Sur la notion de voie ouverte à la circulation au sens de l’article 6 du règlement local d’urbanisme
Dès lors qu’un sentier n’est emprunté que par des piétons et n’est pas affectée à la circulation générale, il ne peut constituer une voie au sens de l’article 6 du règlement local d’urbanisme. En revanche, au sens de ce dernier, une impasse privée constitue une voie ouverte à la circulation automobile dès lors qu’elle est empruntée par des véhicules quand bien même ne constituerait-elle pas une voie ouverte à la circulation générale.
CAA. Paris 10 mai 2007, M. Y., req. n°04PA02209 / CAA. Bordeaux, 29 mai 2007, Cne de Soorts-Hossegor, req. n°05NX00180
Les deux arrêts aujourd’hui commentés, outre leur intérêt pratique, illustrent parfaitement l’importance des termes utilisés par les prescriptions du règlement local d’urbanisme et, notamment, par son article 6 qui aux termes de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme a vocation à réglementer « l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques », sans plus de précision sur le statut des voies auxquelles il est susceptible de s’appliquer.
Dans la première affaire, les requérants avaient obtenu un permis de construire autorisant l’édification de deux annexes – en l’occurrence, un abri de jardin et un atelier – de leur résidence principale lequel devait être contesté par un voisin et, conséquemment, annulé par le Tribunal administratif de Paris au motif que les constructions projetées méconnaissaient les règles d’implantation prescrite par l’article UD.6 du POS communal disposant que « 6.1 Voies publiques ou privées ouvertes à la circulation automobile : / Les constructions en superstructure doivent être implantées à 4 mètres minimum de l'alignement actuel ou futur des voies publiques ou de l'emprise des voies privées... / 6.2 Voies de desserte uniquement piétonne : / Les limites de l'emprise de ces voies sont assimilées à des limites séparatives et les règles de l'article UD 7 s'appliquent. / 6.3 En cas de voies d'accès réservées exclusivement aux véhicules de sécurité, les normes applicables sont fixées par les services de sécurité ».
Les constructions litigieuses étant en l’espèce projetées en limite de l’allée privée bordant leur terrain, toute la question était ainsi de savoir si cette dernière constituait une voie ouverte à la circulation automobile au sens de l’article UD.6.1 du POS communal ou une voie piétonne au sens de son article UD.6.2 ; étant rappelé que dès lors qu’un article 6 vise expressément les voies privées, ses prescriptions sont applicables à ces dernières, puisque ce n’est qu’à défaut d’une telle précision qu’elles ne sont réputées opposables qu’aux seules voies publiques (CE. 16 mars 2001, M. & Mme Chomel, req. n°214.489, spéc. Ccl Ch. Maugüé, BJDU, 2001, p.89), l’implantation des constructions par rapport aux voies privées étant alors régie par l’article 7 relatif à leur distances par rapport aux limites séparatives
C’est la première possibilité qu’a retenu la Cour administrative d’appel de Paris en jugeant que :
« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'allée des Fontenettes a été créée initialement pour assurer la desserte d'un groupe de quatre maisons implantées sur les parcelles 252 à 255 et qu'en 1994, à la suite d'une division de terrain donnant naissance aux parcelles 300 et 301, il a été constitué une double servitude de passage, sur l'allée au profit de la propriété X, sur une bande d'un mètre de largeur dans la partie terminale de l'allée au profit des copropriétaires de l'allée et pour la création de places de stationnement ; que, dès lors, l'allée est une voie privée, et non une simple servitude de passage ; que cette voie est empruntée par les véhicules des occupants des cinq immeubles qu'elle dessert et, le cas échéant, par les véhicules des services publics ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les entreprises qui ont réalisé les travaux de construction nécessités par le permis de construire litigieux y ont fait passer leurs véhicules ; que, dans ces conditions et bien qu'il s'agisse d'une impasse et qu'elle ne soit pas ouverte à la circulation générale, l'allée des Fontenettes doit être regardée comme une voie privée ouverte à la circulation automobile, au sens des dispositions réglementaires précitées, qui sont ainsi applicables au projet de M. et Mme Y ; que, la construction envisagée étant située en limite séparative de l'allée, c'est à juste titre que le Tribunal administratif de Paris a estimé que le permis de construire litigieux avait été délivré en méconnaissance de l'article UD 6.1 précité ».
En premier lieu, la Cour a donc considéré que dès lors que l’allée en cause était grevée d’une servitude de passage, celle-ci devait être considérée comme une voie (sur l’appréciation de la largeur d’une voie privée au regard de l’article 3 d’un règlement local d’urbanisme en considération de l’assiette de la servitude de passage la grevant : CAA. Marseille, 12 avril 2007, Cne de Rouret, req. n°05MA00292).
En second lieu, elle a estimé que dès lors que cette voie était effectivement empruntée par des véhicules, elle constituait d’une voie au sens de l’article UD.6.1 du POS communal alors même qu’il s’agissait d’une voie privée n’étant pas ouverte à la circulation publique puisque ce dernier visait, plus généralement, les voies ouvertes à la circulation automobile.
Précisément, il faut se demander quelle aurait été la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Paris si l’article UD.6.1 avait visé de façon plus restrictive les voies ouvertes à la circulation générale ou à la circulation publique.
Mais l’on peut supposer qu’elle aurait considéré que l’article UD.6 aurait alors été inopposable au permis de construire contesté puisque la voie en cause pour être empruntée par des véhicules n’en était pas pourtant ouverte à la circulation générale ou publique et, par ailleurs, ne constituait pas de ce fait une voie piétonne visée par son paragraphe 2, ni une « voie pompiers » visée par son paragraphe 3 puisque pour être empruntée, notamment, par des véhicules des services publics elle n’en était pas pour exclusivement dédiée à l’accessibilité des engins de secours.
Dans la second affaire, c’est l’implantation d’un local ostréicole et des bassins de traitement par rapport aux voies et, notamment, par rapport à un sentier bordant le terrain objet du permis de construire en litige qui était contestée ; ce dernier ayant été annulé en première instance au motif que les constructions projetées n’étaient pas implantées à la distance prescrite par l’article ND.6 du POS communal par rapport à ce sentier ».
Il reste que, d’une part, l’article précité disposait que « les constructions seront implantées avec un recul minimum de 6 mètres de l'alignement des voies existantes ou à créer » et que, d’autre part, le sentier considéré n’était utilisé que par des piétons. Telle étant la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux devait pour sa part juger que :
« Considérant qu'aux termes de l'article VI ND 6 du plan local d'urbanisme : « Les constructions seront implantées avec un recul minimum de 6 mètres de l'alignement des voies existantes ou à créer » ;
Considérant que le sentier autour du lac d'Hossegor n'est emprunté que par les piétons et n'est pas affecté à la circulation générale ; qu'ainsi, il ne constitue pas une voie au sens de l'article VI ND 6 du plan local d'urbanisme de Soorts-Hossegor ; que, par suite, la COMMUNE DE SOORTS-HOSSEGOR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 décembre 2004, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 3 mars 2003 par lequel le maire de Soorts-Hossegor a accordé à M. A et à M. B un permis de construire au motif que les deux bassins dont la construction est autorisée par le permis de construire litigieux se situent à moins de six mètres de ce sentier ».
Au surplus, on relèvera que dès lors qu’un sentier constitue, au sens du Code de la voirie routière du moins, une voie privée et que l’article ND.6 ne précisait pas expressément s’appliquer à ces voies, le sentier en cause en l’espèce ne pouvait donc pas emporter application des prescriptions de ce dernier. Mais il en résulte également que sauf à qu’il le préciser expressément, les prescriptions de l’article 6 d’un règlement local d’urbanisme n’ont pas vocation à s’appliquer aux voies piétonnes, lesquelles ne constituent donc pas des voies ouvertes à la circulation générale.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés
Commentaires
Bonjour,
J'ai acheté une parcelle au bout d'une impasse publique (nommée, non cadastrée, goudronnée et munie d'un éclairage public) faisant moins de 4m de large afin d'obtenir un accès à mon jardin en voiture. L'entrée principale de ma maison se fait par la porte d'entrée située dans la rue perpendiculaire (maison de village).
Cette impasse permet à 2 voisins d'accéder à leur maison en voiture et est aussi utilisée par les livreurs, facteur,...
Etant donné que je ne demande pas de permis de construire, est-il nécessaire que je demande à la mairie une autorisation de voirie ?
De plus un des voisins tente de m'interdire de passer sous prétexte que l'impasse ne serait pas ouverte à la circulation générale, a-t-il raison ou est-ce de la responsabilité de la mairie ?
Merci
Bonjour,
Un sentier rural de la commune étant considéré comme une propriété privé de la commune (d'après la définition du chemin rural (art L161-1 et suivants du code rural), ai-je le droit d'implanter ma future maison en limite séparative de ce sentier, comme pour toute autre propriété privée, ou dois-je l'implanter en recul de 5 m de celui-ci, comme cela est imposé par le PLU pour ce qui est de la distance à respecter de l'alignement coté rue, à une nouvelle construction. Je ne trouve pas d'articles de loi pour me prévaloir de ce droit et personne ne sais vraiment me répondre avec exactitude au niveau du service instructeur de la mairie, qui préfère toujours contraindre, pour se protéger, bien que les autorisations semblent tout de même souvent être données à la tête du client. Merci pour votre réponse. M. Sandy
Euh ... je suis désolé mais je suis en désaccord avec le titre de votre article.
Dans l'arrêt de la CAA de Paris, il est question dans le PLU de "voie ouverte à la circulation automobile" et non de "voie ouverte à la circulation générale". Il n'y a donc pas grand chose à retenir d'un tel arrêt quant à la notion de voies ouvertes à la circulation générale.
Dans le second arrêt, il s'agit de savoir si un sentier piétonnier est une "voie existante ou à créer" au sens du PLU. La Cour retient qu'il n'est pas une voie parce qu'il n'est pas "affecté à la circulation générale" sans dire si c'est parce qu'il est piétonnier ou pour un autre motif .. (circulation réservée aux riverains ?) .. ?
La "circulation générale" est-elle nécessairement une circulation "automobile" ? j'ai quelques doutes ..