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  • Passé, présent et avenir de la jurisprudence dite « Vicquenau »

    La délivrance d’un second permis de construire sur un même terrain, à un même titulaire et pour un même projet rapporte le premier nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet.

    CAA. Nancy, 21 juin 2007, Sté Bricorama France, req. n°06NC00965


    Voici un arrêt qui s’il appelle peu de commentaires n’en est pas moins intéressant dans la mesure où, d’une part, il précise les modalités d’application de la jurisprudence dite « Vicquenerau » et, d’autre part, nous permet d’aborder la question du devenir de cette jurisprudence en considération du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme relatif au délai de retrait des principales d’autorisations d’urbanisme.

    On sait, en effet, que par l’arrêt « Vicqueneau » (CE. 31 mars 1999, Vicqueneau, BJDU, 2/1999, p.156) , le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel la délivrance d’un second permis de construire peut emporter implicitement le retrait définitif du premier ; ce dont il résulte, d’une part, qu’il n’y a pu lieu de statuer sur le recours exercé à l’encontre de ce dernier et, d’autre part, que dans l’hypothèse où le second est annulé, cette circonstance n’a pas pour effet de faire revivre le premier, sauf à ce que le second ait été contesté en tant qu’il valait retrait du premier.

    Il reste que l’application de ce principe est subordonné à trois conditions cumulatives.

    Tout d’abord, il est nécessaire que le second permis de construire soit délivré au même titulaire que le premier (CE. 16 janvier 2002, Portelli, Juris-Data, n° 2002-063443).

    Ensuite, il semble que le projet autorisé par le second permis de construire doive être similaire à celui visé par le premier ou, à tout le moins, que les deux permis de construire successivement délivrés aient le « même objet » (CE. 7 juillet 1999, Michelland, req. 181.312) ou poursuivent « le même but » (CAA. Versailles,18 novembre 2004, M. Bruno Y., req n°02VE02508).

    Enfin, les deux permis de construire doivent porter sur le même terrain ; ce qui constitue, d’ailleurs, la condition de base dès lors que c’est le terrain qui constitue l’assiette du droit de l’urbanisme et, notamment, du droit des autorisations d’occupation ou d’utilisation des sols.

    Précisément, c’est la portée de cette condition que précise l’arrêt commenté.

    Dans cette affaire, un premier permis de construire conjoint avait été délivré à deux sociétés, lesquelles, après que ce permis eu été frappé d’un recours, en obtinrent un second.

    Par voie de conséquence, le Tribunal administratif de Besançon devait juger que le recours exercé à l’encontre du premier permis de construire était devenu ainsi dépourvu d’objet du fait de la délivrance du second et qu’il n’y avait donc pas lieu de statuer dessus.

    Mais la société requérante devait faire appel de ce jugement en faisant valoir que les deux permis de construire en cause n’étaient pas strictement identiques puisque, s’ils portaient sur la même unité foncière, il reste que le premier ne portait que sur les parcelles directement concernées par le projet alors que le second incluait l’ensemble des parcelles constituant cette unité foncière. Mais la Cour administrative d’appel de Nancy devait également juger que :

    « Considérant que le maire de la commune de Bessoncourt a accordé le 14 janvier 2004 aux sociétés Auchan et Immochan un permis de construire portant sur l'extension et la restructuration de l'hypermarché qu'elles exploitent dans la zone industrielle et commerciale de ladite commune ; que, postérieurement au recours formé par la SOCIETE BRICORAMA France devant le Tribunal administratif de Besançon, le maire de la commune a, sur la nouvelle demande de permis de construire déposé le 27 juillet 2004, accordé le 20 septembre 2004 aux sociétés Auchan et Immochan, un nouveau permis de construire sur le même terrain, qui a implicitement mais nécessairement rapporté le permis initial du 14 janvier 2004, nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet ; que, par suite, la SOCIETE BRICORAMA France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé un non-lieu sur la demande d'annulation du permis initial et que l'existence de ce permis initial aurait rendu illégale la délivrance d'un nouveau permis de construire ».

    En résumé, la délivrance d’un second permis de construire sur un même terrain, à un même titulaire et pour un même projet rapporte le premier nonobstant la circonstance que ce deuxième permis de construire ait, contrairement au premier, mentionné l'ensemble des parcelles dont la société pétitionnaire était propriétaire, et non pas les seules parcelles concernées par le projet.

    La solution retenue est difficilement contestable dès lors, tout d’abord, que quelle que soit l’assiette foncière visée dans les demandes de permis de construire, toujours est-il que les deux permis de construire portaient sur la même unité foncière, ensuite, que les deux projets étaient sis au même endroit, enfin et plus spécifiquement, qu’elle empêche de contourner la jurisprudence « Vicqueneau » par un artifice n’ayant, par principe, aucune incidence sur la consistance réelle du projet. Dans le même sens, force est de considérer que la circonstance que terrain d’assiette de l’opération projetée ait changé de propriétaire entre la délivrance du premier permis de construire et celle du second ne s’opposerait pas à l’application de cette jurisprudence.

    Précisément, l’élément déterminant nous semble être que les deux projets autorisés avaient vocation à être implantés au même endroit puisqu’à notre sens, la jurisprudence « Vicqueneau » ne s’oppose pas à ce qu’une même personne obtiennent deux permis de construire portant sur des constructions identiques mais projetées à des endroits différents de la même l’unité foncière, pour autant que l’exécution de l’un ne s’oppose pas à l’exécution conforme du second.

    Il faut maintenant trancher la question de l’avenir de la jurisprudence « Vicqueneau » au regard du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme limitant le délais de retrait des permis à trois mois en ce qu’il précise que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    En première analyse, on pourrait considérer que le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme n’est pas de nature à remettre en cause la portée de cette jurisprudence dès lors que la jurisprudence dite « Ternon » ne s’est pas elle-même opposée à la formation et au maintien de la jurisprudence dite « Vicqueneau ».

    Il reste que la première se bornait à préciser que le délai de retrait de quatre moins ainsi imposé valaient « hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire » – sans plus de précision – et que la seconde considérait que la demande de second permis valait demande implicite de retrait du premier (CE. avis du 6 juillet 2005, n° 277.276). Telle étant la raison de la condition selon laquelle les deux permis de construire doivent avoir été délivrés à un même titulaire puisque la demande de permis de construire présentée par un tiers ne saurait s’analyser comme une demande de retrait du premier émanant de son bénéficiaire.

    Or, précisément, l’alinéa 2 du nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme précise expressément que « passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

    En l’état, il semble donc que ce n’est que dans le cas où le pétitionnaire aura expressément précisé que sa demande tendant à la délivrance d’un second permis de construire vaut demande de retrait du premier que la délivrance éventuelle du second vaudra retrait de ce dernier. A défaut d’une telle précision et passé le délai de trois mois prévu par le nouvel article L.424-5 du code de l’urbanisme, cette seconde autorisation ne pourra donc valoir, a priori, retrait de la première.

    Mais bien entendu, il incombera à la jurisprudence administrative de confirmer cette analyse mais également de préciser si, forte de la demande explicite formulée par le pétitionnaire, l’administration pourra retirer le premier permis sans pour autant délivrer le second.

    Dans cette attente, on conseillera ainsi aux pétitionnaires de préciser expressément que leur demande d’un second permis de construire ne vaut pas expressément demande de retrait du premier ou, le cas échéant, de conditionner leur demande de retrait portant sur la première autorisation à la délivrance de la seconde (sur cette possibilité : TA. Strasbourg, 2 mai 1996, SCI Diffusion, BJDU, n°2/96, p.125).

    Quoi qu’il en soit, le nouvel article L.424-5 du Code de l’urbanisme n’apparaît pas, en lui-même, de nature à remettre en cause la jurisprudence « Vicqueneau » pour le cas où la délivrance du second permis interviendrait avant l’expiration du délai de trois mois pendant lequel l’administration peut procéder au retrait du premier. En pareil cas et sauf infléchissement de la jurisprudence, la délivrance de cette seconde autorisation pourra donc valoir retrait implicite de la première alors même que son titulaire ne l’aurait pas explicitement demandé.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • VEILLE ADMINISTRATIVE : Application dans le temps du décret n°2006-958 du 31 juillet 2006 sur le délai de validité du permis de construire (anc. art. R.421-32 ; C.urb)

    La réponse ministérielle n°1174 confirme que le décret du 31 juillet 2006 portant modification du délai de validité des permis de construire assujettis à l’ancien article R.421-32 du Code de l’urbanisme s’applique à l’ensemble des permis de construire encore valides à sa date de publication, le 2 août 2006, y compris donc à ceux frappés d’un recours avant cette échéance.


    TEXTE DE LA QUESTION :

    « M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur l'interprétation du décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006 relatif aux règles de caducité du permis de construire et modifiant le code de l'urbanisme. Ce décret dispose que : « Article 1er : Lorsque le permis de construire a fait l'objet d'un recours en annulation devant la juridiction administrative ou d'un recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable. Article 2 : Le présent article s'applique aux permis de construire en cours de validité à la date de sa publication ». Il lui demande si ce décret est applicable à un permis de construire en cours de validité au moment de la publication du décret mais faisant l'objet d'une instance introduite devant la juridiction administrative, antérieurement à la publication dudit décret. Il lui demande également, au cas où ce décret trouverait à s'appliquer, à quelle date la publication du permis de construire prend alors effet ».

    TEXTE DE LA REPONSE :

    « Aux termes des dispositions introduites par le décret n° 2006-958 du 31 juillet 2006 relatif aux règles du permis de construire et modifiant l'article R. 421-32, alinéa 4, du code de l'urbanisme, lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours devant une juridiction administrative ou judiciaire, le délai de validité de cette autorisation est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable. Il est en outre précisé à l'article 2 dudit décret que cette suspension du délai de validité du permis de construire est applicable à tous les permis de construire en cours de validité à la date de publication du décret (Journal officiel du 2 août 2006). Cette règle s'applique donc à tous les permis de construire en cours de validité au 2 août 2006, y compris à ceux concernés par une instance en cours à la date du 2 août 2006. Elle s'applique également à ceux pour lesquels une décision juridictionnelle irrévocable serait intervenue antérieurement au 2 août 2006, dès lors qu'ils n'étaient pas caducs à cette date. Dans tous les cas, le délai de validité du permis de construire est suspendu depuis la date de la notification du recours au pétitionnaire jusqu'à la date de la notification de la décision juridictionnelle irrévocable à ce même pétitionnaire. La notification de la décision juridictionnelle irrévocable fait de nouveau courir le délai de validité du permis de construire pour la durée restant à courir ; celle-ci étant déterminée en ôtant du délai de validité du permis de construire (deux ans) le délai qui s'est écoulé depuis la notification de la décision accordant le permis de construire jusqu'à la notification du recours en annulation ».

    On relèvera que le sens de cette réponse est conforme à l’analyse faite par la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA. Bordeaux, 5 juillet 2007, Richard & Bougerolle, req. n°05BX00191 ; cf : notre note in AJDA n° 36/2007, p.1995 et ici).

    On émettra cependant une réserve sur la précision selon laquelle « le délai de validité du permis de construire est suspendu depuis la date de la notification du recours au pétitionnaire » puisque dès lors que l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme se borne à disposer que « lorsque le permis de construire fait l'objet d'un recours devant une juridiction administrative ou judiciaire, le délai de validité de cette autorisation est suspendu jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle irrévocable », il nous semble que cette suspension intervient à la date d’enregistrement de la requête par le Tribunal, lequel peut, d’ailleurs, mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant de la notifier au pétitionnaire.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’incidence de l’illégalité d’un retrait de permis de construire sur la constitution du délit de construction sans autorisation

    Le juge pénal ne peut condamner un prévenu pour délit de construction sans permis sans avoir recherché si, d’une part, il était titulaire d’un permis de construire tacite et si, d’autre part, le retrait de l’autorisation tacite éventuellement acquise était légal.

    Cass. crim, 18 septembre 2007, Abdelkader X., pourvoi. n°07-80.804


    Pour le coup, voici un arrêt d’importance, lequel sera, d’ailleurs, publié au Bulletin

    Dans cette affaire, le prévenu avait déposé une demande de permis de construire et avait engagé les travaux dès lors qu’il s’était estimé en possession d’un autorisation tacite. Toutefois, sa demande devait, deux mois et trois jour après son dépôt, faire l’objet d’un refus. En conséquence des travaux poursuivis malgré cette décision de refus, le constructeur devait ainsi être ultérieurement poursuivi pour délit de travaux sans autorisation au titre de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme.

    Mais pour sa défense, le prévenu devait soutenir qu’il était titulaire d’un permis de construire tacite et, par voie de conséquence, que le refus qui lui avait ultérieurement été opposé valait retrait ; retrait qu’il soutenait être illégal.

    En première analyse, cet argument n’avait que peu de chances de prospérer dès lors que la constitution d’une infraction se caractérise à la date des faits et dépend donc du seul point de savoir si au moment des travaux leur auteur était ou non titulaire de l’autorisation requise. C’est ainsi qu’un prévenu poursuivi du chef de construction sans autorisation ne peut utilement se prévaloir de l’illégalité du refus opposé à la demande de permis de construire qu’il avait présenté avant d’engager les travaux (Cass.crim, 16 février 1994, W…, pourvoi n°93-82.129), ni de l’obtention ultérieure d’un permis de construire (Cass.crim, 19 mars 1992, Barbebous, pourvoi n°91-83.290). Et pour cause puisque si l’annulation d’un refus de permis de construire a un effet rétroactif, elle n’emporte pas l’obtention d’un permis de construire tacite mais impose seulement à l’administration de statuer à nouveau sur la demande du pétitionnaire en considération des règles d’urbanisme en vigueur à la date de son refus. De même, si l’obtention ultérieure d’un permis de construire régularise la construction pour l’avenir et s’oppose au prononcé ou à la mise en œuvre des mesures de restitution prévues par l’article L.480-7 du Code de l’urbanisme, elle ne change rien à la circonstance qu’au moment des travaux leur auteur n’était titulaire d’aucune autorisation.

    Mais en outre, la position de la Chambre criminelle n’est pas différence dans les cas où en conséquence d’une annulation contentieuse de la décision ayant emporté la disparition du permis de construire, ce dernier s’en trouvait ou était susceptible de s’en trouver rétroactivement mis en vigueur.

    C’est ainsi que, récemment, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, a étendu sa jurisprudence relative aux travaux entrepris avant l’obtention d’un permis de construire de régularisation aux travaux exécutés entre l’annulation et la remise en vigueur d’un permis de construire, en l’occurrence par le fait d’une décision par laquelle le Conseil d’Etat avait déclaré nul et non avenu (CE. 22 février 2002, Sté Hautes-Roches, req. n°190.696) un précédent arrêt par lequel il avait annulé le permis de construire en cause (CE. 9 juillet 1997, ADSTCO, req. n°133.773), en jugeant que :

    « attendu que les faits de construction sans permis de construire ou en non-conformité au permis de construire (ce qui équivaut pour les non-conformités à une construction sans permis de construire) doivent s'apprécier à la date à laquelle les faits sont commis ; que la délivrance d'un permis de régularisation ou la remise en vigueur d'un permis annulé au moment des faits (contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, qui, pour entrer en voie de relaxe, a énoncé que l'arrêt du 22 février 2002 privait de base légale les poursuites relatives aux infractions concernant le bâtiment H), est sans incidence sur la culpabilité mais est seulement de nature à interdire le prononcé d'une mesure de restitution » ;

    et en substance, en considérant que malgré l’effet rétroactif d’un arrêt du Conseil d’Etat déclarant nul et non avenu un précédent arrêt par lequel il avait annulé un permis de construire, les travaux entrepris entre ces deux décisions ne peuvent être réputés accomplis en exécution de ce permis de construire (Cass.crim, 27 juin 2006, MIRZA & BRIAND, pourvoi n° 05-82.876).

    Aussi, dans l’affaire objet de l’arrêt, la Cour d’appel de Metz devait rejeter le moyen présenté en défense par le prévenu en jugeant que même admettre qu’il ait bénéficié d’un permis de construire tacite le 16 décembre 2000 et, par voie de conséquence, que le refus intervenu le 19 décembre 2000 valait retrait de ce permis, il n’en demeurerait, pas moins, qu’en en toute hypothèse, à compter de cette dernière date il ne pouvait plus se prévaloir d’une autorisation et, par voie de conséquence, que les travaux ultérieurement exécutés étaient constitutifs d’un délit de construction sans autorisation.

    Cependant, la Cour de cassation devait casser cette décision en jugeant que :

    « Attendu que le délai d'instruction de droit commun des demandes de permis de construire est de deux mois à compter de la date du dépôt du dossier contre décharge à la mairie ou de l'avis de réception postale de la demande ; que le permis tacite, qui se forme à défaut de notification dans ce délai d'une décision expresse, ne peut être retiré, dans le délai de recours contentieux, que pour des motifs pris de l'illégalité de l'autorisation implicite ;
    Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Abdelkader X... a déposé, le 16 octobre 2000, un dossier de demande de permis de construire, portant sur la transformation d'une porcherie en maison d'habitation ; qu'ayant reçu, le 19 décembre 2000, un arrêté préfectoral lui refusant cette autorisation, il a néanmoins poursuivi les travaux ; qu'un procès-verbal dressé le 12 juin 2002 a constaté que le bâtiment avait été transformé en habitation avec création d'ouvertures ; que l'intéressé a été poursuivi du chef de construction sans permis ;
    Attendu que, pour le déclarer coupable de cette infraction, l'arrêt énonce que, même si l'on considère qu'un permis tacite était intervenu à l'issue du délai de deux mois d'instruction de la demande, soit le 16 décembre 2000, la notification du refus de permis de construire, faite le 19 décembre 2000, a emporté retrait de l'autorisation implicite ;
    Mais attendu qu'en prononçant, ainsi sans rechercher si les conditions du retrait étaient réunies et, en particulier, si le permis tacite était entaché d'illégalité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés
    ».

    En d’autres termes, le juge pénal ne peut donc pas condamner un prévenu pour délit de construction sans permis sans avoir recherché si, d’une part, il était titulaire d’un permis de construire tacite et si, d’autre part, ce refus en tant qu’il vaut retrait de l’autorisation tacite éventuellement acquise était illégale.

    En l’état, il semble donc falloir en déduire, sauf à admettre qu’il incombe au juge d’opérer une recherche n’ayant strictement aucune incidence sur sa décision, que lorsque ce retrait apparaît illégal ou, à tout le moins, lorsque le permis de construire précédemment obtenu n’apparaît pas illégal, le culpabilité du prévenu ne peut pas être retenue.

    NB : malgré mes recherches, je n’ai pas trouvé d’arrêts antérieurs posant aussi clairement cette règle, ni, a fortiori, d’arrêts en faisant application lorsqu’il apparaît que le retrait est effectivement illégal.

    Mais pour conclure, on précisera qu’à proprement parler, cette décision ne nous semble pas constituer un revirement de jurisprudence puisqu’il ressort d’arrêts antérieurs que la Cour de cassation a déjà confirmé plusieurs décisions équivalentes à la solution retenue par la Cour appel de Metz dès lors qu’à la différence de la décision de cette dernière, elles avaient souligné le caractère illégal du permis retiré.

    De ce fait, l’arrêt commenté n’a pas vocation à emporter une modification de la jurisprudence en vigueur s’agissant, notamment, de l’absence d’incidence de l’illégalité d’un refus de permis de construire lorsqu’aucune autorisation, même tacite donc, n’a été précédemment obtenue.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat de barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur les pièces à produire aux dossiers de demande et le délai pour les réclamer

    Un règlement local d’urbanisme ne peut prévoir que des règles de fond et ne peut donc pas régir la composition des dossiers de demande d’autorisation urbanisme même si les pièces ainsi visées font partie de celles prévues par les dispositions du Code de l’urbanisme.

    CAA. Paris, 26 décembre 2006, Cne de Rueil-Malmaison, req. n°03PA01979

    Le récent communiqué du Ministre Jean-Louis Borloo et le dossier de presse.pdf qui l’accompagne nous amène à « exhumer » de notre veille jurisprudentielle n°5 cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, lequel nous permet d’appréhender ce qui, avec la généralisation des autorisations tacites et la clarification du champ d’application des autorisations d’urbanisme, constitue l’axe majeur de la communication gouvernementale sur les avancées opérées par la réforme entrée en vigueur le 1er octobre 2007, à savoir la sécurisation des dossiers de demande.

    A cet effet, on résumera ainsi la position de l’administration sur la prétendue innovation et le soi-disant intérêt de la réforme à ce sujet : tout d’abord, les nouveaux textes précisent clairement les pièces qui doivent être jointes au dossier de demande d’autorisation ou au dossier de déclaration, ensuite, seules ces pièces sont exigibles et il ne sera plus possible d’en solliciter d’autres et, enfin, les pièces manquantes doivent être sollicitées dans un délai d’un mois à compter du dépôt de la demande.

    Un telle présentation nous paraît non seulement quelque peu trompeuse mais surtout particulièrement risquée compte tenu de la façon dont j’ai pu constater qu’elle était comprise tant par les opérateurs que les collectivités que je peux conseiller.

    Tout d’abord et pour autant qu’il en soit besoin, force est de préciser que les textes applicables avant le 1er octobre 2007 définissait déjà clairement le contenu des dossiers de demande d’autorisation. Et même sur ce point, la réforme ne me paraît pas de nature à faciliter la tache des opérateurs dans la détermination des pièces requises.

    Précédemment et pour ce qui concernait, à titre d’exemple, la demande de permis de construire, l’ensemble des pièces éventuellement requises étaient intégralement définies par les articles R.421-2 à R.421-7-1 du Code de l’urbanisme et ce, donc, par une série d’articles énoncés de façon continue au sein d’une même section du Code de l’urbanisme. Il en allait de même pour chaque autorisation ou déclaration.

    Mais aujourd’hui, il est nécessaire, dans un premier temps, de se référer aux dispositions relatives au « tronc commun » de toute demande d’autorisation ou de toute déclaration avant, dans un deuxième temps, d’examiner les dispositions propres à l’autorisation sollicitée avant, dans un troisième et dernier temps, de rechercher les pièces exigibles selon la nature particulière du projet…

    D’une façon générale, force est d’ailleurs d’admettre que la nouvelle organisation du Code de l’urbanisme n’est pas des plus praticables et n’est pas des plus opérationnelles puisque là où antérieurement un même Titre du Code déroulait de façon « verticale » l’ensemble du régime d’une même autorisation, le régime d’une même autorisation est dorénavant fractionnée de matière horizontale entre plusieurs Titres. Mais là n’est certes pas le plus important.

    Ensuite, les dispositions du Code de l’urbanisme ont toujours eu un caractère strictement limitatif (pour exemple : CE. 15 janvier 1999, Omya, req. n°181.652), les règlement locaux d’urbanisme prescrivant la production de pièces étant illégaux, y compris d’ailleurs, lorsqu’ils visent une pièce prévue par les textes. C’est ce qu’illustre parfaitement cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris où l’article litigieux du règlement local d’urbanisme en cause n’était ni plus ni moins qu’une retranscription de l’ancien article R.421-2, b du Code de l’urbanisme exigeant que le plan de masse figurent les arbres à conserver, à abattre et/ou à couper :

    « Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme que les plans d'occupation des sols ne peuvent comporter que des conditions de fond de l'octroi du permis de construire ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas aux auteurs des règlements d'urbanisme de fixer les règles de composition des dossiers de demandes de permis de construire ; que c'est, dès lors, à juste titre que le Tribunal administratif de Paris a estimé illégale la disposition de chacun des articles 13 du règlement applicable aux secteurs UA, UB, UC, UD, UE, UF, UL et UZA, aux termes de laquelle « toute demande de permis de construire devra être accompagnée d'un plan comportant le relevé des plantations à abattre ou à créer », alors même que cette disposition ne ferait que reprendre une disposition analogue énoncée à l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme »

    A ce titre, il ressortait clairement de la jurisprudence rendue à la matière qu’une demande de pièces inexigibles constituait un acte faisant grief susceptible de recours et qu’un refus de permis de construire motivé par le défaut de production d’une pièce non requise était illégal (pour exemple : CAA. Marseille, 30 mars 2000, Peretti, req. n°97MA01188).

    Enfin, s’il est exact que l’administration a dorénavant un mois pour solliciter les pièces manquantes, l’ancien article R.421-13 du Code de l’urbanisme prévoyait pour ce faire un délai de quinze jours.

    En outre, si ce délai d’un mois court à compter du dépôt de la demande en mairie, lequel peut être le cas échéant prouvé par son envoi en recommandé avec demande d’avis d’accusé de réception, il reste que pour de nombreux projets ce dépôt par voie postale n’est pas possible – au regard de l’importance du dossier et du nombre d’exemplaire requis – si bien que le pétitionnaire sera amené à déposer lui-même les dossiers en mairie ; la preuve de ce dépôt ayant alors uniquement vocation à être établie par le récépissé prévu par l’article R.423-3 du Code de l’urbanisme. Il reste qu’aucune disposition ne régit le délai dans lequel l’administration doit délivrer ce récépissé…

    Mais surtout deux précisons s’imposent.

    D’une part, la méconnaissance du délai d’un mois offert à cet effet à l’administration pour solliciter la communication de pièces exigibles et manquantes ne signifie aucunement qu’une demande formulée passé ce délai serait illégale puisque la seule conséquence prévue est qu’alors, cette demande de modifie pas le délai d’instruction applicable à la demande (art. R.423-41 ; C.urb).

    Par voie de conséquence, si le pétitionnaire ne produit pas la pièces manquantes dans le délai de trois mois qui lui est ouvert pour ce faire, sa demande, comme sous l’empire de l’ancien dispositif, aura vocation à être classée sans suite.

    D’autre part et surtout, si les règlements locaux d’urbanisme ne peuvent prescrire la production de pièces aux dossiers de demande d’autorisation, il reste qu’ils peuvent, en revanche, édicter des règles de fond dont l’appréciation du respect implique, le cas échéant, la production de documents n’étant pas prescrits par le Code de l’urbanisme.

    Or, en ce cas, il incombe au pétitionnaire d’établir que son projet respecte ces prescriptions par la production des documents adéquats

    En d’autres termes, si un règlement local d’urbanisme ne saurait légalement prescrire la production de plans de niveaux indiquant l’affectation des pièces intérieures du bâtiment à construire, il reste que si ce même règlement régit, à titre d’exemple, l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété selon que la façade considérée comporte ou non une baie, éclairant ou non une pièce principale, l’appréciation de la conformité du projet à cette prescription implique que le pétitionnaire produise ces plans, même si les dispositions du Code de l’urbanisme ne l’impose pas. A défaut, un refus de permis de construire comme l’annulation du permis de construire éventuellement obtenu seraient justifiés (pour exemple : CE. 19 octobre 2001, Cne de Talange, req. n°207.677 ; CAA. Bordeaux, 9 novembre 2000, Malmerao-Marty, req. n°98BX00159) ; la circonstance que cette pièce soit inexigible au regard des dispositions du Code de l’urbanisme n’ayant aucune incidence à cet égard puisque l’ancien article L.421-3 et le nouvel article L.421-6 du Code de l’urbanisme implique que l’administration statue et prenne parti sur la conformité de l’ensemble du projet au regard de toutes les prescriptions de fond qui lui sont opposables, ce qui implique que le pétitionnaire produise un dossier dont la composition permette à l’administration d’assurer ce contrôle.

    Comme sous l’empire de l’ancien dispositif, les opérateurs devront donc y réfléchir à deux fois avant de s’abstenir de produire une pièce sollicitée par l’administration et/ou d’exercer un recours contre cette demande du seul fait que la pièce considérée n’est pas prévue par le Code de l’urbanisme.

    Pour conclure, il nous semble que sur cette question comme, d’ailleurs, sur celle relative à la vrai-fausse innovation que constitue la réglementation du nombre d’exemplaires du dossier requis – déjà strictement régie par l’ancien dispositif et, à titre d’exemple, pour ce qui concerne le dossier de demande de permis de construire, par l’ancien article R.421-8 du Code de l’urbanisme – la réforme et la communication gouvernementale qui l’accompagne nous semblent faire totalement abstraction de la force d’inertie de l’administration et de l’absence d’effectivité et d’utilité du droit en recours en la matière – les contentieux sur cette question se comptent sur les doigts de la main – dont l’exercice pour les constructeurs implique qu’ils acceptent de prendre plusieurs mois, voire plusieurs années de retard dans la concrétisation de leur projet, voire d’être « black-lister » sur le territoire de la commune ainsi mise en cause…

    Pour le reste, nous aurons probablement l’occasion de revenir prochainement sur l’autre prétendue innovation de la réforme et la soi-disant garantie que constitue la généralisation des autorisations tacites, c’est-à-dire d’autorisations le plus souvent illégales…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés