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  • Une prescription technique irréalisable n’affecte pas d’illégalité le permis de construire lorsqu’elle n’apparaît pas nécessaire pour assurer la conformité du projet aux prescriptions d’urbanisme

    Lorsque le terrain n’apparaît pas exposé à un risque d’inondation, la prescription technique imposée par le permis de construire en considération de ce risque n’est pas nécessaire pour assurer la conformité du projet au regard de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme. Par voie de conséquence, la circonstance que cette prescription ne serait pas réalisable n’est pas de nature à affecter le permis de construire d’illégalité.

    CAA. Marseille, 9 novembre 2006, Cne de Tarascon, req. n°04MA00895

    Dans cette affaire, le Maire de la Commune de Tarascon avait délivré un permis de construire un immeuble à destination d’habitation sur un terrain faisant l’objet d’un classement administratif en zone submersible mais ce, en l’assortissant de la prescription suivante « l'attention du pétitionnaire est attirée sur le fait que la construction projetée est située en zone submersible réglementée du Rhône et qu'une crue de ce fleuve peut endommager ses biens. Le niveau des plus hautes eaux de la dernière crue s'est élevé à cet endroit à la cote de 11,90 m NGF. La construction devra disposer d'un niveau refuge accessible situé au-dessus de l'altitude précitée ».

    Le Préfet des Bouches-du-Rhône devait toutefois déférer ce permis de construire à la censure du juge administratif au motif tiré de la méconnaissance de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et ce, en soutenant, notamment, que la prescription précitée ne pouvait assurer la conformité du projet au regard de cet article dès lors qu’elle était irréalisable.

    On sait, en effet, qu’aux fins d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme qui lui sont opposables, un permis de construire peut être assorti de prescriptions techniques imposant la réalisation de travaux ou d’aménagements que n’auraient pas prévus par le pétitionnaire.

    Mais pour être opérante, il est nécessaire que cette prescription soit légale ce qui implique non seulement qu’elle soit adéquate et qu’elle ait un impact limité au regard de l’économie générale du projet mais également qu’elle n’apparaisse pas irréalisable (CE. 14 décembre 1992, Epx Léger, req. n°106.685 ; CE. 1er mars 1996, Becaud, req. n°116.820).

    Or, contrairement aux prescriptions financières, une prescription technique constitue le soutien indivisible de l’autorisation d’urbanisme qui l’édicte, si bien que son illégalité intrinsèque affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation et emporte donc l’annulation de cette dernière dans sa globalité ; telle étant la raison pour laquelle un recours en annulation exclusivement dirigé vers une telle prescription, et concluant donc à l’annulation partielle de l’autorisation, est irrecevable qu’il émane d’un tiers ou du pétitionnaire (CE 12 octobre 1979, Poidevin, req. n°12957).

    Mais dans l’affaire objet de l’arrêt commenté le moyen tiré du caractère irréalisable de la prescription en cause a été écarté, au premier chef, du simple fait qu’elle n’était pas nécessaire puisque la Cour administrative d’appel de Marseille avait précédemment constaté que nonobstant le classement administratif dont il faisait l’objet, le terrain à construire n’était pas, en fait, exposé à un risque particulier d’inondations :

    « Considérant, en second lieu, que, pour contester la légalité du permis en litige, le préfet fait également valoir que la prescription, fixée par l'article 3 de l'arrêté contesté, assortissant le permis de construire en litige, serait irréalisable ; que, toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que la parcelle d'assiette du projet contesté n'est pas soumise à un risque d'inondation du fait de l'existence des ouvrages de protection existants ; qu'ainsi, et en toute hypothèse, la circonstance que la prescription en cause serait irréalisable est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté ; qu'en tout état de cause, le préfet n'établit pas le caractère irréalisable de ladite prescription alors qu'il ressort des pièces du dossier que, des aménagements mineurs permettraient la réalisation d'un accès au toit à partir du bâtiment ».

    En substance, la Cour a donc considéré que le caractère prétendument irréalisable de la prescription en cause « est sans effet sur la légalité du permis de construire contesté » dès lors que celle-ci n’était pas nécessaire, en l’espèce, pour assurer la conformité du projet à l’article R.111-2 du code de l’urbanisme. Sur ce point, cet arrêt peut être rapproché de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé qu’il ne pouvait être fait grief à un permis de construire délivré sur un terrain en zone inondable de ne pas être assorti de prescriptions spéciales dès lors qu’eu égard à la nature de la construction projetée – en l’occurrence, un abri de jardin ouvert – de telles prescriptions n’apparaissaient pas nécessaires (CAA. Bordeaux 3 mai 2001, Savariau, req. n°97BX02145).

    On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a précisé que s’agissant de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme et, notamment, du risque d’inondation d’absence de prescriptions spéciales n’est illégale que si de telles prescriptions sont nécessaires (CE. 23 décembre 1994, Peissik, req. n°108.969). Mais a contrario, force est donc de considérer qu’une prescription qui n’est pas nécessaire est nécessairement illégale puisqu’elle impose au titulaire de l’autorisation qui l’édicte une contrainte injustifiée.

    Partant et suivant le principe selon lequel une prescription technique est indivisible de l’autorisation qu’elle assortit, une prescription technique qui n’est pas nécessaire, et donc illégale, affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation obtenue. Il faut, toutefois, préciser que si, par principe, une prescription technique est indivisible de l’autorisation qui l’impose c’est dans la mesure où celle-ci est censée permettre d’assurer la conformité du projet aux normes d’urbanisme qui lui sont opposables ; telle étant la raison pour laquelle, d’une part, l’administration ne peut refuser un permis de construire lorsqu’il apparaît que l’édiction de prescriptions spéciales aurait permis d’assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme (CE. 12 mai 1989, SCI Azr Parc, req. n°96.665) et, d’autre part, la légalité d’un permis de construire assorti de prescriptions doit être appréciée non pas seulement en considération du projet présenté par le pétitionnaire mais également au regard de ces prescriptions (CE. 26 février 2001, Dorwling-Carter, req. n°211.318).

    A notre sens, une prescription qui n’est pas nécessaire est certes illégale mais dans la mesure où, précisément, elle n’est pas nécessaire pour assurer la conformité du projet aux règles d’urbanisme qui lui sont opposables, celle-ci n’a pas à être considérée comme le soutien indivisible du permis de construire qui l’édicte. Mais force est de constater que telle ne semble pas être la position du juge administratif et, notamment, de la Cour administrative d’appel de Marseille à s’en tenir à sa jurisprudence antérieure :

    « Considérant, d'autre part, que le juge administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation partielle d'un acte dont les dispositions forment un tout indivisible, est tenu de rejeter ces conclusions comme irrecevables quels que soient les moyens invoqués contre la décison attaquée ; Considérant que, par une décision en date du 22 juillet 1993, le maire de BANDOL ne s'est pas opposé à l'ouverture d'une fenêtre sur une maison à usage d'habitation projetée par Mme GILBERT ; que, toutefois, le maire de BANDOL a précisé, dans le corps de sa décision, que cette ouverture devrait comporter un verre opaque ; que cette prescription spéciale édictée par application des dispositions précitées constitue un tout indivisible avec l'autorisation accordée alors même qu'elle ne constitue pas une prescription relative à la sécurité ou à l'aspect architectural de la construction ; que, par suite, Mme GILLET n'était pas recevable à demander l'annulation de la décision précitée en tant seulement qu'elle prescrit l'utilisation d'un verre opaque » (CAA. Marseille, 31 mai 2001, Mme Gillet, req. n°98MA00512).

    Dans cette affaire, la Cour a donc considéré que pour ne pas être nécessaire à la sécurité et à l’aspect architectural de la construction, la prescription en cause n’en était pas moins indivisible de l’autorisation en cause et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une annulation partielle ; ce dont il résulte que son illégalité aurait pu emporter l’annulation de l’ensemble de l’autorisation…

    Mais il est vrai que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la légalité de la prescription en cause était contestée en considération de son caractère prétendument irréalisable et non pas au motif qu’elle n’était pas nécessaire ; ce qui aurait été pour le moins contradictoire au soutient d’un recours principalement fondé sur l’article R.111-2 du code de l’urbanisme et la soi-disant inondabilité du terrain à construire.

     

    Patrick E. DURAND Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris Cabinet Frêche & Associés

  • Un permis de construire peut être régulièrement délivré sur la partie libre d’un emplacement réservé devenue inutile du fait de la réalisation de l’équipement d’intérêt général en vue duquel il a été institué

    Lorsqu’au terme des travaux de réalisation d’une voie publique en vue de laquelle un emplacement réservé a été créé, il apparaît qu’une partie du terrain réservé demeure libre et ne sera donc pas utilisée, un permis de construire peut être régulièrement délivré sur cette partie de terrain quand bien même le reliquat de cet emplacement réservé n’a pas été expressément supprimé par une décision ad hoc.

    CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y, req. n°04BX00214


    Dans cette affaire un permis de construire 28 logements sociaux avait été délivré sur un terrain relevant du domaine privé communal. Il reste que ce terrain était grevé d’un emplacement réservé destiné à permettre la réalisation d’une voie publique devant assuré la desserte d’un équipement public, en l’occurrence, une médiathèque.

    Or, des voisins du terrain à construire devaient attaquer ce permis de construire en soutenant, notamment, que la destination de l’immeuble ainsi autorisé était incompatible avec l’affectation de l’emplacement réservé grevant ledit terrain.

    On sait, en effet, qu’aux fins de permettre la réalisation de voies, d’espaces verts ou d’équipements d’intérêt général, les communes ont la possibilité d’instaurer des emplacements réservés à cet effet, lesquels ont pour effet de grever les terrains concernés d’une quasi-inconstructibilité puisqu’en dehors du projet en vue duquel l’emplacement a été créé, seuls des ouvrages précaires peuvent y être autorisés dans le cadre d’un permis de construire délivré au titre de l’actuel article L.423-1 du code de l’urbanisme (par l’entrée en vigueur du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007, ce régime sera substantiellement modifié puisqu’il ne sera plus besoin que l’ouvrage soit précaire par destination dans la mesure où c’est dorénavant le permis de construire s’y rapportant qui sera délivré à titre précaire).

    En dehors de ce cas particulier, le terrain grevé d’un emplacement réservé ne peut faire l’objet d’aucun permis de construire portant sur un projet autre que celui en vue duquel il a été institué ; ce qui vaut tant à l’égard des tiers qu’à l’égard de la collectivité publique l’ayant institué ou de la collectivité publique réservataire et ce, quand bien même le terrain à construire appartiendrait-il à l’une des ces dernières et y compris s’il s’agit d’un autre projet d’intérêt général dont la réalisation ne s’opposerait pas, par elle-même, à celle du projet pour lequel l’emplacement a été réservé :

    « Considérant que le plan d'occupation des sols approuvé de la commune de Courbevoie comportait, à la date du 15 octobre 1986 à laquelle a été délivré le permis litigieux, un emplacement réservé, sous le numéro 123, d'une superficie de 15 450 m2 destiné à permettre l'édification de locaux scolaires sous la forme, notamment, d'une école maternelle et de l'extension du groupe scolaire existant ; qu'ainsi le maire, postérieurement à l'acquisition des parcelles nécessaires, d'ailleurs autorisé par le conseil municipal à fin de réalisation d'équipements scolaires, ne pouvait légalement délivrer un permis de construire ayant pour objet la réalisation d'un parc de stationnement en sous-sol, de 9 420 m2 de surface hors oeuvre brute, alors même que cette construction n'aurait pas fait obstacle à l'édification ultérieure de bâtiments scolaires ; que, par suite, le permis de construire accordé le 15 octobre 1986 à la commune de Courbevoie, qui méconnaît les prescriptions alors en vigueur du plan d'occupation des sols, est entaché d'illégalité » (CE. 14 octobre 1991, Association du cadre de vie des résidents de Courbevoie-Bécon, req. n°92.532).

    Par principe, en effet, le respect de la destination d’un emplacement réservé s’impose tant que celui-ci n’a pas été abrogé ; et pour le juge administratif il ne peut y avoir de renoncement implicite au bénéfice d’un tel emplacement (sur la position du juge judiciaire : Cass. civ. 24 novembre 1987, Bull. civ., III, n°192 ; Cass. civ., 17 juillet 1997, Bull.civ., 1997, III, n°171).

    En l’état, le permis de construire contesté dans l’affaire objet de l’arrêt commenté apparaissait donc illégal. Il reste que si l’emplacement réservé en cause n’avait pas été expressément abrogé, la voie en vue de laquelle cet emplacement réservé avait été institué avait déjà été entièrement réalisée.

    Par voie de conséquence, la partie du terrain objet du permis de construire contesté restée grevée d’un emplacement réservé qui n’avait plus vocation à être utilisée et, en d’autres termes, était ainsi devenu inutile. Tel est la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté ce moyen :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le permis litigieux a été délivré, la voie nouvelle de liaison entre la rue de Ciron et la rue de la Berchère, destinée notamment à desservir la médiathèque, et qui faisait l'objet d'un emplacement réservé, était entièrement réalisée sur une partie du terrain faisant l'objet de cet emplacement réservé ; que le maire de la commune, laquelle est propriétaire de l'ensemble du terrain, lui-même situé en zone UB du plan d'occupation des sols, a pu, sans entacher sa décision d'illégalité, délivrer un permis de construire pour une construction qui empiète sur la partie de l'emplacement réservé devenue inutile compte-tenu de l'entier achèvement des travaux de construction de la voie nouvelle ».

    En cela, l’arrêt commenté est bien évidemment à rapprocher des jurisprudences dites « Secher » et « Kergall » mais reconnaît une nouvelle modalité d’extinction d’un emplacement réservé devenu inutile.

    On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a pu juger illégaux le maintient d’un emplacement réservé n’ayant pas reçu l’affectation à laquelle il était destiné au bout de plusieurs décennies (CE. 17mai 2002, Kergall, req. n°221.186) ainsi que le refus d’abroger un emplacement réservé alors que la personne publique avait pris un autre parti d’aménagement à l’égard du terrain grevé par celui-ci (CE. 6 octobre 1995, Secher, in BJDU, n°6/1995).

    A cela, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux ajoute donc un nouveau cas, somme toute fort logique : l’extinction de la partie de l’emplacement réservé devenue inutile par la réalisation du projet en vue duquel il a été créé.

    Mais il faut également relever, d’une part, que dans cette affaire et contrairement aux deux arrêts précités de la Haute Cour, la décision attaquée était le permis de construire délivré sur l’emplacement réservé en cause et souligner, d’autre part, que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc considéré qu’un emplacement réservé devenu inutile perd son opposabilité alors même qu’il n’a pas fait l’objet d’une suppression expresse. A contrario, force est donc de considérer qu’un emplacement réservé devenu inutile ne saurait régulièrement motivé un refus de permis de construire délivré sur celui-ci.

    Pour conclure sur l’arrêt commenté et faire le lien avec notre précédente note sur la prise compte d’équipements publics futurs nécessaires à la desserte des constructions projetées, on précisera que la voie objet de l’emplacement réservé en cause a été prise en compte au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme dans la mesure où elle « avait été entièrement réalisée à la date à laquelle le permis de construire a été délivré » ; ce qui induit qu’à défaut, la seule circonstance que sa réalisation ait fait l’objet d’un emplacement réservé n’aurait pas suffit. Et pareillement, la Cour a établi la légalité du permis de construire contesté au regard de l’article 4 du règlement de POS communal ainsi que celle de prescription imposant, à ce titre, le raccordement à un bassin de rétention en considération du fait que « ce bassin de rétention était achevée à la date à laquelle le permis contesté a été délivré » ; ce dont on peut déduire qu’à défaut, le permis de construire aurait été jugé illégal puisque sa conformité était conditionnée à une prescription irréalisable à la date de délivrance du permis de construire (pour un exemple, en la matière, d’une prescription irréalisable et, partant, illégale : CE. 12 mai 1993, Epx Ainciburru, req. n°124.936).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • A quelles conditions des équipements publics futurs peuvent-ils être pris en compte pour apprécier la constructibilité d’un terrain et la conformité d’un projet au regard des prescriptions d’urbanisme ?

    La seule programmation d’un équipement public ne permet pas d’établir la constructibilité terrain au regard des prescriptions d’urbanisme relatives à l’accessibilité de ce dernier et à l’assainissement des constructions projetées. Il en va de même lorsque les travaux de réalisation de ces équipements sont en cours dès lors que leur achèvement est prévu à une date éloignée.

    CAA. Bordeaux, 8 février 2007, Sté du Val de Bellassise, req. n°P4BX00294 / CAA. Nancy, 1er mars 2007, Sté CERCA, req. n°05NC00767


    Les deux arrêts aujourd’hui commentés ont en commun de traiter de la question relative à la possibilité de prendre en compte des la réalisation future d’équipements publics pour apprécier la constructibilité d’un terrain et la conformité d’un projet, en l’occurrence au regard des règles relatives à sa desserte par les voies publiques et le réseau public d’assainissement.

    On sait, en effet, que la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance en considération du projet présenté par le pétitionnaire, tel qu’il apparaît à l’examen du dossier déposé à cet effet. Par voie de conséquence et par principe, seuls les aménagements dont la réalisation est autorisée par le permis de construire et ceux existants à la date de délivrance de ce dernier peuvent être prise en compte pour apprécier sa légalité.

    Or, aux termes des dispositions du Code de l’urbanisme, ce principe ne connaît qu’une exception, en l’occurrence celle résultant de l’article L.421-5 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose : « lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés » ; dont on rappellera qu’il n’est applicable qu’en matière de permis de construire.

    En dehors du cas où l’article précité est applicable, il semble, toutefois, ressortir des quelques affaires où le juge administratif ait eu à se prononcer sur la question de savoir si des travaux d’équipement public ne relevant pas de la demande peuvent être pris en compte qu’il peut en être ainsi pour autant qu’à la date de délivrance du permis de construire, deux principales conditions soient réunies (pour un exemple illustrant ces deux conditions : CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325).

    Au premier chef, la réalisation des travaux d’aménagement routier considérés doit avoir été effectivement planifiée, ce qui implique qu’elle ait à tout le moins fait l’objet d’une décision de principe de la collectivité compétente (CAA. Bordeaux, 4 décembre 2003, Cne de Toulouse, req. n°99BX00686).

    Il reste qu’il semble également nécessaire que la réalisation des travaux puisse être établie avec un certain degré de certitude. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé que le seul projet d’aménagement d’une voie ne pouvait être pris en compte dès lors que sa date de réalisation était incertaine (CE. 7 mai 1986, Mme Kindersmans, req. n°59.847) et que le Tribunal administratif de Nice a considéré qu’il en allait de même à l’égard d’un projet d’élargissement d’une voie planifié par le POS dès lors que l’échéance et les modalités de réalisation de ce projet n’étaient pas arrêtées à la date de délivrance du permis de construire en cause (TA. Nice, 5 mars 1998, M. Macherez, req. n°94-03028). Et pour être complet, on précisera que la circonstance que les travaux d’aménagement routier considérés donnent lieu à une participation imposée au constructeur – telle une cession de terrain prescrite sur le fondement de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme en vue de la réalisation d’une voie publique – ne permet pas à elle-seule d’échapper aux deux conditions pré-exposées pour qu’ils soient pris en compte (CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°281.253).

    A contrario, il semble donc raisonnable de considérer que, lorsqu’à la date de délivrance du permis de construire considéré, les travaux d’équipement en cause sont non seulement planifiés mais qu’en outre, leur mode et leur planning de réalisation sont établies ceux-ci peuvent être pris en compte pour apprécier la constructibilité du terrain et la conformité du projet puisqu’en substance, pour être futurs ils peuvent alors être, néanmoins, être considérés comme présentant un caractère suffisamment certain.

    Il faut, cependant, souligner que dans la seule affaire où, à notre connaissance, le juge administratif a tenu compte de travaux d’aménagement routier futurs, ces derniers avait non seulement fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique mais étaient, en outre, substantiellement avancés puisqu’en voie d’achèvement à la date de délivrance du permis de construire contesté (TA. Nice. 31 janvier 1984, Gianotti, req. n°83-0011; voir également ici). Précisément, les deux arrêts aujourd’hui commentés vont dans ce sens.

    Dans la première affaire, la société du Val de Bellassise avait présenté une demande d’autorisation de lotir qui devait être refusée au titre de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme dans la mesure où les modalités d’assainissement des constructions projetées étaient de nature à porter atteinte à la salubrité publique. Et la Cour administrative d’appel de Bordeaux devait valider ce refus au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de l'avis émis par les services de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales le 5 février 2002, que la station d'épuration communautaire d'Ambarès, destinée à traiter les eaux usées des futures constructions du lotissement envisagé, était hydrauliquement et organiquement surchargée ; que si la construction d'une nouvelle station d'épuration était programmée depuis 1998, les travaux étaient en cours en mars 2002 à la date de la décision attaquée et ne devaient pas être achevés avant 2005 ; que le maire de la commune de Saint-Eulalie pouvait, dès lors, légalement refuser de délivrer l'autorisation sollicitée au motif que le projet de lotissement envisagé était, s'agissant de l'évacuation des eaux usées des futures constructions, de nature à porter atteinte à la salubrité et la sécurité publiques ; que la circonstance que d'autres autorisations de lotir aient été néanmoins accordées depuis 2001 est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ».

    Dans la seconde affaire, la société SERCA avait sollicité de la commune d’Eschau un certificat d’urbanisme en vue de la réalisation d’un lotissement dans une zone dont l’urbanisation était conditionnée, par le POS, par la réalisation de voie d’accès faisant l’objet d’emplacements réservés au bénéfice de la Communauté urbaine de Strasbourg. Néanmoins, le Maire d’Eschau devait opposer un certificat d’urbanisme négatif que la Cour administrative d’appel de Nancy devait, pour sa part, valider au motif suivant :

    « Considérant en premier lieu que, par la décision attaquée en date du 16 septembre 2003, le maire d'Eschau a répondu négativement à la demande de certificat d'urbanisme déposée par la Société SERCA en vue de la création d'un lotissement au motif qu'alors que le terrain était situé en zone I NA 1 du plan d'occupation des sols et que l'urbanisation de cette zone était conditionnée par la réalisation des voies d'accès faisant l'objet d'emplacements réservés au bénéfice de la Communauté urbaine de Strasbourg, ces opérations n'étaient ni réalisées, ni programmées à court terme par celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'eu égard aux éléments de fait ci-dessus mentionnés, le maire d'Eschau a pu à bon droit délivrer un certificat d'urbanisme négatif concernant le lotissement projeté (et) prendre en considération les seules intentions de la Communauté urbaine de Strasbourg » (voir, toutefois, de la même juridiction).

    Force est de donc de considérer que pour que des équipements publics futurs puissent être pris en compte pour apprécier la constructibilité d’un terrain et la conformité d’un projet, il est non seulement nécessaire qu’ils soient programmés et que leur modalité d’exécution soient connues mais en outre, il doit apparaître, à la date de délivrance du permis de construire, qu’ils sont susceptibles d’être réalisés à courte échéance ; la question de savoir s’ils doivent être en voie d’achèvement à cette date ou s’il est seulement nécessaire qu’il soit établi qu’ils seront achevés, au plus tard, concomitamment des travaux objets de la demande d’autorisation d’urbanisme restant, à notre connaissance, à trancher.

    Mais pour être complet, on précisera, à titre de conclusion, que ce principe est également opposable à l’administration puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé qu’elle ne pouvait légalement opposer un refus de permis de construire au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme en considération d’un carrefour giratoire à aménager mais en vue de la réalisation duquel la collectivité compétente n’avait pris aucune décision de principe (CAA. Lyon, 2 novembre 2004, M. Jaunay, req. n°98LY00089).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La délivrance du l’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement préjuge du respect des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme par le permis de construire

    L’appréciation des risques présentés par une installation classée pour la protection de l’environnement au regard des préoccupations saisies par les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme relève, au premier chef, de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de cette législation.

    CE. 15 février 2007, Ministre de l’écologie et du développement durable, req. n°294.186 / CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852.


    Aux termes de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme « le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ». Quant à l’article R.111-14-2 du Code de l’environnement celui-ci précise que « le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article 1er de la loi n. 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ».

    Eu égard à la rédaction des articles précités qui ne visent expressément que « les constructions » toute la question est de savoir s’ils peuvent justifier un refus de permis de construire ou l’annulation de l’autorisation éventuellement obtenue lorsque les risques existants ne relèvent pas directement de la construction projetée mais de l’activité devant y être exercée.

    En matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, cette question est d’autant plus problématique que les préoccupations visées, d’une façon générale, par les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ont vocation à être contrôlées, d’une façon spécifique, par une procédure d’autorisation ou de déclaration relevant d’une législation indépendance, en l’occurrence la législation environnementale.

    A cet égard est s’agissant d’un permis de construire une unité de production et de stockage de liants routiers, le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de juger que « si le requérant soutient que le permis de construire ne pouvait être délivré, en vertu des dispositions de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme, celles-ci ne visent que "les constructions qui par leur situation ou leurs dimensions sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" et non les activités qui y sont exploitées, lesquelles relèvent d'une législation distincte » (CE. 10 octobre 1994, Sté Euroliants, req. n°111.167).

    Les deux ordonnances de référé commentées ce jour – lesquelles ont été rendues dans la même affaire – tendent à confirmer que, par principe, le permis de construire une installation classée ne peut utilement être contesté pour des motifs relevant directement de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de cette législation, et inversement.

    Dans le litige objet de la première ordonnance, le Conseil d’Etat avait à connaître de la décision par laquelle le juge des référés avait suspendu l’exécution de l’autorisation d’exploiter contestée en considérant que l’urgence était présente eu égard au travaux de construction de l’installation critiquée. Mais la Haute-Cour devait, pour sa part, censurer cette analyse au motif suivant :

    « Considérant, en premier lieu, que l'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement et le permis de construire les bâtiments et les équipements de cette installation, qui sont pris en vertu des législations distinctes du code de l'environnement et du code de l'urbanisme et selon des procédures entièrement indépendantes, ont chacun une portée et un contenu propre ; que l'engagement des travaux de construction autorisés par le permis de construire et les nuisances susceptibles de résulter de ces travaux ne sont pas susceptibles d'être utilement invoqués pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de l'autorisation d'exploitation ; qu'ainsi, en fondant son appréciation de l'urgence sur des circonstances qui découlent de la délivrance du permis de construire et sont dépourvues de rapport avec l'exécution de l'acte dont la suspension est demandée, le juge des référés a entaché sa décision d'une erreur de droit ».

    A contrario, les risques présentés par l’exécution de l’autorisation d’exploiter ne peuvent donc pas justifier l’urgence à suspendre le permis de construire l’installation contestée ; précisons qui n’est pas inutile puisque si, par principe, le requérant bénéficie d’une présomption d’urgence à suspendre un permis de construire, celle-ci peut être contrebalancée par l’urgence à l’exécuter, laquelle ne saurait alors être remise en cause par des considérations tenant aux conditions d’exploitation de la construction projetée.

    Dans le second litige, le permis de construire l’installation classée contestée était donc critiqué sur le terrain de l’article R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ; grief que la Haute Cour devait écarter au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés que le permis attaqué autorise la construction d'un équipement entrant dans la catégorie des installations classées pour la protection de l'environnement ; que ce projet a fait l'objet d'une enquête publique puis a bénéficié, avant la délivrance du permis, d'une autorisation d'exploitation délivrée dans le cadre des articles L. 511-1 et L. 512-1 et suivants du code de l'environnement ; que par suite, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions du code de l'urbanisme».

    A titre liminaire, on peut ainsi relever que le Conseil d’Etat a apprécié les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme de façon globale, ce qui n’est pas illogique dès lors que, d’une part, les préoccupations visées par ces deux articles sont peu ou prou identiques en matière d’installations classées et où, d’autre part, il est de jurisprudence dorénavant bien établie que l’article R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ne peut justifier à lui seul un refus de permis de construire ou l’annulation de l’autorisation éventuellement obtenue (CE. 14 février 2003, Sté civile d’exploitation agricole le Haras d’Achères, req. n°220.215).

    Mais il faut surtout relever que le Conseil d’Etat n’a pas rejeté ce moyen en considérant, d’une part, que les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ne visent que les constructions et pas les activités qui s’y développent et/ou, d’autre part, que l’indépendance de la législation d’urbanisme et de la législation environnementale interdit, par principe, que des préoccupations relevant de l’autorisation d’exploiter soient opposées au permis de construire puisqu’en effet, la Haute Cour a écarté ce moyen du simple fait que le projet litigieux avait fait l’objet, « avant la délivrance du permis, d’une autorisation d'exploitation délivrée dans le cadre des articles L. 511-1 et L. 512-1 et suivants du code de l'environnement ».

    En substance, c’est donc la seule délivrance préalable de l’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installation classée pour la protection de l’environnement qui a suffit à établir que le projet, pour ce qui intéresse le permis de construire, ne méconnaissait pas les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme.

    Tout d’abord, il faut souligner que le Conseil d’Etat a souligné que l’autorisation d’exploiter avait été délivrée avant le permis de construire ; ce qui ne va pas de soi puisqu’aux termes de l’article R.421-12 du Code de l’urbanisme le permis de construire une installation classée peut être délivré dès l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la clôture de l’enquête publique portant sur la demande d’autorisation d’exploiter : le cas échéant, cette dernière peut donc être délivrée après le permis de construire se rapportant au même projet.

    Ensuite, il convient de préciser que dans cette affaire, le permis de construire contesté, à l’instar de l’autorisation d’exploiter, avait été délivré par le Préfet de Département et non pas par le Maire.

    Enfin, on rappellera que la requête aux fins de référé suspension dirigée à l’encontre de l’autorisation d’exploiter, par ailleurs, attaquée devait également être rejetée, c’est-à-dire que celle-ci n’apparaissait pas illégale au regard des moyens développés à son encontre par les requérants.

    Il semble donc raisonnable de considérer que le Conseil d’Etat a écarté le moyen tiré des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme dans la mesure où, à la date de délivrance du permis de construire attaqué, l’autorité en charge de sa délivrance avait déjà régulièrement statué sur la conformité du projet au regard de la législation environnementale.

    Au regard de la rédaction et de la motivation du « considérant » précité, il est donc permis de se demander si la solution retenue aurait été identique si l’autorisation d’exploiter avait été délivrée ultérieurement au permis de construire, si ce dernier avait été délivré par une autorité administrative distincte et/ou si cette autorisation avait précédemment été suspendue ou annulée.

    Mais en toute hypothèse, il ressort donc de cette seconde ordonnance que la seule délivrance de l’autorisation d’exploiter doit préjuger du respect par le permis de construire des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme et, en résumé, que la prise en compte de la législation environnementale assure le respect de la législation d’urbanisme ; du moins pour ce qui intéresse le juge des référés et son office.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés