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  • Comment établir si l’opération projetée implique ou non une division foncière ?

    Un permis de construire portant sur l’édification de cinq maisons individuelles à vendre après l’achèvement du projet, pour le cas échéant relever du statut de la copropriété n’emporte(rait) pas une division foncière au sens des articles 5 et 14 d’un règlement de POS faisant clairement exception à l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Nantes, 14 juin 2013, Cne de Démouville, req. n°11NT02253

    Dans cette affaire un permis de construire portant sur l’édification de cinq maisons individuelles avait été délivré le 6 mai 2010. Celui-ci devait toutefois être contesté au motif notamment qu’il se rapportait à un projet constitutif d’un lotissement soumis à permis d’aménager et méconnaissait les articles UB.5 et UB.14 du règlement de POS communal disposant que :

    • « les parcelles nouvelles créées par voie de lotissement ou de division devront avoir une surface moyenne de 700 m², avec un minimum de 600 m², sauf pour les équipements d'infrastructure. En cas de constructions individuelles en bandes sous forme de groupe d'habitations, la surface minimale des lots peut être réduite à 200 m², à condition que 20 % de la surface du terrain soit utilisée sous forme d'espace vert commun boisé (...) » ;
    • « le coefficient d'occupation des sols (C.O.S.) défini à l'article R. 123-22 du code de l'urbanisme applicable à la zone UB est fixé à 0,6. Pour les lotissements et les groupes d'habitations, le C.O.S. applicable à chaque lot devra être fixé par le règlement particulier de manière à ce qu'en moyenne, on ne dépasse pas la norme précédente sur l'ensemble considéré, abstraction faite des voiries communes, publiques ou privées. (...) » ;

    ces deux premiers moyens devant être retenus par le Tribunal administratif de Caen. Toutefois, la Cour administrative d’appel de Nantes devait donc censurer cette analyse et par ailleurs rejeter le moyen tiré de l’article UB.14 précité aux motifs suivants :

    « Considérant, d'une part, que la demande de permis de construire présentée, le 1er avril 2010, par la société Avass porte sur l' édification de 5 maisons individuelles sur une même parcelle cadastrée AK 453, dont le détachement d'une parcelle plus vaste a fait l'objet, le 8 décembre 2009, d'une déclaration préalable d'aménagement ; qu'il ressort des pièces du dossier que les constructions sont destinées à être vendues, après l'achèvement des travaux, le cas échéant, sous le régime de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ; que, par suite, l'opération projetée ne constitue pas un lotissement mais entre dans le champ d'application du permis de construire; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a jugé que le permis de construire litigieux devait être précédé de la délivrance d'un permis d'aménager en application des dispositions précitées des articles L. 442-1, L. 442-2 et R. 421-19 du code de l'urbanisme, et l'a annulé pour ce premier motif ;
    5. Considérant, d'autre part qu'aux termes de l'article UB 5 du règlement du plan d'occupation des sols de Démouville : " Les parcelles nouvelles créées par voie de lotissement ou de division devront avoir une surface moyenne de 700 m², avec un minimum de 600 m², sauf pour les équipements d'infrastructure. En cas de constructions individuelles en bandes sous forme de groupe d'habitations, la surface minimale des lots peut être réduite à 200 m², à condition que 20 % de la surface du terrain soit utilisée sous forme d'espace vert commun boisé (...) " ; que l'opération projetée par la société Avass n'a pas pour objet de créer des parcelles nouvelles par voie de lotissement ou de division ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a estimé que le permis de construire litigieux avait été délivré en méconnaissance de ces dispositions et l'a annulé pour ce second motif
    10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-10 du code de l'urbanisme : " Le coefficient d'occupation du sol qui détermine la densité de construction admise est le rapport exprimant le nombre de mètres carrés de plancher hors oeuvre nette ou le nombre de mètres cubes susceptibles d'être construits par mètre carré de sol (...) " ; qu'aux termes de l'article UB 14 du règlement du plan d'occupation des sols de Démouville : " Le coefficient d'occupation des sols (C.O.S.) défini à l'article R. 123-22 du code de l'urbanisme applicable à la zone UB est fixé à 0,6. Pour les lotissements et les groupes d'habitations, le C.O.S. applicable à chaque lot devra être fixé par le règlement particulier de manière à ce qu'en moyenne, on ne dépasse pas la norme précédente sur l'ensemble considéré, abstraction faite des voiries communes, publiques ou privées. (...) " ;
    11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'opération projetée n'a pas pour objet de créer des lots ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux aurait été délivré en méconnaissance des dispositions précitées de l'article UB14 relatives au coefficient d'occupation du sol applicable à chaque lot, est inopérant ».

    Il est clair que le projet en cause ne constituait pas un lotissement, et a fortiori soumis à permis d’aménager.

    En effet, d’une par part, les cinq maisons individuelles à créer relevaient d’une autorisation unique, en outre obtenue par un seul et unique maitre d’ouvrage, devant lui-même les construire pour les vendre à des tiers (CAA. Bordeaux, 7 février 2013, Serres-Morlaas, req. n°11BX01929) et, d’autre part, et en toute hypothèse, le pétitionnaire avait expressément indiqué dans sa demande que la vente de ces maisons interviendrait après l’achèvement des travaux ; étant rappelé que :

    • les divisions foncières intervenant après l’achèvement des travaux de construction sont par nature exclues de la règlementation sur les lotissements, laquelle vise celles réalisées en vue de bâtir (CE. 26 mars 2003, M. et Mme Leclerc, req. n°231.425) ;
    • à défaut de toute preuve du contraire, l’autorité compétente puis le juge administratif semblent devoir s’en tenir aux déclarations faites sur ce point par le pétitionnaire (CE. 7 mars 2008, Cne de Mareil-le-Guyon, req. n°296.287. En ce sens également : CAA. Nantes, 21 juin 2010, Louisette Y…, req. n°09NT01021 ; CAA. Nantes, 29 décembre 2009, Madame X…, req. n°09NT00176);

    la circonstance que le terrain à construire ait lui-même précédemment été détaché n’ayant aucune incidence puisqu’en toute hypothèse, ce détachement n’était soumis qu’à déclaration préalable (art. 442-21 ; C.urb).

    Force est en revanche d’admettre que l’on voit mal comment il a pu être jugé que le permis de construire contesté ne méconnaissait pas les articles UB.5 et UB.14 du POS communal au motif que le projet en cause n’impliquait aucune division foncière.

    A suivre les déclarations du pétitionnaire, il était en effet acquis que les maisons à construire étaient destinées à être vendues ; la circonstance qu’elles puissent éventuellement relever d’une même copropriété n’excluant pas, tout au contraire, la caractérisation d’une division foncière puisqu’à titre d’exemple, et s’agissant du champ d’application de la procédure du permis de construire valant division, il a été jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme : "Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette fait l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier est complété par les documents énumérés à l'article R. 315-5 a) et, le cas échéant, à l'article R. 315-6./ Dans le cas mentionné au premier alinéa, et lorsqu'un coefficient d'occupation des sols est applicable au terrain, la demande peut être accompagnée d'un plan de division du terrain précisant, le cas échéant, le terrain d'assiette de la demande d'autorisation et répartissant entre chacun des terrains issus de la division la surface hors oeuvre nette" ;
    Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'à la date à laquelle le permis de construire a été délivré, l'ensemble immobilier projeté devait être ultérieurement régi par les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ; qu'un tel régime comporte une division en parties affectées à l'usage de tous et en parties affectées à l'usage exclusif des copropriétaires, chacun d'eux disposant d'un droit de jouissance privative exclusif sur sa maison individuelle et le terrain attenant ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan topographique, que les chalets devaient être implantés sur des parcelles de terrains qui devaient faire l'objet d'une attribution privative ; qu'ainsi, la construction par la SCI Chrimipadi de quinze chalets pour un seul propriétaire et destinés seulement dans l'avenir à être vendus à des propriétaires différents dans le cadre du régime de la loi du 10 juillet 1965, entre dans le champ d'application de l'article R. 421-7-1 précité » (CE. 8 février 1999, Cne de La Clusaz, req. n° 171.946) ;

    ou encore, et en matière de lotissement, que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain ayant fait l'objet du permis de construire délivré à M. et Mme A le 1er avril 2003 résulte de la division le 21 mai 1999 d'une parcelle non bâtie cadastrée n° 87 section C, sise à Marseille, en trois lots, section A cadastré n° 88, section B cadastré n° 89 et section C cadastré n° 90 ; que sur les lots A et B ont été reconnus des droits à bâtir alors que la parcelle C, terrain d'assiette du projet des requérants, était reconnue comme inconstructible pendant 10 ans par application des dispositions précitées ; que, par acte du 21 mai 1999, les parcelles cadastrées n° 88 et 89 ont été vendues chacune en copropriété à de nouveaux acheteurs pour constituer deux copropriétés différentes ; que deux permis de construire ont été délivrés, d'une part, sur la parcelle 88, l'un le 30 décembre 1998, l'autre le 22 décembre 1999 à Mme B, d'autre part, sur la parcelle n° 89 les 23 juillet 1999 et 4 juillet 2002 ; qu'enfin un permis de lotir a été délivré le 23 avril 2002 sur la parcelle 90, suivi du permis de construire litigieux ; qu'ainsi, en moins de dix ans les divisions de la parcelle n° 87 d'origine ont conduit à la délivrance de cinq permis de construire ;
    Considérant que cette opération de division, qui a conféré à chacun des bénéficiaires un droit exclusif de construction sur son lot et la propriété exclusive de sa maison, les a placés dans la situation prévue par les dispositions sus-rappelées du code de l'urbanisme, alors même que la propriété du sol est restée indivise entre eux ; que, par suite, les divisions antérieures au permis de lotir du 23 avril 2002 auraient dû être précédées d'une autorisation de lotir ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme, la demande d'autorisation de lotir ne pouvait que concerner l'ensemble des divisions issues de la parcelle 87 et non un lot unique et que, par voie de conséquence, le permis de construire litigieux était illégal et devait être annulé » (CAA. Marseille, 19 mars 2010, M. et Mme A, req. n°08MA00634).

    D’ailleurs, il résulte de la lettre même de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme que le fait que l’ensemble du projet relève d’une seule et même copropriété n’a en lui-même pas d’incidence sur l’exigibilité d’un permis de construire valant division mais ne dispense que de produire la pièce normalement requise lorsque l’opération projetée implique l’aménagement de voie et/ou d’espaces communs : le plan de division prescrit par cet article reste donc exigible.

    Il est vrai toutefois que les lots privatifs d’une copropriété horizontale ne procèdent que d’une division en jouissance et non pas d’une division en propriété alors que la notion de terrain au sens de l’article 5 d’un règlement de POS/PLU s’entend en principe, et comme en tout autre matière, de l’unité foncière.

    Il reste que cette considération n’apparait pas déterminante puisqu’à titre d’exemple, le Conseil d’Etat a pu juger que :

    « Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article UEa 5 du plan d'occupation des sols relatif à la surface et à la forme des terrains : Pour être constructibles, les terrains doivent présenter les caractéristiques minimales suivantes : (…) 5.2 Terrains provenant de divisions parcellaires, volontaires ou non, postérieurement à la date de publication du plan d'occupation des sols : -surface : 300 m2 ; et qu'aux termes de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, applicable à la date à laquelle s'est prononcée l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire : Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par (…) ; que la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, déduire de ce que les trois pavillons autorisés constituaient des lots distincts et destinés à la vente, que le terrain d'assiette du projet constituait une division parcellaire au sens des dispositions précitées du plan d'occupation des sols et que le projet entrait ainsi dans le champ d'application de l'article R. 421-7-1 ; que c'est par une exacte application des dispositions précitées qu'elle a estimé que la surface du terrain d'assiette, égale à 839 m², était insuffisante pour que chacun des trois pavillons soit édifié sur une division de ce terrain au moins égale à 300 m² » (Conseil d’Etat, 26 octobre 2005, Cne de Sceaux, req. n°265.488).

    Au demeurant, si le simple fait qu’il s’agisse d’une division en jouissance excluait par principe qu’il soit fait application des règles du PLU spécifiques aux parcelles issues d’une division, on voit mal qu’elle serait l’utilité de l’article R.123-10-1 en ce qu’il précise que « dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose » ; étant relevé qu’à la différence de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme, l’article précité ne se limite (du moins expressément pas) aux seules divisions intervenant avant l’achèvement complet du projet.

    Certes, lorsque les divisions induites par la réalisation du projet ont toutes vocation à intervenir après l’achèvement du projet, l’opération est également exclue du champ d’application de la procédure de permis de construire valant division prévue par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme ; ce dont il résulte que le pétitionnaire n’a pas à produire un plan de division susceptible de permettre d’apprécier la conformité du projet objet de la demande aux dispositions du PLU faisant exception à l’article R.123-10-1 précité.

    Il reste que cette considération n’apparait pas déterminante. Il faut en effet rappeler que sous l’empire de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, lequel avait peu ou prou le même champ d’application matériel que l’article R.431-24, le plan de division n’était requis que lorsque le pétitionnaire souhaité ventiler la SHON constructible entre les différents terrains à créer (CAA. Paris, 31 mars 1994, Cne de Mareil-sur-Mauldre, req. n°93PA00452).

    En dehors de ce cas, aucun plan de division n’était donc exigible. Pour autant, et ainsi qu’il ressort de l’arrêt précité du Conseil d’Etat, cette circonstance ne s’opposait pas à ce que le juge administratif contrôle le respect des dispositions du règlement de POS/PLU propres aux divisions foncières, le cas échéant en se bornant à diviser la superficie du terrain d’origine par le nombre de parcelle à créer (voir également : CAA. Lyon, 18 juin 2013, Mme B… & autres, req. n°13LY00152).

    Au demeurant, force est de rappeler que dans l’arrêt objet du commentaire de jour la Cour administrative d’appel de Nantes n’a pas seulement considéré que le projet n’était pas assujetti aux dispositions des articles UB.5 et UB.14 mais a plus généralement jugé que le projet n’impliquait aucune forme de division foncière.

    Or, outre les jurisprudences précitées, il semble difficile de concevoir que ce soit le recours à la « copropriété » qui explique que la Cour ait exclu la réalisation d’une division foncière puisqu’elle a depuis jugé :

    « Considérant qu'en réponse au moyen tiré de ce que le dossier de demande de permis de construire, ne comprenait pas le plan de division parcellaire prévu par les dispositions précitées de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme, la commune de Longeville sur Mer a indiqué que " le dossier de demande de permis de construire comporte un plan de division qui résulte d'une lecture combinée du plan de masse-état actuel et du plan de masse-état projeté " ; que par ailleurs, en réponse à la mesure d'instruction du 10 mai 2013, visant à déterminer si les bâtiments devaient faire l'objet d'une division avant l'achèvement de l'ensemble du projet, elle s'est bornée à mentionner que " comme le rappelle la notice de présentation, l'ensemble sera soumis au régime de la copropriété " ; qu'il n'est par suite pas contesté que le projet entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme et ne comportait pas le plan de division parcellaire exigé par ces dernières ; que, dès lors, cette irrégularité a été de nature à entacher d'illégalité le permis de construire contesté » (CAA. Nantes, 12 juillet 2013, Cne de Longeville, req. n°11NT01073).

    Si l’on fait abstraction du fait que dans cette affaire la Cour a caractérisé l’assujettissement du projet au permis de construire valant division au regard non pas des déclarations du pétitionnaire mais des observations en défense de la Ville ayant délivré le permis de construire contesté, il semble donc que ce soit le caractère certain, ou à tout le moins non contesté, de la soumission du projet au régime de la copropriété qui ait conclu la Cour à caractériser une division foncière.

    Précisément, il faut rappeler que dans l’arrêt commenté ce jour la Cour a relevé « qu'il ressort des pièces du dossier que les constructions sont destinées à être vendues, après l'achèvement des travaux, le cas échéant, sous le régime de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis » ; la commune appellante ayant notamment fait valoir que « aucune pièce du dossier ne permet d'établir que l'immeuble projeté était soumis au régime de la loi du 10 juillet 1965 ».

    Dès lors, si l’on veut trouver une cohérence à ces deux arrêts rendus à moins d’un mois d’écart, force est d’admettre que c’est le caractère éventuel du recours à la copropriété, et donc des divisions foncières, qui explique cette solution puisque seule la vente des bâtiments projetés apparaissait certaines, rien n’excluant qu’ils soient tous cédés à un seul et même acquéreur.

    Si dans cette mesure cette décision s’inscrit dans la droit ligne de la récente jurisprudence nantaise interdisant de présumer de la réalisation d’une division foncière à défaut de tout élément avéré (pour ex : CAA. Nantes, 8 avril 2008, Cne d’Arradon, req. n°07NT02525), il n’en demeure pas moins qu’elle est à l’opposé de la jurisprudence de nombreuses autres Cours qui pour le part s’en tiennent à la seule conception d’ensemble du projet et/ou de la destination des constructions projetées (CAA. Lyon, 10 juin 1997, Sté MGM, req. n°96LY00389 ; CAA. Nancy, 10 juin 2010, Mme Anne A., req. n°09NC00357 ; CAA. Paris 4 novembre 2011, Société Murat Vazire, req. n°10PA02696).

     

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’adresse du pétitionnaire comme garantie de l’objectif de sécurité juridique poursuivi par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme

     

    Un recours notifié à l’adresse du siège de l’établissement principal de la personne morale et non pas à l’adresse de son établissement secondaire titulaire du permis de construire, telle que cette adresse est renseignée par l’arrêté contesté et le formulaire « CERFA », est irrecevable au regard de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme.

    TA. Châlons-en-Champagne, 20 juin 2013, req. n°12-00550 (Jugement du 20 juin 2013.PDF - définitif)


    Dans cette affaire, le permis de construire contesté avait fait l’objet d’un recours gracieux puis d’un recours contentieux exercé auprès du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

    Si les requérants avaient entendu notifier chacun de ces recours, et notamment leur recours contentieux, tant à la Ville auteur de la décision contestée qu’à la société titulaire de ce permis de construire, il reste qu’ils avaient en fait opéré cette notification au nom et surtout à l’adresse de l’établissement principal de cette société et non pas donc à l’adresse de son établissement secondaire qui avait sollicité cette autorisation et ce, en renseignant sa propre adresse dans le formulaire « CERFA », laquelle devait ainsi être retranscrite dans l’arrêté de permis de construire.

    C’est précisément pour ce motif que la requête devait donc être rejetée comme irrecevable au regard de l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Chaste et autres ont adressé la notification de leurs recours gracieux, déposé auprès de la commune de Reims le 12 décembre 2011, à la SA Bouygues immobilier, au 3 boulevard Gallieni à Issy-les-Moulineaux ; qu'ils ont notifié de la même façon leur recours contentieux, enregistré le 26 mars 2012 ; que toutefois, le demandeur de l'autorisation contestée tel que figurant dans la demande de permis de Construire et dans l'ensemble des documents joints à cette demande est la SA Bouygues immobilier région Est Agence Lorraine Champagne, dont le siège est au 9 rue André Pingat à Reims ; que les requérants font valoir, en produisant notamment un extrait du Kbis de la société Bouygues immobilier, que la société domiciliée à Reims est un établissement secondaire du siège social de Issy-les-Moulineaux que, pour autant, conformément à l'objectif de sécurité juridique poursuivi par la loi, le bénéficiaire réel de l'autorisation doit être informé de l'existence d'un recours, notamment au regard du lien existant avec l'ouvrage autorisé : qu'en l'espèce, compte tenu de l'autonomie juridique dont dispose l'agence Lorraine-Champagne, qui, comme il a été dit précédemment, a déposé en son nom la demande du permis de construire contesté, et de l'objet de l'autorisation délivrée, la notification prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme faite par les requérants au siège social de la SA Bouygues immobilier ne peut être regardée comme régulièrement réalisée, ni pour le recours gracieux, ni pour le recours contentieux ; que le recours gracieux formé le 12 décembre 2011 n'a pu conserver le délai de recours contentieux, et la requête déposée le 26 mars 2012 était ainsi tardive; que par suite, la requête présentée par M. Chaste et autres est irrecevable ».

    Malgré les liens existants entre l’établissement principal auquel avaient été adressés les recours et l’établissement secondaire ayant obtenu le permis de construire, cette décision fondée sur l’objectif de sécurité juridique poursuivi par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme apparait difficilement contestable non pas tant (ou seulement) au regard de l’autonomie juridique du second qu’en raison du fait que l’adresse de celui-ci n’était pas celle du premier.


    En effet, si l’on sait que le Conseil d’Etat a pu admettre la régularité d’une notification effectuée au conjoint du titulaire du permis de construire, et non pas distinctement à ce dernier, c’est dans la mesure où :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme était la bénéficiaire de la décision de non-opposition à la déclaration de travaux et devait donc être regardée comme le titulaire de l'autorisation, au sens de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que la lettre recommandée portant notification du recours gracieux de Mme A contre cette décision a été adressée non à Mme , mais à M. ; que, toutefois, eu égard à l'objet de la procédure prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et dès lors qu'il n'était pas contesté devant les juges du fond que M. et Mme ne sont pas séparés de corps, la notification à M. au domicile commun du couple d'une lettre qui aurait dû être adressée à sa conjointe satisfaisait aux exigences de cet article ; que le délai du recours contentieux avait dès lors été conservé par le recours gracieux exercé par Mme A ; qu'ainsi le tribunal administratif n'a commis aucune erreur de droit en admettant la recevabilité de la demande de cette dernière » (CE. 7 août 2008, Cne de Libourne, req. n°288.966).

    Surtout, il est de jurisprudence constante que la notification prévue par l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme doit en toute hypothèse s’effectuer à l’adresse du pétitionnaire telle qu’elle est renseignée par l’arrêté de permis de construire et/ou par le formulaire « CERFA » de demande ; (CE. 23 avril 2003, Association « Nos Villages », req. n°251.608 ; CAA Marseille, 31 mars 2011, « ALCTJ de FLOELLI », req. n°09MA00589) ; étant rappelé que rien n’impose en revanche que cette adresse figure sur le panneau d’affichage prescrit par l’article R.424-15 (CAA. Bordeaux, 20 novembre 2003, SCI La Rocaille, req. n°99BX01471). A titre d’exemple, il a en effet été jugé que :

    « Considérant que les demandes de M. X... DE MOULINS tendant à l'annulation des décisions en date des 12 mars et 29 avril 1996 par lesquelles le maire d'Orgeval a délivré respectivement un permis de démolir et une autorisation de lotir à la société en nom collectif Le clos de la Vernade ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Versailles le 24 mai 1996 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... DE MOULINS n'a pas notifié ses recours à la société en nom collectif Le clos de la Vernade, titulaire des autorisations n°33.550.06.Z.1194es, dans le délai de quinze jours francs à compter de l'enregistrement de ses demandes devant le tribunal administratif, en méconnaissance des dispositions susrappelées ; que M. X... DE MOULINS ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il avait procédé à la notification de son recours à la commune d'Orgeval, dès lors que cette notification ne le dispensait pas de notifier son recours au titulaire des autorisations n°33.550.06.Z.1194es ;
    que les circonstances invoquées qu'à la date où ont été délivrés le permis de démolir et l'autorisation de lotir, la société en nom collectif Le clos de la Vernade n'avait pas d'existence juridique et n'était pas immatriculée au registre du commerce et que l'acquisition du terrain ait été postérieure à la demande, sont sans influence sur l'obligation de notification qui pesait sur le requérant dès lors que les décisions n°33.550.06.Z.1194 portaient la mention du titulaire de l'autorisation et de son adresse mettant ainsi l'intéressé en mesure de notifier son recours, alors même que les formalités juridiques de constitution de la société n'étaient pas achevées ; que par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a considéré que M. X... DE MOULINS n'avait pas satisfait aux prescriptions des dispositions de l'article L.600-3 du code de l'urbanisme et a rejeté ses demandes principales comme irrecevables » (CAA. Paris, 23 juin 1998, Ernault de Moulins, req. n°97PA01949 & 97PA01950) ;

    mais a contrario que :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, reprises à l'article R. 411-7 du code de justice administrative, dans leur rédaction applicable à la date du recours : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif » ; qu'il est constant que la notification du recours formé par M. X et M. Y devant le Tribunal administratif de Lille a été faite, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées, à l'adresse que la SCI LES EPOUX, bénéficiaire du permis de construire contesté, avait indiquée dans sa demande d'autorisation de construire et qui figurait sur le permis qui lui a été attribué ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société qui n'avait pas procédé à un nouvel affichage sur le terrain de son permis de construire, avait, en tout état de cause, fait connaître, notamment à la mairie, son changement d'adresse ; que, par suite, et alors même que les auteurs du recours avisés par les services de la Poste de l'échec de leur notification à la seule adresse connue de la société à l'époque, n'aient pas cherché sa nouvelle adresse afin de renouveler la notification de leur recours, ils doivent être regardés comme ayant régulièrement accompli les formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et n'ont pas méconnu l'objectif de sécurité juridique poursuivi par ce texte ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que le pli adressé tant à la mairie qu'à la société bénéficiaire du permis de construire ne contenait pas, contrairement aux mentions portées sur la lettre d'accompagnement de la notification de leur recours, la copie intégrale de leur recours » (CAA. Douai, 14 mai 2008, SCI Les Epoux, req. n°07DA00950)

    Ainsi dès lors que la notification est opérée à cette adresse, celle-ci est régulière, quand bien même n’est elle pas strictement effectuée à l’attention de la personne physique ou morale désignée comme titulaire du permis de construire ; pour autant bien entendu qu’il existe entre la personne destinataire de cette notification et le titulaire de l’autorisation contestée un « lien de droit » suffisant puisqu’en revanche, il a pû être jugé que :


    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme (…) ; qu'il résulte de ces dispositions que Mme X devait notifier la présente requête à l'association Saint-Michel, bénéficiaire du permis de construire litigieux ;
    Considérant que la requête en appel a été notifiée à la SARL Plénitude Saint Michel, M. Y, ... ; que si Mme X soutient que le président et l'adresse de la SARL Plénitude Saint-Michel sont également ceux de l'association Saint-Michel, la notification à la SARL Saint-Michel et non au titulaire de l'autorisation qui est l'association Saint-Michel ne satisfait pas aux exigences de l'article précité ; que la requête de Mme X est dès lors irrecevable
    » (CAA. Bordeaux, 10 février 2005, Aimée Cara, req. n°01BX02062).

    A l’inverse, et sauf cas plus particulier (pour exemple : CE. 13 juillet 2011, SARL Love Beach, req. n°320.448), cette notification est donc irrégulièrement accomplie lorsqu’elle n’est pas faite à l’adresse indiquée par le pétitionnaire, lequel déjà tributaire des services postaux n’a donc pas à rechercher si de potentiels requérants n’auraient pas notifié un recours à une autre adresse que celle déclarée, ni à espérer alors que le réceptionneur de cette notification veuille bien l’en informer, si possible dans le délai de 15 jours prévus par l’article R.600-1 (sur cette considération, voire également ici)


    Voici donc une solution « équitable » : si le pétitionnaire ne peut utilement alléguer d’un changement adresse ou d’une défaillance des services postaux, les requérants ne peuvent donc se prévaloir des liens entre le pétitionnaire et la personne à l’adresse de laquelle ils ont notifié leur recours.

     

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés