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JURISURBA - Page 81

  • L’administration qui délivre un permis de construire de régularisation est-elle réputée avoir connaissance de la construction existante mais illégale ?

    La circonstance que la demande de permis de construire porte sur une construction illégale à régulariser dont l’administration connaît l’existence de fait ne saurait être invoquée pour pallier l’insuffisante représentation de cette construction et de son insertion par les pièces produites par le pétitionnaire.

    CAA. Lyon, 28 juin 2008, Cne de Bon-en-Chamblais, req. n°07LY00056



    Même s’il appelle peu de commentaires l’arrêt sélectionné n’en est pas moins intéressant en ce qu’il est une illustration de ce qui constitue, à notre sens, une des plus belle fiction du droit des autorisations d’urbanisme.

    Dans cette affaire un permis de construire avait été délivré en vue de régulariser une construction existante mais, donc, illégale. Or, ce permis de construire devait être attaqué et annulé au motif tiré de la méconnaissance de l’ancien article R.421-2-5° du Code de l’urbanisme.

    Mais devant la Cour administrative d’appel de Lyon, la commune appelante devait soutenir que l’insuffisance des documents photographiques produits par le pétitionnaire n’avait pas d’incidence sur la légalité du permis de construire dès lors que ce dernier était destiné à régulariser une construction dont elle avait connaissance. Mais cet argument devait donc être rejeté par la Cour au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme « A. - Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (...) 5° Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. Les points et les angles des prises de vue seront reportés sur le plan de situation et le plan de masse. 6° Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords (...) 7° Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet (...) » ;
    Considérant que les documents photographiques annexés au dossier de la demande de permis de construire déposée par Mlle Kettie Z ne situaient pas le terrain d'assiette des constructions projetées dans le paysage proche et lointain ; qu'aucune autre pièce, notamment celles énoncées aux 6° et 7° qui n'étant pas exigibles en l'espèce en vertu du B de l'article R. 421-2 n'étaient pas jointes au dossier, ne permettait à l'autorité administrative d'apprécier l'impact tant proche que lointain desdites constructions ; que dans ces conditions, sans que puisse être utilement invoquée la circonstance que l'autorité administrative aurait eu connaissance des caractéristiques des constructions s'agissant d'une demande de régularisation, le dossier présenté par Mlle Z ne pouvait être regardé comme complet au regard de l'objectif poursuivi par les dispositions précitées du 5° de l'article R. 421-2 ; que par suite les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du maire de BONS EN CHABLAIS du 13 mars 2003
    » ;


    et pour cause puisqu’il est de jurisprudence constante que l’administration est réputée statuer sur la demande au seul vu des pièces du dossier produit par le pétitionnaire – du moins pour les aspects du projet saisis par le permis de construire dont le dossier est censé traité – y compris s’il s’agit d’une demande de régularisation.

    C’est pourquoi d’une façon générale l’éventuelle connaissance que l’administration pourrait avoir de la construction, du terrain et/ou de son environnement ne saurait pallier l’incomplétude du dossier de demande permis de construire, y compris, compte tenu du principe d’indépendance des législations et des procédures, si les pièces manquantes étaient présentes à un dossier de demande une autorisation connexe, tel un permis de démolir, puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant (...) que si le dossier produit par la SCI MARNELEC à l'appui de sa demande comportait des documents graphiques sur le projet envisagé, ceux-ci ne font pas apparaître l'insertion du projet dans l'environnement ni son impact visuel ; qu'en ce qui concerne la situation des arbres de haute tige, ces documents ne différencient pas la situation à l'achèvement des travaux de la situation à long terme ; que si le dossier contenait une note de présentation exposant le parti architectural retenu, cette notice qui ne comporte aucune description du paysage et de l'environnement existant, ne justifie pas les dispositions prévues pour assurer l'insertion de la construction dans le paysage ; que contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE BONNEUIL-SUR-MARNE ni la circonstance que l'administration aurait eu une bonne connaissance du site et du projet envisagé ni la circonstance que le terrain constitue une friche industrielle et se situe dans un environnement urbain qui serait dépourvu d'intérêt, ne sont de nature à exonérer le pétitionnaire de l'obligation qui lui est faite de satisfaire aux prescriptions de l'article L.421-2 du code de l'urbanisme précité en produisant à l'appui de sa demande un dossier comportant un exposé complet du projet architectural retenu au regard de son insertion dans l'environnement ; qu'enfin, le pétitionnaire ne peut utilement se prévaloir de ce que l'ensemble des documents énoncés par l'article R.421-2-A précité aurait été produit à l'appui de sa demande de permis de démolir dès lors qu'il s'agit d'une autorisation donnant lieu à une procédure d'instruction distincte de celle du permis de construire ; que par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le dossier de permis de construire présenté par la SCI MARNELEC était complet et satisfaisait aux prescriptions de l'article R.421-4-A du code de l'urbanisme » (CAA. Paris, 15 juin 2000, SCI Marnelec & Cne de Bonneuil, req. n°97PA02517)

    Mais en outre, pour le cas particulier d’une construction à régulariser, il convient de rappeler qu’une construction illégale n’a précisément aucune existence légale ; cette inexistence étant opposable non seulement aux responsables et aux bénéficiaires de cette construction mais également aux tiers (sur ce point, notre note : « Les constructions illégales ne peuvent pas être prises en compte pour apprécier le caractère urbanisé d’un site pour application de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme », CE. 27 septembre 2006, Cne du Lavandou, AJDA, n°39/2006) Et il n’en vas pas différemment vis-à-vis de l’administration puisque l’on sait que lorsqu’il s’agit de régulariser des travaux irrégulièrement effectués sur une construction illégale, les pièces du dossier doivent faire apparaître cette construction dans son état antérieure à l’exécution de ces travaux (CAA. Paris, 9 novembre 2006, M.X., req. n°03PA00413).

    Tant en raison du principe selon lequel l’administration doit statuer au seul regard des pièces du dossier que des conséquences de la jurisprudence « Thalamy » dont il résulte qu’une construction illégale n’a aucune existence au regard du droit de l’urbanisme, on voit donc mal comment l’administration pourrait alléguer avoir connaissance de celle-ci.

    Néanmoins, il faut relever que sur cette même question la Cour administrative d’appel de Paris a jugé :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R.421-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant du décret n 94-408 du 18 mai 1994, en vigueur à la date à laquelle le pétitionnaire a déposé sa demande : "A - Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : ... 5 Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d'apprécier la place qu'il y occupe. Les points et les angles de prises de vue seront reportés sur le plan de situation et le plan de masse ; 6 un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords. Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme ; 7 une notice permettant d'apprécier l'impact visuel - A cet effet, elle décrit le paysage et l'environnement existant et expose et justifie les dispositions premières pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses obstacles ..."
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Gerpat a déposé, le 8 novembre 1994, une nouvelle demande de permis de construire, différente de celle ayant conduit à la délivrance, le 24 juillet 1992, du permis de construire annulé par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 septembre 1983 ; que, dès lors, conformément aux dispositions du décret précité du 18 mai 1994, le pétitionnaire était tenu de joindre à sa demande de permis de construire les documents graphiques et photographiques énumérés au 5 et 6 de l'article R.421-2 A
    » (CAA. Paris, 2 octobre 2001, Cne de Melun, req. 98PA01244) ;


    et a donc annulé le permis de construire contesté en raison de l’insuffisante représentation de la construction en cause dans la seule mesure où celle objet de la demande était différente de celle précédemment construite ; laissant ainsi à penser que si la demande avait porter sur un projet strictement analogue à cette dernière, l’existence de fait de cette construction aurait pu être prise en compte par l’administration et pallier le caractère incomplet du dossier.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Ensembles immobiliers divisibles, déclarations d’intention d’aliéner distinctes

    Lorsque les biens objets d’une seule et même déclaration d’intention d’aliéner sont divisibles, le Maire est fondé à la rejeter et à solliciter du vendeur qu’il formule deux nouvelles déclarations distinctes. Et lorsque le vendeur acquiesce à cette demande, c’est à compter de la réception de ces nouvelles déclarations, et non à compter de la déclaration initiale, que court le délai pour préempter les biens en cause.

    TA. Cergy-Pontoise, 29 août 2008, Sté Veniel, req. n°06-09675


    Dans cette affaire, le vendeur avait formulé une seule et unique Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) se rapportant à deux ensembles immobiliers faisant l’objet d’une même promesse de vente ; la promesse stipulant que cette vente était indivisible, ce que précisait elle-même expressément cette DIA. La commune titulaire du droit de préemption, devait toutefois rejeter cette déclaration et solliciter du vendeur qu’il formule deux DIA distinctes ; ce qu’il fit tout en rappelant l’indivisibilité contractuelle des immeubles à vendre. Néanmoins, la commune ne donna suite qu’à l’une de ces deux déclarations et ne préempta donc qu’un seul des deux ensembles immobiliers à vendre.

    Mais le vendeur et l’acquéreur évincé décidèrent d’attaquer cette décision de préemption en soutenant qu’elle était, d’une part, tardive en ce qu’elle méconnaissait le délai de deux mois ouvert par l’article L.213-2 du Code de l’urbanisme au titulaire de droit de préemption pour statuer sur la déclaration qu’il convenait, selon les requérants, de compter à partir de la date de la DIA initiale et, d’autre part, irrégulière en ce qu’elle avait abouti à démanteler le contrat organisant l’indivisibilité de la vente des deux ensembles immobiliers en cause. Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise devait toutefois rejeter ces moyens aux motifs suivant :

    « considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les deux ensembles immobiliers mentionnés dans la déclaration d’intention d’aliéner adressé à la commune le 6 juin 2006, qui sont cadastrés AD 79 et AD 134 (…) sont séparés l’un de l’autre par la voie publique et ne peuvent donc être regardés comme constituant une même unité foncière ; qu’il s’ensuit que le maire de la commune a pu légalement demander aux propriétaires de lui adresser une déclaration d’intention d’aliéner portant sur chacun des biens mis en vente ; qu’il est constant que ces deux déclarations d’intention d’aliéner ont été reçues en mairies les 13 et 17 juillet 2006 ; que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision du 7 septembre 2006 serait intervenue tardivement ;
    Considérant (…) que les deux ensembles immobiliers mentionnés dans la déclaration d‘intention d’aliéner adressée à la commune le 6 juin 2006 ne peuvent être regardés comme constituant une même unité foncière ; que des lors la circonstance que la commune en préemptant un seul de ces biens aurait démantelé le contrat de vente souhaité par les propriétaires est sans incidence sur la légalité de la décision contestée
    »


    Cette solution apparaît difficilement contestable. Aux termes de l’article L.213-2 du Code de l’urbanisme, en effet, « toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée, ou en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix ».

    L’utilisation du singulier (« le bien ») induit donc que dans le cas où l’aliénation porte sur plusieurs biens soumis au droit de préemption, une déclaration doit être faite pour chacun des biens vendus. D’ailleurs, non seulement la direction générale des impôts a précisé que « dans le cas où le propriétaire mettrait en vente simultanément plusieurs biens », celui-ci se trouve dans l’obligation de « souscrire autant de DIA que de biens mis en vente afin que le titulaire puisse éventuellement exercer son droit sur un ou plusieurs biens offerts à la vente » (instruction n° 9-E-2-88 du 29 mai 1988 ; JCP N. 1988, prat. N°645) mais, en outre, il a déjà pu être jugé que lorsque la vente envisagée porte sur deux unités foncières distinctes, celle-ci doit faire l’objet de deux DIA différentes, même si l’acquéreur pressenti est identique (TGI, Paris 18 juin 1981, AJPI, 1981, p.978 . Voir également : Ministère de l’Equipement, « Guide du droit de préemption urbain », La Documentation Française, 1991, p.51).

    Et si l’obligation de formuler plusieurs DIA distinctes ne vaut que dans le cas où les biens à vendre ne forment pas un ensemble matériellement indissociable et, en d’autres termes, un ensemble unique et indivisible au regard du droit de préemption, il reste qu’en l’espèce, les terrains d’assiettes des deux immeubles pour appartenir à un même propriétaire n’étaient pas contigus, puisque séparés par une voie publique, et formaient donc deux unités foncières distinctes (CE, 27 juin 2005, n° 264667, cne Chambéry c/ Balmat ; CE. 18 mai 1988, Froment, Rec., p. 1078) ; ce dont il résultait que l’article L.213-2-1 du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il dispose que « lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d'exercer son droit pour acquérir la fraction d'une unité foncière comprise à l'intérieur d'une partie de commune soumise à un des droits de préemption institué en application du présent titre » – était sans incidence sur la solution du litige puisqu’il ne vise précisément que l’hypothèse d’une unité foncière unique et indivisible mais dont une partie seulement est comprise à l’intérieur du périmètre d’exercice du droit de préemption urbain.

    Or, le fait qu’en l’espèce la promesse de vente est organisée l’indivisibilité des ensembles immobiliers en cause et que les DIA l’aient précisé était sans incidence puisque la Cour de cassation, pour refuser de reconnaître la responsabilité d’un notaire ayant omis de stipuler dans une déclaration d’intention d’aliéner l’indivisibilité de la vente souhaitée par les parties, a jugé que « la solidarité voulue » par ces dernières était, en toute hypothèse, « inopposable à la commune pour application de son droit de préemption » dès lors qu’elle ne procédait pas, comme en l’espèce, des caractéristiques matérielles des biens (note du rapporteur C.Masson-Daum sur l’arrêt précité, publiée in BJDU, n°2/2000, p.115).

    Dans ce contexte, la commune titulaire du droit de préemption apparaissait donc bien en droit de solliciter du vendeur qu’ils formulent deux DIA distinctes. Et dès lors que ce dernier obtempéra à cette demande, force était donc de considérer que la réception de ces nouvelles DIA avait déclenché un nouveau délai de deux mois en application de l’article L.213-2 du Code de l’urbanisme. A cet égard, cette décision est donc à rapprocher du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lille a jugé que dans le cas d’une première DIA portant sur une parcelle, suivie d’une seconde DIA portant sur la même parcelle que la première mais également sur une parcelle non contiguë, le délai prévu par l’article L.213-2 du Code de l’urbanisme courrait à compter de la date de réception de cette seconde DIA et ce, y compris pour ce qui concerne la parcelle objet de la première DIA (TA. Lille, 17 octobre 2002, M. Ait Lili, req. n°002500).

    Mais pour conclure, on soulignera que l’élément déterminant de ce jugement nous semble procéder de ce que le vendeur a accepté de formuler deux nouvelles DIA distinctes – ce que le Tribunal semble avoir analysé comme emportant le retrait implicite de la précédente ou, plus précisément, comme une rétraction du vendeur concernant sa première offre (sur cette possibilité : CE, 22 févr. 1995 : JCP G 1995, IV, 1303. – CAA Paris, 28 juin 1994 : Dr. adm. 1994, comm. 564) – dans la mesure où dès lors que les ensembles immobiliers objets de la déclaration initiale étaient divisibles, le titulaire du droit de préemption aurait légalement pu n’en préempter qu’un seul, quand bien même la vente ne correspondait-elle pas au cas visé par l’article L.213-2-1 du Code de l’urbanisme (CAA. Bordeaux, 5 décembre 2005, M. René X., req. n°01BX02629).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur les projets de construction à cheval sur le territoire de deux communes

    Même à considérer qu’il s’agisse d’un projet global assis sur le territoire de deux communes distinctes, la circonstance que le maire de l’une se soit opposé à la déclaration de travaux formulée pour l’une de ses composantes n’a(urait) aucune incidence sur la légalité du permis de construire délivré par le maire de la seconde pour le reste du projet.

    TA. Amiens, 15 avril 2008, M. Passet.pdf, req. n°05-02218



    On connaît bien le régime des constructions projetées sur deux zones différentes d’un règlement local d’urbanisme ; la jurisprudence offrant de nombreux exemples d’application de celui-ci. On connaît moins, en revanche, celui applicable au projet à cheval sur le territoire de deux communes distinctes.

    A l’instar de l’ancien article R.421-9 du Code de l’urbanisme, le nouvel article R.423-1 se borne à disposer que « les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés » et, par voie de conséquence, n’appréhende pas le cas où les travaux sont envisagés sur deux ou plusieurs communes alors même qu’il vise le cas d’une demande présentée par une ou plusieurs personnes et/ou portant sur une ou plusieurs unités foncières.

    En première analyse, et non sans une certaine logique, on pourrait ainsi en déduire qu’en ce cas, il incombe au pétitionnaire de présenter, dans chacune des mairies des communes concernées par le projet, une demande d’autorisation distincte, portant sur la partie du projet sis sur le territoire de la commune intéressée.

    Mais la solution n’est pas aussi simple, et ici encore il faut apprécier la divisibilité du projet. Le Conseil d’Etat a en effet eu l’occasion de juger, au sujet de « l'arrêté du préfet de la Lozère et du préfet de la Haute-Loire en date du 4 mai 1995 accordant à l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA) un permis de construire n° 43-154-95-J-1002 pour l'édification d'ouvrages annexes d'usine Naussac II à Pradelles en Haute-Loire », que :

    « Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 421-2-3 et R. 421-9 du code de l'urbanisme toute demande de permis de construire est déposée à la mairie ; que l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents a donc, à bon droit, déposé à la mairie des deux communes concernées la demande de permis de construire le seuil sur l'Allier ; que s'il est constant que chacun des ouvrages compris dans l'aménagement de Naussac II est indispensable au fonctionnement de l'ensemble de l'opération, c'est par une exacte application de la loi que l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents a déposé une demande de permis de construire dans chacune des mairies des communes concernées » (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183) ;

    étant relevé que dans cette affaire, l’ouvrage en cause était, d’ailleurs, à cheval sur deux départements et sis sur plusieurs unités foncières non contiguës puisque séparées par l’Allier.

    De deux choses l’une en résumé,

    - soit, les composantes du projet à réaliser sur le territoire de l’une des communes sont indivisibles de celles à réaliser sur le territoire de l’autre et le projet devra nécessairement faire l’objet d’une demande unique, présentée à l’identique dans chacune des communes intéressées et sur lequel les autorités compétentes devront statuer par une décision unique : ce dont il résulte que le refus de l’une seule des autorités compétentes suffira à emporter le rejet de l’ensemble de la demande ;

    - soit, les composantes du projet à réaliser sur le territoire de l’une des communes sont indivisibles de celles à réaliser sur le territoire de l’autre et le pétitionnaire pourra faire relever celles-ci de demandes distinctes, distinctement déposées dans chacune des mairies des communes intéressées ; rien ne lui interdisant de déposer une demande unique, présentée à l’identique dans chacune des communes intéressées, laquelle appellera, a priori, une décision conjointe mais pourra, le cas échéant, valoir autorisation partielle ou, a contrario, refus partiel (sur cette possibilité lorsque la demande porte sur un projet divisible : CE. 4 janvier 1985, SCI Résidence du Port, req. n° 47.248).

    Mais en toute hypothèse, la demande de permis de construire devra ainsi faire l’objet d’une décision conjointe des autorités administratives concernées et, le plus souvent donc, des maires intéressés ; la circonstance que le projet soit à cheval sur le territoire de deux communes et le risque de décisions discordantes de ces derniers n’ayant aucunement pour effet d’autoriser le Préfet à statuer sur la demande (TA. Rennes, 30 mai 1990, Mme Bertier, Rec. TA, éd. Litec, 1991, p. 468).

    Ce principe connaît cependant une exception, du moins à s’en tenir à la jurisprudence antérieure à l’arrêt « ADLA » précité, puisque lorsque les composantes du projet sis sur le territoire de l’une des deux communes intéressées ne relèvent pas du champ d’application de la procédure de permis de construire, seul le maire de la commune sur le territoire de laquelle les composantes du projet relevant de cette procédure ont vocation à être réalisées est compétent pour statuer sur la demande (CE. 8 avril 1994, SA Centaure Normandie, req. n°132.721).

    Dans ce contexte, le jugement commenté ce jour apparaît quelque peu surprenant ou, à tout le moins, nous semble procéder d’une analyse pour le moins cursive des faits et, notamment, du projet.

    Dans cette affaire était en cause un permis de construire un centre de formation pour chasseurs qui, tel que décrit dans la demande, n’était sis sur le territoire que d’une commune et avait donc donné lieu à une décision unipersonnelle du maire de cette dernière.

    Mais cette autorisation, délivré le 12 avril 2005, devait être contestée au motif qu’elle portait sur une composante d’un projet global intégrant trois pas de tirs projetés sur le territoire d’une autre commune mais ayant donné lieu à une déclaration de travaux à laquelle le maire de cette commune s’était précédemment opposé ; moyen que le Tribunal administratif d’Amiens a donc rejeté au motif suivant :

    « considérant (…) que si le requérant fait valoir que la construction s’inscrit dans un projet global, à cheval sur deux communes, et que la partie de l’installations situées sur le territoire de la commune limitrophe de Camon, constitué de trois pas de tir, a donné lieu à une décision d’opposition à déclaration de travaux en date du 26 août 2004, cette circonstance est sans incidence sur la légalité du permis litigieux délivré par le maire de Lamotte-Brébière, dont il n’est pas contesté qu’il respecte les dispositions d’urbanisme applicables sur le territoire de cette commune (…) à savoir le règlement national d’urbanisme ».

    Il nous semble ainsi que le Tribunal administratif d’Amiens a fait bien peu de cas de l’argument du requérant selon lequel « la construction s’inscrit dans un projet global » ; d’autant qu’en l’état et ne serait-ce que d’un point de vue fonctionnel, les trois pas de tirs en cause apparaissaient difficilement dissociables du centre de formation pour chasseurs objet du permis de construire contesté.

    En effet, si le projet formé par la réunion de ce centre et de ces pas de tirs constituait un ensemble indivisible, ce projet aurait dû faire l’objet d’une autorisation unique (sur ce point, notre note : « Des constructions constituant un ensemble indivisible doivent faire l’objet d’un permis de construire unique », CE. 10 octobre 2007, Association de défense de l'environnement d'une usine située aux Maisons à Saint-Jory-Lasbloux, req. n°277.314, Construction & Urbanisme, n°11/200) et son seul fractionnement en une déclaration de travaux et un permis de construire était de nature à affecter la légalité de ce dernier et, a contrario, à conforter la légalité la décision d’opposition à cette déclaration.

    Et s’il est vrai qu’apparemment, le requérant ne contestait pas cet irrégulier fractionnement du projet, il n’en demeure pas moins que le juge administratif avait eu l’occasion de préciser, dans des affaires où l’illégalité du fractionnement de l’opération en plusieurs autorisations n’avait pas été invoqué, que la légalité des permis de construire se rapportant à une opération indivisible s’apprécie globalement (ce dont il résulte que l’illégalité d’un seul d’entre eux suffit à emporter l’annulation de tous : CE. 1er décembre 1995, M. Ménager & Autres, req. n° 137.832 & CAA. Nancy, 4 Mars 1997, Epx Ravachol c/ Ville de Reims, req. n° 94NC01290).

    De ce fait et dès lors que le projet aurait dû faire l’objet d’une demande et d’une décision uniques et qu’en toute hypothèse, la décision d’opposition à la déclaration de travaux précédemment formulées était définitive à la date de délivrance du permis de construire en cause, on aurait pu considérer que cette déclaration était irrégulière et, par voie de conséquence, que cette illégalité emportait celle de l’ensemble du projet et, donc, du permis de construire attaqué.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • VEILLE ADMINISTRATIVE : sur le délai d’instruction et la formation d’un permis de construire s’agissant des projets soumis à enquête publique

    Texte de la question : publiée au JO le : 04/03/2008 page : 1737

    "M. Bernard Perrut attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur les dispositions de l'article R. 424-2-d du nouveau du code de l'urbanisme. Il lui demande si, dans l'hypothèse d'une demande de permis de construire relative à une installation classée (ICPE), soumise à enquête publique uniquement en ce qui concerne la demande d'autorisation ICPE, et non en ce qui concerne le projet de construction, le pétitionnaire peut se prévaloir d'un permis de construire tacite ou si, au contraire, il peut se voir opposer les dispositions de l'article R. 424-2-d. En effet, cette disposition ne précise pas si « le projet » doit être entendu uniquement comme celui relatif au permis de construire, en vertu de l'indépendance des législations ou, au contraire, s'il doit s'entendre globalement du projet de construction d'une installation classée soumise à autorisation".


    Texte de la réponse : publiée au JO le : 19/08/2008 page : 7094

    "L'article R. 424-2-d du code de l'urbanisme prévoit que le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque le projet est soumis à enquête publique prévu par les articles R. 123-7 à R. 123-23 du code de l'environnement. Dans l'hypothèse où l'enquête publique est prescrite uniquement au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et non au titre de la demande de permis de construire, le pétitionnaire pourra se prévaloir d'un permis tacite en l'absence de notification d'une décision expresse dans le délai de l'instruction. En effet, il s'agit de législations distinctes mettant en jeu des procédures autonomes et, en vertu du principe de l'indépendance des législations, le permis de construire ne saurait tenir lieu de l'autorisation ICPE. En outre, même si le permis est délivré ou réputé comme tel, l'article L. 425-10 du code de l'urbanisme dispose que les travaux ne peuvent être exécutés avant la clôture de l'enquête publique".

    Cette réponse apparaît parfaitement conforme à la jurisprudence précédemment rendue en la matière (CE. 13 juillet 2006, Ministre de l’équipement, req. n°269.720) ; laquelle est plus "souple" qu'en matière d'étude d'impact, ce document étant exigé de tout dossier de demande de permis de construire portant sur une "ICPE" soumise à autorisation d'exploiter, quand bien même la construction projetée ne serait-elle pas assujettie à la procédère d'étude d'impact au regard de ses caractéristiques constructives intrinsèques   (CE. 13 juillet 2006, SIETOM, req. n°294.603).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
    Cabient FRÊCHE & Associés