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Emplacements réservés

  • La portée des OAP du PLU est à géométrie variable

    Les orientations d'une OAP ne sont pas assimilables ni à un emplacement réservé, ni plus généralement à une servitude d'utilité publique, et peuvent de par leur teneur ne constituer qu'une prévision ne pouvant pas justifier un refus de permis de construire, ni partant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir puisque ne faisant ainsi pas grief.     

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  • Sur la portée des servitudes prévues par l’article L.123-2 c) du Code de l’urbanisme & le fractionnement horizontal d’un ensemble immobilier unique en plusieurs permis de construire

    Une servitude instituée au titre de l’article L.123-2 c) du Code de l’urbanisme ne s’impose que dans un rapport de « compatibilité » et, plus spécifiquement, ne remet pas en cause la vocation fonctionnelle autonome des éléments d’un ensemble immobilier unique dont, par ailleurs, le fractionnement en plusieurs permis de construire distincts ne s’oppose pas à l’application de l’article R.123-10-1.

    CAA. Paris, 6 juin 2014, SCI Suchet Morency, req. n°12PA03899

    Voici un arrêt que nous sommes plusieurs (enfin au moins deux :) a n’avoir pas immédiatement relevé alors qu’il s'avère particulièrement riche et qui, sans même compter les apports propres à la mise en œuvre du PLU de Paris, aurait pu être commenté sur de multiples points.

    On en retiendra deux :

    • l’un règlementaire, la portée contraignante des servitudes instituées au titre de l’article L.123-2 c) du Code de l’urbanisme ;
    • l’autre propre aux autorisations individuelles, les conséquences d’un fractionnement horizontal d’un ensemble immobilier unique en plusieurs permis de construire distincts au regard du régime des divisions foncières.

    I.- Dans cette affaire, deux permis de construire distincts avaient été obtenus par l’OPH Paris Habitat, avant que l’un d’entre eux ne soit transféré à un promoteur immobilier, en vue de la réalisation d’un ensemble immobilier projeté sur un terrain grevé d’une servitude instituée au titre de l’article L.123-2 c) précité en vue de la réalisation d’un équipement culturel.

    C’est ainsi la méconnaissance de cette servitude qui fut invoquée par l’association requérante à l’encontre de chacun des deux permis de construire, moyen que rejeta toutefois la Cour administrative d’appel de Paris au motif suivant :

    « 30. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition ou principe général que l'inscription au plan local d'urbanisme d'une servitude de localisation d'un équipement culturel en application des dispositions précitées du c) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme empêcherait l'autorité compétente d'autoriser, dans le périmètre concerné, un projet ne prévoyant pas la réalisation immédiate de cet équipement ; qu'ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, un tel projet doit seulement être compatible avec le maintien de la servitude et la réalisation ultérieure de l'équipement dans le périmètre concerné ; qu'en l'espèce, les permis de construire litigieux, dont les dossiers de demande précisent l'emplacement où pourra être réalisé l'équipement culturel, en bordure du boulevard de Montmorency, en rappelant au surplus ses caractéristiques essentielles, sont compatibles avec la réalisation de cet équipement dans le périmètre " P 16-2 " défini en son annexe IV par le plan local d'urbanisme, qui n'était pas tenu d'en décrire précisément la nature et les caractéristiques ; que dès lors, le moyen que les trois appelantes tirent de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, ou de celles de l'article L. 421-6 du même code, manque en droit ; que par ailleurs, si la SCI Suchet Montmorency soutient que la réalisation effective de l'équipement en cause serait compromise par la circonstance que le tréfonds de la parcelle d'implantation du futur équipement public serait resté, lors de la vente du terrain à l'OPAC de Paris en 2006, la propriété du vendeur, Réseau Ferré de France, lequel n'a aucune compétence en matière culturelle, cette affirmation est, en tout état de cause, démentie par les pièces versées au dossier en réponse par Paris Habitat OPH, dont il résulte qu'il a acquis en 2008, le tréfonds de la parcelle concernée ».

    Ce faisant, la Cour a donc refusé d'aligner d'une quelconque façon le régime de ces servitudes avec celui propre aux emplacements réservés. Il faut dire qu'une solution contraire n'aurait finalement eu aucun sens ou, à tout le moins, aurait privé celles prévues par l'item c) de leur utilité.

    A l'examen de la rare jurisprudence rendue à leur propos, les servitudes instituées par l'article L.123-2 du Code de l'urbanisme semblent en effet présenter quelques similitudes avec le régime des emplacements réservés; certains considérant d'ailleurs que celles prévues par son item c) constitue des emplacements réservés classiques (Th. Célérier; SJ Notariale et Immobilière n° 19, 11 Mai 2001, p. 895).

    Force est toute de relever que cet item concerne les « voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d'intérêt général (…) à créer ou à modifier (…) » alors qu’aux termes de l’actuel article L.123-1-5.V le règlement de PLU peut également « fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts (…) ».

    Ces deux articles ont donc un champ d’application matériel strictement identique : les voies et les ouvrages publics, les installations d’intérêt général et les espaces verts.

    Sauf à considérer que ces deux dispositifs font « doublon », force est donc d’admettre que ces deux articles n’ont pas la même portée et, par voie de conséquence, et notamment qu’à la différence d’un emplacement réservé créé en application de l’article L.123-1-5 du Code de l’urbanisme, une servitude instituée au titre de l’article L.123-2 c) n’a pas nécessairement pour effet de rendre le terrain concerné totalement « inconstructible ».

    D’ailleurs, les articles R.123-11 d) et R.123-12 d) du Code de l’urbanisme distinguent les emplacements réservés institués en application de l’article L.123-1-5.V des servitudes fixées au titre de l’item c) de l’article précité en disposant respectivement que :

    • « les documents graphiques du règlement font, en outre, apparaître s'il y a lieu « es emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général et aux espaces verts, en précisant leur destination et les collectivités, services et organismes publics bénéficiaires » ;
    • « les documents graphiques prévus à l'article R.123-11 font également apparaître, s'il y a lieu Les terrains concernés par la localisation des équipements mentionnés au c de l'article L. 123-2 »

    Surtout, l’article L.123-2 c) précise que les servitudes qu’il prévoit consiste seulement « à indiquer » la localisation des terrains susceptibles d’être concernés par la réalisation d’équipements d’intérêt général alors que, d’une part, le dispositif prévu par le point a) de ce même article vise expressément « à interdire » certaines constructions et que, d’autre part, le dispositif prévu par le point b) de cet article vise expressément « à réserver des emplacements » pour la réalisation de certains programmes de logements.

    Dès lors que ces servitudes ne constituent donc pas des emplacements réservés, force est donc effectivement d'admettre qu'elles ne s'imposent aux constructions projetées sur les terrains situés dans les secteurs qu'elles couvrent que dans un rapport de compatibilté. 

    II.- Mais par ailleurs, l’association requérante devait également soutenir que chacun de permis de construire était illégal puisqu’ils se rapportaient chacun à la réalisation d’un ensemble immobilier unique, moyen que la Cour devait donc également écarter au motif suivant :

    « 28. Considérant, à cet égard, que s'il ressort des pièces du dossier que le programme immobilier élaboré sur le site de l'ancienne gare d'Auteuil a donné lieu à une conception globale, il se compose de quatre immeubles d'habitation dont deux sont destinés au logement locatif social et à une crèche, à réaliser sous la maîtrise d'ouvrage de Paris Habitat OPH, et dont les deux autres, à réaliser sous la maîtrise d'ouvrage de la société Cogedim Résidence, sont pour l'essentiel destinés à l'accession à la propriété ; qu'ainsi, outre que ce programme est d'une ampleur certaine et d'une relative complexité, il comporte deux éléments ayant une vocation fonctionnelle autonome, relevant chacun d'un maître d'ouvrage propre ; que ni la présence d'une rampe d'accès unique aux parkings souterrains, qui doit donner lieu, aux termes des permis de construire modificatifs délivrés le 19 juin 2013, à une servitude de passage, ni la circonstance que le terrain reste grevé, en vertu de l'annexe IV au règlement du plan local d'urbanisme, d'une servitude de localisation d'un équipement culturel édictée en application du c) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, dont la réalisation n'est pas compromise par le programme litigieux, ni le fait qu'un itinéraire d'accès " pompiers " soit implanté sur l'emprise de l'un des terrains issus de la division au bénéfice de l'ensemble du site, ne suffisent à remettre en cause la vocation fonctionnelle autonome des deux aspects du programme ; qu'il ressort du dossier, par ailleurs, que l'administration, saisie concomitamment des demandes de permis de construire qui comportaient de nombreux éléments communs et se référaient l'un à l'autre, a été mise à même de vérifier que, globalement, la délivrance de permis de construire distincts permettait de garantir un respect des règles et intérêts généraux identique à celui qu'aurait assuré la délivrance d'un permis de construire unique ; que, dans ces conditions, les moyens analysés ci-dessus ne sont pas fondés ».

    A cet égard, l’arrêt commenté offre ainsi le premier exemple d’application concrète, et en outre positive, de l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble » alors que la jurisprudence du Conseil d’Etat et des Cours d’appel n’avaient eu jusqu’à présent qu’à se prononcer sur la qualification d’ensemble immobilier unique et, le plus souvent, pour l’écarter.

    D’une façon générale, cet arrêt confirme notamment, s’il en était besoin, que :

    • d’une part, même si en droit on voit finalement mal le fondement et l’utilité de cette restriction, « l’ampleur et la complexité » du projet constitue néanmoins une véritable condition qui, malgré le caractère réel des autorisations d’urbanisme, a vocation à être apprécié notamment au regard du nombre de maîtres d’ouvrage, y compris semble-t-il si cette pluralité n’est pas initiale mais résulte du transfert ultérieur de l’un des deux permis de construire obtenus à l’origine pas un même pétitionnaire ;

    • d’autre part, les considérations d’interdépendance juridique n’ont strictement aucune incidence ni sur la qualification d’ensemble immobilier unique (CE. 15 mai 2013, req. N°345.809), ni par voie de conséquence sur la possibilité de fractionner la réalisation d’un ensemble immobilier unique, suivant un découpage correspondant à ses composantes auxquelles on peut reconnaitre une vocation fonctionnelle autonome, en plusieurs permis de construire distinct ; étant toutefois relevé que la Cour s’est bornée à apprécier l’autonomie fonctionnelle des bâtiments projetés alors que le projet incluait un parc de stationnement dont la réalisation était elle-même dissociée entre les deux permis de construire alors que chacune des parties de ce parc n’avait manifestement pas une vocation fonctionnelle autonome compte tenu de la rampe d’accès unique de ce parc.

    Mais à cet égard, le principal intérêt de cet arrêt est de se rapporter à un ensemble immobilier unique projeté sur un même terrain et donnant lieu à un fractionnement horizontal dans le cadre de deux permis de construire distincts ayant des titulaires différents. Ce faisant, et contrairement à l’arrêt « Ville de Grenoble » qui lui portait sur un fractionnement vertical de l’ensemble immobilier projeté, cet arrêt permet donc de traiter de l’incidence des divisions foncières induites par la réalisation du projet sur l’exception introduite par ce même arrête

    On rappellera, en effet, que la qualification d’ensemble immobilier unique applicable à titre d’exemple à des constructions projetées sur un parc de stationnement commun (CAA. Nantes, 2 mai 2014, SCI Beaurains, req. n°13NT00038) n’exclut ni d’une façon générale la caractérisation de plusieurs bâtiments (CAA. Bordeaux, 5 février 2008, Sté Osmose, req. n°06BX00977), ni plus spécifiquement la réalisation de divisions foncières (CE, 26 octobre 2005, Cne de Sceaux, req. n°265.488) ; divisions foncières qui au demeurant n’étaient nullement contestées en l’espèce et avait d’ailleurs donné lieu à une déclaration préalable de lotissement.

    Il reste que dans le cadre d’un permis de construire unique, ces divisions auraient pu être traitées dans le cadre d’un permis de construire valant division, en l’occurrence conjoint.

    Il s’ensuit donc que le régime des divisions foncières ne s’oppose en lui-même à la mise en œuvre de l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble » ; ce qui nous semble difficilement contestable.

    On sait en effet que le principe rappelé par cet arrêt et selon lequel, sauf exception donc, un ensemble immobilier unique doit faire l’objet d’une seule et même autorisation, le cas échéant conjointe, trouve son fondement dans l’actuel article L.421-6 du Code de l’urbanisme, lequel dispose que « le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords » et auquel renvoie l’article L.421-7 précisant que « lorsque les constructions, aménagements, installations et travaux font l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à leur exécution ou imposer des prescriptions lorsque les conditions prévues à l'article L. 421-6 ne sont pas réunies ».

    En d’autres termes, cette règle trouve donc sa base légale dans un article régissant tous les permis de construire, y compris le permis valant division donc, comme tous les permis d’aménager et toutes les déclarations préalables, y compris ceux se rapportant aux lotissements.

    Partant, on voit donc mal pourquoi l’article L.421-6 qui ne fait pas obstacle au fractionnement d’un ensemble immobilier unique au regard du droit des autorisations de construire s’opposerait en revanche à ce fractionnement pour ce qui concerne la réglementation sur les divisions foncières. Mais il en va d’autant plus ainsi qu’en dehors du cas où le projet en cause constitue un ensemble immobilier unique ne pouvant bénéficier de l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble », le champ d’application de la procédure de ce qu’il est convenu d’appeler le permis de construire valant division ne semble pas présenter par principe un caractère impératif.

    En effet, comme nous l’avons déjà écrit, ce qu’il est convenu d’appeler un permis de construire valant division ne constitue pas une forme d’autorisation d’urbanisme à part à entière mais n’est jamais qu’un permis de construire de « droit commun » présentant pour toute particularité procédurale d’être délivré au vu d’un dossier comportant, entre autres pièces complémentaires, la ou les pièces visées par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Or, compte tenu de sa place dans le code et de sa tournure rédactionnelle, cet article ne vise en fait qu’une hypothèse et, partant, ne semble avoir vocation à s’appliquer que lorsque la demande porte effectivement sur la réalisation de plusieurs bâtiments (CAA. Lyon, 27 mars 2012, SAS Laucel, req. n°11LY01782).

    Dès lors, il est permis donc effectivement de s’interroger sur le caractère impératif de ce dispositif et, concrètement, sur la possibilité de faire relever une opération impliquant la réalisation de plusieurs bâtiments sur un même terrain non pas d’un unique permis de construire groupé mais d’une pluralité de permis de construire dont chacun ne porte que sur un seul bâtiment, notamment lorsque les bâtiments projetés sont physiquement distincts et ne sont pas liés entre eux par des équipements communs les rendant indissociables.

    C’est cette dernière démarche qu’avait adopté le pétitionnaire dans l’affaire « Mareil-le-Guyon » (CE. 7 mars 2008, Cne de Mareil-le-Guyon, req. n°296.287), lequel avait présenté, le même jour, cinq demandes de permis de construire en vue d’édifier cinq maisons individuelles sur l’unité foncière dont il était propriétaire. Toutefois, ces demandes devaient faire l’objet de cinq décisions de refus, toutes motivées par le fait qu’un tel projet impliquait nécessairement la division foncière du terrain à construire, si bien que ces cinq demandes auraient dû être, soit précédées de l’obtention d’une autorisation de lotir, soit groupées dans le cadre d’une unique demande de permis de construire valant division. Mais en appel comme en cassation, ces refus de permis de construire devaient être annulés au motif que les cinq maisons individuelles n’étant destinées qu’à être louées, la réalisation du projet pris dans sa globalité n’impliquant donc aucune division foncière. Dans cette affaire, le juge administratif ne s’est donc aucunement attaché à constater que chacune des maisons projetées avait donné lieu à une demande de permis de construire distinctes mais s’est exclusivement fondé sur l’absence de division foncière induite par le projet.

    C’est donc bien que dans le cas contraire, le projet aurait a priori dû faire l’objet d’une seule et même demande de permis de construire placée sous l’empire de l’actuel article R.431-24 du Code de l’urbanisme … sauf peut-être à ce que les divisions foncières induites par la réalisation aient précédemment été autorisées par une autorisation de lotissement.

    Précisément – et en outre au sujet d’un permis de construire valant division obtenu sous l’empire de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme qui, à la différence de l’actuel article R.431-24, n’était pas visé en tant que tel par l’article R.442-1 de l’époque, à savoir l’ancien article R.315-2 – le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive " ; que l'illégalité relevée ci-dessus n'affecte que les constructions prenant appui sur le mur mitoyen, lesquelles auraient pu faire l'objet d'autorisations distinctes et sont ainsi divisibles du reste des constructions autorisées par le permis litigieux ; que, par suite, et sans qu'il y ait besoin de rechercher si l'illégalité entachant le permis est susceptible de régularisation, il y a lieu d'annuler le permis de construire du 8 septembre 2005 et la décision rejetant le recours gracieux en tant seulement qu'ils concernent les constructions adossées au mur dont M. A...est propriétaire mitoyen » (CE.15 mai 2013, SSCV « Le Clos de Bonne Brise », req. n°341.235).

    Il faut ainsi rappeler que « lorsque les éléments d'un projet de construction ou d'aménagement ayant une vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire, en raison de l'ampleur et de la complexité du projet, l'objet d'autorisations distinctes, le juge de l'excès de pouvoir peut prononcer une annulation partielle de l'arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux ; que, d'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5 citées ci-dessus qu'en dehors de cette hypothèse, le juge administratif peut également procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet » (CE. 1er mars 2013, Fritot, req. n°350.306).

    Il existe donc trois possibilités d’annulation partielle :

    • tout d’abord, celle propre à l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme et qui peut être mise ne œuvre dès lors que l’illégalité du permis de construire ne concerne qu’une partie identifiée du projet autorisé, quand bien même en est-elle indivisible, et peut être régularisée par un « modificatif » ;

    • ensuite, celle tout aussi spécifique mais découlant de l’exception introduite par l’article « Ville de Grenoble » ;

    • enfin, celle aussi classique qu’ancienne et résultant de la divisibilité du projet au regard des critères fixés par la règle de principe rappelé par l’arrêt « Ville de Grenoble » et dont il résulte qu’il ne s’agit pas d’un ensemble immobilier unique.

    Or, dans l’affaire susvisée, le permis de construire valant division en cause a donc été partiellement annulé non pas au titre des possibilités spécifiquement ouvertes par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme puisque cette annulation a été prononcée « sans qu'il y ait besoin de rechercher si l'illégalité entachant le permis est susceptible de régularisation », ni au titre de l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble », mais en raison en raison de la divisibilité classique d’un projet ne constituant pas un ensemble immobilier unique ; ce qui n’est pas nécessairement le cas d’un projet tendant à la construction concomitante de plusieurs bâtiments sur un même terrain, y compris par un même maître d’ouvrage (CAA. Nantes, 16 février 2010, Pascal X., req. n°09NT00832).

    C’est donc bien qu’un projet susceptible de relever d’un permis de construire valant division n’en est pas indivisible de ce seul fait et, par voie de conséquence, peut donc néanmoins relever de permis de construire distincts (ne valant pas division) ne portant chacun que sur un seul bâtiment pour autant, par ailleurs, que le divisions foncières induites par sa réalisation puissent être traitées par un autre procédé, tel le lotissement comme au cas d’espèce, ou un des autres modes opératoires prévus par l’article R.442-1 et, pourquoi pas, par des permis tenant lieu de déclarations préalables en application de l’article R.442-2.

    Pour être complet, on relèvera qu’en conséquence de la déclaration préalable de lotissement précédemment formulée, la Cour a également jugé que :

    « 43. Considérant, en douzième lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-10-1 du code de l'urbanisme : " Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose " ; que contrairement à ce que soutient l'Association de sauvegarde Auteuil - Bois de Boulogne, ces dispositions réglementaires ne méconnaissent pas la compétence des auteurs d'un plan d'urbanisme, telle que fixée par l'article L. 123-1 du même code, dès lors que ce texte les autorise à écarter l'application de la règle qu'il fixe ; que les auteurs du plan local d'urbanisme de Paris n'ayant pas fait ce choix, les premiers juges ont relevé à juste titre que le respect des règles d'implantation et de gabarit des constructions devait être apprécié au regard de l'ensemble du projet, et donc au regard des règles fixées par les articles UG.8 et UG.10.4 concernant respectivement l'implantation et le gabarit enveloppe des constructions sur un même terrain, en ce qui concerne les immeubles placés en vis-à-vis sur le site du lotissement, même prévus par des permis de construire distincts, et que les moyens tirés d'une méconnaissance des articles UG.7.1 et UG.10.3.1, relatifs à l'implantation et au gabarit enveloppe des constructions par rapport aux limites séparatives étaient inopérants » ;

    et a donc jugé, de façon cohérente, que dans le cas d’un lotissement, le principe de « globalisation » fixé par l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme s’appliquait également aux permis de construire délivrés dans ce lotissement et ce, contrairement à l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA. Lyon, 9 juillet 2013, M. C…, req. n°12LY03219) dont nous avons déjà eu l’occasion d’écrire tout le bien que l’on pensait puisque concluant, au mépris de la finalité protectrice de la règlementation sur les lotissement, que cet article s’applique au seul stade de l’autorisation de lotissement (et donc au profit du lotisseur) mais plus au stade des permis de construire ultérieurs (et donc au détriment des acquéreurs/colotis)…

    Reste un regret : contrairement à ce que relève la Cour, l'article VII des dispositions générales du PLU de Paris font bien exception à l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme notamment pour l’application des articles 7 et 8 de ses règlements de zone.

    Cela étant, ce regret ne vise pas l’erreur de la Cour sur ce point et/ou les carences de l’association requérante mais découle de la singularité de cette exception qui ne vaut que pour les lotissements et non pas donc pour les opérations relevant d’un permis de construire valant division.

    Si cette exception avait été invoquée par l’association requérante, il aurait donc incombé à la Cour de se prononcer sur la mise en œuvre de l’article R.123-10-1 du Code de l’urbanisme et de son exception dans le cas du fractionnement d’un projet qui, s’il avait relevé d’une autorisation unique aurait donc dû relever d’un permis de construire valant division conjoint puisque relevant alors stricto sensu du champ d’application de l’article R.431-24 précité, mais qui avait donc donné lieu à deux permis de construire simple dans le périmètre d’un lotissement déclaratif. Or, l’affaire n’aurait pas été mince…

    Il est vrai qu’outre les conditions liées à l’ampleur et la complexité du projet ainsi qu’à la vocation fonctionnelle autonome des éléments fractionnés, l’exception introduite par l’arrêt « Ville de Grenoble » peut être mise en œuvre. En substance, et malgré le fractionnement pratiqué à ce titre, la conformité du projet semble donc devoir s’apprécier comme si celui-ci avait fait l’objet d’un seul et même permis de construire « sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ».

    Suivant cette analyse, on aurait donc pu conclure que la légalité des permis de construire contestés aurait dû s’apprécier comme dans le cas d’un permis de construire valant division unique et donc par l’application de l’article R.123-10-1.

    Cela étant, force est de s’interroger sur la raison d’être de « l’exception spéciale » introduite à cet égard par le PLU de Paris qui, d’ailleurs, n’apporte aucune justification sur ce point, a fortiori sur le fait que cette exception ne vaut donc que pour les lotissements mais pas pour les opérations relevant d’un permis de construire valant division.

    Il reste que si l’on veut trouver une justification à ce régime à « deux vitesses », force est d’admettre qu’il ne peut que résulter des différences distinguant ces deux modes opératoires puisque la ou dans le cadre d’une opération groupée l’ensemble du projet est appréciée et exécutée dans le cadre d’une seul et même autorisation, la concrétisation d’un lotissement s’opère de façon fractionnée par une pluralité de permis de construire distincts dont la délivrance et la mise en œuvre sont susceptibles de s’échelonner dans le temps.

    Dès lors que le projet contesté s’inscrivait donc dans un tel mode opératoire fractionnée, il n’aurait donc pas été si illogique de le soumettre à cette exception à l’article R.123-10-1 précité ; sans compter que l’on peut par ailleurs se demander s’il y avait véritablement lotissement et, en d‘autres termes, si le promoteur titulaire d’un permis de construire portant sur la construction de deux bâtiments de 177 logements destinés à l'accession à la propriété, de locaux d'artisanat en rez-de-chaussée et de 123 places de stationnement en sous-sol avait effectivement acquis le lot d’assiette de cette autorisation avant même qu’elle ne lui soit transférée et ce, alors qu’elle était déjà frappée d’un recours…

     

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Un permis de construire peut être régulièrement délivré sur la partie libre d’un emplacement réservé devenue inutile du fait de la réalisation de l’équipement d’intérêt général en vue duquel il a été institué

    Lorsqu’au terme des travaux de réalisation d’une voie publique en vue de laquelle un emplacement réservé a été créé, il apparaît qu’une partie du terrain réservé demeure libre et ne sera donc pas utilisée, un permis de construire peut être régulièrement délivré sur cette partie de terrain quand bien même le reliquat de cet emplacement réservé n’a pas été expressément supprimé par une décision ad hoc.

    CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y, req. n°04BX00214


    Dans cette affaire un permis de construire 28 logements sociaux avait été délivré sur un terrain relevant du domaine privé communal. Il reste que ce terrain était grevé d’un emplacement réservé destiné à permettre la réalisation d’une voie publique devant assuré la desserte d’un équipement public, en l’occurrence, une médiathèque.

    Or, des voisins du terrain à construire devaient attaquer ce permis de construire en soutenant, notamment, que la destination de l’immeuble ainsi autorisé était incompatible avec l’affectation de l’emplacement réservé grevant ledit terrain.

    On sait, en effet, qu’aux fins de permettre la réalisation de voies, d’espaces verts ou d’équipements d’intérêt général, les communes ont la possibilité d’instaurer des emplacements réservés à cet effet, lesquels ont pour effet de grever les terrains concernés d’une quasi-inconstructibilité puisqu’en dehors du projet en vue duquel l’emplacement a été créé, seuls des ouvrages précaires peuvent y être autorisés dans le cadre d’un permis de construire délivré au titre de l’actuel article L.423-1 du code de l’urbanisme (par l’entrée en vigueur du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007, ce régime sera substantiellement modifié puisqu’il ne sera plus besoin que l’ouvrage soit précaire par destination dans la mesure où c’est dorénavant le permis de construire s’y rapportant qui sera délivré à titre précaire).

    En dehors de ce cas particulier, le terrain grevé d’un emplacement réservé ne peut faire l’objet d’aucun permis de construire portant sur un projet autre que celui en vue duquel il a été institué ; ce qui vaut tant à l’égard des tiers qu’à l’égard de la collectivité publique l’ayant institué ou de la collectivité publique réservataire et ce, quand bien même le terrain à construire appartiendrait-il à l’une des ces dernières et y compris s’il s’agit d’un autre projet d’intérêt général dont la réalisation ne s’opposerait pas, par elle-même, à celle du projet pour lequel l’emplacement a été réservé :

    « Considérant que le plan d'occupation des sols approuvé de la commune de Courbevoie comportait, à la date du 15 octobre 1986 à laquelle a été délivré le permis litigieux, un emplacement réservé, sous le numéro 123, d'une superficie de 15 450 m2 destiné à permettre l'édification de locaux scolaires sous la forme, notamment, d'une école maternelle et de l'extension du groupe scolaire existant ; qu'ainsi le maire, postérieurement à l'acquisition des parcelles nécessaires, d'ailleurs autorisé par le conseil municipal à fin de réalisation d'équipements scolaires, ne pouvait légalement délivrer un permis de construire ayant pour objet la réalisation d'un parc de stationnement en sous-sol, de 9 420 m2 de surface hors oeuvre brute, alors même que cette construction n'aurait pas fait obstacle à l'édification ultérieure de bâtiments scolaires ; que, par suite, le permis de construire accordé le 15 octobre 1986 à la commune de Courbevoie, qui méconnaît les prescriptions alors en vigueur du plan d'occupation des sols, est entaché d'illégalité » (CE. 14 octobre 1991, Association du cadre de vie des résidents de Courbevoie-Bécon, req. n°92.532).

    Par principe, en effet, le respect de la destination d’un emplacement réservé s’impose tant que celui-ci n’a pas été abrogé ; et pour le juge administratif il ne peut y avoir de renoncement implicite au bénéfice d’un tel emplacement (sur la position du juge judiciaire : Cass. civ. 24 novembre 1987, Bull. civ., III, n°192 ; Cass. civ., 17 juillet 1997, Bull.civ., 1997, III, n°171).

    En l’état, le permis de construire contesté dans l’affaire objet de l’arrêt commenté apparaissait donc illégal. Il reste que si l’emplacement réservé en cause n’avait pas été expressément abrogé, la voie en vue de laquelle cet emplacement réservé avait été institué avait déjà été entièrement réalisée.

    Par voie de conséquence, la partie du terrain objet du permis de construire contesté restée grevée d’un emplacement réservé qui n’avait plus vocation à être utilisée et, en d’autres termes, était ainsi devenu inutile. Tel est la raison pour laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté ce moyen :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le permis litigieux a été délivré, la voie nouvelle de liaison entre la rue de Ciron et la rue de la Berchère, destinée notamment à desservir la médiathèque, et qui faisait l'objet d'un emplacement réservé, était entièrement réalisée sur une partie du terrain faisant l'objet de cet emplacement réservé ; que le maire de la commune, laquelle est propriétaire de l'ensemble du terrain, lui-même situé en zone UB du plan d'occupation des sols, a pu, sans entacher sa décision d'illégalité, délivrer un permis de construire pour une construction qui empiète sur la partie de l'emplacement réservé devenue inutile compte-tenu de l'entier achèvement des travaux de construction de la voie nouvelle ».

    En cela, l’arrêt commenté est bien évidemment à rapprocher des jurisprudences dites « Secher » et « Kergall » mais reconnaît une nouvelle modalité d’extinction d’un emplacement réservé devenu inutile.

    On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a pu juger illégaux le maintient d’un emplacement réservé n’ayant pas reçu l’affectation à laquelle il était destiné au bout de plusieurs décennies (CE. 17mai 2002, Kergall, req. n°221.186) ainsi que le refus d’abroger un emplacement réservé alors que la personne publique avait pris un autre parti d’aménagement à l’égard du terrain grevé par celui-ci (CE. 6 octobre 1995, Secher, in BJDU, n°6/1995).

    A cela, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux ajoute donc un nouveau cas, somme toute fort logique : l’extinction de la partie de l’emplacement réservé devenue inutile par la réalisation du projet en vue duquel il a été créé.

    Mais il faut également relever, d’une part, que dans cette affaire et contrairement aux deux arrêts précités de la Haute Cour, la décision attaquée était le permis de construire délivré sur l’emplacement réservé en cause et souligner, d’autre part, que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc considéré qu’un emplacement réservé devenu inutile perd son opposabilité alors même qu’il n’a pas fait l’objet d’une suppression expresse. A contrario, force est donc de considérer qu’un emplacement réservé devenu inutile ne saurait régulièrement motivé un refus de permis de construire délivré sur celui-ci.

    Pour conclure sur l’arrêt commenté et faire le lien avec notre précédente note sur la prise compte d’équipements publics futurs nécessaires à la desserte des constructions projetées, on précisera que la voie objet de l’emplacement réservé en cause a été prise en compte au titre de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme dans la mesure où elle « avait été entièrement réalisée à la date à laquelle le permis de construire a été délivré » ; ce qui induit qu’à défaut, la seule circonstance que sa réalisation ait fait l’objet d’un emplacement réservé n’aurait pas suffit. Et pareillement, la Cour a établi la légalité du permis de construire contesté au regard de l’article 4 du règlement de POS communal ainsi que celle de prescription imposant, à ce titre, le raccordement à un bassin de rétention en considération du fait que « ce bassin de rétention était achevée à la date à laquelle le permis contesté a été délivré » ; ce dont on peut déduire qu’à défaut, le permis de construire aurait été jugé illégal puisque sa conformité était conditionnée à une prescription irréalisable à la date de délivrance du permis de construire (pour un exemple, en la matière, d’une prescription irréalisable et, partant, illégale : CE. 12 mai 1993, Epx Ainciburru, req. n°124.936).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés