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Réformes des autorisations - Page 3

  • Sur les actions en réparation prévues par l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme

    Dès lors qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs lorsque ceux-ci entrent dans son objet social, elle peut, sur le fondement de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme, solliciter et obtenir la démolition d’un ouvrage édifié en exécution d’un permis de construire illégal lui portant un préjudice personnel direct au regard de son objet social.

    Cass. civ., 26 septembre 2007, pourvoi n°04-20.636


    Voici un arrêt intéressant, lequel sera d’ailleurs publié au bulletin, en ce qu’il précise les conditions d’exercice par les associations des actions prévues par l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme et nous permettra ainsi d’aborder les modifications apportées à ce dispositif par la loi « ENL » du 13 juillet 2006, lesquelles sont, toutefois, entrées en vigueur le 1er octobre 2007.

    Préalablement au 1er octobre 2007 le seul fait qu’un permis de construire était devenu définitif ne permettait pas de considérer que sa légalité ne pouvait plus être mise en cause et, bien plus, que les constructions réalisées à ce titre étaient pérennes. En effet, l’illégalité de cette autorisation pouvait encore être remise en cause dans le cadre d’une action tendant à obtenir la réparation du préjudice causé par son exécution et ce, en application de l’article précité, lequel dans sa rédaction antérieure disposait que « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile se prescrit, en pareil cas, par cinq ans après l'achèvement des travaux ».

    Il s’ensuivait que dans un délai de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux et alors même que le permis de construire était définitif et que celui-ci avait fait l’objet d’un certificat de conformité, un tiers lésé par son exécution pouvait saisir le juge civil d’une action tendant à la démolition de l’ouvrage ainsi édifié et/ou à l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice pour autant, toutefois, que le permis de construire ait méconnu une règle ou une servitude d’urbanisme dont la violation était la cause directe du préjudice allégué par le requérant. En ce cas, il incombait alors au juge civil d’interroger – via la formulation d’une question préjudicielle – le juge administratif sur la légalité du permis de construire en cause. Ce qu’illustre l’arrêt commenté.

    Dans cette affaire, un permis de construire avait été définitivement obtenu en vu de la construction d’une maison et d’une piscine. Mais dans la mesure où cet ouvrage avait été réalisé une zone du plan d'occupation des sols où les constructions étaient interdites, l’association « UDVN » devait solliciter du juge civil qu’il ordonne la démolition de cette construction ; demande à laquelle devait accéder la Cour d’appel de Nîmes après que le juge administratif, saisi par la Cour d’une question préjudicielle, eu déclaré le permis de construire illégal.

    Toutefois, le propriétaire de cet ouvrage devrait se pourvoir en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes en lui faisant grief d’avoir accueilli les demandes de l'association requérante alors que :

    - tout d’abord, les tiers ne peuvent exercer une action en responsabilité pour violation des règles d'urbanisme devant le juge civil qu'à la condition d'établir l'existence d'un préjudice personnel en relation directe avec l'infraction à ces règles ;
    - ensuite, une association ne subit pas, du fait de la violation d'une règle d'urbanisme portant atteinte à l'intérêt collectif qu'elle s'est donné pour mission de défendre un préjudice personnel distinct du dommage causé à la collectivité toute entière ;
    - enfin, si la loi permet aux associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice aux intérêts collectifs qu'elle ont pour objet de défendre, il s'agit de l'exercice de l'action en réparation d'un dommage causé par une infraction : dès lors qu'il n'avait été ni constaté, ni même allégué que le permis de construire aurait été obtenu par fraude, le constructeur n'avait commis aucune infraction en édifiant une construction conformément à ce permis déclaré ultérieurement illégal ;

    et, par voie de conséquence, qu'en déclarant l'association UDVN fondée à demander réparation, par la démolition de ladite construction, du préjudice que lui aurait été causé par la violation de la règle d'inconstructibilité applicable au terrain à construire, la cour d'appel aurait violé l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme ensemble l'article 1382 du code civil.

    Mais la Cour de cassation devait rejeter ce pourvoi au motif suivant :

    « Mais attendu qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'ayant relevé que la juridiction administrative avait déclaré le permis de construire illégal en ce qu'il autorisait des constructions dans une zone inconstructible protégée pour la qualité de son environnement, sur les parcelles classées en espaces boisés à conserver en application de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, la cour d'appel a pu retenir que la violation par la SCI de l'inconstructibilité des lieux qui portait atteinte à la vocation et à l'activité au plan départemental de l'association, conforme à son objet social et à son agrément, causait à celle-ci un préjudice personnel direct en relation avec la violation de la règle d'urbanisme ».

    En résumé, le simple fait que la méconnaissance de la règle d’urbanisme affectant le permis de construire d’illégalité porte atteinte aux intérêts collectifs d’une association tels qu’ils résulte de son objet social statutaire et, le cas échéant, de son agrément, lui permet de justifier d’un préjudice direct personnel et, par voie de conséquence, d’exercer une action sur le fondement de l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme puisque ce dernier implique que l’illégalité du permis de construire constitue la cause directe d’un préjudice personnel pour le requérant.

    Si cette solution n’est pas remise en cause par la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », il n’en demeure pas moins que cette dernière a procédé à une réécriture profonde de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme dont il résulte que la possibilité d’obtenir la condamnation du propriétaire à démolir de la construction litigieuse est limitée de façon significative mais qu’en revanche, la responsabilité des constructeurs peut être engagée aux fins d’obtenir leur condamnation à verser des dommages et intérêts puisque dans sa nouvelle rédaction l’article précité dispose dorénavant que « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :
    a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;
    b) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux.
    Lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi nº 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime
    ».


    Il faut, toutefois, relever que l’article L.480-13 du code de l’urbanisme reste applicable au seul cas où la « construction a été édifiée conformément à un permis de construire ». Il s’ensuit que les actions prévues par cet article ne sauraient être mises en œuvre lorsque le permis de construire n’a pas fait l’objet d’une exécution conforme. A contrario, leur propriétaire et leur constructeur ne pourront donc pas se prévaloir, en pareil cas, des limites introduites par la nouvelle rédaction de cet article.

    Mais surtout, il faut souligner que le nouvel article L.480-13 prévoit dorénavant deux actions bien distinctes, la première tendant à la condamnation du propriétaire à démolir la construction litigieuse, la seconde ayant pour objet d’obtenir la condamnation de son constructeur à verser des dommages et intérêts.

    En premier lieu, le point a) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme fixe les conditions auxquelles la démolition de la construction peut être ordonnée.

    Il conserve ainsi le principe selon lequel une action en démolition a vocation à être engagée à l’encontre du propriétaire de la construction litigieuse. De même, il maintient le principe selon lequel le permis de construire doit être illégal du fait de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique ; ce qui exclut les vices de forme ou de procédure.

    En revanche, il supprime la possibilité d’obtenir la démolition de la construction lorsque le permis de construire est devenu définitif en en faisant constater l’illégalité par le juge administratif saisi d’une question préjudicielle par le juge civile. En effet, il résulte du point a) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme qu’une condamnation à démolir ne peut plus être prononcée que lorsque « le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative » et non plus également, comme c’était précédemment le cas, lorsque « son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ».

    Dès lors que le permis de construire est définitif, sa légalité ne peut plus être remise en cause par le jeu de l’action prévue par le point a) de l’article L.480-13 et, par voie de conséquence, la démolition de la construction réalisée en exécution de celui-ci ne peut plus être prononcée.

    Ce n’est donc que dans le cas où le permis de construire a été préalablement annulé du fait d’une méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique que la démolition pourra être ordonnée en conséquence d’une action entreprise sur le fondement du point a) de l’article L.480-13 par un tiers lésé pour autant, toujours, que la violation de cette règle ou de cette servitude soit la cause directe du préjudice dont il sollicite ainsi la réparation. En revanche, il n’est pas nécessaire que ce tiers lésé ait été l’auteur du recours ayant abouti à l’annulation du permis de construire en exécution duquel la construction litigieuse à été édifiée.

    Mais en toute hypothèse, cette action doit être introduite non plus, comme c’était précédemment le cas, dans un délai de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux mais, au plus tard, dans les deux ans suivant la décision devenue définitive par laquelle la juridiction administrative a prononcé l’annulation du permis de construire.

    En second lieu, le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme vise et régit le cas des actions tendant à la condamnation des constructeurs à verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de l’exécution du permis de construire.

    A son sujet, on relèvera d’emblée que celle-ci pourra être exercée y compris lorsque le permis de construire est devenu définitif puisque le point b) de l’article L.480-13 précise qu’il a vocation à s’appliquer « si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ». Lorsque le permis de construire n’a pas été préalablement annulé, il incombe donc au requérant d’établir son illégalité et au juge civil d’interroger en conséquence le juge administratif sur le bien fondé des griefs qui lui sont opposés par le requérant. Mais en toute hypothèse, que le permis de construire ait ou non été préalablement annulé, l’action prévue par le point b) de article L.480-13 du code de l’urbanisme devra être engagée dans un délai non plus de cinq ans mais de deux ans à compter de l’achèvement des travaux ; l’achèvement des travaux s’appréciant de façon concrète et non pas seulement en considération de la date de formulation de la déclaration d’achèvement qui ne constitue qu’un indice (Cass.civ., 11 mai 2000, Mme Duguet, Bull. civ., III, p.107).

    Pour le reste, la rédaction du point b) de article L.480-13 appelle deux principales observations qui constituent autant d’interrogations.

    D’une part, à la différence de l’ancien article L.480-13 (a), son point b) ne vise pas le propriétaire de la construction mais leur constructeur. A cet égard, la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 élargit donc le champ d’application de l’action qu’il prévoit.

    Il reste que la notion de constructeur est particulièrement vague et incertaine puisqu’elle peut recouvrir non seulement le maître d’ouvrage, le bénéficiaire du permis de construire ou celui qui l’a mis en oeuvre mais également l’architecte du projet, voire son promoteur. Il incombera donc à la jurisprudence judiciaire de préciser la notion de constructeur au sens de son point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme.

    Par ailleurs, force est de constater que le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme ne précise pas que l’illégalité doit procéder de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique. Il ne semble pas, cependant, que l’action ainsi prévue puisse aboutir lorsque le préjudice allégué par le requérant ne trouve pas sa cause directe dans la violation de ces règles et servitudes.

    Le point b) de l’article L.480-13 ne peut, en effet, trouver à s’appliquer que « si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative » : la cause de cette action reste donc bien l’illégalité du permis de construire.

    Or, par principe, un permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers, c’est-à-dire que sa légalité est appréciée exclusivement au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables et indépendamment donc de toute considération liée, notamment, à une norme ou une servitude de droit privé. L’illégalité d’un permis de construire ne peut donc pas être réputée être la cause directe d’un préjudice résultant de la méconnaissance d’une norme ou d’une servitude de droit privé.

    De même, si l’illégalité d’un permis de construire peut résulter d’un simple vice de forme ou de procédure, force est d’admettre que l’on voit mal comment un vice de forme – tels le défaut de motivation d’une prescription l’assortissant et l’absence du nom et du prénom de son auteur – ou un vice de procédure – tels l’absence d’une des pièces requises au dossier de demande et le défaut de consultation d’un service intéressé lors de l’instruction de la demande – pourrait, à lui-seul, être la cause directe d’un préjudice pour les tiers.

    A priori et, en toute hypothèse, dans la plus grande majorité des cas, il semble donc que ce n’est que dans le cas où l’illégalité du permis de construire en exécution duquel a été édifiée la construction litigieuse résulte de la méconnaissance d’une règle de fond qui lui était opposable que l’action prévue par le point b) de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme pourra prospérer.

    Mais à notre sens, la principale interrogation générée par le nouvel l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme procède de à son dernier alinéa précisant que « lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi nº 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime ». Ce dispositif présente, en effet, deux difficultés.

    D’une part, dans la mesure où les seules dispositions transitoires prévues par la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 concernent la prescription des actions qu’il prévoit, l’action en démolition ne pourra vraisemblablement prospérer qu’à la condition, notamment, que le permis de construire ait été préalablement annulé du fait de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique : a priori, cette solution devrait donc valoir pour les procédures engagées avant la publication de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL ».

    Mais s’agissant, d’autre part, de l’action tendant à la condamnation du constructeur à verser des dommages et intérêts, la portée des dispositions transitoires de la nouvelle rédaction de l’article L.480-13 est encore plus délicate à trancher dans la mesure où, dans sa rédaction antérieure, l’action alors prévue par cet article ne concernait que le propriétaire de l’ouvrage litigieux et non pas les constructeurs.

    A priori, ce n’est donc pas le délai de prescription de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux anciennement prévu par l’article L.480-13 qui sera opposable à cette action. Mais alors, on voit mal quel autre délai de prescription pourrait s’appliquer, si ce n’est la prescription décennale prévue par l’article 2270-1 du code civil en matière de responsabilité extracontractuelle dont on rappellera qu’elle courts à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Si l’on devait suivre ces dispositions à la lettre, il en résulterait que des tiers lésés pourraient engager l’action prévue par l’article L.480-13 dans ce délai de dix ans lorsque l’achèvement des travaux est intervenu antérieurement à la publication de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », c’est-à-dire à une époque où la responsabilité d’un constructeur autre que le propriétaire de l’ouvrage litigieux de pouvait pas être engagée sur ce fondement….



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Passé, présent et avenir de la jurisprudence dite « Vicquenau »

    La délivrance d’un second permis de construire sur un même terrain, à un même titulaire et pour un même projet rapporte le premier nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet.

    CAA. Nancy, 21 juin 2007, Sté Bricorama France, req. n°06NC00965


    Voici un arrêt qui s’il appelle peu de commentaires n’en est pas moins intéressant dans la mesure où, d’une part, il précise les modalités d’application de la jurisprudence dite « Vicquenerau » et, d’autre part, nous permet d’aborder la question du devenir de cette jurisprudence en considération du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme relatif au délai de retrait des principales d’autorisations d’urbanisme.

    On sait, en effet, que par l’arrêt « Vicqueneau » (CE. 31 mars 1999, Vicqueneau, BJDU, 2/1999, p.156) , le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel la délivrance d’un second permis de construire peut emporter implicitement le retrait définitif du premier ; ce dont il résulte, d’une part, qu’il n’y a pu lieu de statuer sur le recours exercé à l’encontre de ce dernier et, d’autre part, que dans l’hypothèse où le second est annulé, cette circonstance n’a pas pour effet de faire revivre le premier, sauf à ce que le second ait été contesté en tant qu’il valait retrait du premier.

    Il reste que l’application de ce principe est subordonné à trois conditions cumulatives.

    Tout d’abord, il est nécessaire que le second permis de construire soit délivré au même titulaire que le premier (CE. 16 janvier 2002, Portelli, Juris-Data, n° 2002-063443).

    Ensuite, il semble que le projet autorisé par le second permis de construire doive être similaire à celui visé par le premier ou, à tout le moins, que les deux permis de construire successivement délivrés aient le « même objet » (CE. 7 juillet 1999, Michelland, req. 181.312) ou poursuivent « le même but » (CAA. Versailles,18 novembre 2004, M. Bruno Y., req n°02VE02508).

    Enfin, les deux permis de construire doivent porter sur le même terrain ; ce qui constitue, d’ailleurs, la condition de base dès lors que c’est le terrain qui constitue l’assiette du droit de l’urbanisme et, notamment, du droit des autorisations d’occupation ou d’utilisation des sols.

    Précisément, c’est la portée de cette condition que précise l’arrêt commenté.

    Dans cette affaire, un premier permis de construire conjoint avait été délivré à deux sociétés, lesquelles, après que ce permis eu été frappé d’un recours, en obtinrent un second.

    Par voie de conséquence, le Tribunal administratif de Besançon devait juger que le recours exercé à l’encontre du premier permis de construire était devenu ainsi dépourvu d’objet du fait de la délivrance du second et qu’il n’y avait donc pas lieu de statuer dessus.

    Mais la société requérante devait faire appel de ce jugement en faisant valoir que les deux permis de construire en cause n’étaient pas strictement identiques puisque, s’ils portaient sur la même unité foncière, il reste que le premier ne portait que sur les parcelles directement concernées par le projet alors que le second incluait l’ensemble des parcelles constituant cette unité foncière. Mais la Cour administrative d’appel de Nancy devait également juger que :

    « Considérant que le maire de la commune de Bessoncourt a accordé le 14 janvier 2004 aux sociétés Auchan et Immochan un permis de construire portant sur l'extension et la restructuration de l'hypermarché qu'elles exploitent dans la zone industrielle et commerciale de ladite commune ; que, postérieurement au recours formé par la SOCIETE BRICORAMA France devant le Tribunal administratif de Besançon, le maire de la commune a, sur la nouvelle demande de permis de construire déposé le 27 juillet 2004, accordé le 20 septembre 2004 aux sociétés Auchan et Immochan, un nouveau permis de construire sur le même terrain, qui a implicitement mais nécessairement rapporté le permis initial du 14 janvier 2004, nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet ; que, par suite, la SOCIETE BRICORAMA France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé un non-lieu sur la demande d'annulation du permis initial et que l'existence de ce permis initial aurait rendu illégale la délivrance d'un nouveau permis de construire ».

    En résumé, la délivrance d’un second permis de construire sur un même terrain, à un même titulaire et pour un même projet rapporte le premier nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet.

    La solution retenue est difficilement contestable dès lors, tout d’abord, que quelle que soit l’assiette foncière visée dans les demandes de permis de construire, toujours est-il que les deux permis de construire portaient sur la même unité foncière, ensuite, que les deux projets étaient sis au même endroit, enfin et plus spécifiquement, qu’elle empêche de contourner la jurisprudence « Vicqueneau » par un artifice n’ayant, par principe, aucune incidence sur la consistance réelle du projet. Dans le même sens, force est de considérer que la circonstance que terrain d’assiette de l’opération projetée ait changé de propriétaire entre la délivrance du premier permis de construire et celle du second ne s’opposerait pas à l’application de cette jurisprudence.

    Précisément, l’élément déterminant nous semble être que les deux projets autorisés avaient vocation à être implantés au même endroit puisqu’à notre sens, la jurisprudence « Vicqueneau » ne s’oppose pas à ce qu’une même personne obtiennent deux permis de construire portant sur des constructions identiques mais projetées à des endroits différents de la même l’unité foncière, pour autant que l’exécution de l’un ne s’oppose pas à l’exécution conforme du second.

    Il faut maintenant trancher la question de l’avenir de la jurisprudence « Vicqueneau » au regard du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme limitant le délais de retrait des permis à trois mois en ce qu’il précise que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    En première analyse, on pourrait considérer que le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme n’est pas de nature à remettre en cause la portée de cette jurisprudence dès lors que la jurisprudence dite « Ternon » ne s’est pas elle-même opposée à la formation et au maintien de la jurisprudence dite « Vicqueneau ».

    Il reste que la première se bornait à préciser que le délai de retrait de quatre moins ainsi imposé valaient « hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire » – sans plus de précision – et que la seconde considérait que la demande de second permis valait demande implicite de retrait du premier (CE. avis du 6 juillet 2005, n° 277.276). Telle étant la raison de la condition selon laquelle les deux permis de construire doivent avoir été délivrés à un même titulaire puisque la demande de permis de construire présentée par un tiers ne saurait s’analyser comme une demande de retrait du premier émanant de son bénéficiaire.

    Or, précisément, l’alinéa 2 du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme précise expressément que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    En l’état, il semble donc que ce n’est que dans le cas où le pétitionnaire aura expressément précisé que sa demande tendant à la délivrance d’un second permis de construire vaut demande de retrait du premier que la délivrance éventuelle du second vaudra retrait de ce dernier. A défaut d’une telle précision et passé le délai de trois mois prévu par le nouvel article L.424-5 du code de l’urbanisme, cette seconde autorisation ne pourra donc valoir, a priori, retrait de la première.

    Mais bien entendu, il incombera à la jurisprudence administrative de confirmer cette analyse mais également de préciser si, forte de la demande explicite formulée par le pétitionnaire, l’administration pourra retirer le premier permis sans pour autant délivrer le second.

    Dans cette attente, on conseillera ainsi aux pétitionnaires de préciser expressément que leur demande d’un second permis de construire ne vaut pas expressément demande de retrait du premier ou, le cas échéant, de conditionner leur demande de retrait portant sur la première autorisation à la délivrance de la seconde (sur cette possibilité : TA. Strasbourg, 2 mai 1996, SCI Diffusion, BJDU, n°2/96, p.125).

    Quoi qu’il en soit, le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme n’apparaît pas, en lui-même, de nature à remettre en cause la jurisprudence « Vicqueneau » pour le cas où la délivrance du second permis interviendrait avant l’expiration du délai de trois mois pendant lequel l’administration peut procéder au retrait du premier. En pareil cas et sauf infléchissement de la jurisprudence, la délivrance de cette seconde autorisation pourra donc valoir retrait implicite de la première alors même que son titulaire ne l’aurait pas explicitement demandé.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur les pièces à produire aux dossiers de demande et le délai pour les réclamer

    Un règlement local d’urbanisme ne peut prévoir que des règles de fond et ne peut donc pas régir la composition des dossiers de demande d’autorisation urbanisme même si les pièces ainsi visées font partie de celles prévues par les dispositions du Code de l’urbanisme.

    CAA. Paris, 26 décembre 2006, Cne de Rueil-Malmaison, req. n°03PA01979

    Le récent communiqué du Ministre Jean-Louis Borloo et le dossier de presse.pdf qui l’accompagne nous amène à « exhumer » de notre veille jurisprudentielle n°5 cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, lequel nous permet d’appréhender ce qui, avec la généralisation des autorisations tacites et la clarification du champ d’application des autorisations d’urbanisme, constitue l’axe majeur de la communication gouvernementale sur les avancées opérées par la réforme entrée en vigueur le 1er octobre 2007, à savoir la sécurisation des dossiers de demande.

    A cet effet, on résumera ainsi la position de l’administration sur la prétendue innovation et le soi-disant intérêt de la réforme à ce sujet : tout d’abord, les nouveaux textes précisent clairement les pièces qui doivent être jointes au dossier de demande d’autorisation ou au dossier de déclaration, ensuite, seules ces pièces sont exigibles et il ne sera plus possible d’en solliciter d’autres et, enfin, les pièces manquantes doivent être sollicitées dans un délai d’un mois à compter du dépôt de la demande.

    Un telle présentation nous paraît non seulement quelque peu trompeuse mais surtout particulièrement risquée compte tenu de la façon dont j’ai pu constater qu’elle était comprise tant par les opérateurs que les collectivités que je peux conseiller.

    Tout d’abord et pour autant qu’il en soit besoin, force est de préciser que les textes applicables avant le 1er octobre 2007 définissait déjà clairement le contenu des dossiers de demande d’autorisation. Et même sur ce point, la réforme ne me paraît pas de nature à faciliter la tache des opérateurs dans la détermination des pièces requises.

    Précédemment et pour ce qui concernait, à titre d’exemple, la demande de permis de construire, l’ensemble des pièces éventuellement requises étaient intégralement définies par les articles R.421-2 à R.421-7-1 du Code de l’urbanisme et ce, donc, par une série d’articles énoncés de façon continue au sein d’une même section du Code de l’urbanisme. Il en allait de même pour chaque autorisation ou déclaration.

    Mais aujourd’hui, il est nécessaire, dans un premier temps, de se référer aux dispositions relatives au « tronc commun » de toute demande d’autorisation ou de toute déclaration avant, dans un deuxième temps, d’examiner les dispositions propres à l’autorisation sollicitée avant, dans un troisième et dernier temps, de rechercher les pièces exigibles selon la nature particulière du projet…

    D’une façon générale, force est d’ailleurs d’admettre que la nouvelle organisation du Code de l’urbanisme n’est pas des plus praticables et n’est pas des plus opérationnelles puisque là où antérieurement un même Titre du Code déroulait de façon « verticale » l’ensemble du régime d’une même autorisation, le régime d’une même autorisation est dorénavant fractionnée de matière horizontale entre plusieurs Titres. Mais là n’est certes pas le plus important.

    Ensuite, les dispositions du Code de l’urbanisme ont toujours eu un caractère strictement limitatif (pour exemple : CE. 15 janvier 1999, Omya, req. n°181.652), les règlement locaux d’urbanisme prescrivant la production de pièces étant illégaux, y compris d’ailleurs, lorsqu’ils visent une pièce prévue par les textes. C’est ce qu’illustre parfaitement cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris où l’article litigieux du règlement local d’urbanisme en cause n’était ni plus ni moins qu’une retranscription de l’ancien article R.421-2, b du Code de l’urbanisme exigeant que le plan de masse figurent les arbres à conserver, à abattre et/ou à couper :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme que les plans d'occupation des sols ne peuvent comporter que des conditions de fond de l'octroi du permis de construire ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas aux auteurs des règlements d'urbanisme de fixer les règles de composition des dossiers de demandes de permis de construire ; que c'est, dès lors, à juste titre que le Tribunal administratif de Paris a estimé illégale la disposition de chacun des articles 13 du règlement applicable aux secteurs UA, UB, UC, UD, UE, UF, UL et UZA, aux termes de laquelle « toute demande de permis de construire devra être accompagnée d'un plan comportant le relevé des plantations à abattre ou à créer », alors même que cette disposition ne ferait que reprendre une disposition analogue énoncée à l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme »

    A ce titre, il ressortait clairement de la jurisprudence rendue à la matière qu’une demande de pièces inexigibles constituait un acte faisant grief susceptible de recours et qu’un refus de permis de construire motivé par le défaut de production d’une pièce non requise était illégal (pour exemple : CAA. Marseille, 30 mars 2000, Peretti, req. n°97MA01188).

    Enfin, s’il est exact que l’administration a dorénavant un mois pour solliciter les pièces manquantes, l’ancien article R.421-13 du Code de l’urbanisme prévoyait pour ce faire un délai de quinze jours.

    En outre, si ce délai d’un mois court à compter du dépôt de la demande en mairie, lequel peut être le cas échéant prouvé par son envoi en recommandé avec demande d’avis d’accusé de réception, il reste que pour de nombreux projets ce dépôt par voie postale n’est pas possible – au regard de l’importance du dossier et du nombre d’exemplaire requis – si bien que le pétitionnaire sera amené à déposer lui-même les dossiers en mairie ; la preuve de ce dépôt ayant alors uniquement vocation à être établie par le récépissé prévu par l’article R.423-3 du Code de l’urbanisme. Il reste qu’aucune disposition ne régit le délai dans lequel l’administration doit délivrer ce récépissé…

    Mais surtout deux précisons s’imposent.

    D’une part, la méconnaissance du délai d’un mois offert à cet effet à l’administration pour solliciter la communication de pièces exigibles et manquantes ne signifie aucunement qu’une demande formulée passé ce délai serait illégale puisque la seule conséquence prévue est qu’alors, cette demande de modifie pas le délai d’instruction applicable à la demande (art. R.423-41 ; C.urb).

    Par voie de conséquence, si le pétitionnaire ne produit pas la pièces manquantes dans le délai de trois mois qui lui est ouvert pour ce faire, sa demande, comme sous l’empire de l’ancien dispositif, aura vocation à être classée sans suite.

    D’autre part et surtout, si les règlements locaux d’urbanisme ne peuvent prescrire la production de pièces aux dossiers de demande d’autorisation, il reste qu’ils peuvent, en revanche, édicter des règles de fond dont l’appréciation du respect implique, le cas échéant, la production de documents n’étant pas prescrits par le Code de l’urbanisme.

    Or, en ce cas, il incombe au pétitionnaire d’établir que son projet respecte ces prescriptions par la production des documents adéquats

    En d’autres termes, si un règlement local d’urbanisme ne saurait légalement prescrire la production de plans de niveaux indiquant l’affectation des pièces intérieures du bâtiment à construire, il reste que si ce même règlement régit, à titre d’exemple, l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété selon que la façade considérée comporte ou non une baie, éclairant ou non une pièce principale, l’appréciation de la conformité du projet à cette prescription implique que le pétitionnaire produise ces plans, même si les dispositions du Code de l’urbanisme ne l’impose pas. A défaut, un refus de permis de construire comme l’annulation du permis de construire éventuellement obtenu seraient justifiés (pour exemple : CE. 19 octobre 2001, Cne de Talange, req. n°207.677 ; CAA. Bordeaux, 9 novembre 2000, Malmerao-Marty, req. n°98BX00159) ; la circonstance que cette pièce soit inexigible au regard des dispositions du Code de l’urbanisme n’ayant aucune incidence à cet égard puisque l’ancien article L.421-3 et le nouvel article L.421-6 du Code de l’urbanisme implique que l’administration statue et prenne parti sur la conformité de l’ensemble du projet au regard de toutes les prescriptions de fond qui lui sont opposables, ce qui implique que le pétitionnaire produise un dossier dont la composition permette à l’administration d’assurer ce contrôle.

    Comme sous l’empire de l’ancien dispositif, les opérateurs devront donc y réfléchir à deux fois avant de s’abstenir de produire une pièce sollicitée par l’administration et/ou d’exercer un recours contre cette demande du seul fait que la pièce considérée n’est pas prévue par le Code de l’urbanisme.

    Pour conclure, il nous semble que sur cette question comme, d’ailleurs, sur celle relative à la vrai-fausse innovation que constitue la réglementation du nombre d’exemplaires du dossier requis – déjà strictement régie par l’ancien dispositif et, à titre d’exemple, pour ce qui concerne le dossier de demande de permis de construire, par l’ancien article R.421-8 du Code de l’urbanisme – la réforme et la communication gouvernementale qui l’accompagne nous semblent faire totalement abstraction de la force d’inertie de l’administration et de l’absence d’effectivité et d’utilité du droit en recours en la matière – les contentieux sur cette question se comptent sur les doigts de la main – dont l’exercice pour les constructeurs implique qu’ils acceptent de prendre plusieurs mois, voire plusieurs années de retard dans la concrétisation de leur projet, voire d’être « black-lister » sur le territoire de la commune ainsi mise en cause…

    Pour le reste, nous aurons probablement l’occasion de revenir prochainement sur l’autre prétendue innovation de la réforme et la soi-disant garantie que constitue la généralisation des autorisations tacites, c’est-à-dire d’autorisations le plus souvent illégales…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’ancien et le nouveau permis de construire sanctionnent-ils les normes relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées dans les immeubles d’habitation ?

    En contradiction avec la Cour administrative d’appel de Paris, le Tribunal administratif de Versailles juge que dès lors qu’un immeuble d’habitation collective de douze logements est assujetti à l’article L.111-7 du Code de l’urbanisme, le permis de construire s’y rapportant est illégal et encourt donc l’annulation si le projet n’est pas conforme aux prescriptions relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées. Les nouvelles dispositions du Code de l’urbanisme issues de l’ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 5 janvier 2007 ne tranchent pas réellement cette problématique.

    TA Versailles 18 juin 2007.pdf, SARL MRS MAIA, req. n°07-03628



    Il résulte de l’ancien article L.421-3, al.1 du Code de l’urbanisme de l’urbanisme que, par principe, le permis de construire a uniquement vocation à contrôler le respect des prescriptions d’urbanisme et, a contrario, que la méconnaissance des normes relevant d’une autre législation n’a aucune incidence sur sa légalité et ne saurait donc emporter son annulation.

    Pour autant, force est de constater que les anciens articles R.421-2-1 et suivants du Code de l’urbanisme imposaient que le dossier de demande comporte certains documents se rapportant à des autorisations ne relevant pas de la législation d’urbanisme. Plus particulièrement, les anciens articles R.421-5-1 et R.421-5-2 disposaient respectivement :

    « lorsque les travaux projetés concernent un établissement recevant du public [« ERP »] et sont soumis, au titre de la sécurité contre les risques d'incendie et de panique, à l'avis de la commission consultative départementale de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité ou de la commission de sécurité compétente, en vertu des articles R. 123-13 ou R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, les plans et documents nécessaires à la formulation de cet avis sont joints à la demande de permis de construire » ;

    et :

    « lorsque les travaux projetés concernent des locaux autres que les établissements recevant du public et sont soumis aux règles d'accessibilité aux personnes handicapées fixées en application de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation, le dossier de la demande de permis de construire est complété par l'engagement du demandeur et, le cas échéant, de l'architecte de respecter lesdites règles. Cet engagement est assorti d'une notice décrivant les caractéristiques générales des locaux, installations et aménagements extérieurs au regard de ces règles d'accessibilité ».

    A priori, tant pour les ERP que pour les immeubles d’habitation collectif, le permis de construire avait donc vocation à sanctionner les normes d’accessibilité aux personnes handicapées prises en application du principe posé par l’article L.111-7 du Code de la construction et de l’habitation.

    Il reste que pour toutes exceptions au principe posé par son alinéa 1er, les alinéas 2 et 3 de l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme disposaient que « en outre, pour les immeubles de grande hauteur ou les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeubles ou d'établissements, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitation. Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation ».

    Or, à ce titre, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L.421-3 du code de l'urbanisme : "Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L.111-7 du code de la construction et de l'habitation" ; qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance du permis de construire n'est subordonnée au respect des règles de construction en matière d'accessibilité aux personnes handicapées qu'en ce qui concerne les établissements recevant du public ; que l'immeuble collectif à usage d'habitation qui fait l'objet du permis de construire attaqué ne constitue pas un établissement recevant du public, au sens des dispositions de l'article R.123-2 du code de la construction et de l'habitation ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir du non-respect par le projet de construction, à le supposer même établi, des règles d'accessibilité aux personnes handicapées » (CAA. Paris, 28 septembre 1999, Schmitt & autres, 96PA02779).

    C'est ce que vien également de juger la Cour administrative d'appel de Bordeaux (CAA. Bordeaux, 6 septembre 2007, Sté deu Parc Auzarc, req. n°04BX01100)

    En d’autres termes, en dehors du cas où il portent sur un ERP, le permis de construire n’a donc pas vocation à sanctionner les normes d’accessibilité aux personnes handicapées, y compris donc pour les immeubles d’habitation collectif au sens de l’article L.111-7 du Code de la construction et de l’habitation et de la construction. Et, force est d’ailleurs de relever que la seule consultation s’imposant au regard de l’ancien article R.421-15 du Code de l’urbanisme au titre du contrôle de l’accessibilité aux personnes handicapées était celle visée par l’ancien article R.421-38-20, lequel ne s’appliquait qu’aux travaux portant sur ces ERP mais ce, quelle qu’en soit la catégorie, y compris donc pour ceux de cinquième catégorie (CAA. Douai, 5 octobre 2006, SCI Les Epoux, req. n°05DA00420 ; voir également ici)

    Pour autant, le Tribunal administratif de Versailles vient donc de juger qu’un permis de construire un immeuble de douze étages méconnaissant les normes d’accessibilité aux personnes handicapées était illégal et encourrait l’annulation…

    Qu’en est-il dans le nouveau régime applicable à compter du 1er octobre 2007 ? La situation n’apparaît pas fort différente et donc pas franchement plus claire, nonobstant le récent renforcement de la réglementation sur l’accessibilité aux personnes handicapées.

    En effet, non seulement le nouvel article L.421-6 du Code de l’urbanisme se borne à disposer que « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique » mais en outre, le nouvel article R.431-6 précise, d’une façon très générale, que « la demande précise que le demandeur et, le cas échéant, l'architecte, ont connaissance de l'existence de règles générales de construction prévues par le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation et notamment, lorsque la construction y est soumise, des règles d'accessibilité fixées en application de l'article L. 111-7 de ce code et de l'obligation de respecter ces règles. ».

    En d’autres termes, contrairement à l’ancien article L.421-3 du Code de l’urbanisme, le nouvel article L.421-6 ne vise pas la réglementation sur l’accessibilité aux personnes handicapées et là où l’ancien article R.421-5-2 du Code de l’urbanisme prévoyait, pour les constructions autres que les ERP, une notice et un engagement de respecter les règles applicables en la matière, le nouvel article R.431-6 se borne à prévoir une forme d’attestation de prise de connaissance de cette réglementation.

    Or, pour le reste, force est de relever que la réglementation relative à l’accessibilité aux personnes handicapées n’est jamais visée par les nouvelles dispositions du Code de l’urbanisme que pour ce qui concerne les ERP, tels, à titre d’exemple, par les nouveaux articles R.431-30 (a) et R.423-41-1 (a), lesquels disposent respectivement que :

    « lorsque les travaux projetés portent sur un établissement recevant du public, la demande est accompagnée des dossiers suivants, fournis en trois exemplaires Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées, comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 du code de la construction et de l'habitation »;

    et :

    « les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux demandes de pièces manquantes portant sur le dossier prévu par les articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 du code de la construction et de l'habitation permettant de vérifier la conformité d'un établissement recevant du public avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées ».

    Pas plus que sous l’ancien dispositif, il nous semble donc qu’en dehors du cas des « ERP », le permis de construire issu de la réforme applicable au 1er octobre 2007 n’a pas vocation à sanctionner les normes d’accessibilité aux personnes handicapées, notamment, pour les immeubles d’habitation.

    C’est ce que tend, d’ailleurs, a confirmer le nouvel article R.462-3 du Code de l’urbanisme – corollaire du nouvel article R.431-6 – en ce qu’il prévoit que « dans les cas prévus à l'article R. 111-19-27 du code de la construction et de l'habitation, la déclaration d'achèvement est accompagnée de l'attestation que les travaux réalisés respectent les règles d'accessibilité applicables mentionnées à cet article » (l’article R.111-19-27 du CCH renvoie les sous-sections 1 à 3 ont trait aux bâtiments d’habitation) ; si ce n’est qu’il induit (dans la mesure où ce même article renvoie au sous-sections 4 et 5 qui elles ont trait aux ERP) que s’agissant des ERP, les opérations de récolement – obligatoires à leur égard – n’auront pas à porter sur le respect des règles d’accessibilités aux personnes handicapées puisque celui-ci semble avoir uniquement vocation à faire l’objet d’un contrôle formel par le jeu de l’attestation prévue par le nouvel article R.462-3 alors qu’à leur égard, le permis de construire semble toujours devoir sanctionner la ces normes…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés