R.421-12 du Code de l’urbanisme le permis de construire une installation classée peut être délivré dès l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la clôture de l’enquête publique portant sur la demande d’autorisation d’exploiter : le cas échéant, cette dernière peut donc être délivrée après le permis de construire se rapportant au même projet.

Ensuite, il convient de préciser que dans cette affaire, le permis de construire contesté, à l’instar de l’autorisation d’exploiter, avait été délivré par le Préfet de Département et non pas par le Maire.

Enfin, on rappellera que la requête aux fins de référé suspension dirigée à l’encontre de l’autorisation d’exploiter, par ailleurs, attaquée devait également être rejetée, c’est-à-dire que celle-ci n’apparaissait pas illégale au regard des moyens développés à son encontre par les requérants.

Il semble donc raisonnable de considérer que le Conseil d’Etat a écarté le moyen tiré des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme dans la mesure où, à la date de délivrance du permis de construire attaqué, l’autorité en charge de sa délivrance avait déjà régulièrement statué sur la conformité du projet au regard de la législation environnementale.

Au regard de la rédaction et de la motivation du « considérant » précité, il est donc permis de se demander si la solution retenue aurait été identique si l’autorisation d’exploiter avait été délivrée ultérieurement au permis de construire, si ce dernier avait été délivré par une autorité administrative distincte et/ou si cette autorisation avait précédemment été suspendue ou annulée.

Mais en toute hypothèse, il ressort donc de cette seconde ordonnance que la seule délivrance de l’autorisation d’exploiter doit préjuger du respect par le permis de construire des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme et, en résumé, que la prise en compte de la législation environnementale assure le respect de la législation d’urbanisme ; du moins pour ce qui intéresse le juge des référés et son office.



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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