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  • La méconnaissance des prescriptions de l’article 662 du Code civil justifie l’annulation d’un permis de construire sur le terrain de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme

    Le bénéficiaire d’un permis de construire portant notamment sur un mur mitoyen doit justifier du respect des prescriptions de l’article 662 du Code civil. A défaut, le permis de construire encourt la censure au titre de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Versailles, 19 octobre 2006, Cne de Juvisy-sur-Orge, req. n°04VE00238


    Aux termes de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme « le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l’implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l’aménagement de leurs abords ».

    A ce titre, il est de jurisprudence bien établie que, par principe, le permis de construire ne sanctionne que les prescriptions d’urbanisme relatives aux aspects visés par l’article précité. Il en résulte, notamment, que la méconnaissance de normes de droit privé qu’elles soient d’origine légale ou conventionnelle n’a aucune incidence sur la légalité du permis de construire, lequel est ainsi réputé délivré sous réserve du droit des tiers.

    Ce principe connaît, cependant, un certain nombre ne nuances parmi lesquelles comptent les prescriptions de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme au titre duquel le pétitionnaire, lorsqu’il n’est pas propriétaire du terrain ou de l’immeuble sur lequel les travaux sont projetés, doit justifier d’un titre habilitant à construire ; ce qui permet notamment de garantir le respect du droit de propriété tel qu’il est organisé par les articles 544 et suivants du Code civil.

    Précisément, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté (lequel sera mentionné aux Tables du Recueil Lebon), Mme Y. avait été obtenu, le 14 mars 2002, un permis de construire portant, notamment, sur un mur mitoyen, lequel avait vocation a être démoli puis reconstruit avec une épaisseur réduite de quinze centimètres sur les trente-huit initiaux.

    Le 29 avril 2002, le propriétaire du fond voisin, M.X., devait toutefois solliciter du maire le retrait de ce permis de construire en faisant valoir, notamment, l’impact de ce dernier sur le mur mitoyen séparant les deux propriétés puis sollicité du Tribunal administratif de Versailles l’annulation du rejet de cette demande de retrait, ensemble le permis de construire initial ainsi que le permis de construire modificatif ultérieurement obtenu, en l’occurrence le 14 juin 2002 ; demande à laquelle accéda le Tribunal en prononçant l’annulation des permis de construire contestés sur le terrain de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme et ce, en considération de l’article 662 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « l’un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d’un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l’autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l’autre ».

    Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Versailles devait confirmer l’analyse et le jugement subséquent de première instance. C’est ainsi qu’après le considérant de principe suivant :

    « Considérant qu’il appartient à l’autorité compétente pour délivrer un permis de construire, dès lors qu’elle est informée que le projet faisant l’objet de la demande porte notamment sur un mur mitoyen, de vérifier que le pétitionnaire détient la qualité de propriétaire apparent de ce mur ; que les dispositions de l’article 662 du code civil lui font alors obligation, si les travaux à autoriser sont de la nature de ceux entrant dans le champ d’application de cet article, d’exiger du pétitionnaire la production soit du consentement du voisin copropriétaire du mur mitoyen, soit, en cas de refus de celui-ci, du règlement d’expert mentionné par les dispositions de cet article, et ce sans que cette obligation ne méconnaisse le principe selon lequel le permis de construire est accordé sous réserve des droits des tiers ».

    la Cour jugea que :

    « Considérant toutefois qu’il ressort des pièces du dossier que le dossier de permis de construire présenté par Mme Y indiquait le caractère mitoyen du mur séparant la propriété de M. X de la propriété pour laquelle elle était elle-même titulaire d’une promesse de vente ; que le projet pour lequel le permis de construire était sollicité prévoyait notamment la démolition de ce mur mitoyen, sa reconstruction avec une épaisseur réduite de quinze centimètres sur les trente-huit initiaux, ainsi que l’appui d’un remblai de terre au droit de l’immeuble prévu ; que ces travaux entraient ainsi dans le champ des prévisions de l’article 662 du code civil précité ; qu’il est constant que Mme Y n’avait produit à l’appui de sa demande ni l’accord de M. X ni le règlement d’expert prévu par les dispositions de cet article ; que dès lors la pétitionnaire ne pouvant, compte tenu de la nature des travaux prévus, être regardée comme habilitée au sens des dispositions de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme à présenter la demande de permis de construire litigieuse, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que lesdites dispositions faisaient obstacle à la délivrance du permis et du permis modificatif sollicités, sans que puissent utilement être invoquées ni la circonstance que la contestation de M. X serait tardive au regard de la date d’octroi du permis initial, ni celle que cette contestation ne serait pas sérieuse, ni enfin, eu égard aux termes mêmes de l’article 662 du code civil, celle que les travaux ne porteraient que sur la moitié du mur située du côté du terrain n’appartenant pas à M. X ».

    Tout d’abord, la Cour a donc considéré que la prise en compte des prescriptions de l’article 662 du Code civil ne méconnaissait par le « principe selon lequel le permis de construire est accordé sous réserve des droits des tiers ».

    A notre sens, cette conclusion est, toutefois, inadéquate dans la mesure où, précisément, l’article 662 du Code civil a trait aux droits des tiers du terrain à construire et, plus précisément, aux droits du propriétaire du fond voisin séparé de ce terrain par un mur mitoyen. Force est, en effet, d’admettre qu’en lui-même, l’article précité ne constitue nullement une prescription d’urbanisme.

    Il reste qu’en ce qu’il tend à garantir le respect du droit de propriété, l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme constitue une forme d’exception au principe selon lequel le permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers. En cela, la prise en compte des prescriptions de l’article 662 du Code civil n’est donc pas critiquable.

    Ensuite, la Cour a donc fait application des règles posées dans le considérant de principe précité. A ce titre, elle a donc recherché si le pétitionnaire pouvait être considéré comme le propriétaire apparent du mur mitoyen. On sait en effet que, par principe et sauf fraude, l’administration ne peut exiger du pétitionnaire la production d’un titre habilitant à construire adéquate que pour autant que son dossier de demande révèle qu’il n’est pas propriétaire de l’ensemble du terrain et/ou des ouvrages sur lesquels les travaux sont projetés.

    A défaut, le pétitionnaire doit être considéré comme propriétaire apparent du terrain et/ou des ouvrages, sauf à ce que l’administration ait connaissance en cours d’instruction d’une contestation sérieuse élevée par un tiers revendiquant leur propriété.

    Or, en l’espèce, le dossier de demande précisait expressément que le mur sur lequel devaient être réalisés des travaux relevant de part leur nature de l’article 662 du Code civil, présentait un caractère mitoyen. La Cour a donc considéré que forte de cette information, la commune aurait du vérifier que le pétitionnaire avait obtenu et produit à son dossier de demande, au titre de l’article précité, l’accord du propriétaire du fond voisin ou le règlement d’expert relatif au moyen nécessaires pour que les travaux projetés ne portent pas atteinte aux droits dudit propriétaire sur le mur pour, à défaut, rejeter la demande de permis de construire.

    Constatant que le dossier de demande présenté par Mme Y. ne contenait ni l’accord de M.X., ni le règlement d’expert susvisé, la Cour a donc jugé que les travaux projetés méconnaissaient les prescriptions de l’article 662 du Code civil et, par voie de conséquence, que les permis de construire obtenus dans ces conditions avaient été délivrés en méconnaissance de l’article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme ainsi que dans une affaire quasi-identique l'avait précédemment jugé la Cour administrative d'appel de Bordeaux (CAA. Bordeaux, 23 mai 2002, Féron, juris-data n°2002-194766. Voir également pour une déclaration de travaux portant sur une cloture mitoyenne: CAA. Marseille, 1er avril 1999, M. Hérard, req. n°97MA10082).

    Enfin, on peut relever que le Tribunal administratif de Versailles avait pour sa part considéré que les faits invoqués dans la demande de retrait présentée par M.X, le 29 avril 2002, constituait une contestation sérieuse emportant l’obligation pour l’administration de retirer le permis de construire primitif et d’opposer un refus à la demande de permis de construire modificatif. Et précisément, la commune appelante soutenait que cette contestation ne pouvait être prise en compte s’agissant du permis de construire primitif puisqu’elle était postérieure à la délivrance de ce dernier dont la légalité devait s’apprécier à sa date d’obtention et n’était pas non plus opérante s’agissant du permis de construire modificatif puisque pour avoir été évoquée antérieurement à la date de délivrance de ce dernier celle-ci ne pouvait être considérée comme sérieuse.

    Mais la Cour a donc estimé que ces considérations étaient inopérantes en l’espèce dès lors qu’informée du caractère mitoyen du mur par les indications fournies par le pétitionnaire dans sa demande de permis de construire, l’administration était tenue de vérifier si ce dernier justifier du respect des prescriptions de l’article 662 du Code civil sans, pour ce faire, qu’il soit nécessaire elle ait été préalablement saisie ou informée d’une contestation sérieuse se rapportant au mur mitoyen.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit - Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés

  • Les bureaux et les locaux de formation annexes à un établissement pénitencier ne constituent pas un équipement public au sens du règlement d’urbanisme local

    La seule circonstance qu’un permis de construire soit délivré à une personne publique ne suffit pas à faire regarder la construction ainsi autorisée comme un équipement public au sens du règlement d’urbanisme local. Par voie de conséquence, lorsque cette construction ne répond pas à un besoin d’intérêt collectif, les règles opposables doivent être déterminées en considération de la seule destination de cette dernière.

    CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096


    Dans cette affaire, le Préfet de Paris avait délivré un permis de construire autorisant la construction d’un bâtiment annexe à la maison d’arrêt de la santé, lequel était destiné à accueillir des bureaux et des locaux de formation. Pour ce faire, le Préfet s’était fondé sur les articles 14 et 15 du règlement de POS communal qui autorisaient un coefficient d’occupation du sol dérogatoire fixé à 3 pour « les équipements publics participant à la vie locale » alors qu’il était fixé, par principe, à 0,5 pour les constructions à destination de bureaux et d’activités.

    Or, précisément, les requérants soutenaient que nonobstant la circonstance que la construction projetée ait vocation à être édifiée pour l’Etat, celle-ci ne pouvait pas être considérée comme un équipement public au sens des articles 14 et 15 du POS communal et, par voie de conséquence, devait se voir appliquer les règles de « droit commun », c’est-à-dire celles applicables aux constructions à destination de bureaux et d’activités. Précisément, le Conseil d’Etat a accueilli ce moyen en jugeant que :

    « Considérant que, pour prendre l'arrêté du 8 février 2006 accordant un permis de construire pour la construction d'une annexe à la maison d'arrêt de la santé, le préfet de Paris a fait application des dispositions des articles U.H.14.1 et U.H.15 du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de Paris, qui, respectivement, dans le secteur d'implantation du bâtiment projeté, fixent un coefficient d'occupation des sols de 3 pour certaines destinations, dont les « équipements publics participant à la vie locale », alors que ce coefficient n'est en principe que de 0,5 pour les bureaux et les activités, et autorisent des dépassements limités de ces coefficients ; qu'à cet effet, le bâtiment projeté a été regardé comme constituant un tel équipement ; que, toutefois, eu égard aux caractéristiques du projet en cause, qui, ainsi qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés, est séparé de la maison d'arrêt de la santé par une rue et qui, pour l'essentiel, a vocation à accueillir des bureaux et des locaux de formation, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant que le moyen tiré de la méconnaissance des règles applicables en matière de coefficient d'occupation des sols n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire litigieux ; qu'ainsi, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE « LES JARDINS D'ARAGO » est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ».

    On sait, en effet, que les règlements d’urbanisme locaux ont la possibilité d’édicter des règles spécifiques pour les équipements publics. Il reste qu’eu égard, à la finalité de la règle d’urbanisme les dérogations ainsi instituées ne peuvent se justifier par le seul fait que la construction en cause soit une construction publique, c’est-à-dire réalisée par ou pour le compte d’une personne publique (sur l’insuffisance du critère organique : Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    En effet, pour qu’une construction publique puisse bénéficier des règles spécifiques applicables aux équipements publics, il est également nécessaire qu’elle réponde à l’intérêt général, c’est-à-dire, en la matière, qu’elle ait vocation à offrir un service d’intérêt collectif aux administrés.

    Or, s’il ne fait pas de doute qu’un établissement pénitencier répond à un besoin d’intérêt collectif, il reste qu’au cas présent, la construction litigieuse n’avait pas vocation à accueillire des détenus, ni à participer directement à l’exécution du service public pénitencier mais était principalement destinée à accueillir des bureaux et des locaux de formation. En fait, le seul lien que cette construction présentait avec la maison d’arrêt de la santé était d’être sise à proximité de cette dernière.

    Par voie de conséquence, cette construction n’était pas destinée à offrir un service d’intérêt collectif aux administrés et ne pouvait donc être considérée comme un équipement public, quand bien même devait-elle être affectée à un service administratif de l’Etat.

    Cette solution n’est pas totalement nouvelle puisque le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de dénier la qualité d’établissement public à des bureaux affectés à un organisme de sécurité sociale (CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091). Et dans cette affaire, le Commissaire du gouvernement MITJAVILLE avait précisé que :

    « la notion d’équipement public n’est pas clairement définie en droit et peu d’arrêts sont intervenus pour l’éclairer. Mais la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public ».

    Mais il faut souligner que dans cette affaire la caisse d’assurance maladie titulaire du permis de construire était un établissement privé cependant que dans l’arrêt commenté la construction projetée avait vocation à être affectée à un service de l'Etat.

    Cet arrêt confirme donc que le seul fait que le pétitionnaire soit une personne publique ou que la construction projetée ait vocation à être réalisée pour le compte d’une collectivité publique ne peut suffire à considérer cette construction comme un équipement public. En ce sens, le Ministère de l’Equipement avait d’ailleurs lui-même déjà estimé que :

    « les constructions à destination d’équipements collectifs correspondent à une catégorie vaste et ambiguë qui englobe l’ensemble des installations, des réseaux et des bâtiments qui permettent d’assurer à la population résidence et aux entreprises les services collectifs dont elles ont besoins (…).
    Le POS peut distinguer ce type de destination des autres constructions (…).
    Les bureaux correspondent aux locaux où sont effectués des tâches administratives et de gestion, dans le cadre de l’administration, des organismes financiers et des assurances (…)
    » (DGUHC, « Guide des POS », Juillet 1999, p.102).

    Mais il est vrai que lorsque le règlement de POS vise spécifiquement « les équipements publics », il est nécessaire que la construction projetée non seulement réponde à un besoin intérêt collectif mais, en outre, soit réalisée par et/ou pour une personne publique.

    Il reste que s’agissant des PLU, cette considération organique ne devrait plus avoir lieu d’être dès lors que l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme dispose que « les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ».

    Il s’ensuit que si les PLU peuvent édicter des règles spécifiques pour les « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », leur édiction et leur application doivent être indépendantes de toute considération liée à la qualité publique ou privée du maître d’ouvrage.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la cour.
    Cabinet Frêche & Associés

  • L’enquête publique conjointe à une déclaration d’utilité publique et à une mise en compatibilité du document d’urbanisme local ne peut avoir d’autre objet que ce qui est nécessaire à l’opération

    Eu égard au caractère exceptionnel de l’enquête publique conjointe prévue par l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme, celle-ci ne peut légalement porter que sur des modifications du document d’urbanisme local nécessaires à la réalisation de l’opération objet de la déclaration d’utilité publique. A défaut, l’enquête publique est irrégulière et, par voie de conséquence, la déclaration d’utilité publique emportant approbation des nouvelles dispositions du document d’urbanisme local encourt l’annulation.

    CAA. Versailles, 21 septembre 2006, Syndicat des copropriétaires de la résidence du Bel-Ebat à la Celle-Saint-Cloud, req. n°04VE01032


    Bien qu’il ait un champ d’application limité et appelle peu de commentaires, l’arrêt commenté n’en mérite pas moins d’être signalé dans la mesure où il a trait au régime de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique emportant une mise en compatibilité des documents d’urbanisme locaux, lequel n’a généré que peu de jurisprudence.

    On sait, en effet, qu’aux fins d’éviter que la réalisation de certains projets ne soit empêchée ou retardée soit par l’opposition des communes concernées, soit par la mise en œuvre cumulée de deux procédures distinctes, l’ancien article L.123-8 du Code de l’urbanisme et son actuel article L.123-16 prévoient que la déclaration d’utilité publique d’une opération peut emporter la mise en compatibilité des dispositions du documents d’urbanisme local lorsque celles en vigueur s’opposent à la réalisation de cette opération.

    Mais à cet effet, il est impératif que l'enquête publique concernant cette opération ait porté à la fois sur l'utilité publique de cette dernière et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence.

    La question se posait, toutefois, de savoir si cette enquête publique conjointe pouvait porter sur d’autres modifications du document d’urbanisme local que celles strictement nécessaires à la réalisation de l’opération objet de la procédure de déclaration d’utilité publique. C’est à cette interrogation que la Cour administrative d’appel de Versailles a apporté une réponse, en l’occurrence négative, en jugeant que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme : La déclaration d'utilité publique d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ne peut intervenir que si : - l'enquête publique concernant cette opération, ouverte par le représentant de l'Etat dans le département, a porté à la fois sur l'utilité publique de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; La déclaration d'utilité publique emporte approbation des nouvelles dispositions du plan. (…) ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enquête publique relative à la mise en conformité des plans locaux d'urbanisme des communes du Chesnay et de Rocquencourt, portait sur la pose d'écrans de protection phonique le long de l'autoroute A 13 sur la section comprise entre l'ouvrage de franchissement de la route départementale 307 à l'est et l'échangeur de la route nationale 186 à l'ouest ; que si elle mentionnait les emprises nécessaires à la construction en retrait de ces écrans, la réservation de telles emprises par les plans locaux d'urbanisme modifiés créant des emplacements réservés à cet effet avait pour objectif l'élargissement futur de l'autoroute ; qu'ainsi, les modifications de ces plans réservant lesdits emplacements étaient sans lien avec l'opération en cause qui ne nécessitait pas une assiette au sol aussi importante et excédaient, par voie de conséquence, les objectifs de l'enquête publique ; que, par suite, le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit en estimant que l'arrêté attaqué du préfet des Yvelines ne méconnaissait pas les dispositions précitées de l'article L. 123-8 du code de l'urbanisme
    ».

    En substance, la Cour administrative d’appel de Versailles a donc jugé qu’une enquête publique relative à une déclaration d’utilité publique portant « sur la pose d'écrans de protection phonique le long de l'autoroute A 13 sur la section comprise entre l'ouvrage de franchissement de la route départementale 307 à l'est et l'échangeur de la route nationale 186 à l'ouest » ne pouvait pas, au titre des modifications des documents d’urbanisme locaux concernés, intégrer « les emprises nécessaires à la construction en retrait de ces écrans, la réservation de telles emprises par les plans locaux d'urbanisme modifiés créant des emplacements réservés à cet effet avait pour objectif l'élargissement futur de l'autoroute » dès lors que « les modifications de ces plans réservant lesdits emplacements étaient sans lien avec l'opération en cause ».

    Il faut ainsi souligner l’interprétation extrêmement stricte de la Cour qui a donc jugé que les travaux d’élargissement d’une autoroute « étaient sans lien » avec la pose d’écrans de protection phonique le long de cette dernière alors qu’ils n’étaient pas dénués de toute connexité avec cette opération.

    Une telle solution est néanmoins logique.

    Tout d’abord, elle est conforme à la lettre de l’ancien article L.123-8 et de l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme qui prévoient une enquête publique conjointe et non pas deux enquêtes publiques distinctes mais concomitantes. Il n’y a donc pas de raison à ce qu’une telle enquête intègre des travaux qui ne sont pas conjoints à l’opération objet de la déclaration d’utilité publique et aux dispositions du document d’urbanisme local à modifier pour la rendre compatible avec ce dernier.

    Ensuite, elle permet d'assurer la clarté de l’enquête et la parfaite information des administrés qui pourront ainsi se concentrer sur les modifications du document d’urbanisme local nécessaires à l’opération objet de la procédure de déclaration d’utilité publique sans avoir à rechercher si d’autres modifications, sans rapport immédiat avec cette dernière, sont également prévues.

    Enfin et surtout, elle assure le respect du principe constitutionnel d’autonomie des collectivités locales. Il faut, en effet, rappeler que la procédure prévue par l’ancien article L.123-8 et de l’actuel article L.123-16 du Code de l’urbanisme est conduite par le Représentant de l’Etat dans le département dont l’arrêté déclaratif d’utilité publique emporte l’approbation des nouvelles dispositions des documents d’urbanisme des communes concernées.

    S’il censure l’arrêté en cause sur le terrain du vice de procédure et, plus spécifiquement, des règles relatives à l’enquête publique, l’arrêt commenté garantit ainsi que la procédure prévue par les articles précités ne soit mise en œuvre que pour assurer la mise en compatibilité de l’opération objet de la déclaration d’utilité publique et ne soit pas l’occasion d’apporter aux documents d’urbanisme locaux des modifications que cette opération n’exigerait pas.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La réalisation d’un parc de stationnement de plus de dix unités ouvert au public est assujettie à autorisation « ITD » et non pas à simple déclaration de travaux même si elle intervient en conséquence de l’annulation d’un précédent permis de construire

    Dès lors qu’un parc de stationnement de plus de dix unités a vocation à être ouvert au public, il relève du champ d’application matériel de l’autorisation « ITD ». Par suite, sa réalisation ne peut faire l’objet d’une simple déclaration de travaux même si elle intervient en conséquence de l’annulation d’un précédent permis de construire.

    CAA. Nancy, 28 septembre 2006, Mme Françoise A, req. n°04NC00175


    Dans cette affaire, un premier permis de construire avait été annulé. En conséquence, le constructeur, en l’occurrence une association cultuelle, avait semble-t-il entendu régulariser la construction ainsi édifiée, du moins au regard de la réglementation de sécurité sur les Etablissements Recevant du Public (ERP), par l’aménagement d’une aire de parking susceptible de recevoir quarante véhicules. Mais pour ce faire, il s’était borné à formuler une simple déclaration de travaux à laquelle le maire ne s’était pas opposée.

    Cette décision de non opposition devait toutefois être déférée par des riverains à la censure du Tribunal administratif de Strasbourg, lequel rejeta toutefois leur requête. Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Nancy devait, en revanche, faire droit à la demande d’annulation de la décision contestée et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 442-2 du code de l'urbanisme : « Dans les communes ou parties de communes mentionnées à l'article R. 442-1 est subordonnée à l'obtention d'une autorisation préalable délivrée au nom de l'Etat la réalisation d'installations ou de travaux dans les cas ci-après énumérés lorsque l'occupation ou l'utilisation du terrain doit se poursuivre durant plus de trois mois : b) Les aires de stationnement ouvertes au public et les dépôts de véhicules lorsqu'ils sont susceptibles de contenir au moins dix unités ; c) Les affouillements du sol, à la condition que leur superficie soit supérieure à 100 mètres carrés et que leur profondeur, dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres » ; qu'aux termes de l'article R. 442-6 du même code : « L'autorisation (prévue à l'article R. 442-2) peut être refusée ou subordonnée à l'observation de prescriptions spéciales si les installations ou travaux, par leur situation, leur nature ou leur aspect, sont de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique » ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du maire de Kuttolsheim en date du 28 juin 1999 a porté non opposition à la déclaration de travaux présentée par l'association Sakia Tsechen Ling en vue d'aménager un parking destiné à accueillir une quarantaine de véhicules qu'elle avait l'obligation de réaliser à la suite de l'annulation d'un permis de construire délivré le 20 juillet 1994 ; qu'eu égard à la fréquentation de locaux de l'association qui abrite une activité cultuelle ouverte au public, ledit parking doit être regardé comme constituant un parking public ; que, dès lors, ledit aménagement, qui ne portait pas sur des travaux exemptés de permis de construire, était soumis à la procédure d'autorisation prévue par les dispositions sus-rappelées du code de l'urbanisme ; qu'il s'ensuit que l'arrêté attaqué du maire de Kuttolsheim qui a statué sur la demande de l'association en se fondant sur les dispositions des articles L. 422-1 et R. 422-1 du code de l'urbanisme relatives à la déclaration de travaux exemptés de permis de construire, est entaché d'erreur de droit
    ».

    La Cour administrative d’appel de Nancy a donc annulé la décision contestée au motif que le parc de stationnement projeté ne relevait pas du champ d’application de la déclaration de travaux exempté de permis de construire mais de l’autorisation d’installation et de travaux divers, dite autorisation « ITD », dès lors qu’il était susceptible d’accueillir plus de dix véhicules et devait être considéré comme ouvert au public.

    Tout d’abord, on peut relever que l’association défenderesse soutenait que les travaux projetés relevaient du champ d’application de la déclaration de travaux dès lors que le parc de stationnement à aménager était d’usage privatif et qu’en toute hypothèse, la qualification erronée de la décision contestée ne constituait pas un vice de forme ou de procédure substantiel.

    Un tel argument était doublement inopérant et pour partie contradictoire dès lors qu’une aire de stationnement ne relève jamais du régime déclaratif prévu par l’article L.422-1 du Code de l’urbanisme. De deux choses l’une, en effet :

    - soit, le parc de stationnement est enterré et il est alors soumis à permis de construire qu’elle que soit sa destination et le nombre de places à aménager (CE. 26 octobre 1992, Giovanolla, Dr.adm., comm. n°555) sans qu’il soit utile de soutenir qu’il relève du champ d’application de l’autorisation « ITD » (CAA. Bordeaux, 14 décembre 1999, Epx Mercier, req. n°96BX01480) dans la mesure où il s’analyserait, d’une part, comme des travaux affouillement (art. R.442-2-c) ; C.urb) combinés, d’autre part, à des travaux d’aménagement d’aires de dépôt de véhicules (art. R.442-2-b) ; C.urb) ;
    - soit, ce parc est en plein aire et il sera soumis à autorisation « ITD » s’il est ouvert au public et s’il est susceptible d’accueillir plus de dix véhicules (CE. 25 novembre 1988, SARL La Flèche, req. n°72.945).

    Il s’ensuit qu’une aire de stationnement privative et/ou de moins de dix véhicules n’est soumis à aucune forme d’autorisation (CE. 11 mars 1970, Fayaubot, Rec., p.175) et, en toute état de cause, ne relève pas du champ d’application de la déclaration de travaux exemptés de permis de construire.

    Il reste que lorsque ces travaux sont soumis à autorisation « ITD » la formulation d’une simple déclaration de travaux ne peut suffire. Il faut, en effet, rappeler que le régime déclaratif institué par l’article L.422-1 du Code de l’urbanisme est conçue comme une forme d’exception au principe d’autorisation préalable gouvernant la réalisation de tout travaux de construction ou d’aménagement.

    Telle étant la raison pour laquelle le juge considère qu’un permis de construire délivré alors le projet était soumis à simple déclaration est sans incidence sur sa légalité (CAA. Marseille, 15 octobre 1998, SCI Les Oliviers, req. n°96MA01587) mais qu’en revanche, une décision de non opposition à déclaration est illégale lorsque le projet était assujetti à permis de construire (CAA. Marseille, 29 octobre 1998, M. Clerc, req. n°96MA11731). Et ce principe trouve donc à s’appliquer en matière d’autorisation « ITD » qui, rappelons-le, est une autorisation préalable dont le champ d’application et le régime sont fondamentalement distincts de ceux du permis de construire et de la déclaration de travaux, lesquels sont en revanche connexes.

    Ensuite, il convient de rappeler que l’article R.422-2-c) du Code de l’urbanisme assujettit à autorisation « ITD », lorsqu’elles comprennent plus de dix unités, non pas seulement les aires de stationnement publiques – c’est-à-dire celles appartenant à une personne publique – mais, plus généralement, celles « ouvertes au public ».

    Or, au cas présent, le parc de stationnement projeté était affecté à des locaux accueillant une activité cultuelle ouverte au public, ce dont la Cour administrative d’appel de Nancy a déduit qu’il constituait un parc également ouvert au public.

    On peut, d’ailleurs, rappeler qu’un lieux de culte ouvert au public constitue un ERP de type V au sens du Code de la construction et de l’habitation dont le régime juridique s’applique à l’ensemble de l’établissement considéré ainsi qu’à ses dépendances et à ses annexes (à propos, d’un parc de stationnement : TA. Caen, 19 décembre 1974, Association de défense des riverains du parking de la place de la république, Rec., p.782).

    Enfin et plus spécifiquement, il faut souligner que l’arrêt commenté relève que les travaux projetés visaient à « aménager un parking destiné à accueillir une quarantaine de véhicules qu'elle avait l'obligation de réaliser à la suite de l'annulation d'un permis de construire délivré le 20 juillet 1994 ».

    A priori, la démarche de l’association tendait à régulariser la construction objet du permis de construire précédemment annulé au regard de la réglementation de sécurité applicables aux ERP. On rappellera, en effet, qu’en la matière, le permis de construire vaut également autorisation au titre de cette réglementation, laquelle procède de l’avis favorable de la commission départementale de sécurité émis au cours de l’instruction de la demande de permis.

    Il s’ensuit qu’à défaut de permis de construire et donc d’autorisation de ladite commission, un ERP ne peut pas être ouvert d’où, selon nous, l’existence de « l’obligation » mise en exergue par l’arrêt commenté puisqu’en soi, l’annulation d’un permis de construire ne vaut pas obligation de présenter et d’obtenir l’autorisation d’urbanisme nécessaire à régulariser la construction édifiée en exécution de ce permis.

    Il reste que, par principe, des travaux se rapportant à une construction illégale, c’est-à-dire à une construction édifiée sans autorisation ou en exécution d’une autorisation ultérieurement annulée, ne peuvent être autorisés que s’ils sont inclus dans une demande portant également sur la construction existante et ayant pour effet de régulariser l’ensemble de cette dernière au regard des prescriptions d’urbanisme qui lui sont alors opposables (CE. 9 juillet 1986, Thalamy, req. n°51.172). C’est pourquoi des travaux de façade d’une construction illégale ne pourront pas faire l’objet d’une simple déclaration de travaux mais devront relever d’un permis de construire portant sur l’ensemble de la construction (CE. 30 mars 1994, Gigoult, req. n°137.881).

    En première analyse, on aurait donc pu s’attendre à ce que la Cour administrative d’appel de Nancy annule la décision contestée de non opposition à déclaration de travaux non pas parce que les travaux projetés relevaient isolément du champ d’application de l’autorisation « ITD » mais parce que liés à une construction illégale, ils ne pouvaient être autorisés que dans le cadre d’un permis de construire également destiné à régulariser cette dernière.

    On sait, toutefois, que les arrêts faisant application de la jurisprudence « Thalamy » (CE. 9 juillet 1986, Thalamy, req. n°51.172) ont toujours souligné que le principe posé par cette dernière valait à l’égard des travaux devant « prendre appui » sur une construction illégale. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a ultérieurement précisé que ce principe ne valait pas pour les travaux projetés sur des constructions dissociables de celles entachées d’illégalité même si elles relèvent toute d’une même entreprise de construction (CE. 25 avril 2001, Ahlborn, req. n°207.095).

    Il semble donc que la Cour administrative d’appel de Nancy a considéré que dans la mesure où les travaux d’aménagement projetés ne prenaient pas appui sur la construction édifiée en conséquence du permis de construire précédemment annulé, ceux-ci n’exigeaient pas d’obtenir un permis de construire de régularisation et, par voie de conséquence, devaient relever d’une autorisation « ITD » ne portant que sur ces travaux.

    Dans cette mesure, l’arrêt commenté peut-être rapproché de celui par lequel la Cour administrative d’appel de Marseille avait validé un permis de construire ayant pour objet la réalisation d’un garage souterrain de trente-cinq places de stationnement affectées à un immeuble précédemment édifié en exécution d’un permis de construire depuis frappé de caducité au motif que ce permis de construire n’était pas illégal du seul fait qu’il ne portait pas sur l’ensemble de la construction antérieurement construite et qu’il ne prévoyait pas un nombre de places suffisant pour régulariser cette dernière (CAA. Marseille 27 mars 2003, Cne de Nice c/ Synd. des copropriétaires de la résidence Pierre Blanche, req. n°98MA0633).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés