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Le respect des prescriptions de l’article 13 du règlement de PLU s’apprécie à l’échelle de l’ensemble du terrain d’assiette des constructions projetées malgré son éventuelle division en jouissance

Sauf disposition contraire du règlement de PLU, le respect des prescriptions édictées par ce dernier doit s’apprécier à l’échelle de l’ensemble du terrain d’assiette des constructions. Il s’ensuit que lorsque ce terrain a fait l’objet ou doit faire ultérieurement l’objet d’une division en jouissance, cette circonstance n’a aucune incidence sur ce point : le respect de ces prescriptions n’a pas à être apprécié à l’échelle de chacun des lots issus de cette division.

CAA. Lyon, 8 juin 2006, M. X & autres, req. n°02LY01598


On sait que l’unité foncière – définie comme « l’îlot de propriété d’un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE. 27 juin 2005, Cne de Chambéry, req. n°264.667) – constitue, par principe, l’assiette territoriale des prescriptions d’urbanisme.

Or, en application de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, un même permis de construire peut impliquer la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière et la division subséquente de cette dernière, laquelle peut prendre la forme de simples divisions en jouissance qui, ne constituant donc pas des divisions en propriété, n’aboutissent pas à la création de plusieurs unités foncières issues du tènement d’origine.

Il n’en demeure pas moins que ces divisions en jouissance emportent la création de « lots privatisés ». Dès lors, au regard des objectifs poursuivis par les prescriptions d’urbanisme, on peut légitiment se demander si ces lots doivent être considérés comme des terrains pour l’application de ces dernières.

En effet, dans la mesure où chacune des constructions édifiées sur chacun de ces lots sont toutes édifiées sur une même unité foncière, leur implantation a naturellement vocation à être régie par l’article 8 du règlement d’urbanisme local dont on rappellera qu’aux termes de l’article 123-9 du Code de l’urbanisme, il a trait à « l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété » et non pas par son article 7 relatif à « l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives » dans la mesure où, précisément, les limites intérieures de ces lots ne constituent pas des limites de propriété. Il reste qu’au regard de la finalité de l’article 7, il ne serait pas totalement illogique d’en appliquer les prescriptions à chacun de ces lots. De même, s’agissant de l’article 5 du règlement local d’urbanisme relatif à la surface minimale des terrains pour être constructibles, la question est de savoir si c’est la surface totale de l’unité foncière qui doit être appréciée, en vertu au principe selon lequel l’unité foncière constitue l’assiette territoriale des prescriptions d’urbanisme, ou la surface de chacun des lots à créer, ce qui répondrait, du moins pour partie, aux objectifs de l’article 5.

Or, à cette question, les réponses apportées par la jurisprudence ont parfois été contradictoires, notamment pour ce qui concerne les conditions d’application de l’article 5.

On peut ainsi relever que, dès 1988, le Conseil d’Etat a jugé qu’en l’absence de dispositions contraires dans le règlement local d’urbanisme, son article 5 n’interdit pas la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière dès lors que la superficie totale de cette dernière respecte la règle de surface minimale (CE. 13 mai 1988, Comité de défense des sites de la Turbie, req. n° 72.100), quand bien même la surface de leur terrain d’assiette respectif n’y serait pas conforme.

Néanmoins, la Cour administrative d’appel de Paris devait ultérieurement considérer (CAA. Paris, 28 septembre 1993, SCI Le Domaine de Roissy, req. n° 93PA00247) – comme l’avait précédemment fait, d’ailleurs, le Tribunal administratif de Versailles (TA. Versailles, 26 septembre 1986, Abihssara, req. n° 85-2619) – que les règles locales d’urbanisme relatives à la surface minimale des terrains à construire devaient être appliquées pour chaque lot à créer mais ce, avant de juger quelques mois plus tard qu’il convenait effectivement d’apprécier uniquement la surface de l’unité foncière primitive indépendamment donc de toute considération liée à celle de ces lots (CAA. Paris 31 mars 1994, Cne de Mareil-sur-Mauldre, req. n° 93PA00452).

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon ici commenté apporte un nouvel élément de réponse à cette question et ce, à travers l’application de l’article 13 du règlement local d’urbanisme relatif aux « obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d’espaces libres, d’aires de jeux et de loisirs, et de plantations » (art. R.123-9-13° ; C.urb).

Dans cette affaire, le permis de construire attaqué autorisait la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière dont la réalisation et la commercialisation devaient emporter la division en jouissance. Or, si a priori le pétitionnaire respectait les prescriptions de l’article 13 du plan d’occupation des sols à l’échelle du terrain pris dans sa globalité, les requérants soutenaient que tel n’était pas le cas à l’échelle de chacun des lots issus de ces divisions, pris isolément. Mais à ce moyen d’annulation, la Cour administrative d’appel de Lyon a donc opposé, confirmant ainsi le jugement de première instance du Tribunal administratif de Dijon (TA. Dijon, 4 juin 2002, req. n° 01-3195), que :

« Considérant que le b) du 1) de l'article 1 NA 13 du règlement du plan d'occupation des sols de Talant, relatif à l'aménagement des espaces libres liés à une opération de construction, prévoit une superficie minimum d'espaces verts égale à « 40 % de la surface du terrain dont 20 % d'un seul tenant avec 1 arbre de haute tige ou 4 arbustes pour 100 m² » ; que le terrain ainsi visé est le terrain d'assiette de l'opération de construction sur laquelle porte la demande de permis de construire et qu'il en résulte que le respect de l'obligation de réaliser des espaces verts d'un seul tenant sur 20 % de la surface du terrain doit s'apprécier à l'échelle du terrain dans son ensemble ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le respect de cette obligation devrait s'apprécier en tenant compte des limites des lots, s'agissant d'un projet portant sur la réalisation de plusieurs constructions avec division en jouissance de la propriété foncière, doit être écarté ».

Le respect des prescriptions de l’article 13 du règlement local d’urbanisme s’apprécie donc à l’échelle de l’ensemble de l’unité foncière ou, à tout le moins, de sa portion constituant l’assiette foncière de la demande de permis de construire et non pas à l’échelle de chacun des lots à créer lorsque ceux-ci ont vocation à résulter d’une division en jouissance.

En première analyse ce mode d’appréciation valant, a priori, pour l’ensemble des prescriptions d’urbanisme opposables au projet, apparaît parfaitement cohérent.

D’une part, ainsi qu’il a été pré-exposé, il correspond au principe selon lequel l’assiette foncière des prescriptions d’urbanisme est l’unité foncière ou, à tout le moins et plus généralement, sa portion constitutive du terrain d’assiette de la demande de permis de construire.

D’autre part, on rappellera que, d’une part, la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance et que, d’autre part, les divisions visées par l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme relatif au permis de construire valant division sont celles pratiquées ultérieurement à l’acte de construction et, a fortiori, à la délivrance du permis de construire (CE. 26 mars 2003, Cts Leclercq, req. n°231.425).

Il s’ensuit qu’à la date de délivrance du permis de construire valant division son terrain d’assiette est constitué d’un seul tenant et, en d’autres termes, qu’aucun lot n’existe : il n’y a donc pas lieu de prendre en compte les lots à constituer. Par voie de conséquence, il ne devrait pas en aller différemment lorsque ces lots ont vocation à résulter de divisions en propriété puisqu’à la date de délivrance du permis de construire celui-ci ne porte que sur une seule et même unité foncière.

Il faut, toutefois, relever que l’alinéa 2 de l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme précise que « dans le cas mentionné au premier alinéa, et lorsqu'un coefficient d'occupation des sols est applicable au terrain, la demande peut être accompagnée d'un plan de division du terrain précisant, le cas échéant, le terrain d'assiette de la demande d'autorisation et répartissant entre chacun des terrains issus de la division la surface hors oeuvre nette ».

L’alinéa précité – dont on soulignera qu’il ne distingue pas les divisions en jouissance des divisions en propriété – autorise donc le pétitionnaire à ventiler librement la SHON constructible attachée au terrain d’assiette de la demande entre les lots à créer sans considération de la surface respective de ces derniers (CAA. Paris 29 septembre 1998, Kaufam et Broad, req. n°93PA01204).

Or, dans la mesure où l’article R.421-7-1.al.-2 du Code de l’urbanisme semble être conçu comme une exception et qu’une exception de vaut que pour ce qu’elle vise expressément, force serait donc de considérer que le respect des autres prescriptions d’urbanisme doit, dans ce cas, être apprécié à l’échelle des lots à créer et non à l’échelle du terrain d’assiette de la demande pris dans son ensemble. Il reste que dans le cas où le constructeur n'entend pas profiter de la possibilité offerte par l'article R.421-7-1.al.-2 du Code de l'urbanisme, il n'a aucune raison, puisque rien ne lui impose, de produire un plan de division faisant apparaître la limite des lots à créer ; ce qui rend impossible l'application des prescriptions d'urbanisme lot par lot. Mais en toute hypothèse, il va sans dire que l'application de ces prescriptions se fasse lot par lot ou à l'echelle de l'ensemble du terrain de l'opération selon que le pétitionnaire ait ou non usé de la faculté prévue par l'article précité...

Dans ce contexte, on ne peut donc qu’inciter, d’une part, les auteurs du règlement local d’urbanisme à prévoir des règles spécifiques pour les lots à créer ou à préciser expressément que ses prescriptions visant les terrains leur sont applicables et espérer, d’autre part, que le décret d’application de l’ordonnance du 8 décembre 2005 du relative à la réforme des autorisations d’urbanisme précisera les règles d’application des prescriptions d’urbanisme aux lots à créer.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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