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  • Sur la prise en compte des aménagements à réaliser dans le cadre d’un projet relevant d’une autre autorisation d’urbanisme

    Lorsque le projet objet de l’autorisation en litige ne répond pas lui-même aux prescriptions de l’article 13 du règlement local d’urbanisme sur le nombre d’arbres à planter, le titulaire de celle-ci ne peut utilement faire état d’arbres à planter dans le cadre d’un autre projet.

    CAA. Lyon, 29 avril 2008, Sté Brennus Habitat, req. n° 06LY01045



    Pour cette dernière note avant notre départ en vacances, on aurait pu souhaiter une décision à commenter d’un plus grand intérêt que l’arrêt objet de la note de ce jour.

    Néanmoins, cet arrêt est loin d’être inintéressant puisque si nous avons plusieurs fois traité de la question relative à la prise en compte des équipements publics futurs nécessaires à la constructibilité du terrain, nous n’avions jamais abordé celle de la prise en compte des d’aménagements certes prévus par le pétitionnaire mais dans le cadre d’un autre projet que celui objet de l’autorisation contestée.

    En l’espèce, le terrain d’assiette du projet présentait une surface de 12.367 mètres carrés. En conséquence de l’article 13 du règle du POS communal prescrivant la plantation « d’un arbre de haute tige pour 200 m² de parcelle », le projet objet de l’autorisation en litige impliquait donc la plantation de 61 arbres de haute tige ; puisque, rappelons-le, en l’absence de précision contraire, une telle prescription impose la plantation d’un arbre par tranche de 200 mètres carrés consommée et non par tranche entamée (à propos des besoins en stationnement : CE. 8 mars 2002, SCI Télémarrk, req. n°226.631).

    Or, si le projet autorisé ne prévoyait la plantation que de 43 arbres, le pétitionnaire devait toutefois faire état d’arbres à planter dans le cadre d’un autre projet. Mais la Cour devait donc rejeter cet argument en jugeant, de façon pour le moins cursive, que la « circonstance que de nouvelles plantations seraient réalisées sur le même terrain dans le cadre d'un projet ultérieur ne peut être prise en compte ».

    A cet égard, cette décision peut-être rapprochée de l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat a jugé, en matière de stationnement, que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée par l'office requérant pour la construction d'un immeuble de 41 logements sur un terrain sis 28 rue Sorbier, 20-22 rue Elisa Borey et 1-3 rue Soleillet ne prévoyait l'aménagement d'aucune aire de stationnement dans le bâtiment à édifier et se bornait à renvoyer, pour l'aménagement d'un nombre d'emplacements "à déterminer" à une "2ème phase" de l'opération dite "Les Sorbiers" ; que s'il n'est pas contesté que la configuration des lieux faisait obstacle à l'aménagement d'aire de stationnement dans le sous-sol de l'immeuble à construire, ce qui rendait applicable les dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, il est constant que, lorsque le permis de construire lui a été délivré, l'office requérant n'avait pas satisfait aux obligations que lui imposait le plan d'aménagement de zone en recourant à l'une ou l'autre des modalités définies par le 3ème alinéa dudit article ; qu'à défaut de justification de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public et de versement d'une participation en vue de la réalisation de parcs publics, la double circonstance, invoquée par l'office, que des aires de stationnement auraient été prévues dans un autre immeuble compris dans une "2ème phase" de l'opération "Les Sorbiers" qui devait être construit à une date et selon des modalités d'ailleurs non précisées, et que des aires de stationnement en nombre excédentaire étaient aménagées dans l'ilot dit "les Mûriers" à une distance de l'immeuble litigieux qui, au surplus, ne ressort pas du dossier, n'est pas de nature à faire regarder l'office requérant comme ayant satisfait, à la date de délivrance du permis, aux obligations que lui imposaient les dispositions combinées de l'article 12 du plan d'aménagement de zone et de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que l'office requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par ce motif, annulé l'arrêté préfectoral du 16 octobre 1980 » (CE. 8 juin 1988, OPHLM de Paris C/ Epx Rougemont, Dr. Adm, 1988, n° 441).

    Il faut cependant relever que la Cour lyonnaise s’est borné à indiquer, sans plus de précision, que la référence à « un projet ultérieur ne peut être prise en compte » cependant que le Conseil d’Etat a lui, plus spécifiquement, relevé que la « circonstance (…) que des aires de stationnement auraient été prévues dans un autre immeuble compris dans une "2ème phase" de l'opération "Les Sorbiers" qui devait être construit à une date et selon des modalités d'ailleurs non précisées (…) n'est pas de nature à faire regarder l'office requérant comme ayant satisfait, à la date de délivrance du permis, aux obligations que lui imposaient les dispositions combinées de l'article 12 du plan d'aménagement de zone » ; laissant ainsi penser qu’en revanche (mais il faut, toutefois, souligner l’usage du, « d’ailleurs », proche du « au surplus » ou encore du « en tout état de cause), si le projet connexe a déjà été autorisé à la date de délivrance du permis de construire en litige, le pétitionnaire peut se prévaloir, pour défendre la légalité de cette autorisation, des aménagements à réaliser dans le cadre de cet autre projet. Et précisément, il a ultérieurement pu être jugé que :

    « Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article UB 13 du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Toulouse : 1.1. Espaces de pleine terre : Excepté pour les équipements publics, une superficie en pleine terre d'au moins 20 % de la surface de l'unité foncière doit être aménagée en jardin... 2.2. Plantations projetées : Excepté pour les constructions à usage d'habitation de deux logements au plus : les espaces libres doivent être organisés et comporter au moins un arbre de haute tige par tranche de 75 m² de surface exigée en pleine terre ; qu'il ressort des documents annexés à la demande de permis de construire que, l'unité foncière étant de 24 097 m², la surface en pleine terre devant être aménagée en jardin est égale à 4 819 m² sur laquelle le pétitionnaire a l'obligation de planter 65 arbres au moins en application des dispositions précitées ; que le premier permis de construire délivré le 29 juin 1994 à la SCI Domaine des Capitouls portant sur un ensemble immobilier de 238 logements sur une parcelle de la même unité foncière, devenu définitif, a prévu la plantation de 283 arbres ; qu'au regard du nombre de plantations prévues dans ce premier permis de construire, dont se prévaut la SCI Domaine des Capitouls, les permis de construire attaqués doivent être regardés comme respectant les dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols » (CAA. Bordeaux, 28 février 2005, M. X.,req. n° 00BX01995).

    Néanmoins, la solution retenue dans l’arrêt précité nous paraît pour le moins sujette à caution.

    Tout d’abord, elle aboutit à une application de l’article 13 à géométrie variable puisque si le pétitionnaire peut se prévaloir d’arbres à planter sur une autre parcelle que celle constituant l’assiette du permis de construire en litige, les requérants ne sauraient pour leur part faire état d’arbres à abattre sur une autre parcelle puisqu’il a été jugé que :

    « Considérant que, si les requérants soutiennent que le nombre d'arbres à remplacer serait de 16, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la comparaison entre le plan de masse coloré des plantations et le rapport de l'expert horticole désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, qu'en dehors des arbres transplantés, ce nombre s'élève à 14, étant précisé que, pour l'application de la disposition précitée, doivent être décomptés tous les arbres recensés et identifiés par l'expert, figurant dans l'emprise de la seule parcelle support du projet, y compris les arbres fruitiers que l'article UA 13 n'exclut pas et ceux détruits avant la demande de permis de construire, et à l'exclusion des yuccas et de la haie de pittosporum qui ne peuvent être considérés comme des arbres au sens de la disposition en cause du POS ; qu'ainsi, en application de ladite disposition, le pétitionnaire est astreint à planter 28 arbres ; que, ce dernier s'étant engagé à en planter 20, et le permis ayant en outre été assorti d'une prescription spéciale lui imposant la plantation de 10 arbres de haute futaie d'essence locale en plus de ceux initialement prévus dans la demande, les exigences de l'article UA 13 doivent être regardées comme étant respectées » (CAA. Marseille, 23 novembre 2006, Association des Amis de la Napoule, req. n°03MA02037).

    Ensuite, il semble que dans l’affaire objet de l’arrêt de la Cour bordelaise, ce soit seulement au stade du contentieux que le pétitionnaire se soit prévalu des arbres à planter dans le cadre d’un autre projet cependant qu’en vertu du principe d’indépendance des procédures, l’administration est réputée statuer au seul vue des pièces du dossier produit par le pétitionnaire et donc sans avoir connaissance d’un projet annexe.

    Enfin et surtout, cette solution nous paraît contraire au principe d’indivisibilité des projets au regard des normes sanctionnées par permis de construire, tel qu’il est aujourd’hui clairement conçu par le Conseil d’Etat.

    On sait, en effet, qu’antérieurement, le Conseil d’Etat avait pu juger que la légalité d’un permis de construire se rapportant à une opération indivisible devait être appréciée globalement et avait, en matière d’espaces verts (et de places de stationnement), adopter une démarche équivalente en jugeant que :

    « Considérant que les deux arrêtés en date du 30 septembre 1981 par lesquels le maire de Reichstett a autorisé la construction d'une part, d'une recette postale et de magasins par la société civile immobilière "LE DEAUVILLE", et d'autre part, d'un supermarché par l'union des coopérateurs d'Alsace, prévoient l'un et l'autre que les permis de construire ne sont accordés que sous réserve, notamment, que "30 % de la surface de la parcelle devront être traités en aménagements paysagers (arbres, gazon et autres plantations)" ; Considérant que ni les demandes de permis de construire ni les plans annexés ne contenaient d'indications sur la "superficie des espaces verts plantés ou gazonnés" en conformité avec ladite réserve ; que ni les aires de stationnement exigées par l'article 15 du règlement du lotissement "Souffel" ni les "arbres ornementaux à feuillage persistant ou résineux "exigés par l'article 16 à raison d'un arbre par are dépassant la surface de 300 m 2 de chaque lot, ne pouvaient être considérés comme constituant des "aménagements paysagers" imposés par les réserves susanalysées ; que l'emprise des bâtiments, aires de stationnement et voies d'accès, autorisée par les projets était incompatible avec le respect desdites réserves » (CE. 10 MARS 1989, SCI « LE DEAUVILLE », REQ. N° 69.451).

    Dès lors qu’à suivre cet arrêt, la faisabilité des espaces verts respectivement prévus par deux permis de construire distincts doit être appréciée de façon globale, il n’y a contrario rien de plus normal que le pétitionnaire puisse défendre la légalité de l’un au regard de l’article 13 du règlement local d’urbanisme en se prévalant des aménagements prévus par l’autre à ce même titre.

    En outre, il avait pu être jugé que l’irrégularité du fractionnement d’une même opération en deux permis de construire délivrés successivement n’est pas opposable au second puisqu’à sa date de délivrance et du fait de la délivrance du premier, l’administration a une connaissance complète du projet (en ce sens : CE. 23 décembre 1987, Centre national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, Rec., p. 433).

    Il n’en demeure pas moins que la démarche validée par la Cour bordelaise aboutit à faire relever les composantes d’un seul et même projet de deux autorisations distinctes alors que les arbres à planter au titre de l’article 13 d’un règlement local d’urbanisme sont juridiquement indivisibles de la construction autorisée par le permis de construire en litige puisque nécessaire à la légalité de cette autorisation au regard des prescriptions de cet article.

    Or, rien ne saurait garantir que le pétitionnaire se borne à exécuter le permis de construire n°2 et s’abstienne d’exécuter le permis de construire n°1 et, donc, ne réalise pas les arbres dont il s’était prévalu pour établir la légalité du permis de construire n°2 : l’exécution de ce dernier est donc susceptible d’aboutir à un projet non conforme à l’article 13, sans que rien ne puisse être reproché au pétitionnaire.

    Telle étant selon nous, au delà des implications de l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme et de la fiction qu’est le principe d’indépendance des procédures, la principale justification concrète de la règle selon laquelle un projet indivisible ne saurait être légalement fractionné en deux permis de construire et qu’en pareil cas, tant le premier que le second sont illégaux et encourent l’annulation comme la récemment jugé que le Conseil d’Etat pour, d’ailleurs, censurer un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Et si cette décision de la Haute Cour vise « les constructions indivisibles » (CE. 10 octobre 2007, Association de défense de l'environnement d'une usine située aux Maisons à Saint-Jory-Lasbloux, req. n°277.314), nous voyons mal pourquoi la solution ainsi retenue, laquelle procède, au regard de la jurisprudence antérieure, de la règle posée par l’actuel article L.421-6 (qui seule peut d’ailleurs fonder cette solution), ne vaudrait pas pour l’ensemble des aspects indivisibles du projet saisis par cet article et, donc, pour les arbres à planter.

    Sur ce : bonne vacances à tous !!!


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • VEILLE JURISPRUDENTIELLE EXPRESSE

    Par un jugement en date du 10 juin 2008.pdf, le Tribunal administratif de Versailles a jugé que par l'article l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005, procédant à la validation législative de l’ensemble des conventions et concessions relative à la réalisation d'une opération d’aménagement (sur la notion d'opération d'aménagement, voir ici) , conclues avant la publication de cette loi, pour le cas où leur « légalité serait contestée en tant que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes », le législateur avait poursuivi « un motif impérieux d’intérêt général » fondé sur « la sécurité juridique » dont il résulte que non seulement la validation législative opérée par l’article précité doit être réputée valoir tant pour les contrats eux mêmes que pour les actes en étant détachables mais encore que cette validation ne méconnait pas « les règles et principes du droit communautaire ».

    Ce faisant, le Tribunal a donc rendu une décision totalement contraire à celle par laquelle il avait précédemment jugé que si, en vertu du dernier alinéa de l'article L.300-4, ladite convention n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de la loi n°93-122 du 29 juin 1993 reprises aux articles L. 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales, elle n'était pas pour autant exclue du champ d'application des règles fondamentales posées par le traité de l'Union, qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats ; que ces règles s'appliquent nonobstant l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005, qui prévoit la validation des conventions publiques d'aménagement conclu sans publicité et mise en concurrence avant le 21 juillet 2005, et dont les dispositions contraires au traité doivent être écartées » et qu’au surplus, cet article n’a pas lieu d’être appliqué dans le cadre d’un recours dirigé à l’encontre d’un acte détachable du contrat dès lors que les dispositions de cet article « s’appliquent aux conventions publiques d’aménagement signées avant le 21 juillet 2005 et non aux délibérations et décisions prises lors de la procédure préalable à la conclusion desdites conventions » (TA. Versailles, 22 juin 2007, Mme Christine BUFFET, req. n° 05-05044. Cf : notre note du 23 août 2007 : « Sur la conventionalité et le champ d’application matériel de l’article 11 de la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005 portant validation des conventions et concessions d’aménagement antérieures à son entrée en vigueur »).

    Néanmoins, il serait prématuré d’y voir un total revirement (a fortiori, « téléguidé ») dans la mesure où ce second jugement a été rendu par une chambre et une formation de jugement différentes de celles ayant rendu le premier.

    En l'état, ce jugement nous semble surtout illustrer les difficultés du juge national face aux validations législatives d’actes antérieurs non conformes au droit communautaire (Sur l’ensemble de cette question : R.KOVAR, « Loi de validation et droit communautaire », Rev. Europe, n°10/2007, étude n°20).

     

     

    Patrick E. DURAND

    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris

    Cabinet FRÊCHE & Associés