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  • Le Conseil de la concurrence se prononce en faveur d'une réforme en profondeur des lois Royer / Raffarin sur l'équipement commercial

    Avis du Conseil de la concurrence.pdf 

    COMMUNIQUE DE PRESSE: 

    La Commission européenne a adressé en décembre 2006 à la France un avis motivé dans lequel elle met en cause la législation relative à l'équipement commercial, considérant que certains de ses aspects sont contraires au principe de liberté d'établissement et de prestation de services ainsi qu'à la directive relative aux services. Dans ce contexte, la Commission de modernisation de l'équipement commercial, présidée par M. Renaud Dutreil, a fait au printemps une liste de propositions de réformes et le gouvernement a souhaité que le Conseil analyse ces propositions au vu d'un bilan concurrentiel plus général de la réglementation actuelle.

    Le Conseil de la concurrence rend aujourd'hui son avis au gouvernement et le publie sur son site internet : il considère que les propositions de la commission Dutreil ne font qu'aménager un régime qu'il faut remettre en cause beaucoup plus profondément, compte tenu du bilan concurrentiel négatif que l'on peut dresser de la législation en cause (avis 07-A-12 du 11 octobre 2007, relatif à la législation relative à l'équipement commercial).

    Le Conseil préconise d'abandonner le système actuel qui soumet à une autorisation de nature économique les projets d'ouverture ou d'extension des surfaces commerciales : les distorsions de concurrence dont il est la source sont en effet trop importantes pour pouvoir subsister

    Les lois Royer et Raffarin ont créé et renforcé des barrières à l'entrée sur les marchés de la distribution, protégeant de la concurrence les opérateurs en place. Selon l'OCDE, la France est le pays dans lequel les barrières réglementaires à l'entrée dans le commerce de détail sont les plus fortes. Cette atteinte à la libre entrée sur le marché a favorisé la concentration du secteur et contribué à renforcer la position des distributeurs dans leurs relations avec les fournisseurs. Les quatre premiers groupes de distribution totalisent 66% de parts de marché et deux centrales d'achat approvisionnent 52,1 % de la surface totale de vente des hypermarchés. Cette situation a favorisé des hausses de prix défavorables au consommateur. Elle pénalise aussi l'emploi, compte tenu du rôle important joué par le secteur dans la création d'emplois. Selon une étude , un accroissement du taux des surfaces autorisées de 1 % conduit, de façon significative, à une augmentation de l'emploi du secteur de 0,1 %, ce qui veut dire que l'ouverture des grandes surfaces crée plus d'emplois qu'elle n'en détruit.

    La suppression d'une telle autorisation permettrait à elle seule d'animer la concurrence.

    Ces effets négatifs doivent être mis en regard du succès mitigé de cette réglementation au regard de l'objectif de maintien d'un équilibre entre les différentes formes de commerce.

    L'ouverture plus large à la concurrence du secteur devrait être accompagnée de mesures propres à renforcer le contrôle des risques liés à la constitution de positions dominantes locales

    Les seuils actuels de contrôle des concentrations sont peu adaptés aux enjeux de concurrence sur des zones de chalandise de dimension restreinte et pourraient être abaissés pour tenir compte de cette spécificité de la distribution et des intérêts des consommateurs.

    Par ailleurs, la mise en œuvre par le Conseil de la concurrence de remèdes structurels adaptés, par exemple l'obligation de céder des magasins, permettrait de remettre en cause les positions dominantes acquises lorsque les seuls remèdes comportementaux se révèlent inefficaces pour contrer les abus que rendent possibles ces positions dominantes.

    Compte tenu des fortes externalités générées par l'ouverture d'une grande surface, une régulation reste nécessaire pour poursuivre un certain nombre d'objectifs, tels que le maintien du petit commerce de proximité, la protection de l'environnement, la qualité de l'urbanisme ou l'aménagement du territoire

    Cependant, la protection du petit commerce serait plus efficacement assurée par la mise en place d'un système de transferts incitatif visant à encourager l'installation et le maintien de petits commerçants que par une régulation quantitative de la surface de vente. Par ailleurs, les questions d'urbanisme, d'environnement et d'aménagement du territoire pourraient être examinées, comme c'est d'ailleurs leur vocation, de manière unique au niveau de l'obtention du permis de construire : les dispositions des plans d'urbanisme relatives à l'équipement commercial pourraient être renforcées à cet effet.

  • Vers un assouplissement des conditions d’application de l’article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ?

    L’avis rendu par la commission de sécurité dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire n’est pas une décision au sens de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000.

    CAA. Versailles, 10 juillet 2007, Association de Sauvegarde du Parc de Cochet, req. n°07VE00201

    Une décision anonyme de retrait de permis de construire n’est pas illégale au regard de cet article dès lors que le titulaire de ce permis peut en identifier l’auteur par recoupement avec la lettre qui lui a été adressée en application de l’article 24 de la même loi.

    CAA. Lyon, 5 juillet 2007, SCI Lade, req. n°05LY01966.


    Aux fins d’améliorer les relations entre les citoyens et les administrations, la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 a, par l’alinéa 2 de son article 4, posé le principe selon lequel « toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » ; l’article 1er visant « les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ».

    Cette obligation ayant eu un certain mal à pénétrer les services administratifs, l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 fut et reste la cause d’annulation de très nombreuses décisions administratives et, notamment, de ce qu’il est convenu d’appeler les permis de construire anonymes.

    Mais si cette disposition n’a jamais été appliquée totalement à la lettre – l’essentiel étant que l’auteur du permis de construire soit facilement identifiable et sans ambiguïté à l’examen de cette décision, sans qu’il soit nécessaire qu’il soit scrupuleusement identifié par celle-ci – il nous semble percevoir dans certaines jurisprudences récentes un réel assouplissement des conditions d’application de l’article 4 précité.

    Deux arrêts de Cours administratives d’appel différentes nous semble l’illustrer ; l’un pour ce qui concerne son champ d’application, l’autre pour ce qui a trait à l’appréciation en fait de l’incidence de la méconnaissance de cette obligation.

    Dans la première affaire, le permis de construire en cause portait sur un collège, c’est-à-dire sur un « ERP », conçu pour accueillir 1500 élèves : à ce titre, sa délivrance avait donc obligatoirement à être précédée de l’avis de la commission de sécurité compétente et, en l’occurrence, de la commission d’arrondissement d’Etampes.

    Précisément, ce permis de construire devait être contesté au motif tiré, notamment, de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 non pas parce que lui-même ne respectait pas les prescriptions de cet article mais parce que l’avis de la commission d’arrondissement au vu duquel il avait été délivré ne comportait ni le nom, ni le prénom de son signataire, en l’occurrence le Président de cette commission ; étant précisé que si les avis émis dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire sont considérés comme des actes préparatoires, insusceptibles de recours donc (CE. 6 mars 1964, Cie l’Union, Rec., p.162), leur irrégularité éventuelle peut être excipée dans le cadre d’un recours à l’encontre de la décision statuant sur cette demande (CE. 26 octobre 2001, Eisenchteter, Rec., p.495).

    Ce moyen devait, toutefois, être rejeté par le Tribunal administratif puis par la Cour administrative d’appel de Versailles et ce, au motif suivant :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : « Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. » ; que l'avis émis par la commission d'arrondissement d'Etampes pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ne constituant pas une décision, le moyen tiré de ce que cet avis méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ; que, dès lors, en se bornant à constater cette inopérance, le Tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à ce moyen, n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation ».

    En substance, la Cour a donc jugé que le moyen était inopérant – et non pas qu’il manquait en fait dès lors que l’avis mentionné la qualité de son signataire et, partant, permettait d’identifier ce dernier – dès lors que l’avis en cause ne constituait pas une décision et, par voie de conséquence, que l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 n’était pas applicable à un tel avis puisque cet article vise les seules « décisions ».

    Une telle analyse nous paraît quelque peu critiquable.

    Il convient, en effet, de rappeler que l’avis de la commission de sécurité et d’accessibilité compétente à l’égard des « ERP » est ce qu’il est convenu d’appeler un « avis conforme » dont le sens s’impose, d’ailleurs, à l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis. Mais s’il constitue un « avis conforme », c’est parce qu’il vaut autorisation au titre de la réglementation sur la sécurité et l’accessibilité dans les « ERP » et ce, en application de l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’urbanisme, lequel dispose :

    « Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2.
    Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent
    »

    ce qui ressort également des anciens articles L.421-1 et L.421-3 du Code de l’urbanisme et ressort encore clairement du nouvel article L.425-15 en ce qu’il dispose que :

    « Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions ».

    De ce fait, la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Versailles nous semble poser un double problème.

    D’une part, elle est de nature à introduire une distinction, qui ne nous semble pas avoir lieu d’être, selon que les travaux soient ou non soumis à permis de construire puisque lorsque tel n’est pas le cas, il nous semble qu’il serait difficile de considérer que l’autorisation prévue par l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’habitation ne constitue pas une décision, alors que, selon la Cour, lorsque les travaux sont assujettis à permis de construire, il ne s’agirait que d’un avis qui, en tant que tel, n’est donc pas susceptible d’être assujetti à l’obligation posée par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000.

    D’ailleurs, on relèvera qu’à proprement parler, il résulte, notamment, de l’article L.111-8 du Code de l’urbanisme que lorsque les travaux projetés relèvent de la procédure de permis de construire, ce qu’il est convenu d’appeler « avis » est en fait prévu comme un accord ou, le cas échéant, comme un refus d’accord : difficile donc de ne pas y voir une décision.

    D’autre part, il convient de préciser que la régularité d’un avis rendu dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire peut être contestée, notamment, en raison de l’incompétence de la personne qu’il l’a rendu (CE. 18 mai 1979, Kees, req. n°01680).

    Or, si ces avis n’ont pas à comporter le nom, le prénom et la qualité de son signataire, force est d’admettre qu’il sera, pour le moins, difficile de contrôler et de contester la compétence de ce dernier.

    Mais pour conclure sur ce point, on précisera que, selon nous, la véritable question posée en l’espèce avait trait à la nature de la commission d’arrondissement de sécurité et, plus précisément, au fait de savoir si elle constitue une autorité administrative au sens de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 et donc compte, aux termes de son article 1er, parmi « les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif » ; ce qui nous semble, toutefois, être le cas dès lors que :

    - d’une part, les commissions d’arrondissement sont des démembrements des commissions départementales de sécurité, qui elle-même sont des émanations de la commission centrale instituée auprès du Ministère de l’intérieur (art.. R.123-29 ; CCH), et qui sont créées par le Préfet (art. R.123-38 ; CCH), lequel en fixe les attributions (art. R.123-29 ; CCH) et en fait assurer la présidence par le sous-préfet de l’arrondissement en cause (art. R.123-40 ; CCH) ;
    - d’autre part, elle nous semble pourvoir s’analyser, à l’échelon de l’arrondissement, comme un organisme en charge de la gestion sur service public administratif, en l’occurrence du service public de la protection civile.

    Dans la seconde affaire, c’est une décision de retrait d’un permis de construire qui était contestée pour ne pas indiquer le nom et le prénom du maire l’ayant signé (sur ce vice de forme et sa régularisation, voir ici et là). Mais ce moyen devait être rejeté par la Cour administrative d’appel de Lyon au motif suivant :

    « Considérant que si la décision susmentionnée du maire de Lugrin comporte une signature accompagnée seulement de la mention « le maire » sans indication de son prénom et de son nom, il ressort toutefois des pièces du dossier que le maire avait seulement 12 jours auparavant, au titre de la procédure contradictoire préalable à l'intervention du retrait, signé une lettre adressée à la société comportant l'initiale de son prénom suivie de son nom ; que les signatures apposées sur ladite lettre et la décision litigieuse sont identiques ; que la société était ainsi à même dans les circonstances de l'espèce, d'identifier sans ambiguïté, l'auteur de la décision ; que le moyen doit être écarté »

    La Cour a donc considéré que la circonstance que la décision de retrait contestée ne mentionnait pas le nom et le prénom de son signataire était sans incidence dès lors que le requérant, le titulaire du permis de construire ainsi retiré, était en mesure, par recoupement avec la lettre par laquelle le maire l’avait préalablement informé de son intention de procéder à ce retrait, d’identifier l’auteur de cette décision.

    Il reste que l’obligation prescrite par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 vaut non seulement à l’égard du destinataire de la décision mais également à l’égard des tiers, lesquels peuvent, parfois, avoir intérêt à agir à l’encontre d’une décision de retrait.

    Mais en toute hypothèse, quelle que soit la nature de la décision en cause, la solution retenue par la Cour administrative de Lyon nous paraît donc de nature à moduler la portée de l’article précité selon la qualité de la personne qui l’invoque cependant que, pour sa part, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a récemment jugé, s’agissant d’un permis de construire anonyme jugé ainsi comme « entaché d’une irrégularité substantielle » que « la circonstance que ce moyen était invoqué par un tiers et non par le pétitionnaire du permis de construire est à cet égard inopérante » (CAA. Bordeaux, 23 février 2007, Cne de Sarlat-la-Caneda, req. n°04BX00670)…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Un ensemble indivisible ne constitue pas nécessairement un bâtiment unique pour application de la règle d’urbanisme

    Deux volumes accueillant chacun un logement certes accolés mais qui n’ont en commun qu’un accès à la voie publique et des équipements extérieurs susceptibles de les rendre indivisibles, n’en forment pas pour autant un bâtiment unique.

    CAA. Paris, 24 mai 2007, M. Raymond Y., req. n°04PA03314


    Dans cette affaire, le requérant avait obtenu un permis de construire présenté comme portant sur un bâtiment accueillant deux logements qui, s’il ne respectait pas les prescriptions de principe de l’article UD.14 du POS communal, avait été autorisé au titre des dispositions dérogatoires de ce dernier prévoyant que « dans le cas de la construction d'un seul pavillon sur une parcelle de superficie réduite, il est toujours possible de réaliser les SHON suivantes indépendamment de la valeur du C.O.S. applicable : ( ) 150 m2 de SHON constructible pour les terrains d'une surface supérieure à 300 m2 ».

    Mais c’est précisément sur ce point que devait être contesté et annulé ce permis de construire et ce, au motif suivant :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article UD 14 du règlement du plan d'occupation des sols de Sèvres relatif au coefficient d'occupation des sols (C.O.S.) : « 14.1 - Les valeurs du C.O.S. sont : Zone Uda : 0,40 ( ) 14.2 - Dans le cas de la construction d'un seul pavillon sur une parcelle de superficie réduite, il est toujours possible de réaliser les SHON suivantes indépendamment de la valeur du C.O.S. applicable : ( ) 150 m2 de SHON constructible pour les terrains d'une surface supérieure à 300 m2. » ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des plans joints à la demande, que le projet litigieux est constitué de deux bâtiments distincts de hauteur et de style différents et dont les seules parties communes concernent les équipements extérieurs ainsi que la rampe d'accès des véhicules à la voie publique ; qu'ainsi, cet ensemble ne peut être assimilé à un seul pavillon au sens du plan d'occupation des sols rendant ainsi les dispositions dérogatoires précitées de l'article UD 14-2 sur les valeurs du C.OS inapplicables ; que, par suite, M. Y n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a également retenu ce second motif pour annuler la décision litigieuse ».

    En substance, la Cour a donc considéré que les deux « volumes » formant le projet objet du permis de construire en cause formaient de deux bâtiments distincts – rendant donc inapplicable les dispositions dérogatoires de l’article UD.14.2 du POS communal – nonobstant, la double circonstance qu’ils disposaient d’une rampe d’accès et d’équipements extérieurs communs et qu’ils soient accolés (sur une question connexe, voir ici).

    En effet, l’existence d’aménagements communs est sans incidence sur l’appréciation du nombre de bâtiments projetés mais participe seulement à déterminer si ces derniers forment ou non ce qu’il est convenu d’appeler un « ensemble indivisible » ou encore un « tout indissociable ».

    C’est ainsi qu’un ensemble de bâtiments même autorisés par plusieurs permis de construire mais reliés entre eux par un seul accès commun à la voie publique formeront de ce fait un ensemble indivisible (CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832) puisque pour être conformes aux prescriptions d’urbanisme applicable en la matière, il est impératif que chaque bâtiment à construire ait un accès à la voie publique et que cet accès soit saisi par le permis de construire en autorisant la construction (CE. 16 janvier 1987, SCI Ascodif, req. n° 64.032 ; CAA. Marseille, 18 février 1999, M. Tremellat, req. n° 96MA02391).

    En revanche, deux maisons individuelles n’étant reliées entre elles par aucun équipement commun constitueront, même lorsqu’elles sont autorisées par un seul et même permis de construire, un ensemble dissociable, si bien, d’ailleurs, que ce permis de construire pourra être frappé de caducité partielle (CAA. Marseille, 22 avril 1999, M. Bracco, req. n° 97MA00647).

    Il reste, donc, que si un bâtiment unique forme nécessairement un ensemble indivisible (CE. 26 janvier 1994, M. Mathieu Gonnet, req. n° 127.397 ; CAA. Marseille, 18 mars 2004, Cne de Beausoleil, req. n° 01MA00551), le simple fait que deux « volumes » soient reliés entre eux par un équipement commun, tel un auvent, voir par un élément de construction, tel un garage, susceptible de les rendre indivisibles ne saurait suffire à les faire regarder comme une construction unique (CE. 4 février 1994, Cne de Porancé, req. n°112.512) ou un logement unique (CE. Cne de Saint-Cannat, req. n°130.369).

    Par voie de conséquence, c’est donc à juste titre qu’en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré que le fait que les deux « volumes » en cause aient en commun un accès à la voie publique et des équipements extérieurs n’avait pas en eux-mêmes pour effet de les faire accéder au statut de bâtiment unique. Sur ce point, l’arrêt commenté peut ainsi être rapproché de celui par lequel la même Cour a récemment jugé que :

    « Considérant que les constructions projetées, présentées dans le dossier de demande du permis de construire litigieux comme deux bâtiments à usage d'habitations totalisant trois logements, ne présentent aucune différence avec celles qui avaient fait l'objet d'une première demande de permis, qui portait sur la construction d'un ensemble de trois maisons ; que le projet ne prévoit pas de parties communes aux bâtiments, à l'exception de la partie du sous-sol destinée au stationnement des véhicules ; qu'ainsi, et bien que les deux constructions jumelées comportent certaines superstructures et une dalle uniques, ce projet doit être regardé, pour l'application des dispositions réglementaires précitées, comme portant en réalité sur la réalisation de trois pavillons, dont deux accolés » (CAA. Paris, 31 décembre 2004, SCI Sceaux Desgranges, req. n°01PA00560).

    C’est donc, au premier chef, au regard des ses caractéristiques constructives qu’il convenait de rechercher si le projet objet du permis de construire contesté constituait ou non un bâtiment unique ; étant précisé qu’a contrario, la seule circonstance que ce projet impliquait clairement la réalisation de deux logements distincts ne s’opposait pas, à elle seule, au bénéfice des dispositions dérogatoires de l’article UD.14.2 puisque ce dernier se bornait à viser « le cas d’un seul pavillon », ce qui en soi ne s’opposait pas à ce qu’y soient réalisés plusieurs logements (en ce sens : CE. 14 juin 2004, Mariotte, req. n°243.811).

    Mais sur ce point, la Cour administrative d’appel de Paris devait donc considérer qu’il s’agissait de deux bâtiments distincts puisque de « hauteur et de style différents ». Et à cet égard, la solution rendue peut être rapprochée, a contrario, de l’arrêt (sur lequel il y aurait, toutefois, beaucoup à redire sur ce point ; puisqu’il fut, en revanche l’objet de nombreux débats dans le cadre de la fameuse « copropriété horizontale ») par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé :

    « Considérant que le projet de la S.C.I. Enez Eussa, objet du permis de construire délivré le 30 mai 1997 par le maire de Puilboreau, porte sur la construction d'un bâtiment comprenant deux habitations individuelles, sur le lot n° 6 du lotissement "les Flénauds" à Puilboreau, autorisé par arrêté municipal du 12 juillet 1995 ; que ces deux habitations sont accolées, ont une toiture et une façade communes et constituent, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, un bâtiment unique ».

    Mais l’on précisera qu’a contrario, le seul fait que différents « volumes » horizontaux soient, à titre d’exemple, de hauteurs différentes ne suffit pas à les faire regarder comme formant autant de bâtiments distincts puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article 9 du règlement du lotissement du Collet Redon au Pradet (Var) : " ... La hauteur des bâtiments sera limitée à deux niveaux avec un maximum de 7 mètres mesurés à l'égout de la toiture à compter du point aval de la construction ..." ;
    Considérant que pour l'application des dispositions précitées aux transformations projetées d'un bâtiment existant, la villa de Mme MATHIEU-GONNET même si elle se compose de plusieurs corps de bâtiment de différentes hauteurs doit être considérée comme un tout indissociable ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la hauteur autorisée de la construction doit être calculée en fonction de chacun de ces corps de bâtiment ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que la hauteur de la villa calculée à compter du point aval de la construction excède le maximum de 7 mètres autorisé
    » (CE. 26 janvier 1994, M. Mathieu Gonnet, req. n° 127.397)

    Quant à la circonstance que les deux « volumes » en cause soient accolés, celle-ci est également insuffisante (CAA. Paris, 31 décembre 2004, SCI Sceaux Desgranges, req. n°01PA00560), y compris, d’ailleurs, lorsqu’ils présentent une réelle unité architecturale (CE. 7 mai Boisdeffre, req. n°251.596).

    Néanmoins, si la solution retenue par la Cour nous paraît totalement justifiée, son analyse nous paraît imparfaite ou, à tout le moins, incomplète puisqu’ainsi qu’il a été pré-exposé, la différence ou l’unicité de hauteur, de dimensions et/ou de style n’est pas totalement suffisante pour déterminer si le projet consiste en un ou plusieurs bâtiments distincts. On relèvera ainsi, à titre d’exemple, que sur cette question le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'il ressort du dossier qu'en raison de la configuration du terrain d'assiette et d'une servitude de passage grevant ledit terrain, l'immeuble à usage d'habitation pour lequel M. Cohen a obtenu le permis de construire litigieux en date du 17 août 1989 se compose de deux corps de bâtiments séparés au rez-de-chaussée par un passage ouvert et comportant chacun une toiture indépendante ; qu'il est cependant constant qu'à partir du premier étage les deux corps de bâtiments communiquent et que les logements qui y sont aménagés sont accessibles par un même escalier et desservis par des circulations communes ; qu'ainsi, l'immeuble dont il s'agit, constituait une unique construction au sens des dispositions précitées ; que le moyen tiré de ce que son édification aurait nécessité la délivrance de deux permis doit en tout état de cause être écarté » (CE. 25 septembre 1995, MME Giron, req. n° 120.438)

    ou, a contrario, que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article UE 1-8 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Chéron, applicable au projet litigieux, La construction de plusieurs bâtiments sur une même propriété est autorisée à condition que la distance horizontale comptée entre tous les points du bâtiment soit au moins égale à (...) la hauteur de la façade la plus haute, avec un minimum de huit mètres, si la façade la plus basse comporte des baies principales assurant l'éclairement des pièces principales ou de travail ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les maisons de ville numérotées 2, 3, 4, 5 et 6 dans la demande de permis de construire qui, bien qu'accolées les unes aux autres autour d'une cour, sont destinées à être occupées séparément, ont ainsi le caractère de bâtiments distincts au sens des dispositions rappelées ci-dessus ; que ces maisons présentent toutes des ouvertures principales les unes vers les autres alors qu'elles sont séparées en plusieurs points par des distances inférieures à six mètres ; qu'il suit de là que le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen relatif à l'inobservation de la disposition précitée du règlement du plan d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; que M. X est dès lors fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée » (CE. 7 mai Boisdeffre, req. n°251.596)

    Il nous semble donc que la parfaite motivation du « considérant » commenté aurait impliqué quelques mots sur l’autonomie fonctionnelle de chacun des deux « volumes » en cause.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la condition tenant au caractère précis et limité d’une prescription assortissant un permis de construire

    Une prescription imposant la plantation de deux d’arbres de haute tige supplémentaires présente un caractère précis et limité et permet ainsi d’assurer la conformité du projet et la légalité du permis de construire.

    CAA. Lyon, 30 juin 2007, M. Didier X, req. n°05LY00758

    Voici un arrêt plus intéressant qu’il n’y paraît - et, en toute hypothèse, on s’en contentera en cette période marquée par l’absence de toute jurisprudence plus significative - en ce qu’il permet d’aborder la question liée à la légalité des prescriptions assortissant un permis de construire ; étant précisé d’emblée que la réforme des autorisations d’urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007 ne nous semble pas, en elle-même, de nature à modifier la jurisprudence rendue en la matière.

    A titre liminaire, on rappellera ainsi qu’outre sa nécessaire et suffisante motivation, une prescription doit, pour être légale et opérante, respecter cinq principales conditions.

    En premier lieu, une prescription doit nécessairement être fixée par l’autorisation d’urbanisme la générant et cette dernière doit nécessairement en fixer précisément le contenu. Il s’ensuit qu’une prescription ne saurait légalement consister à renvoyer à une autorisation, à un avis et/ou à une concertation ultérieurs avec les services intéressés aux fins d’en arrêter le contenu ; ce qui procède du principe issu, pour le permis de construire, de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme – lequel a été généralisé, pour les « principales » autorisations d’urbanisme, par le nouvel article L.421-6 du Code de l’urbanisme – et selon lequel l’administration compétente doit, à travers l’autorisation considérée, prendre parti sur l’ensemble des aspects du projet.

    A titre d’exemple, il a ainsi été jugé qu’était illégal un permis de construire assorti d’une prescription précisant que le pétitionnaire devait procéder à un aménagement routier à définir dans le cadre d’un arrêté de voirie ultérieur (CAA. Marseille, 18 février 1999, M. Tremellat, req. n°96MA02391) puisque ce faisant le permis de construire ne prenait pas parti sur cet aspect du projet et n’assurait pas par lui même la conformité de ce dernier au regard de l’ancien article R.111-4 du Code de l’urbanisme.

    En deuxième lieu, les prescriptions édictées par une autorisations d’urbanisme doivent porter sur des points précis et limités du projet et, a contrario, ne saurait emporter une modification trop importante du projet initial, laquelle rendrait nécessaire la présentation d’un nouveau projet (CE. 27 juillet 1979, M. Starck, req. n°04274).

    En troisième lieu, il est nécessaire que la prescription soit réalisable puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé qu’était illégal un permis de construire prescrivant la réalisation de 80 places de stationnement qui, pour être justifiées au regard de la destination du projet, n’étaient pas matériellement réalisables sur le terrain à construire. (CE. 14 décembre 1992, Epx Léger, req. n°106.685).

    En quatrième lieu, la prescription édictée doit avoir un fondement légal et répondre à une préoccupation d’urbanisme. En effet, dès lors prescription assortissant un permis de construire ou tout autre autorisation d’urbanisme a pour unique objet d’assurer la conformité d’un projet aux prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables à travers cette autorisation ; telle étant la raison pour laquelle un refus d’autorisation est illégal lorsque la conformité du projet pouvait être assurée par la simple édiction de prescriptions.

    En cinquième et dernier lieu, il est plus spécifiquement nécessaire qu’il s’agisse d’une véritable prescription technique précisant la nature des travaux ainsi imposés et non pas d’un simple renvoi aux normes opposables au projet.

    Précisons ainsi que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté ce jour était en cause un permis de construire portant sur une structure pluri-accueil pour la petite enfance et la réalisation de neuf aires de stationnement. Ce permis de construire devait, toutefois, être contesté au motif tiré de la méconnaissance de l’article 13 du POS communal, lequel prescrivait l’aménagement d’un arbre pour deux places de stationnement alors que le pétitionnaire n’en avait prévu que trois.

    Néanmoins, ce moyen devait donc être rejeté par la Cour administrative d’appel de Lyon au motif suivant :

    « Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes du 4° de l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols : « Les aires de stationnement à l'air libre doivent être plantées à raison d'un arbre pour deux emplacements, » ; que si le plan de masse joint à la demande de permis de construire ne fait apparaître que 3 arbres pour 9 emplacements de stationnement, le permis de construire litigieux a toutefois été accordé à la communauté de communes de Pierre de Bresse sous réserve que le pétitionnaire se conforme aux stipulations de l'article UB 13 ci-dessus ; qu'en l'espèce, cette prescription, qui exigeait la plantation de deux arbres supplémentaires, entraînait seulement une modification portant sur un point précis et limité du projet, ne soulevant aucune difficulté technique et n'entraînant aucune modification du reste du projet ; que, dans ces conditions, le maire de Pierre de Bresse a pu légalement délivrer le permis de construire en cause assorti de la condition susénoncée sans exiger la production d'un plan rectifié ; que, par suite, les dispositions précitées du plan d'occupation des sols n'ont pas été méconnues ».

    S’il est incontestable que la prescription en cause présentait un caractère limité et n’impliquait donc pas la présentation d’un nouveau projet, le considérant précité appelle deux observations.

    D’une part, le mode de calcul retenu par la Cour pour conclure à ce que la prescription en cause impliquait la plantation de deux nouveaux arbres nous paraît sujette à caution.

    En effet, lorsque le règlement d’urbanisme local prescrit la réalisation d’aménagements accessoires en considération des caractéristiques du projet qu’il saisit par tranche, cette prescription s’applique, sauf précision contraire, par tranche consommée et non par tranche entamée. C’est ainsi qu’en matière d’aire de stationnement, le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune des Allues : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques. (.) Il sera exigé (.) : 1. pour les constructions d'habitation : 1 place de stationnement par tranche de 60 m de surface de plancher hors œuvre nette avec un minimum de 1 place par logement ; 2. pour les commerces : 1 place pour 25 m de surface de vente (.)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la construction litigieuse comporte environ 590 m de surface habitable et 63 m de surface commerciale, ce qui nécessite, en application des dispositions susmentionnées, la construction de respectivement 9 et 2 places de stationnement ; que le permis de construire litigieux, qui prévoit l'aménagement de 12 places de stationnement n'a, par suite, pas méconnu les dispositions de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune des Allues » (CE. 8 mars 2002, SCI Télémark, req. n°226.631).

    Or, l’on voit mal pourquoi le mode de calcul s’appliquant en matière d’aires de stationnement ne vaudrait pas s’agissant de la détermination du nombre d’arbres à planter sur ces aires.

    Dès lors que le projet impliquait neuf places de stationnement, l’article 13 du POS communal imposait donc, selon nous, la plantation de quatre arbres et, par voie de conséquence, dès lors que le pétitionnaire n’en avait prévu que trois la prescription en cause n’induisait, à notre sens, la plantation que d’un arbre supplémentaire.

    Mais d’autre part et surtout, il convient de préciser que la prescription en cause n’imposait pas expressément la plantation de ces arbres mais se bornait à préciser que le projet était autorisé sous réserve du respect de l’article 13 du POS communal. Or, ainsi qu’il a été pré-exposé, la légalité d’une prescription et son caractère opérant sur la conformité du projet implique qu’il s’agisse d’une véritable prescription précisant la façon dont doit être respectée la norme en cause et non pas seulement d’un renvoi à la réglementation opposable au projet (pour exemple: CAA. Nantes, 7 mai 1996, SCI Bruay-Provinces, req. n°93NT00644).

    A notre sens, cette prescription était donc illégale ou, à tout le moins, inopérante à l’égard de la non-conformité initiale du projet en cause et, partant, le permis de construire contesté illégal.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés