Vers le renouveau de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ?
L’article L.600-5 du Code de l’urbanisme implique-t-il (encore) que l’annulation partielle du permis de construire porte nécessairement sur une composante divisible du projet ?
CAA. Nancy, 2 juillet 2009, Association « Pare-Brise », Req. n°08NC00126 (137e note)
Voici une note qui porte bien mal son nom si l’on s’en tient au sens de l’arrêt référencé puisque, précisément, cet arrêt apparait consacré l’inutilité intrinsèque du dispositif prévu par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme au regard de la jurisprudence antérieure au 17 juillet 2009.
L’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi du 16 juillet 2006 dite « ENL », prévoit que « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation » et, le cas échéant, que « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ». Il reste que le seul fait de prévoir pour le juge administratif la possibilité de prononcer l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme n’est pas d’une absolue nouveauté puisqu’il s’y autorisait déjà lorsque l’autorisation en cause est divisible, c’est-à-dire lorsque la composante du projet illégale est dissociable des autres d’un point de vue juridique et technique, voir fonctionnel.
Or, pour sa part, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme se borne à viser le cas, plus général, où « seule une partie du projet (…) est illégale » et, ainsi, semble tendre à élargir les hypothèses dans lesquelles l’autorisation d’urbanisme contestée pourra ne faire l’objet que d’une annulation partielle.
Néanmoins plus de trois ans après son entrée en vigueur, force est de constater que l’article L.600-5 n’a donné lieu qu’à peu de décisions jurisprudentielles alors qu’au regard de sa rédaction (« lorsqu’elle constate… ») il n’est pas besoin que les parties en aient sollicité l’application qui pour être facultative (« la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle … ») est néanmoins ouverte pour l’ensemble des recours en cours d’instance, qu’ils aient ou non été introduits avant l’entrée en vigueur de la loi « ENL » (TA. Amiens, 29 décembre 2006, req. n° 04-01732), tant devant le juge administratif de première instance que devant les juges d’appel et de cassation lorsqu’ils sont appelés à statuer sur le fond du litige.
Mais précisément, il est permis de se demander si cette application marginale de ce nouveau dispositif n’est pas le signe de ce qu’il ne revêt pas en lui-même tout l’intérêt que certains ont voulu y voir ou lui conférer.
En effet, toute la difficulté est d’établir quand et jusqu’à quel stade est-il possible de considérer que seule une partie du projet est illégale, notamment, lorsqu’il s’agit d’un projet formant ce qu’il convenait jusqu’à récemment encore de qualifier d’ensemble indivisible ou d’opération indissociable et dont, par voie de conséquence, aucune partie ne peut être dissociée et isolée.
Or, précisément, et à quelques exceptions près, à s’en tenir à la jurisprudence rendue en la matière, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne semble avoir vocation à s’appliquer qu’aux composantes juridiquement dissociables du projet d’ensemble - y compris si son irrégularité peut être régularisée par un simple « modificatif » (CAA. Nantes, 25 juin 2008, Cne de Bucy, req. n°07NT03015 & CAA. Lyon, 1er juillet 2008, Cne de Valmeinier, req. n°07LY02364) que l’article L.600-5 ne prévoit d’ailleurs que comme une simple faculté – et ce, aux fins de ne pas aboutir à la formation d’un permis de construire qui, après annulation partielle, ne respecterait toujours pas les prescriptions d’urbanisme lui étant opposables (pour exemple : CAA. Marseille, 8 février 2007, M. Joseph X., req. n°04MA02390 & CAA. Bordeaux, 11 décembre 2007, SCI Redon, req. n°06BX01060).
On pouvait ainsi se demander si l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme aurait une réelle incidence sur les règles gouvernant l’annulation partielle du permis de construire puisqu’à titre d’exemple, pour censurer l’ensemble d’un permis de construire méconnaissant les conclusions d’un diagnostic d’archéologie préventive et n’annuler que partiellement un permis de construire un parc éolien, la Cour administrative d’appel de Lyon a motivé sa première décision par le fait que les dispositions de cette autorisation « pour l'ensemble de la réalisation d'un village de vacances (n’étaient) pas divisibles » (CAA. Lyon, 21 juin 2007, Ministre de l'équipement, req. n°04LY01501) et sa seconde par la circonstance que « les éoliennes n° 2 et n° 3 sont des ouvrages distincts des trois autres éoliennes dont la construction a été autorisée par le permis (et) que les dispositions de ce permis applicables aux dites éoliennes sont, dans cette mesure, divisibles des autres dispositions de ce même permis » (CAA. Lyon, 23 octobre 2007, SARL, Le Pré Bossu, req. n°06LY02337).
Or, précisément, dans l’affaire objet de l’arrêt de la présente note, la Cour administrative d’appel de Nancy devait juger que :
« Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. (...) ; que l'éolienne n° 3 est un ouvrage distinct des deux autres éoliennes dont la construction a été autorisée par le permis de construire contesté ; que les dispositions de ce permis applicables à ladite éolienne sont, dans cette mesure, divisibles des autres dispositions de ce même permis ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de l'avis émis par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Vosges, qui figure au dossier de première instance, M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation du permis de construire accordé le 4 mai 2006 par le préfet des Vosges à la SARL Vosges Eole , en tant qu'il porte sur l'éolienne n°3 et, dans cette mesure, à en demander l'annulation » ;
et, donc, ne faire application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme à l’éolienne en cause que dans la mesure où celle-ci était divisible des deux autres.
En résumé et au regard de ces premières années d’application, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme n’apparaissait ainsi pour l’essentiel que comme la simple consécration des exceptions au principe d’indivisibilité du permis de construire telles qu’elles avaient été dégagées par la jurisprudence administrative (CE. 2 février 1979, Cts Sénécal, req. n° 05.808 ; CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio c/ Dlle Fournier, Rec., p.66)
Or, l’indivisibilité du permis de construire avait pour autre corolaire, notamment, l’impossibilité de fractionner la réalisation d’un ensemble immobilier indivisible ne pouvaient légalement faire l’objet de plusieurs permis de construire distincts. Mais comme on le sait, le Conseil d’Etat a considérablement assouplit ce principe et ce, surtout,
- d’une part, en se référant à la notion d’ensemble immobilier unique et non plus d’ensemble indivisible ou d’opération indissociable, et pour cause puisque si un ensemble immobilier unique peut néanmoins faire l’objet de plusieurs permis de construire, c’est donc qu’il n’est pas indivisible à cet égard ;
- d’autre part, en mettant en œuvre des critères d’ordre exclusivement physique et fonctionnel et, donc, indépendamment de toute considération liée à l’interdépendance juridique des composantes du projet.
Par cet « abandon » de la notion d’ensemble indivisible et cette prédominance du fonctionnel sur le juridique est assurément de nature à donner une nouvelle dimension, et a priori un nouvel intérêt, à l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés