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Réformes des autorisations

  • Sur l’instruction effective des demandes de permis de construire soumises à enquête publique

    Si l’article R.424-20 du Code de l’urbanisme prévoit que le délai d’instruction d’une demande de permis de construire soumise à enquête publique court à compter de la remise du rapport du Commissaire enquêteur, cette circonstance ne s’oppose pas à ce que les avis des services à consulter soient sollicités et émis avant cette échéance.

    CAA. Nancy, 28 juin 2012, Jean-Louis A… & autres, req. n°011NC01228

     

    Voici un arrêt qui à défaut d’être fondamental d’un point de vue juridique s’avère particulière utile d’un point de vue pratique.

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait présenté une demande de permis de construire portant sur l’implantation de deux éoliennes et soumise à enquête publique préalable dont le rapport fut remis 28 décembre 2008 avant que le permis de construire soit délivré le 24 février 2009.

    Ce permis de construire devait cependant faire l’objet d’un recours en annulation fondé sur la circonstance que les services consulté sur le projet avaient émis leur avis avant la remise du rapport du commissaire enquêteur, et ce en méconnaissance selon eux de l’article R.423-20 du Code de l’urbanisme..

    Pour autant, alors que ces avis avaient donc bien été recueillis avant ce moyen fut rejeté par la Cour administrative d’appel de Nancy au motif suivant :

    « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 423-20 du code de l'urbanisme : " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 423-19, lorsque le permis ne peut être délivré qu'après enquête publique, le délai d'instruction d'un dossier complet part de la réception par l'autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables quand l'enquête publique porte sur un défrichement. " ;
    Considérant que les requérants soutiennent que les dispositions précitées ont été méconnues en ce que l'ensemble des avis visés dans l'arrêté attaqué ont été émis avant l'avis émis par le commissaire enquêteur le 25 décembre 2008 ; que, toutefois, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que le service instructeur de la demande de permis de construire recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur antérieurement à la réception du rapport du commissaire enquêteur, ceux-ci n'étant pas conditionnés par le dépôt de celui-là ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écart
    ».


    Dès lors que l’article R.423-20 allégué par les requérants ne comportait aucune disposition sur ce point, cette solution est pour le reste parfaitement logique dès lors que :

    • d’une façon générale, la jurisprudence se borne en fait à exiger que les avis devant être recueillis soient émis entre le dépôt de la demande et la délivrance du permis de construire (CE. 6 juillet 1983, Sté l’Allobroge, req. n°38336 ; CE. 31 mai 1995, Cne de Sasset les Pins, req. n°121.012) ;

    • plus spécifiquement, s’ils recouvrent de fait la période pendant laquelle l’autorité compétente doit recueillir les avis des services intéressés par le projet, il n’en demeure pas moins qu’en droit les délais d’instruction d’une demande sont conçus comme une garantie pour le pétitionnaire et doivent ainsi être compris comme des délais d’instruction maximum (CE. 10 mai 1996, SCI Rayons Verts, req. n°140.027).

    Dès lors qu’ils sont recueillis après le dépôt de la demande d’un dossier complet, ces avis sont donc réguliers sur ce point lorsque, par exception à l’article R.423-19, le déclenchement du délai d’instruction de cette demande est différé et ne correspond donc pas à ce seul dépôt.

    Mais rendue au sujet des demandes de permis de construire soumises à enquête publique, cette solution présente un double intérêt.

    En effet, si l’article R.423-20 précité se borne à préciser que le délai court à compter de la remise du rapport d’enquête publique, l’article R.423-32 du Code de l’urbanisme précise pour sa part que le délai d’instruction d’une demande soumise à enquête publique est « de deux mois à compter de la réception par l'autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête ».

    Il reste que ce dernier article est inséré au sein d’une section du code prévoyant plusieurs autres cas de majoration du délai d’instruction de droit commun, parmi lesquels au premier chef la majoration de six mois prévue, par l’article R.423-28, s’agissant des projets portant sur un « ERP » et ce, alors que l’article R.423-33 dispose seulement que « Les majorations de délai prévues aux articles R. 423-24 et R. 423-25 ne sont pas applicables aux demandes mentionnées aux articles R. 423-26 à R. 423-32 ».

    A contrario, même s’il est vrai ce n’est pas d’une extrême clarté, la majoration de six mois prévue par l’article R.423-28 du Code de l’urbanisme est donc applicables au permis de construire soumis à enquête publique.

    C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Administration centrale a précisé « dans ce cas de figure, le point de départ du délai d'instruction coïncide avec la réception par l'autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête (art. R. 423-20 et R. 423-32 du code de l'urbanisme). Concernant le nouveau délai d'instruction à notifier, il correspond au délai de substitution le plus long. Par exemple, dans l'hypothèse d'un établissement recevant du public (ERP) soumis à enquête publique au titre de l'article R. 123-1 du code de l'environnement, le nouveau délai d'instruction sera de six mois à partir de la réception par l'autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête » (Rép. Min. n°20118, JOAN 2 septembre 2008, p.7570).

    Par voie de conséquence, l’arrêt commenté ce jour tend à valider la pratique consistant à obtenir les avis des services intéressés par le projet avant même la remise du rapport du commissaire enquêteur et ce, pour délivrer immédiatement après le permis de construire sollicité.

    Mais au-delà de son intérêt évident sur ce point, cette pratique permet également d’assurer la légalité de ce permis de construire au regard des règles propres à la procédure d’enquête publique.

    En effet, si l’article R.423-20 prévoit donc que le délai d’instruction de la demande court à compter de la réception du rapport du commissaire enquêteur et, suivant une certaine logique, appelle ainsi à solliciter les avis requis après la remise de ce document, il reste que pour sa part l’article R.123-8 du Code de l’environnement dispose que : « le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet » et, « au moins », ceux « rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête »…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat associé au barreau de Paris

    Cabinet Frêche & Associés
     

  • Sur le champ d’application dans le temps de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme

    Le délai de trois mois prescrit par l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme est opposable à toutes les décisions de retrait d’un permis de construire, y compris dont lorsqu’elles concernent des permis de construire délivrés avant le 1er octobre 2007

    CAA. Lyon, 8 novembre 2011, Cne de Limonest, req. n°10LY01135


    Bien qu’il concerne une situation appelée à se raréfier, voici un arrêt qui conserve son intérêt en cette période de modification future des règles d’urbanisme.

    Dans cette affaire le pétitionnaire avait déposé le 14 novembre 2006 une demande de permis de construire pour l'édification d'une résidence étudiante de 84 logements, laquelle devait donné lieu à la formation d’un permis tacite, né le 25 mars 2007. Toutefois :

    - le 11 juin 2007 la demande devait faire l’objet d’un refus exprès s’analysant selon une jurisprudence constante en un retrait du permis tacite précédemment acquis ;
    - le 24 aout 2007, le maire devait retiré cette décision du 11 juin 2007 avant d’y « substituer » le 15 octobre 2007 une nouvelle décision de refus de permis de construire valant comme la précédente retrait du permis tacite acquis le 25 mars 2007.

    C’est cette décision du 15 octobre 2007 que le pétitionnaire devait attaquer et dont il devait obtenir l’annulation au motif de la tardiveté de ce retrait au regard de l’article L.424-5 (al.2) du Code de l’urbanisme entré en vigueur le 1er octobre 2007 et dont on rappellera qu’il dispose que « le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    La commune devait toutefois interjeter appel du jugement de premier instance en reprenant notamment à son compte la position de l’administration centrale au sujet du champ d’application de l’article L.424-5 précité et de sa prétendue inopposabilité aux décisions de retrait intervenant sur des permis intervenus avant le 1er octobre 2007.

    Toutefois, à l’instar du Tribunal administratif de Lyon en première, la Cour administrative d’appel lyonnaise devait rejeter cet argument pour conséquemment annuler la décision de retrait du 15 octobre 2007 au regard de sa tardiveté :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 : Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ;
    Considérant qu'aux termes de l'article 26 du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 : Les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt ;
    Considérant que la commune soutient que le retrait du permis tacite du 25 mars 2007 était soumis aux dispositions du 3°) de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 susvisée aux termes duquel : Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : 1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé ; qu'elle fait en conséquence valoir que le retrait intervenu était possible à la date du 15 octobre 2007, dès lors qu'un recours contentieux avait été formé à son encontre le 27 juillet 2007 par l'Association syndicale libre du hameau de Mathias ;
    Considérant que les règles de procédure visées par le décret du 5 janvier 2007 précité ne visent que l'instruction des demandes de permis de construire jusqu'à l'intervention d'une décision sur celles-ci ; qu'en revanche, elles ne sauraient régir une décision de retrait intervenue postérieurement au 1er octobre 2007 qui est soumise aux dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme précité ; qu'en l'espèce, la décision du 15 octobre 2007 valant retrait du permis de construire tacite dont la SCI Résidence du Mathias était titulaire depuis le 25 mars 2007 est intervenue tardivement, dès lors qu'il a été effectué le 15 octobre 2007 au-delà du délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce et alors que l'autorité administrative ne disposait plus du pouvoir pour ce faire ; qu'ainsi la COMMUNE DE LIMONEST n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a accueilli le moyen présenté par la SCI Résidence du Mathias tiré de la tardiveté de l'arrêté du 15 octobre 2007
    ».


    Une telle analyse est difficilement contestable. Il est vrai, en effet, que l’article 26 du décret du 5 janvier 2007 et l’article 4 du décret n°2007-817 du 11 mai 2007 disposent que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt ».

    Il reste que ces dispositions ne régissent que ne régit que le « traitement » des demandes et n’a donc pas vocation à organiser le sort des décisions subséquentes et, notamment, leur retrait ; alors que pour l’application de l’ancien article L.421-2-8 du Code de l’urbanisme qui précisait que « les demandes de permis de construire sur lesquelles il n'a pas été statué à la date du transfert de compétences continuent d'être instruites et font l'objet de décisions dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur au moment de leur dépôt », il avait néanmoins été jugé qu’en conséquence de l’intervention d’un transfert de compétences pour la délivrance des autorisations d’urbanisme intervenu entre ces deux décisions, un maire était compétent pour retirer au nom de la commune un permis de construire précédemment délivré par le préfet au nom de l’Etat (CE. 7 octobre 1994, Joly, req. n°90344).

    Surtout, l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme conditionne non pas la légalité des autorisations d’urbanisme qu’il vise mais régit uniquement la légalité des décisions de retrait de ces dernières. Or, par principe, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération des normes applicables à sa date d’édiction et il en va évidemment ainsi des décisions prononçant le retrait d’une autorisation d’urbanisme dont, par voie de conséquence, la légalité s’apprécie au regard des règles en vigueur à la date du retrait et non pas au regard de celles applicables à la date de délivrance de l’autorisation retirée. A titre d’exemple, il a ainsi été jugé que :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 23 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : Une décision implicite d'acceptation peut être retirée pour illégalité par l'autorité administrative : A. Pendant le délai du recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2. - Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision lorsque aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; 3. - Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé ;
    Considérant qu'à la date à laquelle est intervenue la décision de retrait attaquée, la décision implicite d'acceptation du 30 avril 2002 faisait l'objet d'un recours pendant devant le Tribunal administratif de Melun introduit par l'association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature (A.S.M.S.N.) ; que, contrairement aux allégations de la SOCIETE LES REMBLAIS PAYSAGERS, ce recours n'était pas tardif dès lors que la requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les formalités d'affichage de la décision susmentionnée auraient été effectuées ; que, par suite, le maire de Carnetin pouvait, conformément aux dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000, procéder au retrait de l'acte attaqué
    » (CAA. Paris, 2 octobre 2006, Sté Les Remblayes Paysagers, req. n°05PA03683).


    Ce principe est constant puisque, dans le même sens, il a pu être jugé que la procédure administrative contradictoire instituée par l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 s’appliquait à toute décision défavorable prise à compter de son entrée en vigueur, y compris à celle retirant une décision créatrice de droit formée avant cette échéance (pour exemple : CE. 3 décembre 2001, Mme Errify, req. n°230.847) ou, bien plus, qu’en conséquence de l’intervention d’un transfert de compétences pour la délivrance des autorisations d’urbanisme intervenu entre ces deux décisions, un maire était compétent pour retirer au nom de la commune un permis de construire précédemment délivré par le préfet au nom de l’Etat (CE. 7 octobre 1994, Joly, req. n°90344).

    Il faut d’ailleurs rappeler que les délais de retrait des décisions implicites d’acceptation antérieurement issues de la jurisprudence dite « Dame Cachet » (CE. 3 novembre 1922, Dme Cachet, req. n°74010) ont été substantiellement modifiées par l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 dont on précisera qu’elle est entrée en vigueur le 1er novembre de la même année. Or, pour application de ce nouveau dispositif, il a pu être jugé :

    « Considérant que, pour annuler la décision en litige, les premiers juges se sont fondés sur le caractère tardif du retrait ainsi opéré en estimant que le maire n'avait pu légalement y procéder, de sa propre initiative, après l'expiration d'un délai de deux mois suivant la naissance de la décision tacite de non opposition ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision de retrait, intervenue avant l'entrée en vigueur de l'article 23 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 susvisée, et alors même qu'elle a été prise de la propre initiative de l'autorité administrative, pouvait légalement intervenir dans le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision tacite ; (CAA. Marseille, 16 mars 2006, Ministre de l’équipement, req. n°03MA00934) ;

    et :

    « Considérant qu'il est constant que la lettre de notification du délai d'instruction en date du 27 mars 2000 n'avait fait l'objet d'aucun affichage ; qu'à la date de la décision de retrait du permis tacite, les dispositions de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 n'étaient pas, en tout état de cause, entrées en vigueur ; que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE SAINT-ANDRE-LEZ-LILLE n'a pas porté atteinte à des droits définitivement acquis au bénéfice de la SA X Matériaux en prononçant, le 28 septembre 2000, le retrait du permis de construire délivré implicitement le 17 juin 2000 » (CAA. Douai, 28 avril 2005, Cne de Saint-Andre-les-Lille, req. n°03DA01136).

    Dans ces deux affaires, le juge administratif a donc apprécié la légalité de la décision de retrait en recherchant les règles applicables à leur date d’édiction et ce, indépendamment de toute considération liée à la date de délivrance de l’autorisation retirée.

    Suivant ce principe, il nous semble donc clair que le dispositif issu de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme a vocation à conditionner la légalité des décisions de retrait prononcée à compter du 1er octobre 2007, y compris donc pour ce qui concerne celles portant sur des autorisations délivrées avant cette date ; étant précisé qu’une telle interprétation n’a nullement vocation à conférer à ce dispositif une portée rétroactive puisque ce dernier régit la légalité des seules décisions de retrait et qu’elle n’aboutit pas à l’appliquer aux décisions de retrait prononcées avant le 1er octobre 2007.

    Au surplus, la seule réserve à cette conclusion tenait à ce que l’article précité vise des autorisations, tel le permis d’aménager, n’ayant vocation à intégrer l’ordonnancement juridique qu’en conséquence de demandes présentées à compter du 1er octobre 2007. Il reste que si c’est cette considération qui devait conduire l’application dans le temps de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme, force serait alors d’admettre que son dispositif aurait vocation à s’appliquer non pas seulement aux autorisations d’urbanisme délivrées après le 1er octobre 2007 mais, plus généralement, aux seules autorisations délivrées en conséquence d’une demande présentée après cette échéance.

    En résumé, dès lors que le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme a exclusivement trait à la légalité des décisions de retrait, il n’y a pas lieu de s’attacher à la question de savoir si l’autorisation d’urbanisme en cause a été délivrée avant ou après l’entrée en vigueur de ce dispositif mais uniquement de considérer la date d’édiction de la décision de retrait. Et ce, de la même façon que pour l’application du décret du 31 juillet 2006 ayant modifié l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme, lequel concerne uniquement le délai de validité du permis de construire mais n’a pas vocation à avoir une quelconque incidence sur les recours en annulation, il n’y a pas lieu de rechercher si le permis de construire considéré a été frappé de recours avant ou après la date d’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif mais seulement d’établir si le permis de construire en cause était encore valide à cette date (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Mme Sophie X., req. n°05BX00191).

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés


  • Sur le champ d’application du décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prorogeant le délai de validité des autorisations d’urbanisme

    Rép. Min. n°38310 ; JOAN, 31/03/2009, p. 3094

    Texte de la question : « M. François Vannson attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Cet article prévoit qu'un permis de construire est périmé si, passé un délai de deux ans, les travaux sont interrompus pendant une durée supérieure à une année. Cette disposition peut se révéler préjudiciable, notamment lorsque les opérations sont réalisées sous forme de permis de construire valant division, prévu par l'article R. 431-24 du code précité. En effet, les promoteurs peuvent être amenés en raison de la conjoncture fortement dégradée du marché de l'immobilier, à ne réaliser que partiellement le projet pour le reprendre et l'achever ultérieurement. C'est la raison pour laquelle il lui semblerait souhaitable que le permis de construire valant division puisse être prorogé pendant deux périodes successives d'une année. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses intentions en la matière ».

    Texte de la réponse : « Suite au plan de relance présenté le 4 décembre 2008 par le Président de la République, a été publié, le 19 décembre 2008, le décret n° 2008-1353 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable. Ce décret assouplit les dispositions de l'article R. 421-17 en portant de deux à trois ans la validité des autorisations d'urbanisme en cours ou délivrées d'ici au 31 décembre 2010. En outre, cette nouvelle mesure ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions prévues aux articles R. 424-21 et R. 424-23 du code de l'urbanisme. Ainsi, les promoteurs titulaires de permis valant division en cours de validité ou délivrés d'ici au 31 décembre 2010 pourront, lorsqu'une demande de prorogation aura été engagée dans les temps, bénéficier d'une durée totale de quatre ans à compter de la délivrance du permis pour réaliser leur projet ».


    Voici une réponse dont le principal mérite est de nous offrir la possibilité de traiter d’une question d’importance – ayant déjà appelé un certain nombre de commentaires – à savoir le champ d’application du décret du 19 décembre 2008 et, plus précisément, son application au permis de construire sollicités et/ou délivrés avant le 1er octobre 2007.

    L’article 1er du décret du 19 décembre 2008 dispose que « par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2010 est porté à trois ans. Cette disposition ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R. * 424-21 à R. * 424-23 du même code ».

    A s’en tenir à la lettre de ces dispositions, force serait d’en déduire qu’il ne vaut qu’à l’égard des permis de construire délivrés après le 1er octobre 2007 et, donc, après l’entrée en vigueur des articles R.424-17 du Code de l’urbanisme.

    Mais cette conclusion nous parait devoir être doublement nuancée.

    En premier lieu, il faut préciser que l’article 26 du décret du 5 janvier 2007 – en ce qu’il dispose que « les demandes de permis de construire et d'autorisations prévues par le code de l'urbanisme déposées avant le 1er octobre 2007 demeurent soumises aux règles de compétence, de forme et de procédure en vigueur à la date de leur dépôt. » – ne saurait avoir aucune incidence sur le champ d’application du décret du 19 décembre 2008.

    Ainsi qu’il l’indique, en effet, l’article 26 précité détermine uniquement les règles applicables à l’instruction des « demandes » (TA. Marseille, 10 mars 2009, SCI Cyrnos, req. n°08-05870) cependant que le dispositif relatif à la durée de validité d’une autorisation d’urbanisme, tel qu’actuellement régi par les articles R.424-17 et suivant du Code de l’urbanisme, a exclusivement trait à l’exécution des autorisations obtenues et ce, au même titre, pour exemple, que les dispositions édictées par l’article R.424-15 s’agissant de l’affichage de ces autorisations.

    Or, s’il on devait considérer que l’article 26 précité détermine les règles applicables à l’exécution d’un permis de construire, force serait donc de considérer qu’un permis de construire sollicité avant le 1er octobre 2007 mais délivré après cette échéance devrait être affiché selon les dispositions de l’ancien article R.421-39 du Code de l’urbanisme et verrait le délai de recours à son encontre déterminé par l’ancien article R.490-7.

    Mais précisément, le Conseil d’Etat vient de préciser que l’affichage et le délai de recours à l’encontre de ces permis de construire étaient régis par les articles R.424-15 et R.600-2 du Code de l’urbanisme (CE. 19 novembre 2008, avis n°317.279)…

    L’article 26 du décret du 5 janvier 2007 ne concernant donc pas les règles relatives à l’exécution des permis de construire, celui-ci ne saurait avoir une quelconque incidence sur le champ d’application du décret du 19 décembre 2008.

    En second lieu, il n’est pas totalement illogique que l’article 1er du décret du 19 décembre 2008 précise s’appliquer « par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme » puisque l’entrée en vigueur du décret du 5 janvier 2007 et, par voie de conséquence, de ces deux derniers articles a eu pour corolaire l’abrogation, notamment, des anciens articles R.421-32 et suivants du Code de l’urbanisme qui jusqu’à cette date régissaient le délai de validité des permis de construire. Or, on imagine mal un décret précisait qu’il déroge à des dispositions précédemment abrogées.

    Mais du fait de cette abrogation, de deux choses l’une en toute hypothèse :

    - soit, le délai de validité des permis de construire délivré avant le 1er octobre 2007 n’est plus régi par aucune disposition du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, leur validité ne serait donc plus encadrée, ni limitée… ;

    - soit, le délai de validité des permis de construire des permis de construire délivrés avant cette date et n’étant pas précédemment devenu caducs est aujourd’hui régi par le dispositif s’étant substitué aux articles R.421-32 du Code de l’urbanisme, à savoir les articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme.

    Or, l’examen de la jurisprudence rendue en la matière tend à établir que le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme suit, tant qu’elle n’est pas frappée de caducité, l’évolution et les modifications du dispositif organisant la matière et n’est pas « cristallisé » par celui en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation considérée.

    A titre d’exemple, s’agissant de l‘application de l’article 3 du décret du 12 août 1981 ayant eu pour effet de porter à deux ans le délai initial de validité du permis de construire antérieurement fixé à un an par le décret du 7 juillet 1977, le Conseil d’Etat a été jugé que :

    « Considérant d'une part que l'article R.421-38 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans un délai qui, après avoir été fixé à un an, a été porté à deux ans par l'article 3 du décret du 12 août 1981 modifiant le premier alinéa de l'article R.421-38 dudit code ; que ledit délai de deux ans s'appliquait dès l'entrée en vigueur du décret l'instituant à tous les permis de construire en cours de validité à cette date ; que, par suite, l'Association des amis des sites de la baie de BANDOL n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire délivré le 17 juin 1981 par le préfet du Var à la société civile immobilière "Village de Pierreplane" était périmé à la date du 7 juin 1983 à laquelle, par la décision attaquée, le commissaire de la République du département du Var a prorogé ledit permis de construire » (CE. 27 novembre 1987, Association des amis des sites de la baie de BANDOL, req. n°66.287).

    et, en d’autres termes, qu’un permis de construire délivré sous l’empire des dispositions issues du décret du 7 juillet 1977 bénéficiait néanmoins de l’extension du délai de validité prévue par les dispositions du décret du 12 août 1981 – ayant concomitamment abrogé les dispositions précédemment en vigueur – dès lors qu’il précisait que son « délai de deux ans s'appliquait dès l'entrée en vigueur du décret l'instituant à tous les permis de construire en cours de validité à cette date ».

    De même et pour ce qui concerne l’application de du décret du 31 juillet 2006 suspendant le délai de validité des permis de construire frappé de recours, il a été jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006, lequel s'applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication : « Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 … Lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative…, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable… » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SCI Lespagnol ait reçu notification du permis modificatif litigieux plus de deux ans avant l'entrée en vigueur du décret du 31 juillet 2006 ; que le délai de validité de ce permis est donc, en vertu de ce même décret, suspendu tant que n'a pas été notifiée une décision juridictionnelle irrévocable ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce permis serait caduc ne peut qu'être écarté » (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Sophie X…, req. n°05BX00191) ;

    et, en d’autres termes, qu’un permis de construire délivré sous l’empire des dispositions de l’ancien article R.421-32 (al.4), issues du décret du 30 décembre 1983, bénéficiait néanmoins du régime suspension du délai de validité organisé par l’article R.421-32 (al.4) dans sa rédaction issu du décret du 31 juillet 2006 – ayant concomitamment abrogé les dispositions précédemment applicables – y compris s’il avait été frappé de recours avant l’entrée en vigueur de ce dernier et ce, alors même qu’à sa date de délivrance aucune disposition du Code de l’urbanisme ne prévoyait une telle suspension ; l’article 2 du décret du 31 juillet 2006 précisant « s'applique(r) aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication ».

    De ce fait, il nous semble donc raisonnable de considérer que les permis de construire délivrés avant le 1er octobre 2007 et n’ayant pas été précédemment frappés de caducité voient aujourd’hui leur délai de validité régi par les articles R.424-17 et suivants du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, bénéficient de la prorogation prévue par l’article 1er du décret du 19 décembre 2008. Et d’ailleurs :

    - d’une part, si l’article 1er vise les « permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration », son article 2 précise, d’une façon beaucoup plus générale, que « le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication » ;

    - d’autre part, si les dispositions de ce décret ont été réparties en deux articles distincts, c’est bien que celles contenues par son article 1er ne doivent pas être systématiquement interprétées en considération de celles de son article 2 et, a contrario, que celles de ce dernier n’ont pas vocation à être strictement interprétées à la lumière de celles de son l’article 1er.

    Et si cette conclusion doit être formulée sous la réserve de principe liée à l’interprétation du juge administratif, il reste que l’on voit mal comment et pourquoi celui-ci distinguerait le champ d’application du décret du 19 décembre 2008 selon que l’autorisation considérée ait été délivré avant ou après le 1er octobre 2007 dès lors que la cause de décret du 19 décembre 2008 est totalement étrangère à cette considération…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Quelques précisions nouvelles sur le champ d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme

    L’article L.600-5 du Code de l’urbanisme n’est pas applicable lorsque l’autorisation contestée est entachée d’illégalité externe, ni lorsque son illégalité interne affecte la conception d’ensemble du projet, même s’il peut être régularisé par un simple « modificatif ».

    CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015 & CAA. Lyon, 1er juillet 2008, Cne de Valmeinier, req. n°07LY02364.


    Voici deux arrêts intéressants en ce qu’ils ont trait à l’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il dispose « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » – lequel n’a encore donné lieu qu’à peu de décisions jurisprudentielles alors qu’au regard de sa rédaction (« lorsqu’elle constate ») il n’est pas besoin que les parties en aient sollicité l’application qui, il est vrai, apparaît facultative (« la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle … »).

    Dans la première affaire, le permis de construire en litige portait sur une installation classée pour la protection de l’environnement, lequel devait être contesté et annulé en raison, notamment :

    - d’une part, de la méconnaissance des dispositions des anciens article R.421-25 et R.421-26 du Code de l’urbanisme dans la mesure où le Maire avait formulé son avis sur le projet au vu d’un dossier incomplet, la Cour ayant estimé qu’il n’était pas établi que l’étude d’impact y était jointe à la date de cet avis ;
    - d’autre part, des conditions d’alimentation en eau du projet, lesquelles n’ont pas été jugées conformes aux prescriptions de l’ancien article R.111-8 du Code de l’urbanisme ;

    la Cour devant considérer qu’il n’y avait pas lieu de faire application sur ces points de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme dans la mesure où « les illégalités susmentionnées du permis de construire au regard tant des dispositions des articles R.421-25 et R.421-26 du Code de l’urbanisme que de celles de l’article R.111-8 du même code entrainant l’annulation totale dudit permis de construire ; les conclusions tendant à ce qu’il soit fait application des dispositions précitées de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne peuvent qu’être rejetées ».

    Si l’inapplicabilité de l’article L.600-5 du permis de construire contesté n’est guère surprenante s’agissant des conditions de délivrance de cette autorisation au regard des articles R.421-25 et R.421-26 du Code de l’urbanisme dans la mesure où, par principe, un vice de procédure entache nécessairement d’illégalité l’ensemble de l’autorisation (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2007, SCI Les Terrasses de Marie, req.n° 05BX01764), cette solution n’allait pas de soi s’agissant de l’article R.111-8 du Code de l’urbanisme puisque le pétitionnaire avait prévu l’assurer l’alimentation en eau de son installation par un forage que la Cour a jugé illégal dans la mesure où il était situé à 70 mètres de l’installation en cause alors que le respect de l’article 4 de l’arrêté du 11 septembre 2003 aurait impliqué qu’il soit prévu à au moins 200 mètres de celle-ci.

    Or, dès lors qu’il s’agissait d’un équipement autonome et distinct de l’installation en cause, on pouvait penser que le permis de construire contesté ne serait annulé qu’en tant qu’il avait autorisé ce forage ; à charge pour le pétitionnaire d’obtenir un modificatif ayant pour objet de modifier l’implantation du forage projeté.

    Il reste qu’ainsi que nous l’avons souvent souligné, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à préciser que « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » et, en d’autres termes, n’impose donc pas au pétitionnaire de régulariser son projet par le dépôt d’une demande de permis de construire modificatif.

    Or, en annulant le permis de construire contesté sur ce point, la Cour aurait donc validé un permis de construire autorisant un projet n’assurant plus par lui-même l’alimentation en eau de la construction projetée et ce, sans aucune garantie que le pétitionnaire, soit renoncera à en entreprendre l’exécution, soit régularisera cet aspect du projet par le dépôt d’une demande de modificatif.

    A cet égard, cet arrêt tend donc à confirmer qu’il ne peut y avoir d’annulation partielle d’un permis de construire lorsque « la partie du projet » en cause est juridiquement indivisible du projet, c’est-à-dire lorsqu’elle en assure sa conformité.

    Mais il faut également noter que, dans cette même affaire, le permis de construire en cause était contesté au motif tiré de la méconnaissance de l’ancien article L.421-2-4 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « lorsque a été prescrite la réalisation d'opérations d'archéologie préventive, le permis de construire indique que les travaux de construction ne peuvent être entrepris avant l'achèvement de ces opérations ».

    Or, si ce moyen devait être accueilli par la Cour administrative d’appel de Nantes, celle-ci devait toutefois juger que « ledit permis de construire est entaché d’illégalité en tant qu’il n’est pas assorti de cette prescription et encourt, dans cette mesure, l’annulation ». Et dès lors que sur l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, la Cour s’est bornée à préciser que « les illégalités susmentionnées du permis de construire au regard tant des dispositions des articles R.421-25 et R.421-26 du Code de l’urbanisme que de celles de l’article R.111-8 du même code entrainant l’annulation totale dudit permis de construire », force est donc de considérer que la seule méconnaissance de l’article L.421-2-4 du Code de l’urbanisme aurait emporté l’annulation partielle du permis de construire contesté sur ce seul point.

    A cet égard et sur ce point, cette décision peut être rapprochée de l’arrêt par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant que l'arrêté modificatif du 17 avril 2001, qui autorise la société Francelot à exécuter les travaux prévus dans l'autorisation de lotir en deux tranches, prévoit que les travaux concernant la première tranche doivent être commencés dans un délai de dix-huit mois et achevés dans un délai de trois ans à compter de la date de notification de cet arrêté modificatif, et non à compter de la date de notification de l'autorisation initiale de lotir ; qu'il méconnaît ainsi les dispositions de l'article R. 315-30 du Code de l'urbanisme précité ; qu'il y a lieu de l'annuler sur ce point » (CAA Bordeaux, 20 nov. 2006, n° 03BX00962, épx X. Sur ce point, voir notre note: "La prescription d’une autorisation d’urbanisme fixant de façon irrégulière les délais ouverts pour réaliser les travaux prévus par cette dernière en est divisible et ne l’affecte donc pas dans son ensemble d’illégalité", Construction & urbanisme, n°2/2007).

    Il est vrai qu’en premier analyse, un tel rapprochement pourrait être jugé hasardeux dans la mesure où, à la différence de l’article L.421-2-4 du Code de l’urbanisme, l’article R.315-30 n’imposait pas que l’autorisation de lotir par tranches précise ses délais d’exécution et où, surtout, l’autorisation de lotir en cause mentionnait un délai d’exécution erroné alors qu’au cas présent le permis de construire contesté ne comportait aucune prescription relative à l’article L.421-2-4.

    Il reste, d’une part, l’article L.421-2-4 du code de l’urbanisme ne tend qu’à faire état de la règle de fond selon laquelle les travaux autorisés par un permis de construire ne sauraient être exécutés avant les opérations d’archéologie préventive prescrites et que, d’autre part, la prescription imposée par cet article ne tend pas à assurer la conformité du projet – et en cela ne constitue donc pas le soutien indivisible de l’autorisation s’y rapportant – mais a trait aux conditions d’exécution de cette autorisation, lesquelles n’ont par principe aucune incidence sur sa légalité.

    Dans cette mesure, la solution retenue par la Cour nous apparaît parfaitement justifiée mais, selon nous, on ne saurait y voir une conséquence de l’article L.600-5 du Code de l‘urbanisme.

    Dans la seconde affaire était en cause un permis de construire un immeuble de sept étage lequel devait être annulé en première instance au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme et de celle de l’article 10 du règlement d’urbanisme local. Et en appel, la Cour administrative de Lyon devait confirmer ce jugement et rejeter les conclusions présentées à titre subsidiaire par les appelants et ce, au motif suivant :

    « Considérant que, pour annuler le permis de construire délivré le 31 mars 2006 au SYNDICAT MIXTE DES ISLETTES, le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance de l'article Za 10 du règlement du plan d'aménagement de zone de la zone d'aménagement concerté des Islettes et de la Saucette et de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
    Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article Za 10 du règlement du plan d'aménagement de zone de ladite zone d'aménagement concerté : « La hauteur maximum des constructions est de 6 niveaux plus combles dans les terrains de plus grande pente. Pour des raisons architecturales ou techniques, un niveau supplémentaire pourra être accordé sur une partie limitée du bâtiment » ;
    Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès au terrain d'assiette du projet ne serait pas possible par la partie basse de ce terrain, par la route départementale n° 215 c ; que cet accès aurait permis d'éviter la construction d'un septième niveau ; qu'au surplus, en tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent la COMMUNE DE VALMEINIER et le SYNDICAT MIXTE DES ISLETTES, l'accès par la partie haute du terrain n'imposait nullement la création d'un septième niveau, lequel pouvait être évité par une limitation de la largeur du bâtiment ou une augmentation modérée de la hauteur de chacun des six niveaux de la construction ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a retenu la méconnaissance des dispositions précitées de l'article Za 10 du règlement du plan d'aménagement de zone ;
    Considérant, en deuxième lieu, que pour demander à la Cour l'annulation du jugement attaqué, la COMMUNE DE VALMEINIER et le SYNDICAT MIXTE DES ISLETTES soutiennent en appel que les premiers juges ont à tort estimé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Tribunal a, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en estimant que le maire avait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;
    Considérant, en troisième lieu, qu'au termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dont les requérants demandent la mise en œuvre : « Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive » ; que les motifs précités d'illégalité du permis de construire attaqué, qui mettent en cause la conception de l'ensemble de l'ouvrage, ne permettent pas l'application de ces dispositions
    ».


    Or, si l’on voit mal comment la méconnaissance de l’article R.111-21 du Code de l’urbanisme résultant de l’implantation d’un bâtiment unique pourrait donner lieu à une annulation partielle, on aurait pu penser qu’il pouvait avoir lieu à appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme s’agissant de la méconnaissance des règles de hauteur puisque celle-ci procédait du septième niveau – soit d’une « partie du projet » - dont la régularisation aurait pu être aisément assurée par un « modificatif » y substituant une toiture terrasse ou un niveau en combles.

    Il reste que ce faisant, la Cour aurait validé un permis de construire autorisant alors un projet non finalisé – notamment, sur son aspect architectural – contrairement à ce qu’implique l’article L.421-6 du Code de l’urbanisme.

    En résumé, il résulterait de ces deux arrêts que la circonstance que l’illégalité du projet tient à un de ses éléments pourtant régularisable par le jeu d’un simple « modificatif » ne saurait suffire à considérer que cette illégalité n’affecte qu’une « partie du projet » et, par voie de conséquence qu’il y a lieu d’appliquer l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.




    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés