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Ensembles immobiliers divisibles, déclarations d’intention d’aliéner distinctes

Lorsque les biens objets d’une seule et même déclaration d’intention d’aliéner sont divisibles, le Maire est fondé à la rejeter et à solliciter du vendeur qu’il formule deux nouvelles déclarations distinctes. Et lorsque le vendeur acquiesce à cette demande, c’est à compter de la réception de ces nouvelles déclarations, et non à compter de la déclaration initiale, que court le délai pour préempter les biens en cause.

TA. Cergy-Pontoise, 29 août 2008, Sté Veniel, req. n°06-09675


Dans cette affaire, le vendeur avait formulé une seule et unique Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) se rapportant à deux ensembles immobiliers faisant l’objet d’une même promesse de vente ; la promesse stipulant que cette vente était indivisible, ce que précisait elle-même expressément cette DIA. La commune titulaire du droit de préemption, devait toutefois rejeter cette déclaration et solliciter du vendeur qu’il formule deux DIA distinctes ; ce qu’il fit tout en rappelant l’indivisibilité contractuelle des immeubles à vendre. Néanmoins, la commune ne donna suite qu’à l’une de ces deux déclarations et ne préempta donc qu’un seul des deux ensembles immobiliers à vendre.

Mais le vendeur et l’acquéreur évincé décidèrent d’attaquer cette décision de préemption en soutenant qu’elle était, d’une part, tardive en ce qu’elle méconnaissait le délai de deux mois ouvert par l’article L.213-2 du Code de l’urbanisme au titulaire de droit de préemption pour statuer sur la déclaration qu’il convenait, selon les requérants, de compter à partir de la date de la DIA initiale et, d’autre part, irrégulière en ce qu’elle avait abouti à démanteler le contrat organisant l’indivisibilité de la vente des deux ensembles immobiliers en cause. Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise devait toutefois rejeter ces moyens aux motifs suivant :

« considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les deux ensembles immobiliers mentionnés dans la déclaration d’intention d’aliéner adressé à la commune le 6 juin 2006, qui sont cadastrés AD 79 et AD 134 (…) sont séparés l’un de l’autre par la voie publique et ne peuvent donc être regardés comme constituant une même unité foncière ; qu’il s’ensuit que le maire de la commune a pu légalement demander aux propriétaires de lui adresser une déclaration d’intention d’aliéner portant sur chacun des biens mis en vente ; qu’il est constant que ces deux déclarations d’intention d’aliéner ont été reçues en mairies les 13 et 17 juillet 2006 ; que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision du 7 septembre 2006 serait intervenue tardivement ;
Considérant (…) que les deux ensembles immobiliers mentionnés dans la déclaration d‘intention d’aliéner adressée à la commune le 6 juin 2006 ne peuvent être regardés comme constituant une même unité foncière ; que des lors la circonstance que la commune en préemptant un seul de ces biens aurait démantelé le contrat de vente souhaité par les propriétaires est sans incidence sur la légalité de la décision contestée
»


Cette solution apparaît difficilement contestable. Aux termes de l’article L.213-2 du Code de l’urbanisme, en effet, « toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée, ou en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix ».

L’utilisation du singulier (« le bien ») induit donc que dans le cas où l’aliénation porte sur plusieurs biens soumis au droit de préemption, une déclaration doit être faite pour chacun des biens vendus. D’ailleurs, non seulement la direction générale des impôts a précisé que « dans le cas où le propriétaire mettrait en vente simultanément plusieurs biens », celui-ci se trouve dans l’obligation de « souscrire autant de DIA que de biens mis en vente afin que le titulaire puisse éventuellement exercer son droit sur un ou plusieurs biens offerts à la vente » (instruction n° 9-E-2-88 du 29 mai 1988 ; JCP N. 1988, prat. N°645) mais, en outre, il a déjà pu être jugé que lorsque la vente envisagée porte sur deux unités foncières distinctes, celle-ci doit faire l’objet de deux DIA différentes, même si l’acquéreur pressenti est identique (TGI, Paris 18 juin 1981, AJPI, 1981, p.978 . Voir également : Ministère de l’Equipement, « Guide du droit de préemption urbain », La Documentation Française, 1991, p.51).

Et si l’obligation de formuler plusieurs DIA distinctes ne vaut que dans le cas où les biens à vendre ne forment pas un ensemble matériellement indissociable et, en d’autres termes, un ensemble unique et indivisible au regard du droit de préemption, il reste qu’en l’espèce, les terrains d’assiettes des deux immeubles pour appartenir à un même propriétaire n’étaient pas contigus, puisque séparés par une voie publique, et formaient donc deux unités foncières distinctes (CE, 27 juin 2005, n° 264667, cne Chambéry c/ Balmat ; CE. 18 mai 1988, Froment, Rec., p. 1078) ; ce dont il résultait que l’article L.213-2-1 du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il dispose que « lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d'exercer son droit pour acquérir la fraction d'une unité foncière comprise à l'intérieur d'une partie de commune soumise à un des droits de préemption institué en application du présent titre » – était sans incidence sur la solution du litige puisqu’il ne vise précisément que l’hypothèse d’une unité foncière unique et indivisible mais dont une partie seulement est comprise à l’intérieur du périmètre d’exercice du droit de préemption urbain.

Or, le fait qu’en l’espèce la promesse de vente est organisée l’indivisibilité des ensembles immobiliers en cause et que les DIA l’aient précisé était sans incidence puisque la Cour de cassation, pour refuser de reconnaître la responsabilité d’un notaire ayant omis de stipuler dans une déclaration d’intention d’aliéner l’indivisibilité de la vente souhaitée par les parties, a jugé que « la solidarité voulue » par ces dernières était, en toute hypothèse, « inopposable à la commune pour application de son droit de préemption » dès lors qu’elle ne procédait pas, comme en l’espèce, des caractéristiques matérielles des biens (note du rapporteur C.Masson-Daum sur l’arrêt précité, publiée in BJDU, n°2/2000, p.115).

Dans ce contexte, la commune titulaire du droit de préemption apparaissait donc bien en droit de solliciter du vendeur qu’ils formulent deux DIA distinctes. Et dès lors que ce dernier obtempéra à cette demande, force était donc de considérer que la réception de ces nouvelles DIA avait déclenché un nouveau délai de deux mois en application de l’article L.213-2 du Code de l’urbanisme. A cet égard, cette décision est donc à rapprocher du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lille a jugé que dans le cas d’une première DIA portant sur une parcelle, suivie d’une seconde DIA portant sur la même parcelle que la première mais également sur une parcelle non contiguë, le délai prévu par l’article L.213-2 du Code de l’urbanisme courrait à compter de la date de réception de cette seconde DIA et ce, y compris pour ce qui concerne la parcelle objet de la première DIA (TA. Lille, 17 octobre 2002, M. Ait Lili, req. n°002500).

Mais pour conclure, on soulignera que l’élément déterminant de ce jugement nous semble procéder de ce que le vendeur a accepté de formuler deux nouvelles DIA distinctes – ce que le Tribunal semble avoir analysé comme emportant le retrait implicite de la précédente ou, plus précisément, comme une rétraction du vendeur concernant sa première offre (sur cette possibilité : CE, 22 févr. 1995 : JCP G 1995, IV, 1303. – CAA Paris, 28 juin 1994 : Dr. adm. 1994, comm. 564) – dans la mesure où dès lors que les ensembles immobiliers objets de la déclaration initiale étaient divisibles, le titulaire du droit de préemption aurait légalement pu n’en préempter qu’un seul, quand bien même la vente ne correspondait-elle pas au cas visé par l’article L.213-2-1 du Code de l’urbanisme (CAA. Bordeaux, 5 décembre 2005, M. René X., req. n°01BX02629).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • Bonjour maître,

    Une commune a délégué son droit de préemption à une communauté d'agglomération. Or celle-ci l'a délégué à son président ? Est-ce légal ? La Communauté d'agglomération peut-elle déléguer ce droit à son président alors que c'est elle qui a fait l'objet de la première délégation ? En outre si elle le pouvait n'est-ce pas à nouveau illégal car n'est-ce pas le bureau qui reste toujours compétent dans le domaine de l'aménagement et non le président ? N'y-a-t-il dès lors pas ici deux hypothèses d'illégalité ? D'avance grand merci pour vos réponses.

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