Sur la condition tenant au caractère précis et limité d’une prescription assortissant un permis de construire
Une prescription imposant la plantation de deux d’arbres de haute tige supplémentaires présente un caractère précis et limité et permet ainsi d’assurer la conformité du projet et la légalité du permis de construire.
CAA. Lyon, 30 juin 2007, M. Didier X, req. n°05LY00758
Voici un arrêt plus intéressant qu’il n’y paraît - et, en toute hypothèse, on s’en contentera en cette période marquée par l’absence de toute jurisprudence plus significative - en ce qu’il permet d’aborder la question liée à la légalité des prescriptions assortissant un permis de construire ; étant précisé d’emblée que la réforme des autorisations d’urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007 ne nous semble pas, en elle-même, de nature à modifier la jurisprudence rendue en la matière.
A titre liminaire, on rappellera ainsi qu’outre sa nécessaire et suffisante motivation, une prescription doit, pour être légale et opérante, respecter cinq principales conditions.
En premier lieu, une prescription doit nécessairement être fixée par l’autorisation d’urbanisme la générant et cette dernière doit nécessairement en fixer précisément le contenu. Il s’ensuit qu’une prescription ne saurait légalement consister à renvoyer à une autorisation, à un avis et/ou à une concertation ultérieurs avec les services intéressés aux fins d’en arrêter le contenu ; ce qui procède du principe issu, pour le permis de construire, de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme – lequel a été généralisé, pour les « principales » autorisations d’urbanisme, par le nouvel article L.421-6 du Code de l’urbanisme – et selon lequel l’administration compétente doit, à travers l’autorisation considérée, prendre parti sur l’ensemble des aspects du projet.
A titre d’exemple, il a ainsi été jugé qu’était illégal un permis de construire assorti d’une prescription précisant que le pétitionnaire devait procéder à un aménagement routier à définir dans le cadre d’un arrêté de voirie ultérieur (CAA. Marseille, 18 février 1999, M. Tremellat, req. n°96MA02391) puisque ce faisant le permis de construire ne prenait pas parti sur cet aspect du projet et n’assurait pas par lui même la conformité de ce dernier au regard de l’ancien article R.111-4 du Code de l’urbanisme.
En deuxième lieu, les prescriptions édictées par une autorisations d’urbanisme doivent porter sur des points précis et limités du projet et, a contrario, ne saurait emporter une modification trop importante du projet initial, laquelle rendrait nécessaire la présentation d’un nouveau projet (CE. 27 juillet 1979, M. Starck, req. n°04274).
En troisième lieu, il est nécessaire que la prescription soit réalisable puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé qu’était illégal un permis de construire prescrivant la réalisation de 80 places de stationnement qui, pour être justifiées au regard de la destination du projet, n’étaient pas matériellement réalisables sur le terrain à construire. (CE. 14 décembre 1992, Epx Léger, req. n°106.685).
En quatrième lieu, la prescription édictée doit avoir un fondement légal et répondre à une préoccupation d’urbanisme. En effet, dès lors prescription assortissant un permis de construire ou tout autre autorisation d’urbanisme a pour unique objet d’assurer la conformité d’un projet aux prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables à travers cette autorisation ; telle étant la raison pour laquelle un refus d’autorisation est illégal lorsque la conformité du projet pouvait être assurée par la simple édiction de prescriptions.
En cinquième et dernier lieu, il est plus spécifiquement nécessaire qu’il s’agisse d’une véritable prescription technique précisant la nature des travaux ainsi imposés et non pas d’un simple renvoi aux normes opposables au projet.
Précisons ainsi que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté ce jour était en cause un permis de construire portant sur une structure pluri-accueil pour la petite enfance et la réalisation de neuf aires de stationnement. Ce permis de construire devait, toutefois, être contesté au motif tiré de la méconnaissance de l’article 13 du POS communal, lequel prescrivait l’aménagement d’un arbre pour deux places de stationnement alors que le pétitionnaire n’en avait prévu que trois.
Néanmoins, ce moyen devait donc être rejeté par la Cour administrative d’appel de Lyon au motif suivant :
« Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes du 4° de l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols : « Les aires de stationnement à l'air libre doivent être plantées à raison d'un arbre pour deux emplacements, » ; que si le plan de masse joint à la demande de permis de construire ne fait apparaître que 3 arbres pour 9 emplacements de stationnement, le permis de construire litigieux a toutefois été accordé à la communauté de communes de Pierre de Bresse sous réserve que le pétitionnaire se conforme aux stipulations de l'article UB 13 ci-dessus ; qu'en l'espèce, cette prescription, qui exigeait la plantation de deux arbres supplémentaires, entraînait seulement une modification portant sur un point précis et limité du projet, ne soulevant aucune difficulté technique et n'entraînant aucune modification du reste du projet ; que, dans ces conditions, le maire de Pierre de Bresse a pu légalement délivrer le permis de construire en cause assorti de la condition susénoncée sans exiger la production d'un plan rectifié ; que, par suite, les dispositions précitées du plan d'occupation des sols n'ont pas été méconnues ».
S’il est incontestable que la prescription en cause présentait un caractère limité et n’impliquait donc pas la présentation d’un nouveau projet, le considérant précité appelle deux observations.
D’une part, le mode de calcul retenu par la Cour pour conclure à ce que la prescription en cause impliquait la plantation de deux nouveaux arbres nous paraît sujette à caution.
En effet, lorsque le règlement d’urbanisme local prescrit la réalisation d’aménagements accessoires en considération des caractéristiques du projet qu’il saisit par tranche, cette prescription s’applique, sauf précision contraire, par tranche consommée et non par tranche entamée. C’est ainsi qu’en matière d’aire de stationnement, le Conseil d’Etat a jugé que :
« Considérant qu'aux termes de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune des Allues : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques. (.) Il sera exigé (.) : 1. pour les constructions d'habitation : 1 place de stationnement par tranche de 60 m de surface de plancher hors œuvre nette avec un minimum de 1 place par logement ; 2. pour les commerces : 1 place pour 25 m de surface de vente (.)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la construction litigieuse comporte environ 590 m de surface habitable et 63 m de surface commerciale, ce qui nécessite, en application des dispositions susmentionnées, la construction de respectivement 9 et 2 places de stationnement ; que le permis de construire litigieux, qui prévoit l'aménagement de 12 places de stationnement n'a, par suite, pas méconnu les dispositions de l'article UC 12 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune des Allues » (CE. 8 mars 2002, SCI Télémark, req. n°226.631).
Or, l’on voit mal pourquoi le mode de calcul s’appliquant en matière d’aires de stationnement ne vaudrait pas s’agissant de la détermination du nombre d’arbres à planter sur ces aires.
Dès lors que le projet impliquait neuf places de stationnement, l’article 13 du POS communal imposait donc, selon nous, la plantation de quatre arbres et, par voie de conséquence, dès lors que le pétitionnaire n’en avait prévu que trois la prescription en cause n’induisait, à notre sens, la plantation que d’un arbre supplémentaire.
Mais d’autre part et surtout, il convient de préciser que la prescription en cause n’imposait pas expressément la plantation de ces arbres mais se bornait à préciser que le projet était autorisé sous réserve du respect de l’article 13 du POS communal. Or, ainsi qu’il a été pré-exposé, la légalité d’une prescription et son caractère opérant sur la conformité du projet implique qu’il s’agisse d’une véritable prescription précisant la façon dont doit être respectée la norme en cause et non pas seulement d’un renvoi à la réglementation opposable au projet (pour exemple: CAA. Nantes, 7 mai 1996, SCI Bruay-Provinces, req. n°93NT00644).
A notre sens, cette prescription était donc illégale ou, à tout le moins, inopérante à l’égard de la non-conformité initiale du projet en cause et, partant, le permis de construire contesté illégal.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés