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L’aménagement d’une aire de stockage de bateaux est assujetti à autorisation « ITD » et les travaux préparatoires s’y rapportant peuvent, à défaut d’autorisation, être interrompus sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

Un bateau constitue un véhicule au sens de l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme. Par voie de conséquence, les aires de stockage de bateaux de dix unités et plus, aménagées pour une durée supérieure à trois mois, relèvent du champ d’application de l’autorisation d’installations et de travaux divers. Par ailleurs, dès lors que les travaux préparatoires en cours d’exécution ne sont pas détachables d’un projet assujetti à une autorisation d’urbanisme, ceux-ci peuvent légalement donner lieu à l’édiction d’un l’arrêté interruptif pris sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme, y compris s’ils ne sont en eux-mêmes assujettis à aucune autorisation.

CAA. Marseille, 18 mai 2006, M. Georges X…, req. n°03MA00455

Dans cette affaire, la demande d’autorisation d’installations et de travaux divers (« ITD ») présentée par le pétitionnaire avait été rejetée au motif tiré de ce que l’aménagement projeté – en l’occurrence, une aire de stockage de bateaux assortie d’une rampe d’accès à la mer – méconnaissait les dispositions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme ainsi que les prescriptions subséquentes des articles ND.1 et ND.2 du POS communal. Mais nonobstant ce refus d’autorisation, le pétitionnaire devait engager les travaux projetés, lesquels firent conséquemment l’objet d’un arrêt en ordonnant l’interruption sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

Après que le recours en annulation engagé à l’encontre tant de l’arrêté portant refus d’autorisation que de l’arrêté interruptif des travaux eu été rejeté par le Tribunal administratif de Nice, le constructeur saisit alors la Cour administrative d’appel de Marseille.

S’agissant de la légalité du refus d’autorisation, d’une part, la principale question avait trait à l’assujettissement des travaux projetés à autorisation « ITD » dont le champ d’application est strictement défini par l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme, lequel vise notamment « les aires de stationnement ouvertes au public et les dépôts de véhicules, lorsqu'ils sont susceptibles de contenir au moins dix unités» (b), « lorsque l'occupation ou l'utilisation du terrain doit se poursuivre durant plus de trois mois ». En effet, lorsqu’un projet de construction n’est pas assujetti à l’autorisation d’urbanisme pourtant sollicitée par le constructeur, l’administration doit la refuser mais ce, uniquement sur le motif tiré du non-assujettissement à l’autorisation demandée : tout autre motif de refus étant donc illégal (pour exemple : TA. Nice, 18 novembre 1999, M. Carl c/ Cne de Menton, req. n°95-3794).

Et sur ce point, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé « qu’il ressort des pièces du dossier que le projet en litige visait à organiser sur un terrain de 1940 m2 comportant déjà un bâtiment à usage de garage à bateaux, le stationnement en extérieur de bateaux de plaisance en nombre supérieur à 10 pour une durée de plus de trois mois ; qu'à supposer même que ce projet prenne la suite d'une précédente activité de stockage de bateaux antérieure à l'approbation du plan d'occupation des sols de la commune, qui au demeurant n'avait jamais fait l'objet d'une autorisation, il porte sur une extension de cette activité devant faire l'objet de l'autorisation prévue à l'article R.442-2 du code de l'urbanisme ».

En d’autres termes, la Cour a donc considéré qu’un bateau constitue donc un véhicule au sens de l’article R.442-2-b) du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, a donc jugé que l’aménagement d’une aire de stockage de bateaux d’une capacité d’accueil de dix unités et plus exigeait l’obtention préalable d’une autorisation « ITD ». Il faut donc en déduire que l’article précité vise tout type de véhicules, à savoir non seulement les véhicules terrestres mais également les véhicules nautiques, voire les véhicules aériens.

Constatant que l’aire de dépôt projetée était incompatible avec les prescriptions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme et, en outre, interdite par les prescriptions combinées des articles ND.1 et ND.2 du POS communal, la Cour administrative d’appel de Marseille a donc validé tant le refus d’autorisation « ITD » opposé au pétitionnaire que son motif.

Quant à la légalité de l’arrêté interruptif des travaux, d’autre part, le requérant faisait valoir que les travaux constatés par le procès-verbal d’infraction étaient des travaux préparatoires dont l’exécution ne pouvait justifier un arrêté interruptif des travaux dans la mesure où, pris isolément, ces travaux ne relevaient du champ d’application d’aucune autorisation d’urbanisme.

On sait en effet que le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser qu’un arrêté interruptif pris sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme est illégal si les travaux sont achevés et qu’il en va ainsi lorsque les travaux en cours d’exécution sont des travaux de finition ne relevant pas en eux-mêmes du champ d’application d’une autorisation d’urbanisme (CE. 2 mars 1994, Cne de Saint-Tropez, req. n°135.448).

A priori, la même conclusion pouvait s’imposer pour ce qui concerne les travaux préparatoires. Il reste que la position du Conseil d’Etat sur ce point n’est pas si éloignée de celle au terme de laquelle il considère, en tant que juge des référés, qu’il n’y a plus urgence à suspendre un permis de construire lorsque les travaux sont achevés ou quasi-achevés et, par voie de conséquence, il n’y a plus lieu alors de statuer sur les requêtes présentées à cet effet (CE. 26 juin 2002, Demblans, Juris-data n°2002-064059).

Or, s’il n’est plus utile d’ordonner l’interruption des travaux illégalement entrepris lorsque ceux-ci sont quasi-achevés, force est d’admettre qu’il peut être opportun d’ordonner l’interruption de travaux préparatoires à une opération assujettie à l’obtention préalable d’une autorisation d’urbanisme. D’ailleurs, le Conseil d’Etat déduit l’urgence à suspendre l’exécution d’une autorisation d’urbanisme du seul fait que les travaux ainsi autorisés sont susceptibles d’être entrepris à tout moment.

Et précisément, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que « si M. X soutient que le maire de Théoule-sur-Mer ne pouvait ordonner l'interruption de travaux qui n'étaient pas soumis à délivrance d'une autorisation, il ressort de l'instruction que les travaux entrepris n'étaient pas détachables de l'opération dont la réalisation avait fait l'objet d'un refus le 31 mars 2000 ; qu'au vu du procès-verbal constatant cette infraction, le maire de Théoule-sur-Mer était donc tenu, comme il l'a fait le 5 octobre 2001, de prendre un arrêté prescrivant la cessation des travaux en cause, sur le fondement des dispositions de l'article L.480-2 du code de l'urbanisme ».

S’ils sont illégaux, les travaux préparatoires à une opération assujettie à autorisation d’urbanisme peuvent donc être interrompus sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme, y compris s’ils n’exigent pas en eux-mêmes une telle autorisation puisqu'ils doivent néanmoins relever de celle-ci (sur ce point, voir ici).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

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