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  • Sur l’obligation de recourir à un architecte lorsque le projet porte sur plusieurs constructions

    Le maire peu, sans commettre d'erreur de droit, estimer que la demande de permis de construire est irrecevable dès lors que le projet architectural comprenant deux maisons d'habitation, d'une surface totale de plancher hors oeuvre nette de 252 mètres carrés, n'a pas été établi par un architecte.

    CAA. Lyon, 7 avril 2009, Gardas, req. n°
    06LY02162.pdf  (138e note)



    Voici une décision intéressante – laquelle n’a pas été diffusée sur Légifrance – mais néanmoins curieuse, selon nous, s’agissant de l’application de l’ancien article R.421-1-2 (a) du Code de l’urbanisme aujourd’hui repris par l’article R.431-2 (a) en ce qu’il dispose que : « Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977, ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors œuvre nette n'excède pas cent soixante-dix mètres carrés ».

    2 maisons.jpgDans cette affaire, le pétitionnaire avait présenté une demande de permis de construire portant sur deux maisons développant une SHON totale de 252 mètres, laquelle devait être rejeté au motif, notamment, que le projet architectural n’avait pas été établi par un architecte comme le prévoyait pas principe, mais sous réserve de l’exception précitée notamment, l’ancien article L.421-2 et le prévoit encore l’actuel article L.431-2 du Code de l’urbanisme. Mais confirmant le jugement de première instance sur ce point, la Cour administrative d’appel de Lyon devait donc valider ce refus de permis de construire et ce, au motif suivant. :

    « Considérant qu’il est constant que la demande de permis de construire, déposée le 20 juillet 2004, porte sur un projet architectural comprenant deux maisons d’habitation, d’une surface totale de plancher hors œuvre nette de 252 mètres carrés ; qu’il n’est pas contesté que ce projet n’a pas été établi par un architecte ;
    Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme font référence au projet architectural dans son ensemble, sans apporter de distinctions sur le nombre d’entités à construire ; que dès lors la surface hors œuvre nette (SHON) à prendre en compte pour l’application des dispositions de l’article R.421-12 du code de l’urbanisme est la SHON totale du projet de construction figurant dans la demande, sans qu’il y ait lieu de se préoccuper du nombre d’entités à construire dans le projet ; que, dès lors, Madame GARDAS ne pouvait se prévaloir de l’exception prévue à l’article R.421-1-2 du code de l’urbanisme et l’intervention d’un architecte était obligatoire ; que, par suite, le maire de Desaignes a pu sans commettre d’erreur de droit, estimer que la demande déposée par les époux GARDAS n’entrait pas dans le champ d’application de la dérogation prévue au a) de l’article R.421-1-2 du code de l’urbanisme et, en conséquence, que la demande ne pouvait être instruite au motif qu’elle était irrecevable, nonobstant la circonstance que le dossier était complet au sens de l’article R.421-2 du code de l’urbanisme ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Madame GARDAS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant l’annulation de la décision en date du 25 août 2004
    ».


    En résumé, la Cour administrative de Lyon a donc considéré que le projet architectural de la demande devait être établi par un architecte dès lors que la SHON du projet excédait le seuil de 170 mètres carrés fixé par l’ancien article R.421-1-2 et ce, alors même que le projet portait sur deux bâtiments distincts.

    Il reste que, selon nous, cette décision est quelque peu sujette à caution.

    En premier lieu, la Cour s’est fondée sur la circonstance que l’ancien article L.421-2 du Code de l’urbanisme n’apportait pas « de distinctions sur le nombre d’entités à construire ». Il reste que cet article disposait que « ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, et notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en conseil d'Etat » ; l’article R.421-1-2 disposant lui-même que : « conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977, ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors œuvre nette n'excède pas cent soixante-dix mètres carrés ».

    Mais il est vrai que rare sont les cas où le Code de l’urbanisme envisage le cas où la demande porte sur plusieurs constructions.

    En deuxième lieu, force est de constater que la Cour s’est bornée à prendre en compte la SHON globale du projet sans distinguer celle de chacune des constructions projetées alors qu’à titre d’exemple, le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R.421-1-1 du code de l'urbanisme : "Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977 du 3 mars 1977 modifié, ne sont pas tenues de recourir à un architecte pour établir le projet architectural à joindre à la demande d'autorisation de construire, les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : a une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors oeuvre nette n'excède pas 170 mètres carrés" ; que dans son recours dirigé contre le jugement en date du 17 avril 1985 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du commissaire de la République du département du Var en date du 19 juillet 1983 refusant à M. Guy X... un permis de construire un logement, une niellerie et une bergerie à La Roquebrussane Var , le ministre de l'urbanisme se borne à soutenir que le permis ne pouvait être accordé dès lors que le projet n'était pas présenté par un architecte, alors que la surface hors oeuvre nette affectée à l'habitation était au minimum de 240m2 ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet présenté comportait la construction de deux bâtiments distincts, l'un à usage d'habitation et à usage agricole, l'autre à usage de bergerie ; que la partie non affectée à l'usage agricole du bâtiment d'habitation n'excèdait pas 170m2
    ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'URBANISME, DU LOGEMENT ET DES TRANSPORTS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé le refus de permis de construire ensemble le rejet du recours gracieux formé par M. X...
    » (CE. 29 avril 1987, Lemoult, req. n°69.743).


    Il reste que dans cette affaire les deux bâtiments en cause présentaient une affectation différente et s’en trouvaient de ce fait assujettis à des dispositions et des seuils distincts.

    En troisième lieu, le critère déterminant de la solution retenue par la Cour tient à ce que les deux constructions projetées relevaient d’une seule et même demande de permis de construire. Et il est vrai que le Conseil d’Etat jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme, dans la rédaction que lui a donnée le décret n° 77-739 du 7 juillet 1977 en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : "Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977 modifié, ne sont pas tenues de recourir à un architecte pour établir le projet architectural à joindre à la demande d'autorisation de construire, les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : ...b) une construction à usage agricole dont la surface de plancher hors-oeuvre brute n'excède pas 800 mètres carrés ...." ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'autorisation contestée est relative à la construction d'un bâtiment à usage de poulailler d'une surface de 785 m2 ; que, dès lors que ce bâtiment était distinct des autres bâtiments à même usage édifiés sur le même terrain, la surface de plancher à prendre en compte pour l'application des dispositions précitées était uniquement celle du bâtiment pour lequel l'autorisation de construire était sollicitée ; que cette surface étant inférieure au seuil fixé par lesdites dispositions, le moyen ne saurait être accueilli » (CE. 23 mars 1990, Montagne, req. n°62.643. Voir également : CAA. Nantes, Le Jeune, req. n°93NT00270) ;

    induisant ainsi que, s’il n’y a pas lieu de prendre en compte ce qui a déjà été fait sur le même terrain, c’est néanmoins l’ensemble la SHON du projet objet de la demande qui doit effectivement être pris en compte.

    En outre, l’ancien article L.421-2 comme le nouvel article L.431-2 du Code de l’urbanisme assimilent création et modification d’une construction. Or, à ce titre et s’agissant de travaux d’extension, le Conseil a jugé que l’obligation de recourir à un architecte s’impose dès lors que les travaux projetés ont pour effet de porter la SHON l’immeuble au dessus de ce seuil, y compris si le bâtiment existant avant travaux d’extension développe une SHON inférieure à 170 mètres carrés et alors même que les travaux d’extension projetés emportent une création de SHON nouvelle inférieure à ce seuil (CE. 19 janvier 1994, Cne de Lormont, req. n°118.334. Voir également : CE. 30 mai 2007, M. X…, req. n°292.741).

    Il reste que, tout d’abord, dans l’arrêt précité (« Montagne ») le Conseil d’Etat a néanmoins souligné que le bâtiment objet de la demande était distinct de ceux déjà présents sur le terrain qu’ensuite, le régime applicable à des travaux d’extension n’est pas nécessairement transposable au cas d’espèce puisqu’il se rapporte à une même construction et qu’enfin, le Conseil d’Etat a pu juger que :

    « Considérant qu'en vertu de l'article L. 421-2 du code de l'urbanisme : "Ne sont pas tenues de recourir à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes une construction de faible importance dont les caractéristiques, et notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article R. 421-1-2 du même code : "Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977 modifié, ne sont pas tenus de recourir à un architecte ... les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : a) une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher hors oeuvre nette n'excède pas 170 mètres carrés" ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée par M. X... portait sur la modification d'une partie d'un bâtiment d'habitation sis au 2 bis et au ..., en vue d'édifier au n° 4, après démolition de 120 m2, une partie neuve de 168 m2 ; qu'il n'est pas contesté que l'immeuble sis au 2 bis et au ... couvre une superficie de 335 m2 ; que la circonstance que l'extension projetée par la demande de permis de construire ne portait que sur la partie de l'immeuble d'habitation sis au n° 4, alors que les deux bâtiments ne sont pas distincts et constituent ensemble un bâtiment d'habitation, ne permet pas à elle seule d'avoir le bénéfice de la dérogation prévue par les textes précités à l'obligation de recourir à un architecte ; qu'ainsi c'est par une exacte inexacte application desdites dispositions que le tribunal administratif de Bordeaux a regardé la demande présentée par M. X... comme entrant dans le champ d'application de la dérogation prévue au a) de l'article R. 421-1-2 du code de l'urbanisme ; que la VILLE DE BORDEAUX est, dès lors, fondée à soutenir que les premiers juges se sont à tort fondés sur ce motif pour annuler la décision attaquée par laquelle le maire avait rejeté la demande de permis présentée par M. X
    » (CE. 8 novembre 1995, Ville de Bordeaux, req. n°121.099).


    De ce fait, le seul fait que la demande de permis de construire en cause portait sur un projet de 252 mètres carrés ne nous paraissait pas suffisant pour conclure à l’obligation de faire établir le projet architectural par un architecte. Est-ce à dire que la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Lyon est totalement infondée. Pas nécessairement.

    Il faut en effet préciser que la dispense prévue par l’ancien article R.421-1-2 et l’actuel article R.431-2 du Code de l’urbanisme procèdent de l’ancien article L.421-2 et de l’actuel L.431-3 en ce qu’il disposait et dispose respectivement que :

    • d’une part, « conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, par dérogation au quatrième alinéa ci-dessus, ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, et notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en conseil d'Etat. Ces caractéristiques peuvent être différentes selon la destination des constructions » ;
    • d’autre part, « conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, par dérogation à l'article L. 431-1, ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ces caractéristiques peuvent être différentes selon la destination des constructions »

    Or, si l’on ne peut l’exclure, force est d’admettre qu’il ne va pas de soi qu’une même personne fasse construire, sur le même terrain, deux maisons d’habitation individuelles autonomes pour elle-même.

    Il n’en demeure pas moins que l’on aurait aimé que la Cour s’attache à cette circonstance de fait et à ce point de droit…



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés