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Divisions foncières - Page 6

  • Sur la division en volume comme échappatoire à la procédure de lotissement

    Un acte de cession de droits de superficie perpétuels stipulant que chaque lot comporte la pleine propriété des volumes et que chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions n’est pas constitutif d’un lotissement lorsque la division qu’il organise entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle.

    CE. 30 novembre 2007, Ville de Strasbourg, req. n°271.897


    Voici un arrêt d’importance dont on a, d’ailleurs, du mal à saisir pourquoi il n’a pas vocation à être publié ou, à tout le moins, mentionné au recueil puisqu’il tend à valider la technique dite de la division en volume comme possible échappatoire au lotissement.

    On sait, en effet, que les contraintes générées par la procédure de lotissement avait conduit à développer des techniques spécialement mises en place pour y échapper. C’est le cas de la technique de la copropriété horizontale et de la division en volume.

    Partant du principe selon lequel l’ancien article R.315-1 comme le nouvel article L.442-1 du Code de l’urbanisme ne visent que les divisions foncières, la technique de la copropriété horizontale avec division en volume consiste, en résumé, à prévoir que le terrain restera commun à tous les copropriétaires tant dans sa propriété que dans son usage ; chacun des copropriétaires du terrain se bornant à acquérir un volume surplombant ce terrain en application l’article 552 du Code civil, lequel permet de dissocier la propriété du sous-sol, du sol et de l’espace le surplombant.

    En substance, cette technique consiste donc à vendre ou à concéder l’usage non du sol de l’unité foncière, mais l’usage du volume présent en superficie. Ce faisant, chaque copropriétaire est supposé pouvoir construire sur ce terrain indivis son bâtiment, lequel aurait ainsi pour assiette la totalité de l’unité foncière qui n’est donc pas divisée.

    Cette technique a donné lieu à d’aussi nombreux que vifs échanges entre la doctrine et les praticiens pendant plusieurs années. Mais il vrai que les premiers arrêts touchant à la validité de cette technique et censés la censurer n’étaient pas des plus explicites (CE. 2 février 1977, Crespin, JCP G., 1977, 18751 ; CE. 26 septembre 1990, Seguin, JCP. N., 1991, p.85 ; CE. 13 octobre 1993, SCI ME Promotion ; CE. 13 décembre 1993, Fernandez, JCP. N., 1994, II., p.114 ; CAA. Nantes, 31 mai 1995, SNC Les Rouges-Gorges, req. n° 93-131). Mais cette technique devait être condamnée par l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat jugea que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 26 juillet 1977 : "Constitue un lotissement, au sens du présent chapitre, toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de la propriété" ; que le terrain ayant fait l'objet du permis de construire délivré en 1989 à MM. Moncamp et Salesses, puis transféré à la SCI "Entre Deux Mers", résulte de divisions et de cessions opérées depuis le 27 septembre 1967, date d'un règlement de copropriété qui a autorisé les copropriétaires à édifier ou à céder à des tiers le droit d'édifier des bâtiments et parkings et divisé, à cette fin, le terrain en 19 lots, les propriétaires de ces lots ayant la jouissance exclusive et perpétuelle des parties privatives des immeubles à y construire ; que la SCI "Résidence des Deux Mers", titulaire du permis de construire initial délivré le 3 juin 1965 sur un tènement unique, a immédiatement appliqué le règlement de copropriété en cédant à deux autres sociétés des lots dont elle ne souhaitait pas conserver la propriété et, ce faisant, procédé à une division volontaire de la parcelle d'origine ; que cette opération, qui a conféré à chacun des trois bénéficiaires un droit exclusif de construction sur son lot, les a placés dans la situation prévue par les dispositions susrappelées du code de l'urbanisme, alors même que la propriété du sol est restée indivise entre eux ; que, par suite et contrairement à ce que soutient la VILLE DE TOULOUSE, le terrain d'assiette de l'immeuble que MM. Moncamp et Salesses, puis la SCI "Entre Deux Mers" ont été autorisés à construire en 1989 relevait bien du régime des lotissements ; que la VILLE DE TOULOUSE ne peut utilement se prévaloir de ce que les bâtiments édifiés sur les autres lots de la copropriété étaient achevés depuis le 29 septembre 1971, c'est à dire depuis plus de dix ans à la date du permis contesté, pour soutenir que l'immeuble ayant fait l'objet de ce permis ne pouvait être regardé comme faisant partie d'un lotissement » (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, REQ. N° 137.834).

    Ainsi, le véritable critère de la division foncière au sens de l’article R.315-1 du Code de l’urbanisme et donc du nouvel article L.442-1 apparaissait être celui du nombre de maître d’ouvrage : chaque fois que sur une unité foncière plusieurs maître d’ouvrage décident de construire un bâtiment, il semblait devoir y avoir division foncière, au moins en jouissance, c’est-à-dire une division emportant un transfert du « bénéfice (d’un) droit à construire » (CAA. Versailles, 8 juin 2006, Dos Santos, req. n°04VE03538 ; confirmé par le Conseil d'Etat) sur le terrain. Par la suite de nombreux autres arrêts devaient conduire à condamner cette technique :


    « Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'unité foncière appartenant initialement à M. IMBERT a, dans un premier temps, été divisée en deux parcelles A et B en vue de l'implantation de bâtiments ; que dans un délai inférieur à dix ans, le permis de construire litigieux a été délivré sur la parcelle B de 1 078 m2 à l'indivision formée par MM. THEODAS et BELCASTRO en vue de l'édification de deux maisons d'habitation séparées et bénéficiant d'accès indépendants ;
    Considérant qu'il résulte de l'attestation notariale versée au dossier que la parcelle en cause a été placée sous le régime de la copropriété et divisée en deux lots ; que M. et Mme REQUENA soutiennent sans être contredits que chacun des deux copropriétaires dispose d'un droit de jouissance exclusif sur la partie du terrain correspondant à son lot de copropriété qui constitue avec la maison individuelle à construire, la partie privative de la copropriété ; que par suite, et même si le sol doit rester une propriété indivise correspondant aux parties communes de la copropriété, l'établissement de ce régime de copropriété réalise ainsi une division en jouissance de ladite parcelle ; que cette opération effectuée en vue de l'implantation de bâtiments qui a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de l'unité foncière initiale a constitué un lotissement relevant des dispositions de l'article R.351-1 précité ; qu'en conséquence faute de délivrance préalable de l'autorisation de lotir exigée par les dispositions de l'article R.351-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire litigieux ne pouvait être régulièrement accordé » (CAA. lyon, 21 mars 1997, M. Theodas, Req. n° 94LY01852)
    ;



    « Considérant que le permis délivré le 26 septembre 1996 par le maire de VILLENEUVE-LOUBET autorisait la société SOPRAF à édifier 7 maisons individuelles sur un même terrain ; que cependant il ressort des pièces du dossier que par une convention de construction passée le 26 novembre 1996 avec 7 autres propriétaires, la société PHENICIA, ayant acquis ledit terrain, postérieurement à la délivrance du permis, s'est engagée à "obtenir le permis de construire ..., transférer le permis de construire au profit des coindivisaires", tandis que les "futurs acquéreurs achèteront les lots de copropriété, procéderont eux-mêmes à la construction des maisons qui y sont prévues", et obtiendront "le transfert du permis de construire à leur nom" ; que par acte du même jour, la société a vendu les droits à construire des bâtiments autorisés par le permis à 7 copropriétaires dont chacun s'est vu attribuer un certain nombre de millièmes du terrain lequel reste cependant, selon l'état descriptif de division établi à la même date, "commun en toutes ses parties y compris celles sur lesquelles sont édifiées les constructions", les seules parties privatives étant constituées par les aménagements que comporte la maison individuelle prévue sur le lot ; que ces divers actes établissent que l'opération de construction projetée consistait en l'édification de 7 villas par 7 propriétaires différents ; que la construction par chaque coindivisaire sur un même terrain d'une villa destinée à devenir sa propriété exclusive et particulière emportant nécessairement la subdivision en jouissance dudit terrain, alors même que la propriété du sol est restée indivise, constitue une opération de lotissement au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi la société SOPRAF ne pouvait solliciter le permis critiqué sans demander préalablement l'autorisation de lotir prévue par l'article R. 315-3 du code de l'urbanisme ; que par suite, ledit permis est entaché d'irrégularité » (CAA. Marseille., 3 JUIN 1999, SOFRAP & Cne de Villeneuve-Loubet, Req. n° 97MA05313) ;


    « Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier et, notamment du règlement de copropriété établi le 30 septembre 1997 devant notaire et enregistré le 30 octobre 1997 à la conservation des hypothèques d'Antibes 2ème bureau, postérieurement à la date de délivrance du permis de construire, que le terrain d'assiette a été placé sous le régime de la copropriété et divisé en quatre lots à usage de villas et de garage, et que chacun des copropriétaires dispose d'un droit de jouissance exclusif sur la partie du terrain correspondant à son lot de copropriété, le sol reste toutefois commun en toutes ses parties, y compris celles sur lesquelles sont édifiées les constructions ; que, si cette opération, irrégulière au regard de l'article R.315-1 du code de l'urbanisme qui dispose que constitue un lotissement au sens du présent chapitre, toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété, elle n'est pas pour autant révélatrice de manoeuvres frauduleuses dont se serait rendu coupable M. X et de nature à induire en erreur l'administration, laquelle ne pouvait, à l'issue de l'instruction, ignorer la nature du projet » (CAA. MARSEILLE., 9 décembre 2004, M. Patrick X, REQ. N° 00MA02340).



    Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux paru remettre en cause cette tendance jurisprudentielle en soulignant que « la privatisation de l’emprise au sol des habitations ne constitue pas en elle-même une opération de division de ce sol ». Il reste, outre la circonstance qu’il s’agissait dans cette affaire d’un bâtiment unique (destiné à accueillir deux habitations), la Cour avait précédemment souligné qu’il n’était pas « établi que chacune des habitations soit destinée à devenir la propriété exclusive et particulière de chaque occupant » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, req. n° 97BX02195).

    Venons-en maintenant à l’affaire objet de l’arrêt commenté et dans laquelle les deux permis de construire attaqués portaient sur deux immeubles distincts et avaient été délivrés à un bénéficiaire n’étant pas propriétaire de l’unité foncière sur laquelle ces permis portaient, laquelle provenait d’une première division non constitutive d’un lotissement mais ayant moins de dix ans d’ancienneté.

    En première instance, le Tribunal administratif de Strasbourg devait ainsi considérer que la cession à un acquéreur unique de deux droits de superficie perpétuels consistant en deux volumes n’emportait aucune division en jouissance exclusive ou en pleine propriété de la parcelle concernée (TA. Strasbourg, 25 janvier 2000, M. et Mme Maleriat-Bihler c/ Ville de Strasbourg & SCI CK, req. n° 98-769).

    Mais ce jugement devait être annulé et réformé par la Cour administrative d’appel de Nancy qui pour sa part jugea que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette des constructions projetées par la SCI CK était initialement constitué d'une seule parcelle cadastrée n°1234 appartenant à la société d'économie mixte de la région de Strasbourg (SERS) ; qu'en 1992, une parcelle 1/79 en a été détachée pour être cédée à la SCI Paul Claudel ; que, par un acte de vente du 11 juin 1997, la SERS a cédé à la SCI CK sur la parcelle restante n°1275 deux droits de superficie perpétuels consistant en deux volumes , entre la cote - 20 m et la cote + 40 m, correspondant aux lots de superficie II et III, sur lesquels le maire de Strasbourg a autorisé l'édification de deux bâtiments B et C par deux permis de construire en date du 18 novembre 1997 et du 19 janvier 1998 ;
    Considérant que M. et Mme Y font valoir que le cahier des servitudes et des charges en date du 11 juin 1997, auquel se réfère l'acte de vente du même jour, fixe l'utilisation des droits de superficie, et stipule que chaque lot comporte la pleine propriété des volumes impliquant le droit de réaliser à l'intérieur toutes constructions devant devenir la propriété du propriétaire du volume après leur réalisation, et que chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions ; que, dans ces conditions, l'acte de vente a pour objet, non pas de procéder à la division en volumes de la propriété de la SERS, mais à une division en lots destinés à être construits ; que, par suite, elle aboutit à une division foncière au sens de l'article R. 315-9 du code de l'urbanisme, entraînant l'application du régime du lotissement, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que des servitudes croisées sur les lots ainsi cédés ont été établies et qu'une association syndicale gérera l'ensemble des lots ;
    Considérant, en conséquence, que les divisions foncières auxquelles il a été procédé ayant eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de la propriété initiale, les permis de construire contestés auraient dû être précédés d'une autorisation de lotir, et sont, dès lors, entachés d'irrégularité » (CAA. NANCY, M. & MME MALERIAT-BIHLER, REQ. N° 00NC00512).


    Il reste, donc, que saisi d’un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt précité, le Conseil d’Etat devait considéré que le « montage » en cause n’était pas constitutif d’un lotissement et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la VILLE DE STRASBOURG a délivré à la société civile immobilière C+K, les 18 novembre 1997 et 19 janvier 1998, deux permis de construire autorisant la construction de deux immeubles sur une parcelle sur laquelle deux droits de superficie perpétuels avaient été cédés à cette société civile immobilière par la société d'économie mixte de la région de Strasbourg ; que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, par deux jugements du 25 janvier 2000, les requêtes par lesquelles M. et Mme A demandaient l'annulation de ces permis de construire ; que la cour administrative d'appel de Nancy, a, par un arrêt du 24 juin 2004, annulé les jugements et les permis attaqués ; que la VILLE DE STRASBOURG se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
    Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
    Considérant qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété ( ) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'édification sur une parcelle de plusieurs constructions ne peut être regardée comme constitutive d'un lotissement que si la parcelle servant d'assiette aux constructions a été divisée en jouissance ou en propriété ;
    Considérant que, par suite, en jugeant, pour annuler les jugements du tribunal administratif de Strasbourg du 25 janvier 2000 et les permis litigieux, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et notamment des clauses de l'acte de vente aux termes desquelles chaque lot comporte la pleine propriété des volumes et chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions, que l'acte de vente avait pour objet de procéder à une division en lots, alors que la division de ces lots entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ; que son arrêt doit être annulé pour ce motif
    ».


    Force est ainsi d’admettre que la solution ici retenue est fort éloignée de celle de la jurisprudence précitée dite « Ville de Toulouse » et, surtout, des conclusions rendues par le Commissaire du gouvernement dans cette affaire, lequel avait précisé :

    « L’article R.315-1 (…) précise que les démembrements à prendre en compte sont toutes les division en jouissance résultant de mutation à titre gratuit ou onéreux, de partages ou de locations. Cette définition large a donc pour conséquence de condamner la pratique de la copropriété horizontale, comme l’étaient auparavant les divisions en jouissance sous le régime issu du décret de 1954. Et l’on ne peut échapper à la réglementation des lotissements lorsque, sur un terrain unique appartenant à une indivision, on envisage plus de deux constructions à réaliser au profit de maîtres d’ouvrages différents, dès lors que les maisons à édifier sont destinées à devenir la propriété exclusive de chacun des membres de l’indivision ».

    Néanmoins, il n’est pas si certain que cet arrêt consacre effectivement et en toute hypothèse, la technique de la division en volume comme permettant d’échapper au lotissement dans la mesure où, les deux volumes en cause, d’une part, avaient été cédés à un seul et même bénéficiaire, titulaire des deux permis de construire contestés et, d’autre part, semblaient recouvrir l’intégralité de l’unité foncière sur laquelle ces permis portaient.

    Aussi, en jugeant que « la division de ces lots entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle » et, par voie de conséquence, n’emporte pas la création d’un lotissement, le Conseil d’Etat ne nous semble pas avoir retenue une solution très éloigné de celle par laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que « la privatisation de l’emprise au sol des habitations ne constitue pas en elle-même une opération de division de ce sol » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, req. n° 97BX02195).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la régularisation des lotissements de fait par l’entrée en vigueur de dispositions d’urbanisme plus permissives

    Une autorisation de travaux ne peut être légalement délivrée pour une construction à édifier sur un terrain compris dans un lotissement non autorisé, à moins que ce lotissement n'ait fait l'objet d'une régularisation ultérieure, sous l'empire des dispositions législatives ou réglementaires intervenues postérieurement. Mais dans l'hypothèse où les textes postérieurs retiennent une définition plus restrictive du lotissement, celle-ci ne saurait rétroactivement régulariser les opérations de divisions ayant constitué un lotissement de fait non autorisé. En revanche, dès lors que le lotissement de fait n'entre plus, à la date à laquelle l'autorisation de travaux contestée a été délivrée, dans le champ d'application des dispositions relatives aux opérations de lotissement soumises à autorisation, des travaux de constructions sur une parcelle incluse dans le périmètre d'un tel lotissement peuvent légalement y être autorisés, sans qu’il n’y ait plus lieu à régularisation.

    CE. 18 juin 2007, Association syndicale libre des propriétaires du lotissement Te Maru Ata, req. n°289.336

    Voici un arrêt intéressant à quelques jours de l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2007, du nouveau régime des autorisations d’urbanisme, issu principalement de l’ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 5 janvier 2007 (NB : le dispositif a encore été complété par un décret et un arrêté édictés le 11 septembre dernier…), dont l’un des aspects importants est la modification de la définition et du régime juridique des lotissements.

    Dans cette affaire, relevant du Code de l’aménagement de la Polynésie Française, un lotissement de trois terrains avait été constitué sans autorisation et ce, en violation des dispositions alors applicables de l'article D. 141-1 et D.114-12 dudit, lesquels disposaient respectivement que, d’une part, « constituent un lotissement l'opération et le résultat de l'opération ayant pour objet ou ayant eu pour effet la division volontaire d'une ou plusieurs propriétés foncières par ventes ou locations simultanées ou successives consenties en vue de l'habitation » et que, d’autre part, « toute partition de terrain en plus de trois parties est un lotissement ».

    Ultérieurement, l’acquéreurs d’un des lots irrégulièrement constitués devait solliciter une autorisation de travaux aux fins de modifier et d’aménager une maison précédemment implantée sur ce lot.

    A priori, cette demande d’autorisation de travaux était vouée au rejet puisque l’on sait qu’une autorisation de construire ne peut être régulièrement délivrée dans un lotissement de fait (CE. 9 avril 1986, Ministère de l’urbanisme, req. n°59.677) et qu’à défaut de régularisation préalable de ce lotissement, l’administration est tenue de déclarer inconstructibles les terrains le constituant (CE.30 avril 1982, Sarrat, REDI, 1984, p.54) ; la Cour administrative d’appel de Marseille ayant récemment jugé que ce principe était opposable au demande d’autorisation relative à la finition et l’extension de bâtiment préexistant (CAA. Marseille, 18 mai 2006, Cne de Nice, req. n°02MA02119. Voir notre note du 7 août 2006).

    Il reste que si à la date des divisions litigieuses, ces dernières étaient effectivement constitutives d’un lotissement au regard de l’article D.114-2 du Code de l’aménagement de la Polynésie Française, la demande d’autorisation de travaux en cause avait été présentée après que ce dernier eu été modifiée par une délibération du 26 septembre 2002 prévoyant qu'un lotissement s'entendait de « toute partition de terrain en plus de cinq parties sur une période de moins de 10 ans ».

    Au regard des ces nouvelles dispositions, les divisions litigieuses en ce qu’elles n’avaient abouti à la constitution que de trois terrains n’étaient alors plus constitutives d’un lotissement soumis à autorisation. C’est pourquoi, confirmant l’analyse faite par la Cour administrative d’appel de Paris, laquelle avait annulé le jugement du Tribunal administratif de Polynésie Française, le Conseil d’Etat devait juger que :

    « Considérant qu'une autorisation de travaux ne peut être légalement délivrée pour une construction à édifier sur un terrain compris dans un lotissement non autorisé, à moins que ce lotissement n'ait fait l'objet d'une régularisation ultérieure, sous l'empire des dispositions législatives ou réglementaires intervenues postérieurement ; que, dans l'hypothèse où les textes postérieurs retiennent une définition plus restrictive du lotissement, celle-ci ne saurait rétroactivement régulariser les opérations de divisions ayant constitué un lotissement de fait non autorisé ; qu'en revanche, dès lors que le lotissement de fait n'entre plus, à la date à laquelle l'autorisation de travaux contestée a été délivrée, dans le champ d'application des dispositions relatives aux opérations de lotissement soumises à autorisation, des travaux de constructions sur une parcelle incluse dans le périmètre d'un tel lotissement peuvent légalement y être autorisés ;
    Considérant que, pour rejeter l'argumentation présentée en défense par l'ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DES PROPRIETAIRES DU LOTISSEMENT TE MARU ATA, la cour a relevé, comme le tribunal, que le lotissement dans lequel la parcelle de M. A était incluse, consistant en plus de trois parcelles, n'avait jamais été autorisé, ce qui n'est au demeurant contesté par aucune des parties ; qu'elle a également jugé que, compte tenu de l'évolution sus-rappelée des dispositions du code de l'aménagement de la Polynésie française, ce lotissement, consistant en moins de cinq parcelles, n'entrait plus dans le champ d'application des règles applicables aux lotissements de fait et qu'il ne « constituait plus un lotissement non autorisé pour lequel une régularisation par obtention d'un permis de lotir serait demeurée nécessaire afin que puissent être régulièrement autorisés des travaux de construction sur la parcelle provenant de la division » ; qu'en jugeant ainsi, pour les motifs qui viennent d'être indiqués, elle n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de droit
    ».

    La Haute Cour a donc considéré que dès lors que les divisions litigieuses ne constituaient plus un lotissement soumis à autorisation à la date de la demande d’autorisation de modification et d’aménagement de la maison implantée dans celui-ci, la délivrance de cette dernière n’impliquait plus la régularisation préalable de ces divisions, quand bien même avaient-elle été constitutives d’un lotissement à la date de leur réalisation. Et pour cause puisque dès lors qu’une autorisation de régularisation a vocation a être délivrée selon les règles de procédure et de fond alors applicables, et non pas en considération de celles en vigueur à la date des faits litigieux, on voit mal par quelle autorisation aurait-il été possible de régulariser un lotissement de trois terrains sous l’empire d’un dispositif dans lequel seules les partition de terrains en cinq parties sont constitutives d’un lotissement assujetti à autorisation préalable.

    Il faut, toutefois, préciser que la régularisation du lotissement en cause par l’entrée en vigueur d’un dispositif plus permissif, car retenant une définition moins restrictive du lotissement, ne vaut que pour ce qui concerne la possibilité d’y construire ultérieurement et, en d’autres termes, l’inopposabilité de l’irrégularité initial de ce lotissement aux autorisations de travaux ultérieures s’y rapportant. En revanche, dans la mesure où elle ne saurait avoir d’effet rétroactif, elle n’ôte rien au fait que les divisions réalisées l’ont été sans autorisation et, par voie de conséquence, ont été constitutives d’une infraction que l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif ne saurait faire rétroactivement disparaître : ces divisions restent donc répréhensibles au regard du droit pénal.

    Mais il faut, surtout, souligner que la solution retenue par le Conseil d’Etat dans l’affaire objet de l’arrêt commenté ne vaut que dans le cas de l’entrée en vigueur de dispositions ultérieures plus permissives et non pas, bien entendu, dans le cas d’un dispositif retenant une définition plus restrictive du lotissement.

    Il s’ensuit que l’entrée en vigueur du nouveau dispositif issu de la réforme des autorisations d’urbanisme opérée par l’ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 5 janvier 2007 ne saurait régulariser des lotissements de fait antérieurement constitués puisque s’il assouplit, à de rares égards, le régime juridique applicable aux lotissement, et notamment les possibilités d’y délivrer une autorisation de construire avant l’achèvement complet des travaux d’équipement de celui-ci, il retient en revanche une définition plus restrictive du lotissement.

    En effet, là où il résultait de l’ancien article L.315-1 du Code de l’urbanisme qu’un lotissement impliquait la constitution de plus de deux lots destinés à l’implantation de bâtiments, nombre déterminé en tenant compte des exclusions prévues par l’ancien article R.315-1, il ressort des nouveaux articles L.442-1 et L.442-2 du Code de l’urbanisme, dont on précisera qu’ils disposent respectivement que :

    « constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments » ;

    et :

    « un décret en Conseil d'Etat précise, en fonction du nombre de terrains issus de la division, de la création de voies et d'équipements communs et de la localisation de l'opération, les cas dans lesquels la réalisation d'un lotissement doit être précédée d'un permis d'aménager ».

    que la constitution d’un seul et unique lot à construire emporte, sous réserve des exclusions prévues par les nouveaux articles R.442-1 et R.442-2 du Code de l’urbanisme, la création d’un lotissement ; ce que confirment les nouveaux articles R.421-19 (a) et R.421-23 (a) dont il résulte que la considération liée au nombre de lots à construire n’a plus d’incidences que pour la détermination de l’autorisation – permis d’aménager ou non-opposition à déclaration d’aménagement – à obtenir à cet effet.

    Il s’ensuit que l’entrée en vigueur des nouveaux articles L.442-1 et L.442-2 du Code de l’urbanisme ne pourront pas avoir pour effet de régulariser les lotissements précédemment créés sans l’autorisation de lotir alors requise ; la circonstance que cette autorisation ait vocation à disparaître de l’ordonnancement juridique à compter du 1er octobre 2007 n’ayant évidemment aucune incidence à cet égard.

    Mais précisément, dès lors qu’à compter de cette échéance il ne sera plus possible d’obtenir une autorisation de lotir et qu’en toute hypothèse, la nature de l’autorisation de régularisation à obtenir doit être déterminée en considération du régime applicable à cette date et non au regard de celui en vigueur à la date des faits litigieux, le nouveau dispositif pourra, dans certains cas, avoir pour effet d’assouplir les conditions dans lesquelles la régularisation d’un lotissement non autorisé pourra intervenir.

    En effet et à titre d’exemple, un lotissement de trois lots destinés à l’implantation de bâtiments constitué avant, le 1er octobre 2007, sans l’autorisation de lotir alors requise pourra être régularisé, s’il n’implique aucun travaux d’équipement et s’il n’est pas sis dans un site classé ou un secteur sauvegardé (art. R.421-19 (a) & R.421-23 (a) ; C.urb), par une simple déclaration d’aménagement.

    Mais pour conclure, on précisera qu’a contrario, la nouvelle définition du lotissement issue de l’article L.442 du Code de l’urbanisme ne saurait avoir pour effet de rendre irrégulière au regard de cette définition des divisions foncières qui, à la date de leur réalisation, n’étaient pas constitutives d’un lotissement. En effet, si l’irrégularité d’une division foncière constitutive d’un lotissement est le plus souvent sanctionnée au stade des permis de construire sollicités et/ou délivrés dans ce dernier, il reste que la régularité d’une telle division s’apprécie à la date où elle est réalisée.

    Il s’ensuit qu’un permis de construire délivré, après le 1er octobre 2007, sur un terrain issu de la partition en deux parties d’une unité foncière réalisée avant cette échéance sera légal, sans qu’il y est lieu à une quelconque régularisation préalable puisque si, à compter de cette date, une telle division sera constitutive d’un lotissement soumis à déclaration d’aménagement, il reste qu’avant cette échéance, la division d’une unité foncière en deux terrains n’est pas constitutive d’un lotissement et n’implique donc pas l’obtention d’une autorisation de lotir ; étant rappelé que si une telle division exige, en revanche, l’envoi d’un plan de division à la mairie de la commune concernée en application de l’ancien article R.315-54 du Code de l’urbanisme, il a été jugé, à propos du certificat prévu par cet article dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU », que l’inaccomplissement de cette formalité n’avait aucune incidence sur la légalité du permis de construire portant sur le terrain issu de cette division (CE. 26 avril 1993, Epx Beaucourt, Rec., p.1089).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le coefficient d’occupation au sol d’une construction doit être établi au regard de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière sur laquelle elle est projetée tant que cette dernière n’a pas été effectivement divisée

    Dans la mesure où, d’une part, la norme d’urbanisme s’applique à l’échelle de l’unité foncière et où, d’autre part, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, le respect des prescriptions relatives au coefficient d’occupation au sol des constructions doit être apprécié en considération de la superficie de l’ensemble de l’unité foncière tant qu’elle n’a pas été divisée, y compris si à la date de délivrance du permis de construire, il est établi qu’elle a vocation à faire l’objet d’une division en propriété.

    CAA. Versailles, 29 mars 2007, ADEJJ, req. n°06VE01147


    Dans cette affaire, la commune de Chily-Mazarin était propriétaire d’un terrain relevant de son domaine public, d’une superficie de 2.973 mètres carrés, qu’elle devait décider de scinder en deux « volumes » aux fins d’en déclasser un pour le vendre à un tiers. La commune créa ainsi un premier « volume » de 1.760 mètres carrés et un second de 1.213 mètres carrés qu’elle déclassa puis de vendit à la société Pax Progrès Pallas sous condition suspensive, notamment, de l’obtention un permis de construire que cette dernière obtint sur ce second volume.

    Mais ce permis de construire devait être contesté au regard des prescriptions de l’article 14 du POS communal – fixant en l’occurrence le COS à 1,20 – dans la mesure où celui-ci autorisait la construction d’un immeuble d’une SHON de 2.417 mètres carrés, puisque selon l’association requérante et à s’en tenir à la superficie du « volume » sur lequel, d’une part, le pétitionnaire disposait d’un titre habilitant à construire et, d’autre part, portait ce permis de construire, la SHON constructible s’y limitait à 1.455 mètres carrés.

    On sait, en effet, que par principe la densité d’une construction s’apprécie en considération de la superficie de l’unité foncière sur laquelle porte le permis de construire (sur ce principe : CE. 22 juin 1984, Comité de défense de la zone d’habitations individuelles de Neully-Plaisance, req. n°38.939), ce qui exclut, a contrario, de prendre en compte la superficie de l’unité foncière initiale dont a été détaché le terrain à construire :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-22-2° du code de l'urbanisme : "Le coefficient d'occupation des sols s'applique à la superficie du terrain qui fait l'objet de la demande d'autorisation de construire (...)" ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée pour la société Pyrénées Hôtels avait pour objet la construction d'une résidence hôtelière d'une superficie hors oeuvre nette de 2 758 m2 sur des parcelles d'une superficie de 3 968 m2 situées dans la zone UT du plan d'occupation des sols de Saint-Lary-Soulan où le coefficient d'occupation des sols applicable est de 1 ; que si les parcelles objet du permis proviennent de la division d'un ensemble foncier de 20 605 m2 acquis par la commune pour y aménager un complexe thermal, le coefficient d'occupation des sols s'applique à la surface des parcelles détachées qui ont fait l'objet de la demande d'autorisation de construire, et non à celle de l'unité foncière initiale ; qu'en conséquence, le projet de la société Pyrénées Hôtels excède les possibilités de construction afférentes auxdites parcelles ; que, par suite, la commune de SAINT-LARY-SOULAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du maire de Saint-Lary-Soulan en date du 11 juin 1987 qui a fait droit à la demande de la société » (CE. 12 mai 1993, Cne de Saint-Lary , req. n°99.611).


    Il reste que cette solution n’était pas totalement transposable au cas présent dans la mesure où, dans cette affaire, la division du terrain avait d’ores et déjà été réalisée à la date de délivrance du permis de construire en cause cependant que, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la division du terrain à construire pour être programmée à la date de délivrance du permis de construire contestée n’en était pas pour autant réalisée puisque l’ensemble des conditions suspensives à la vente du terrain n’avait pas été levé.

    Précisément, l’une des principales difficultés d’application des règles d’urbanisme aux opérations impliquant une division foncière tient à ce que non seulement la norme d’urbanisme s’applique à l’échelle de l’unité foncière, c’est-à-dire au terrain composé de plusieurs parcelles contiguës appartenant à un même propriétaire ou une même indivision, mais qu’en outre, la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à sa date de délivrance.

    Or, ces principes peuvent conduire à certaines situations « incohérentes » au regard des objectifs poursuivis par le droit de l’urbanisme, ce qui explique que la jurisprudence a pu hésiter sur les modalités d’application de la norme d’urbanisme aux opérations de construction impliquant une division foncière et, notamment, à celles relevant d’un permis de construire valant division.

    A sa date de délivrance, en effet, un permis de construire valant division portant sur une seule et même unité foncière autorise, à terme, la réalisation de divisions foncières pouvant consister en des divisions en propriété. A la date de délivrance du permis de construire, le projet porte donc sur une seule unité foncière mais l’on sait qu’à terme, chaque construction sera implantée sur une unité foncière distincte.

    Suivant le principe selon lequel la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance, celle-ci devrait donc être appréciée, à titre d’exemple, au regard de l’article 8 du règlement local d’urbanisme relatif à l’implantation des constructions sur une même propriété. Or, il se peut que le projet ne soit pas conforme à l’article 7 relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives alors que celui-ci n’est pas applicable pour ce qui concerne l’implantation des constructions projetées par rapport aux limites des unités foncières qui seront constituées par la réalisation du projet. A sa date de délivrance, le permis de construire est donc parfaitement légal bien qu’il autorise un projet qui dès son exécution aboutira à l’implantation de bâtiments qui seront irréguliers au regard de l’article 7 du règlement local d’urbanisme.

    D’ailleurs, c’est principalement l’application des règles relatives à la surface minimale des terrains constructibles, telles qu’elles ont vocation à être définies par l’article 5 du règlement local d’urbanisme, lesquelles ne sont pas si éloignées de celles relatives à la densité des constructions fixées par son article 14, qui illustre le mieux les hésitations de la jurisprudence rendue en la matière sur le point de savoir si ces règles devaient être appliquées à l’échelle du terrain d’assiette de l’opération où à l’échelon de chaque lots à constituer (TA. Versailles, 26 septembre 1986, Abihssara, req. n° 85-2619 ; CAA. Paris, 28 septembre 1993, SCI Le Domaine de Roissy, req. n° 93PA00247 ; CAA. Paris 31 mars 1994, Cne de Mareil-sur-Mauldre, req. n° 93PA00452 ; CAA Paris, 17 janv. 2002, req. n° 99PA02662, EURL MODAP ; CE. 13 mai 1988, Comité de défense des sites de la Turbie, req. n° 72.100).

    En l’espèce, toute la question était donc de savoir s’il convenait d’apprécier la régularité du projet à la seule date de délivrance du permis de construire contesté pour ainsi prendre en compte l’ensemble de la superficie de l’unité foncière ou de tenir compte de sa division future pour ainsi ne considérer que la superficie du « volume » sur lequel le pétitionnaire disposait d’un titre habilitant à construire. Et c’est la première solution qu’a retenue la Cour administrative de Versailles en jugeant que :

    « Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Chilly-Mazarin a, dans un premier temps, divisé la parcelle AK 348 faisant partie de son domaine public, en deux volumes, le premier correspondant à une superficie au sol de 1 760 m2 et comprenant cette surface ainsi que l'espace situé au-dessus, le deuxième correspondant à une superficie au sol de 1 213 m2 et comprenant l'espace situé au-dessus de cette surface ainsi que le tréfonds de la totalité de la parcelle ; que, par deux délibérations en date du 12 mai 2003, la commune a déclassé le volume 2, a décidé de vendre ce dernier à la société Pax Progrès Pallas pour la somme de 925 000 , de céder à celle-ci les droits de construire nécessaires à la réalisation de l'opération et d'autoriser le maire à signer avec la société une promesse de vente puis à passer avec elle un acte de vente après la réalisation de différentes conditions suspensives dont, en particulier, l'octroi d'un permis de construire ; qu'il ressort clairement des stipulations de la promesse de vente passée entre la commune et la société le 8 juillet 2003, prorogée en dernier lieu jusqu'à la date du 31 mars 2005, que le transfert de propriété prévu par cet acte ne pouvait prendre effet que sous réserve de la réalisation de plusieurs conditions suspensives, parmi lesquelles l'octroi du permis de construire ; qu'il s'en déduit qu'à la date de délivrance du permis de construire litigieux, la division du terrain en propriété et en jouissance n'était pas intervenue ; que, par suite, la commune pouvait répartir librement entre la superficie correspondant au volume 2 et celle correspondant au volume 1 la surface hors oeuvre nette (SHON) résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols à la superficie totale de la parcelle AK 348 ; que, compte tenu du coefficient d'occupation des sols de 1,20 applicable en l'espèce ainsi qu'il vient d'être dit, de la superficie de 2 973 m2 de la parcelle et de l'existence sur la partie de la parcelle correspondant au volume 1 d'un bâtiment conservé d'une SHON de 429 m2, la SHON maximum constructible était de 3 168,60 m2 ; que, dès lors, le moyen tiré par l'ADEJJ de ce que le permis de construire litigieux, en autorisant la société Pax Progrès Pallas à réaliser un immeuble de 2 417 m2 de SHON sur la superficie correspondant au volume 2, excède la SHON maximum constructible doit être écarté ».

    En cela, l’arrêt commenté va donc dans le sens, à l’égard d’une opération ne constituant pas un lotissement et ne relevant pas d’un permis de construire valant division, du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 en ce qu’il a inséré au Code de l’urbanisme et, plus précisément, au sein de ces dispositions intéressant le règlement de PLU, un nouvel article R.123-10-1 précisant que : « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ».

    Il n’en demeure pas moins que de par la réalisation de la division en propriété du terrain sur lequel portait le permis de construire contesté, d’une part, l’immeuble édifié en exécution de ce dernier s’en trouvera en « surdensité » et donc non conforme aux prescriptions de l’article 14 du POS communal et que, d’autre part, nonobstant l’abrogation de l’ancien article L.111-5 par la loi dite « SRU », les droits à construire sur le « volume » conservé par la commune de Chily-Mazarin s’en trouveront considérablement réduits – par la consommation d’une part des droits y étant attachés par le permis de construire en cause – du moins au regard de la récente jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 28 décembre 2006, Cne d’Orgerus, Construction & Urbanisme n°3/2007) pour qui cette seule abrogation ne semble pas de nature à justifier l’abandon de la jurisprudence dite « Campero » (CE. 23 octobre 1987, Campero, req. n°63.007).

    Mais pour conclure, une observation spécifique mérite d’être formulée dès lors que, dans l’arrêt commenté, la Cour administrative d’appel de Versailles a souligné qu’à « la date de délivrance du permis de construire litigieux, la division du terrain en propriété et en jouissance n'était pas intervenue », ce qui induit que la solution aurait pu être différente si malgré l’absence de division en propriété de l’unité foncière en cause, celle-ci avait néanmoins fait l’objet d’une division en jouissance alors que dans la mesure où une telle division n’emporte pas la constitution de plusieurs unités foncières, elle n’est, en toute hypothèse, pas susceptible d’avoir une incidence sur les modalités d’application classiques de la normes d’urbanisme, y compris lorsqu’elle intervient au titre d’un permis de construire valant division (pour un exemple récent : CAA. Lyon, 8 juin 2006, M.X & autres, req. n°02LY01598).

    Mais surtout, si à la date de délivrance du permis de construire contesté la vente du « volume » à construire n’avait pas été réalisée et si, par voie de conséquence, la division en propriété de l’unité foncière en cause n’avait pas été encore opérée, il n’en demeure pas moins que le pétitionnaire tirait sont titre habilitant à construire d’une promesse de vente préalable ayant ainsi procédé à son profit à un « transfert des droits à construire » de la Ville sur son terrain, ce qui, selon un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA. Versailles, 8 juin 2006, M… X., AJDA, n°31/2006), semblait constituer le critère déterminant de la notion de division en jouissance (sur la division en volume, voir ici)…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabient FRÊCHE & Associés