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L’enquête publique conjointe à une déclaration d’utilité publique et à une mise en compatibilité du document d’urbanisme local ne peut avoir d’autre objet que ce qui est nécessaire à l’opération

Eu égard au caractère exceptionnel de l’enquête publique conjointe prévue par l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme, celle-ci ne peut légalement porter que sur des modifications du document d’urbanisme local nécessaires à la réalisation de l’opération objet de la déclaration d’utilité publique. A défaut, l’enquête publique est irrégulière et, par voie de conséquence, la déclaration d’utilité publique emportant approbation des nouvelles dispositions du document d’urbanisme local encourt l’annulation.

CAA. Versailles, 21 septembre 2006, Syndicat des copropriétaires de la résidence du Bel-Ebat à la Celle-Saint-Cloud, req. n°04VE01032


Bien qu’il ait un champ d’application limité et appelle peu de commentaires, l’arrêt commenté n’en mérite pas moins d’être signalé dans la mesure où il a trait au régime de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique emportant une mise en compatibilité des documents d’urbanisme locaux, lequel n’a généré que peu de jurisprudence.

On sait, en effet, qu’aux fins d’éviter que la réalisation de certains projets ne soit empêchée ou retardée soit par l’opposition des communes concernées, soit par la mise en œuvre cumulée de deux procédures distinctes, l’ancien article L.123-8 du Code de l’urbanisme et son actuel article L.123-16 prévoient que la déclaration d’utilité publique d’une opération peut emporter la mise en compatibilité des dispositions du documents d’urbanisme local lorsque celles en vigueur s’opposent à la réalisation de cette opération.

Mais à cet effet, il est impératif que l'enquête publique concernant cette opération ait porté à la fois sur l'utilité publique de cette dernière et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence.

La question se posait, toutefois, de savoir si cette enquête publique conjointe pouvait porter sur d’autres modifications du document d’urbanisme local que celles strictement nécessaires à la réalisation de l’opération objet de la procédure de déclaration d’utilité publique. C’est à cette interrogation que la Cour administrative d’appel de Versailles a apporté une réponse, en l’occurrence négative, en jugeant que :

« Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme : La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir que si : - l'enquête publique concernant cette opération, ouverte par le représentant de l'Etat dans le département, a porté à la fois sur l'utilité publique de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; La déclaration d'utilité publique emporte approbation des nouvelles dispositions du plan. (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enquête publique relative à la mise en conformité des plans locaux d'urbanisme des communes du Chesnay et de Rocquencourt, portait sur la pose d'écrans de protection phonique le long de l'autoroute A 13 sur la section comprise entre l'ouvrage de franchissement de la route départementale 307 à l'est et l'échangeur de la route nationale 186 à l'ouest ; que si elle mentionnait les emprises nécessaires à la construction en retrait de ces écrans, la réservation de telles emprises par les plans locaux d'urbanisme modifiés créant des emplacements réservés à cet effet avait pour objectif l'élargissement futur de l'autoroute ; qu'ainsi, les modifications de ces plans réservant lesdits emplacements étaient sans lien avec l'opération en cause qui ne nécessitait pas une assiette au sol aussi importante et excédaient, par voie de conséquence, les objectifs de l'enquête publique ; que, par suite, le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en estimant que l'arrêté attaqué du préfet des Yvelines ne méconnaissait pas les dispositions précitées de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme
».

En substance, la Cour administrative d’appel de Versailles a donc jugé qu’une enquête publique relative à une déclaration d’utilité publique portant « sur la pose d'écrans de protection phonique le long de l'autoroute A 13 sur la section comprise entre l'ouvrage de franchissement de la route départementale 307 à l'est et l'échangeur de la route nationale 186 à l'ouest » ne pouvait pas, au titre des modifications des documents d’urbanisme locaux concernés, intégrer « les emprises nécessaires à la construction en retrait de ces écrans, la réservation de telles emprises par les plans locaux d'urbanisme modifiés créant des emplacements réservés à cet effet avait pour objectif l'élargissement futur de l'autoroute » dès lors que « les modifications de ces plans réservant lesdits emplacements étaient sans lien avec l'opération en cause ».

Il faut ainsi souligner l’interprétation extrêmement stricte de la Cour qui a donc jugé que les travaux d’élargissement d’une autoroute « étaient sans lien » avec la pose d’écrans de protection phonique le long de cette dernière alors qu’ils n’étaient pas dénués de toute connexité avec cette opération.

Une telle solution est néanmoins logique.

Tout d’abord, elle est conforme à la lettre de l’ancien article L.123-8 et de l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme qui prévoient une enquête publique conjointe et non pas deux enquêtes publiques distinctes mais concomitantes. Il n’y a donc pas de raison à ce qu’une telle enquête intègre des travaux qui ne sont pas conjoints à l’opération objet de la déclaration d’utilité publique et aux dispositions du document d’urbanisme local à modifier pour la rendre compatible avec ce dernier.

Ensuite, elle permet d'assurer la clarté de l’enquête et la parfaite information des administrés qui pourront ainsi se concentrer sur les modifications du document d’urbanisme local nécessaires à l’opération objet de la procédure de déclaration d’utilité publique sans avoir à rechercher si d’autres modifications, sans rapport immédiat avec cette dernière, sont également prévues.

Enfin et surtout, elle assure le respect du principe constitutionnel d’autonomie des collectivités locales. Il faut, en effet, rappeler que la procédure prévue par l’ancien article L.123-8 et de l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme est conduite par le Représentant de l’Etat dans le département dont l’arrêté déclaratif d’utilité publique emporte l’approbation des nouvelles dispositions des documents d’urbanisme des communes concernées.

S’il censure l’arrêté en cause sur le terrain du vice de procédure et, plus spécifiquement, des règles relatives à l’enquête publique, l’arrêt commenté garantit ainsi que la procédure prévue par les articles précités ne soit mise en œuvre que pour assurer la mise en compatibilité de l’opération objet de la déclaration d’utilité publique et ne soit pas l’occasion d’apporter aux documents d’urbanisme locaux des modifications que cette opération n’exigerait pas.



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat à la Cour
Cabinet FRÊCHE & Associés

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