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Quand la démolition d'une construction ne consiste pas à démolir un bâtiment

Le fait qu’un projet de construction implique la démolition d’un ouvrage existant sur le terrain à construire n’implique pas que le dossier de demande de permis de construire justifie de la demande de permis de démolir requise si cet ouvrage ne constitue pas un bâtiment.

CAA. 31 mai 2011, SCI Bercy Village, req. n°10PA06101

Voici un arrêt récemment mis en ligne sur Légifrance qui pour le coup appelle en lui-même peu de commentaires mais permet de répondre à deux des interrogations générées par la réforme des autorisations d’urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

Comme on le sait en effet, là où sous l’empire du dispositif applicable jusqu’au 1er octobre 2007, l’ancien article L.430-2 du Code de l’urbanisme ainsi que les articles pris pour application de celui-ci se bornait à viser les bâtiments, les articles L.421-3, R. 421-27 et R. 421-28 visent pour leur part les constructions.

Or, cette terminologie n’est pas sans incidence puisqu’en droit de l’urbanisme la notion de construction est plus large et étendue que celle de bâtiment.

C’est ainsi qu’en application de l’ancien article L.430-2, il avait été jugé que n’étaient pas soumis à permis de démolir les travaux de démolition portant sur des installations qui pour constituer des constructions n’en présentaient pas pour autant les caractéristiques d’un bâtiment (CE. 6 mars 1987, Cne de Champigny-sur-Marne, req. n°46354 ; CAA Paris 2 mars 2004, Assoc. Montsouris Environnement, req. n° 00PA02132 ; TA Versailles 6 novembre 1997, Durand, req. n°97-03456) bien qu’a contrario, la jurisprudence ait parfois eu une conception quelque peu extensive de la notion de bâtiment (à propos d’un ensemble composé d’un mur et d’un portail : CE 13 mars 1992, Association de sauvegarde de Chantilly, Dr. adm. 1992, comm. n° 215).

D’autres dispositions tendaient d’ailleurs à confirmer que le permis de démolir s’impose dès lors que les travaux de démolition projetés constituent une construction.

Il résulte à titre d’exemple de l'article R. 421-4 du Code de l’urbanisme que les lignes électriques et les canalisations constituent des constructions, lesquelles sont toutefois dispensées de toute formalité si elles sont souterraines.

Précisément, l'article R. 421-29 dispense pour sa part de permis de démolir, les démolitions de lignes électriques et de canalisations ; c'est donc bien qu’à défaut d'une telle dispense, la démolition de lignes électriques et de canalisations auraient pu être assujettie à permis de démolir puisqu'elles constituent des constructions au sens de l’actuel article L. 421-3 du code de l’urbanisme.

Mais chose quelque peu curieuse, l’article R.431-21 du Code de l'urbanisme, relatif aux pièces à fournir à l'appui des demandes d'autorisation, précise lui que « lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement » et, en d’autres termes, se réfère à la notion de bâtiment et non pas celle de construction visée par les articles L.421-3 et R.421-27 du Code de l’urbanisme.

A s’en tenir à la lettre des articles précités, force est donc de considérer que :

• si tout projet de démolition d’une construction est dorénavant soumis à permis de démolir (pour autant que le terrain soit situé dans un périmètre où cette autorisation est exigible), y compris donc si l’ouvrage à démolir ne constitue pas un bâtiment ;
• il reste qu’en revanche, le dossier de demande de permis de construire ne doit justifier d’une demande de permis de démolir que lorsque cet ouvrage constitue un bâtiment.

C’est cette analyse que confirme, sur le deux points, l’arrêté commenté de la Cour administrative d’appel de Paris.

Dans cette affaire, le pétitionnaire avait sollicité et obtenu un permis de construire dont l’exécution impliquait la démolition préalable d’un ouvrage, en l’occurrence une terrasse. Pour autant, celui-ci n’avait pas adjoint à son dossier de demande, la justification d’une demande de permis de démolir. Et c’est pour ce seul motif que le Tribunal administratif de Paris annula le permis de construire obtenu.

Mais saisie d’une demande de sursis à exécution de ce jugement, la Cour devait donc censurer cette analyse aux motifs suivants :

« Considérant que l'annulation prononcée par le Tribunal administratif de Paris se fonde sur la circonstance que le dossier de demande de permis de construire n'était pas accompagné de la justification du dépôt d'une demande de permis de démolir alors que les travaux autorisés, dès lors qu'ils comprenaient la démolition d'une terrasse pavée sur dalle, emportaient la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir , en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 431-21 du code de l'urbanisme, relatif à la composition du dossier de demande de permis de construire, qui a repris à cet égard les termes de l'article R. 421-3-4 du même code applicable à la date de la demande, et que cette démolition portait sur une construction au sens de l'article R. 421-27 du code de l'urbanisme, définissant le champ d'application du régime du permis de démolir ;
Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que la terrasse litigieuse, d'une surface de 450 m², recouverte de pavés de granit placés sur une dalle soutenue par une structure d'environ un mètre de hauteur, doit être regardée comme constituant une construction au sens de l'article R. 421-27 du code de l'urbanisme, le moyen de la requête tiré de ce que cette même terrasse ne pouvait en revanche être regardée comme constituant un bâtiment au sens et pour l'application des dispositions de l'article R. 421-3-4 du même code, relatives à la composition du dossier de demande de permis de construire, est sérieux et de nature à entraîner l'annulation du jugement
».


Cet arrêt confirme ainsi que si les articles L.421-3 et R.421-27 du Code de l’urbanisme ont bien étendu le champ d’application du permis de démolir tel qu’il résultait précédemment de l’article L.430-2, cette extension n’a pas concerné en revanche les cas dans lesquels le pétitionnaire doit justifier d’un permis de démolir dans son dossier de demande de permis de construire, tels qu’ils résultaient antérieurement de l’article R.431-3-4.

Pour être complet sur ce point, on précisera en effet que si la Cour a fait référence à l’ancien article R.431-3-4 – ce qui induit qu’a priori, la demande avait été présentée avant le 1er octobre 2007 – la solution retenue est évidemment transposable au régime en vigueur depuis cette date puisque la Cour a précisé que « l'article R. 431-21 du code de l'urbanisme (…) a repris à cet égard les termes de l'article R. 421-3-4 du même code applicable à la date de la demande ».

Il reste que cet arrêt génère néanmoins deux interrogations dès lors que l’article R.431-21 n’a pas fait que reprendre l’ancien article R.421-3-4 puisqu’il tient également compte de la possibilité dorénavant ouvertes de solliciter un permis de construire valant autorisation de démolition.

Ainsi, dès lors que sur ce point l’article R.431-21 n’opère pas de distinction en disposant que « lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement », il est permis de se demander si la possibilité d’obtenir une demande de permis de construire valant autorisation de démolition se limite aux cas où le projet implique la démolition d’un bâtiment.

A notre sens non puisque l’article précité régit les cas où la demande « doit » le cas échéant « porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement » et ne régit pas les cas où elle le peut.

Or, cette possibilité résulte de l’article L.451-1 du Code de l’urbanisme qui pour sa part se borne disposer « lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement » et, faute de précision, sur ce point vise donc toute démolition, y compris d’un ouvrage qui pour constituer une construction n’en forme pas pour autant un bâtiment.

Il reste que dans ce cas :

• pour valoir autorisation de démolition, le permis de construire devra néanmoins avoir été délivré au vu d’un dossier comportant les pièces auxquelles renvoie sur ce point l’article R.431-21 du Code de l’urbanisme, à savoir celles visées par les items b) et c) de l’article R.451-2 ;
• la production de ces pièces sera « superfétatoire » au regard du champ d’application de l’article R.431-21 qui ne l’impose donc que dans le cas d’un bâtiment.

Plus encore que dans le cas où l’article précité l’impose car l’ouvrage à démolir est un bâtiment, on peut donc se demander quelle sera l’incidence de l’éventuel caractère irrégulier des pièces produites au regard de l’article R.451-2 sur la légalité du permis de construire valant autorisation de démolir obtenu.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
 

Commentaires

  • l'arrêt n'enterrine t il pas de fait l'indépendance des deux législations -PC et PD-, et l'imperfection de leur articulation ?

    si PC avec PD batiment, alors justification du dépot de PD obligatoire...
    mais pour autant, même en l'absence d'articulation entre PC et PD, une construction hors batiment peut être soumise à PD... le chantier accordé par le PC ne pourra alors pas être mis en oeuvre tant que le PD n'aura pas été accordé...

    reste l'articulation possible ouverte au pétitionnaire mais pas obligatoire, du PC valant PD.

    (pour Chantilly que j'ai bien connu dans mes vertes années, il s'agissait d'un portail réellement monumental, donc effectivement plus proche du batiment que du "simple ouvrage d'art")

  • J'ajoute à la note et aux interrogations générées par la disctinction entre constructions et bâtiments enterrinée en la matière par l'arrêté commenté que l'article A.424-16 du CU indique que le panneau d'affichage de l'autorisation en cause doit que celui-ci doit mentionner, si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou "des bâtiments à démolir"...

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