En contradiction avec la Cour administrative d’appel de Paris, le Tribunal administratif de Versailles juge que dès lors qu’un immeuble d’habitation collective de douze logements est assujetti à l’article L.111-7 du Code de l’urbanisme, le permis de construire s’y rapportant est illégal et encourt donc l’annulation si le projet n’est pas conforme aux prescriptions relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées. Les nouvelles dispositions du Code de l’urbanisme issues de l’ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 5 janvier 2007 ne tranchent pas réellement cette problématique.
TA Versailles 18 juin 2007.pdf, SARL MRS MAIA, req. n°07-03628
Il résulte de l’ancien article L.421-3, al.1 du Code de l’urbanisme de l’urbanisme que, par principe, le permis de construire a uniquement vocation à contrôler le respect des prescriptions d’urbanisme et, a contrario, que la méconnaissance des normes relevant d’une autre législation n’a aucune incidence sur sa légalité et ne saurait donc emporter son annulation.
Pour autant, force est de constater que les anciens articles R.421-2-1 et suivants du Code de l’urbanisme imposaient que le dossier de demande comporte certains documents se rapportant à des autorisations ne relevant pas de la législation d’urbanisme. Plus particulièrement, les anciens articles R.421-5-1 et R.421-5-2 disposaient respectivement :
« lorsque les travaux projetés concernent un établissement recevant du public [« ERP »] et sont soumis, au titre de la sécurité contre les risques d'incendie et de panique, à l'avis de la commission consultative départementale de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité ou de la commission de sécurité compétente, en vertu des articles R. 123-13 ou R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, les plans et documents nécessaires à la formulation de cet avis sont joints à la demande de permis de construire » ;
et :
« lorsque les travaux projetés concernent des locaux autres que les établissements recevant du public et sont soumis aux règles d'accessibilité aux personnes handicapées fixées en application de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation, le dossier de la demande de permis de construire est complété par l'engagement du demandeur et, le cas échéant, de l'architecte de respecter lesdites règles. Cet engagement est assorti d'une notice décrivant les caractéristiques générales des locaux, installations et aménagements extérieurs au regard de ces règles d'accessibilité ».
A priori, tant pour les ERP que pour les immeubles d’habitation collectif, le permis de construire avait donc vocation à sanctionner les normes d’accessibilité aux personnes handicapées prises en application du principe posé par l’article L.111-7 du Code de la construction et de l’habitation.
Il reste que pour toutes exceptions au principe posé par son alinéa 1er, les alinéas 2 et 3 de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme disposaient que « en outre, pour les immeubles de grande hauteur ou les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeubles ou d'établissements, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation ».
Or, à ce titre, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que :
« Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L.421-3 du code de l'urbanisme : "Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L.111-7 du code de la construction et de l'habitation" ; qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance du permis de construire n'est subordonnée au respect des règles de construction en matière d'accessibilité aux personnes handicapées qu'en ce qui concerne les établissements recevant du public ; que l'immeuble collectif à usage d'habitation qui fait l'objet du permis de construire attaqué ne constitue pas un établissement recevant du public, au sens des dispositions de l'article R.123-2 du code de la construction et de l'habitation ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir du non-respect par le projet de construction, à le supposer même établi, des règles d'accessibilité aux personnes handicapées » (CAA. Paris, 28 septembre 1999, Schmitt & autres, 96PA02779).
C'est ce que vien également de juger la Cour administrative d'appel de Bordeaux (CAA. Bordeaux, 6 septembre 2007, Sté deu Parc Auzarc, req. n°04BX01100)
En d’autres termes, en dehors du cas où il portent sur un ERP, le permis de construire n’a donc pas vocation à sanctionner les normes d’accessibilité aux personnes handicapées, y compris donc pour les immeubles d’habitation collectif au sens de l’article L.111-7 du Code de la construction et de l’habitation et de la construction. Et, force est d’ailleurs de relever que la seule consultation s’imposant au regard de l’ancien article R.421-15 du Code de l’urbanisme au titre du contrôle de l’accessibilité aux personnes handicapées était celle visée par l’ancien article R.421-38-20, lequel ne s’appliquait qu’aux travaux portant sur ces ERP mais ce, quelle qu’en soit la catégorie, y compris donc pour ceux de cinquième catégorie (CAA. Douai, 5 octobre 2006, SCI Les Epoux, req. n°05DA00420 ; voir également ici)
Pour autant, le Tribunal administratif de Versailles vient donc de juger qu’un permis de construire un immeuble de douze étages méconnaissant les normes d’accessibilité aux personnes handicapées était illégal et encourrait l’annulation…
Qu’en est-il dans le nouveau régime applicable à compter du 1er octobre 2007 ? La situation n’apparaît pas fort différente et donc pas franchement plus claire, nonobstant le récent renforcement de la réglementation sur l’accessibilité aux personnes handicapées.
En effet, non seulement le nouvel article L.421-6 du Code de l’urbanisme se borne à disposer que « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique » mais en outre, le nouvel article R.431-6 précise, d’une façon très générale, que « la demande précise que le demandeur et, le cas échéant, l'architecte, ont connaissance de l'existence de règles générales de construction prévues par le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation et notamment, lorsque la construction y est soumise, des règles d'accessibilité fixées en application de l'article L. 111-7 de ce code et de l'obligation de respecter ces règles. ».
En d’autres termes, contrairement à l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme, le nouvel article L.421-6 ne vise pas la réglementation sur l’accessibilité aux personnes handicapées et là où l’ancien article R.421-5-2 du Code de l’urbanisme prévoyait, pour les constructions autres que les ERP, une notice et un engagement de respecter les règles applicables en la matière, le nouvel article R.431-6 se borne à prévoir une forme d’attestation de prise de connaissance de cette réglementation.
Or, pour le reste, force est de relever que la réglementation relative à l’accessibilité aux personnes handicapées n’est jamais visée par les nouvelles dispositions du Code de l’urbanisme que pour ce qui concerne les ERP, tels, à titre d’exemple, par les nouveaux articles R.431-30 (a) et R.423-41-1 (a), lesquels disposent respectivement que :
« lorsque les travaux projetés portent sur un établissement recevant du public, la demande est accompagnée des dossiers suivants, fournis en trois exemplaires Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées, comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 du code de la construction et de l'habitation »;
et :
« les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux demandes de pièces manquantes portant sur le dossier prévu par les articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 du code de la construction et de l'habitation permettant de vérifier la conformité d'un établissement recevant du public avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées ».
Pas plus que sous l’ancien dispositif, il nous semble donc qu’en dehors du cas des « ERP », le permis de construire issu de la réforme applicable au 1er octobre 2007 n’a pas vocation à sanctionner les normes d’accessibilité aux personnes handicapées, notamment, pour les immeubles d’habitation.
C’est ce que tend, d’ailleurs, a confirmer le nouvel article R.462-3 du Code de l’urbanisme – corollaire du nouvel article R.431-6 – en ce qu’il prévoit que « dans les cas prévus à l'article R. 111-19-27 du code de la construction et de l'habitation, la déclaration d'achèvement est accompagnée de l'attestation que les travaux réalisés respectent les règles d'accessibilité applicables mentionnées à cet article » (l’article R.111-19-27 du CCH renvoie les sous-sections 1 à 3 ont trait aux bâtiments d’habitation) ; si ce n’est qu’il induit (dans la mesure où ce même article renvoie au sous-sections 4 et 5 qui elles ont trait aux ERP) que s’agissant des ERP, les opérations de récolement – obligatoires à leur égard – n’auront pas à porter sur le respect des règles d’accessibilités aux personnes handicapées puisque celui-ci semble avoir uniquement vocation à faire l’objet d’un contrôle formel par le jeu de l’attestation prévue par le nouvel article R.462-3 alors qu’à leur égard, le permis de construire semble toujours devoir sanctionner la ces normes…
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés