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  • Les déductions prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme peuvent participer à améliorer la conformité d’un ouvrage en surdensité

    Les déductions forfaitaires prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme doivent être prise en compte pour apprécier si les travaux projetés sur un ouvrage en surdensité améliorent sa conformité au regard des prescriptions de l’article 14 du règlement local d’urbanisme. Par voie de conséquence, l’administration ne peut s’opposer à une déclaration de travaux ayant pour objet et pour effet de diminuer la SHON d’un tel ouvrage, y compris lorsque cette réduction procède de la seule mise en oeuvre de ces déductions.

    CAA. Bordeaux, 3 août 2006, M.X… c/ Cne de Saint-Palais sur Mer, req. n°03BX00912


    Par l’entrée en vigueur de nouvelles prescriptions d’urbanisme plus contraignantes, un ouvrage légalement édifiée peut néanmoins devenir irrégulier. Tel est, notamment, le cas d’une construction réalisée sur un terrain sur lequel aucun coefficient d’occupation du sol n’était alors applicable et qui peut ainsi être rendu irrégulier par l’entrée en vigueur d’un règlement local d’urbanisme lorsque cette construction est en surdensité au regard des possibilités de construction résultant de son article 14.

    Tel était précisément le cas du bâtiment objet de déclaration de travaux en litige dans l’arrêt commenté. Il reste que l’article 5 du PLU communal prévoyait expressément que « seuls sont autorisés sur les immeubles bâtis existants qui ne sont pas conformes aux règles édictées par ce règlement, les travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de ces immeubles avec lesdites règles ou qui sont sans effet à cet égard ».

    En effet, un ouvrage rendu irrégulier par l’entrée en vigueur de nouvelles prescriptions d’urbanisme ne s’en trouve pas pour autant illégal au sens de la jurisprudence « Thalamy » (CE. 9 juillet 1986, Mme Thalamy », req. n° 51.172). Il s’ensuit que les travaux projetés sur un tel ouvrage n’ont pas à régulariser l’ensemble de la construction mais peuvent être autorisés dès lors qu’ils sont étrangers à la règle qu’elle méconnaît ou ont pour effet d’en améliorer la conformité, c’est-à-dire d’en réduire la non conformité (CE. 27 mai 1988, Mme Sekler, req. n°79.530). Ce qui vaut tant pour les travaux relevant du champ d’application du permis de construire que pour ceux relevant du régime déclaratif en application de l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme (CE. 13 octobre 1993, Mme Clément, req. n°126.112).

    Précisément, la commune défenderesse soutenait en l’espèce que non seulement les travaux déclarés par le constructeur n’amélioraient pas la conformité de l’ouvrage au regard des prescriptions de l’article 14 du PLU communal mais bien plus qu’ils auraient pour effet d’en augmenter la SHON. Il est vrai que ces travaux avaient pour effet :

    - d’une part, d’aménager les combles de l’ouvrage aux fins de les rendre habitables, ce qui emportait la création de 28, 25 mètres carrés de SHON puisqu’en application de l’article R.112-2-a) du Code de l’urbanisme la surface de ces combles non aménagées n’avait pas été pris en compte pour le calcul de la densité initiale de l’ouvrage ;
    - d’autre part, la condamnation d’une cave et la transformation d’une annexe à usage d’habitation en garage, ce qui emportait une diminution de SHON de 22,43 mètres carrés puisqu’en application de l’article R.112-2-c) du Code de l’urbanisme la surface des bâtiments affectés au stationnement des véhicules n’est pas prise en compte pour le calcul de la SHON des constructions.

    En l’état, les travaux projetés emportaient donc une augmentation de 5,82 mètres carrés. Et l’on sait que le juge est particulièrement strict dans l’appréciation des conditions posées par la jurisprudence « Sekler » puisqu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que des travaux ayant pour effet de faire passer le coefficient d’occupation du sol d’une construction de 4,03 à 4,05 aggravait la non conformité de cette dernière au regard des prescriptions de l’article 14 du règlement local d’urbanisme (CE. 10 juillet 1995, M. Timsit, req. n°97.462).

    Il reste que dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, l’augmentation de la SHON destinée à l’habitation avait corrélativement augmenté la part de la déduction forfaitaire prévue par l’article R.112-2-e) du Code de l’urbanisme ; si bien que par la mise en œuvre de cette déduction forfaitaire les travaux projetés devaient être regardés comme supprimant 36,52 mètres carrés de SHON et, par voie de conséquence, comme réduisant de 8,26 mètres carrés la SHON de l’ouvrage existant. C’est pourquoi la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la villa de M. Y, avait, à la date du dépôt de la déclaration de travaux en litige, une surface hors oeuvre nette de 175,86 m², supérieure à celle de 147 m² résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols fixé par l'article UD 14 du règlement du plan local d'urbanisme ; que cette déclaration de travaux, qui avait été précédée d'une autre déclaration de travaux portant sur la surélévation du toit, laquelle n'a pas fait l'objet d'opposition, décrivait les travaux projetés comme consistant en la création de quatre fenêtres de toit mais comportait aussi une note de calcul de la surface hors oeuvre nette, avant et après la réalisation de l'ensemble des travaux, mentionnant, d'une part, l'aménagement des combles pour les rendre habitables, soit la création d'une surface hors oeuvre nette de 28,25 m², d'autre part, la condamnation de la cave et la transformation d'une annexe habitable en garage, soit une suppression de surface hors oeuvre nette de 22,43 m², aboutissant, compte tenu des déductions supplémentaires prévues par le e) de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, à une suppression totale de surface hors oeuvre nette de 36,52 m² ; que si la commune refuse de tenir compte de cette suppression de surface hors oeuvre nette, M. Y a produit devant la Cour, le 30 octobre 2003, des éléments de preuve tendant à en établir la réalité, dont la validité n'a pas été contestée par la commune ; que, dans ces conditions, la nouvelle surface hors oeuvre nette de la construction, après l'exécution de l'ensemble des aménagements projetés, est réduite de 8,26 m2 ; que les travaux déclarés par M. Y doivent, par suite, être regardés comme rendant la construction plus conforme aux dispositions de l'article UD 14 du règlement du plan local d'urbanisme fixant le coefficient d'occupation des sols ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le maire ne pouvait, pour justifier la décision d'opposition litigieuse, se fonder sur ce que les travaux faisant l'objet de la déclaration du 20 décembre 2001 méconnaissaient l'article 5 du règlement du plan local d'urbanisme en ce qu'ils aggravaient la situation de l'immeuble au regard du coefficient d'occupation des sols, doit être accueilli ; qu'il suit de là que le requérant est fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision d'opposition du 28 janvier 2002 et de la décision de rejet du recours gracieux formé contre cette décision ».

    Cet arrêt doit être rapproché du jugement par lequel le Tribunal administratif de Rouen avait considéré que des travaux ayant pour objet d’édifier une terrasse ouverte avec claustras sur un ouvrage existant en surdensité ne pouvaient pas être considérés comme étrangers aux prescriptions de l’article 14 du POS communal dans la mesure où l’absence de création de SHON nouvelle résultait de la seule application des déductions prévues par l’article R.112-2 du Code de l’urbanisme (TA. Rouen, 24 septembre 1996, M. Le Sergent, req. n°94.675).

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • L’obligation d’écarter une prescription illégale du document d’urbanisme local ne vaut pas lorsque cette illégalité est couverte par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme

    Si le principe général du droit selon lequel l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale vaut à l’égard des documents d’urbanisme locaux, cette obligation n’est toutefois pas opposable lorsque cette illégalité procède de l’un des vices de forme ou de procédure couverts par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Marseille, 7 septembre 2006, M. X…, req. n° 04MA02245


    L’arrêt commenté confirme le jugement rendu dans l’instance au cours de laquelle le Tribunal administratif de Nice a posé au Conseil d’Etat la question préjudicielle ayant amené ce dernier à rendre l’avis dit « Marangio » (CE. 9 mai 2005, M. Marangio, avis n° 277.280).

    Dans cette affaire, la révision du POS communal approuvée le 23 décembre 1995 avait été annulée le 5 novembre 1998 pour insuffisance du rapport de présentation. Par voie de conséquence, le POS approuvé en 1985 était redevenu en vigueur puisque, par principe, l’annulation d’un document d’urbanisme local emporte la remise en vigueur du document lui étant immédiatement antérieur.

    Il reste que dans la mesure où le POS initial de 1985 était affecté du même vice et, en d‘autres termes, tout aussi illégal que sa version révisée en 1995, le Maire avait décidé de ne pas en faire application (suivant ainsi une précédente délibération du Conseil municipal actant de l’illégalité du POS initial) et avait conséquemment instruit une demande de certificat d’urbanisme sur le fondement des dispositions supplétives du règlement national d’urbanisme et, notamment, en considération de la règle dite de « constructibilité limitée » posée par l’article L.111-1-2 du Code de l’urbanisme.

    On sait, en effet, qu’en vertu d’un principe général du droit, l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale (CE. 14 novembre 1958, Sieur Ponard, Rec., p.554). Ce qui, s’agissant des documents d’urbanisme locaux, implique de faire application soit des prescriptions du document immédiatement antérieur, soit, en l’absence d’un tel document, des dispositions supplétives du règlement national d’urbanisme ; sans que n’y aient fait obstacle les dispositions de l’ancien article L.124-4-1 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel les POS ne pouvaient pas être abrogés (CE. avis du 8 décembre 1998, « Les grands avis du Conseil d’Etat, p.293).

    Il reste que l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme (issu de la loi n°42-112 du 9 février 1994) précise que «l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause ».

    La problématique était ainsi de savoir si l’obligation faite à l’administration de ne pas appliquer un document d’urbanisme illégal était opposable lorsque son illégalité procède d’un des vices d’illégalité externe visés par l’article précité. Interrogé sur ce point par le Tribunal administratif de Nice, le Conseil d’Etat a répondu que les dispositions de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme avait été introduite par le législateur, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, pour prendre en compte le risque d'instabilité juridique, particulièrement marqué en matière d'urbanisme, résultant, pour les décisions prises sur la base des actes qui y sont mentionnés, de la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces derniers et, par voie de conséquence, que le législateur a ainsi implicitement mais nécessairement institué une dérogation au principe général susvisé (CE. 9 mai 2005, M. Marangio, avis n° 277.280).

    Il s’ensuit que non seulement l’administration n’a pas l’obligation d’écarter un document d’urbanisme local illégal entrée en vigueur depuis plus de six mois lorsqu’il n’est entaché que par un des vices visés par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme mais, bien plus, que l’administration doit appliquer ses prescriptions indépendamment de son illégalité. C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que :

    « Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées que, saisi d'une demande d'autorisation ou de certificat d'urbanisme, le maire est tenu, lorsqu'il y statue après l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa prise d'effet, de se fonder sur le document d'urbanisme en vigueur dès lors que sa légalité n'est affectée que par des vices de procédure ou de forme au sens des dispositions précitées de l'article L.600-1, réserve étant faite de ceux qui sont mentionnés à ses trois derniers alinéas, au nombre desquels ne figure pas l'insuffisance du rapport de présentation ;
    Considérant que le Tribunal administratif de Nice a annulé la délibération en date du 23 février 1995 par laquelle le conseil municipal du Beausset a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune, par un jugement du 5 novembre 1998 confirmé par un arrêt de la cour de céans du 22 décembre 2003 ; que si, par une délibération en date du 17 mars 1999, le conseil municipal de la commune du Beausset a considéré que le POS approuvé en 1985 redevenu applicable, était entaché de la même irrégularité que celle retenue par le juge à l'encontre du document d'urbanisme annulé et tirée de l'insuffisance du rapport de présentation, le maire était néanmoins tenu de faire application dudit plan approuvé en 1985 et ne pouvait l'écarter du fait de l'expiration du délai de six mois à compter de sa prise d'effet, en se fondant, à le supposer même établi, sur ce vice de forme ; que, par suite, c'est à tort que le maire du Beausset a statué sur la demande de certificat d'urbanisme présentée par Mme X en se fondant sur les dispositions supplétives des règles générales d'urbanisme et notamment celles visées à l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme
    ».

    Cette solution est somme toute logique puisque l’on voit mal pourquoi l’administration devrait écarter une norme en considération d’un vice de forme ou de procédure qu’un requérant ne pourrait invoquer par voie d’exception dans le cadre d’un recours à l’encontre d’une décision en faisant application.

    On précisera, toutefois, qu’ainsi que le souligne l’arrêt commenté, cette dérogation au principe général du droit posé par la jurisprudence « Ponard » ne vaut pas lorsque le vice d’illégalité externe affectant le document d’urbanisme local considéré compte parmi ceux prévus par le 3e alinéa de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme, à savoir : « lorsque le vice de forme concerne : soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs dans les conditions prévues à l'article L. 122-1-2 dans sa rédaction antérieure à la loi nº 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques ».

    En d’autres termes, lorsque l’illégalité du document d’urbanisme local procède de l’un des trois vices précités, l’administration se doit de ne pas en faire application, même si son entrée en vigueur date de plus de trois mois. Ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce, dans la mesure où, d’une part, l’insuffisance du rapport de présentation d’un document d’urbanisme local n’est pas assimilable à une absence de rapport (CAA. Bordeaux, 28 octobre 1999, Association des cinq cantons de la Barre, req. n°96BX00112) et où, d’autre part, si le Conseil d’Etat a pu considérer qu’une telle insuffisance était constitutive d’un vice d’illégalité interne (CE . 26 novembre 1993, SCI du Domaine de Maurevert, req. n°82.285), il a abandonné cette jurisprudence consécutivement à l’entrée en vigueur de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme pour juger ainsi qu’il s’agit d’un vice de forme dont l’illégalité ne peut plus être excipée passé un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur du document d’urbanisme local en cause (CE. 12 juin 1995, Association intercommunale contre un projet de carrière, BJDU, n°4/1995, p.281).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La marge prescrite par l’article 6 du règlement d’urbanisme local n’est opposable qu’aux constructions implantées sur les terrains sis en bordure de voie

    Lorsque l’article 6 du règlement d’urbanisme local régit l’implantation des constructions par rapport aux voies en instituant une marge d’implantation ou de recul au sein ou en dehors de laquelle les bâtiments doivent être édifiés, cette prescription n’est opposable qu’aux terrains jouxtant la voie de référence. Par voie de conséquence, les constructions projetées sur une unité foncière séparée de cette voie par une autre unité foncière peuvent s’implanter librement, indépendamment de toute considération liée à cette marge.

    CAA. Douai, 7 septembre 2006, Cne de Faumont, req. n°05DA00991



    Dans cette affaire, les consorts X étaient initialement propriétaires d’une unité foncière jouxtant un chemin départemental mais qu’ils avaient ultérieurement divisée en deux parcelles pour vendre à des tiers celle bordant ce chemin et ne conserver ainsi que celle en retrait de ce dernier.

    Pour autant, le Maire de la commune de Faumont leur avait opposé un certificat d’urbanisme négatif puis un refus de permis de construire au motif tiré de la méconnaissance des prescriptions de l’article 6 du POS communal puisque la maison qu’ils projetaient d’édifier n’était pas sise dans la bande de 20 mètres instituée par cet article.

    Il est, en effet, fréquent que l’article 6 du POS/PLU régisse l’implantation des constructions par rapport aux voies en instituant une marge au sein ou en dehors de laquelle les bâtiments doivent être édifiés. Mais toute la question est alors de savoir comment appliquer cette prescription puisque deux solutions sont envisageables :

    - soit, une application extensive : la prescription s’applique à l’ensemble des terrains compris dans cette marge, c’est-à-dire également à ceux séparés de la voie de référence par un ou plusieurs autres ;
    - soit, une interprétation restrictive : la prescription ne s’applique qu’aux seuls terrains jouxtant la voie de référence et, a contrario, ne s’applique pas à ceux en retrait de cette voie, même s’ils sont sis dans les limites de la marge considérée.

    Saisie en appel par la commune de Faumont, la Cour administrative d’appel de Douai a ainsi retenu une interprétation restrictive de l’article 6 du POS communal en jugeant que :

    « Considérant que, pour le maire de Faumont, auteur des deux décisions attaquées, le projet de construction envisagé par M. et Mme X, qui est « desservi par le chemin Coquet, chemin rural privé, se trouve implanté à plus de 20 mètres (environ 55 mètres) de la voie publique (RD 30 dite rue Coquet) » et méconnaît, par suite, les dispositions précitées de l'article UA 6 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune en tant qu'elles portent sur l'implantation des façades avant des constructions dans une bande de 20 mètres ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les époux X avaient, en novembre 1985, sollicité et obtenu un arrêté individuel d'alignement constatant la limite de la voie « côté VC » par rapport à leur parcelle cadastrée P 1240 sur le territoire de la COMMUNE DE FAUMONT puis, d'autre part, avaient obtenu l'autorisation de construire une maison sur ladite parcelle à l'époque d'un seul tenant ; qu'après division de cette parcelle en deux, la parcelle construite, désormais cadastrée A 1737, limitrophe du chemin départemental 30 dit rue Coquet, a été vendue et la parcelle, répertoriée au cadastre sous le numéro A 1738, uniquement bordée par le chemin Coquet, a été conservée par les époux X ; que, compte tenu de la configuration des lieux, issue de la division parcellaire, la parcelle A 1738, objet du certificat d'urbanisme négatif puis du refus de permis de construire, n'étant plus limitrophe du chemin départemental 30, le maire ne pouvait calculer la distance comprise entre la façade avant du projet de construction et la limite de l'alignement ou de la marge de recul s'y substituant à partir de la route départementale, mais, le cas échéant compte tenu de l'arrêté d'alignement intervenu, uniquement, ainsi que le réclament les époux X, à partir du chemin Coquet seul limitrophe de la parcelle dont s'agit ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE FAUMONT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a censuré le motif tiré de la méconnaissance de l'article UA 6 du règlement du plan d'occupation des sols qui constituait l'unique motif du certificat d'urbanisme négatif et le premier motif du permis de construire attaqués ».

    Ce faisant la Cour a ainsi confirmé et affiné sa jurisprudence puisqu’elle avait précédemment eu l’occasion de juger que :

    « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article UB 6 du plan d'occupation des sols de la commune, qui réglemente "l'implantation par rapport aux voies" : "Si la construction projetée jouxte une construction existante en bon état, elle peut être implantée dans le prolongement de la façade de l'ancienne construction. Les constructions doivent être implantées à l'alignement ou avec un retrait (R) d'au moins 4 m par rapport à l'alignement ( ...). Aucune construction ne peut être implantée au delà d'une bande de 30 m de profondeur comptée à partir de l'alignement des voies publiques (ou susceptibles de le devenir)" ; que ces dispositions ne visent que les constructions implantées sur des terrains en bordure des voies mentionnées » (CAA. Douai, 18 janvier 2001, M. Truchand, req. n°97DA00297).

    En résumé, que l’article 6 du document d’urbanisme local impose ou interdise l’implantation des constructions dans la bande qu’il institue depuis l’alignement des voies, ses prescriptions ne valent que pour les bâtiments à édifier sur les terrains jouxtant ces voies et, en d’autres termes, n’est pas applicable sur les terrains séparés de ces voies par un ou plusieurs autres terrains.

    L’arrêté commenté appelle, toutefois, deux observations.

    D’une part, ce n’est pas seulement la division du terrain d’assiette de la construction projetée en deux parcelles cadastrales distinctes qui a suffit à rendre inopposables les prescriptions de l’article 6 du POS communal mais le fait que celle jouxtant le chemin départemental considéré avait précédemment été vendue à des tiers ; ce dont il résultait que ces deux parcelles, pour être contiguës, n’en formaient pas moins deux unités foncières.

    Il s’ensuit qu’il serait inopérant de se borner à procéder à un découpage cadastral du terrain et de construire sur la parcelle en retrait de la voie, tout en conservant la propriété de celle jouxtant cette dernière, pour échapper aux prescriptions de l’article 6 du règlement d’urbanisme local puisqu’un terrain au sens de ce dernier s’entend d’une unité foncière : en pareil cas, la construction serait certes implantée sur une parcelle cadastrale en retrait de la voie mais serait néanmoins sise sur une unité foncière jouxtant cette dernière.

    D’autre part, il faut rappeler que la pratique consistant à acquérir une parcelle voisine ou à vendre une parcelle du terrain d’assiette de la construction projetée peut être constitutif d’une fraude lorsque cette opération n’est faite que pour donner une apparence de régularité au projet. On sait, en effet, qu’ont été jugées frauduleuses les ventes de bande de terrain intervenues aux fins de permettre l’implantation des constructions en limites séparatives et ainsi contourner les prescriptions de l’article 7 du règlement d’urbanisme local (CE. 24 janvier 1993, Cts Saint-Guilly, req. n°122.112 ; CE. 3 février 1978, Meppiel, req. n°04469).

    Ce qui, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, aurait, selon nous, pu être retenu dans l’hypothèse où la vente d’une parcelle du terrain des pétitionnaires serait intervenue entre le certificat d’urbanisme négatif et le refus de permis de construire ultérieurement opposé puisque cette vente aurait alors pu être considérée comme intervenue dans le seul et unique but de contourner les prescriptions de l’article 6 du POS communal.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Le maire ne peut enjoindre à un constructeur de procéder à l’enlèvement d’un panneau d’affichage relatif à un permis de construire tacite quand bien même l'existence de cette autorisation est contestée

    L’article L.480-2 du Code de l’urbanisme autorise le maire à ordonner l’interruption des travaux entrepris sans autorisation et, le cas échéant, à prendre toute mesures coercitives nécessaires pour les faire cesser. Mais en dehors de ce cadre, aucune disposition législative ou réglementaire ne l’autorise à enjoindre au propriétaire du terrain d’enlever le panneau d’affichage de permis de construire. Par voie de conséquence, l’arrêté portant cette injonction est illégale et encourt l’annulation.

    CAA. Lyon, 13 juillet 2006, Cne de Crest-Volant, req. n°03LY00082


    Dans cette affaire, une SCI avait présenté une demande de permis de construire sur laquelle l’administration n’avait pas statué au terme des délais qui lui étaient offerts à cet effet. S’estimant ainsi titulaire d’un permis de construire tacite, ladite société allait décider de procéder à l’affichage de celui-ci sur le terrain des opérations comme le prescrit, en pareil cas, l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme. Le Maire de la commune concernée devait, toutefois, lui enjoindre, par arrêté, de procéder à l’enlèvement de ce panneau d’affichage au motif qu’il ne pouvait se prévaloir d’aucun permis de construire tacite.

    En première instance, le pétitionnaire obtint l’annulation de cet arrêté et saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Lyon, confirma le jugement du Tribunal administratif de Grenoble au motif suivant :

    « Considérant que si l'affichage d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux par les soins du pétitionnaire sur le terrain d'assiette du projet est une formalité obligatoire qui a notamment pour but d'assurer l'information des tiers et de faire courir le délai de recours contentieux, son accomplissement ne crée en lui-même aucun droit au profit de celui qui y procède ; que le maire, auquel les articles L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme donnent le pouvoir d'ordonner l'interruption de travaux de construction effectués sans autorisation, qu'il y ait ou non affichage, ne tient d'aucune disposition législative ou réglementaire, le pouvoir d'ordonner l'enlèvement de panneaux d'affichage de permis de construire ou déclarations de travaux installés sur un terrain privé ; que par suite, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la SCI Le Bostu se trouvait ou non titulaire d'autorisations tacites, l'arrêté du maire de Crest-Voland du 10 septembre 2001 enjoignant à la SCI Le Bostu de procéder à l'enlèvement de panneaux d'affichage de déclarations de travaux est entaché d'illégalité ».

    On sait, pourtant, qu’aux termes de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme le maire peut non seulement saisir l’autorité judiciaire aux fins qu’elle ordonne l’interruption des travaux entrepris sans autorisation ou ordonner lui-même, par arrêté, cette interruption mais peut également « prendre toutes mesures de coercition nécessaires pour assurer l'application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté, en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés ou du matériel de chantier ».

    A ce titre, il a pu être jugé que le maire pouvait ordonner l’interruption de simples travaux préparatoires dès lors qu’ils ne sont pas détachables d’un projet de construction soumis à autorisation (CAA. Marseille, 18 mai 2006, M. Georges X., req. n°03MA00455 ; cf : note du 12 juillet 2006 et voir aussi ici). Il n’est donc pas totalement déraisonnable de considérer que les dispositions de l’article précité pourraient, dans certains cas, autoriser le maire à ordonner l’enlèvement d’un panneau d’affichage, notamment, lorsque son apposition n’est destinée qu’à donner aux travaux entrepris une apparence de régularité alors que ces derniers n’ont pas été autorisés.

    Il reste que les mesures de coercition prévues par l’article L.480-2.al.-7 du Code de l’urbanisme sont conçues comme des mesures accessoires destinées, si besoin est, à faire respecter la décision judiciaire ou l’arrêté ordonnant l’interruption de travaux illégaux. Or, en l’espèce, aucune interruption des travaux n’avait précédemment été ordonnée et, bien plus, il semble même qu’aucun travaux n’ait été préalablement entrepris.

    Par voie de conséquence, l’injonction litigieuse n’était aucunement rattachable aux dispositions des articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme. On peut, d’ailleurs, relever que c’est la commune qui avait interjeté appel du jugement de première instance et qui fut condamnée, au titre de l’article L.760-1 du Code de justice administrative, à supporter les frais dits « irrépétibles » cependant que dans le cadre des articles précités le maire intervient en tant qu’agent de l’Etat. Ce dont il résulte, notamment, qu’une commune n’a pas intérêt à interjeter appel des jugements annulant les mesures édictées par le maire sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme (CAA. Nancy, 5 février 1998, Cne d’Aubers, req. n°94NC01313) et ne peut être condamnée à supporter les frais irrépétibles relatifs aux instances portant sur la légalité de tels mesures (CE. 29 décembre 2004, Cne de Vidauban, req. n°266.234).

    Il faut donc en déduire que tant le Tribunal administratif de Grenoble que la Cour administrative d’appel de Lyon ont donc bien considéré que l’arrêté contesté ne pouvait été réputé édicté sur le fondement des articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Et dans la mesure où, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n’était susceptible de lui conférer une base légale, l’arrêté litigieux fut donc annulé et le jugement de première instance confirmé.

    Dans cette affaire, il semble que tout l’enjeu du contentieux opposant les parties était de savoir si le pétitionnaire était ou non titulaire d’un permis de construire tacite. Il reste que dans la mesure où, ainsi que l’a relevé la Cour :

    - d’une part, le panneau d’affichage prescrit par les articles A.421-39 et A.421-7 du Code de l’urbanisme ne vise qu’à assurer l’information des tiers si bien que, par voie de conséquence, « son accomplissement ne crée en lui-même aucun droit au profit de celui qui y procède » et, en d’autres termes, ne saurait emporter à son bénéfice la formation d’un permis de construire tacite ;

    - d’autre part, les articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme « donnent le pouvoir d'ordonner l'interruption de travaux de construction effectués sans autorisation » et ce, « qu'il y ait ou non affichage » ;

    la légalité de l’injonction contestée n’impliquait donc pas « de rechercher si la SCI se trouvait ou non titulaire d'autorisations tacites »…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés