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De la possible combinaison de la jurisprudence « Fernandez » et de la jurisprudence « SCI de la Paix »

Sur le maintien de la jurisprudence « Thalamy » à l’encontre des travaux ayant irrégulièrement changé la destination d’une construction existante (suite)

CE. 27 juillet 2009, SCI La Paix, req. n°305.920 (136e note)

Dans notre précédente note sur l’arrêt « SCI de la Paix », nous concluions que selon nous cette décision ne marquait pas l’abandon de la jurisprudence « Fernandez ».

Mais dès lors toute la question est de savoir si lorsque les travaux en cause relèvent d’une entreprise de construction distincte de celle ayant précédemment emporté un changement de destination irrégulier, il faut néanmoins s’en tenir à la destination de fait du bâtiment en cause pour considérer, par voie de conséquence, et le cas échéant, que les travaux projetés emportent un changement de destination alors même que la destination de l’immeuble devant résulter de leur exécution serait identique à celle initialement autorisée mais ultérieurement changée de façon irrégulière.

extension-ronde-2.jpgA notre sens non, il faut, en effet, préciser que dans l’affaire objet de l’arrêt « Fernandez » du mois de janvier 2007, outre que le requérant n’établissait pas de façon probante que la destination de l’immeuble en cause avait irrégulièrement changée, le Conseil d’Etat a annulé la solution, inverse, retenue par le juge de première instance pour avoir « recherch(er) les conditions dans lesquelles la destination du bâtiment avait évolué depuis sa construction ». La solution retenue par la Haute Cour impliquant, donc, également, qu’au stade de l’instruction de la déclaration préalable ou de la demande de permis de construire, l’administration n’est pas tenue, en l’absence d’information sur ce point, de rechercher les conditions dans lesquelles la destination initiale du bâtiment en cause a été modifiée.

Il reste qu’a contrario – et comme l’induit finalement indirectement l’arrêt « SCI La Paix » – rien ne nous semble s’opposer à ce qu’un « tiers-pétitionnaire » puisse se prévaloir, pour autant qu’il le démontre :

- d’une part, de l’irrégularité de la destination actuelle du bâtiment en cause ;
- et d’autre part, de la destination initiale de ce même bâtiment ;

aux fins d’établir que son opération n’emporte pas un changement de destination ; la jurisprudence « Fernandez » n’impliquant donc pas selon nous de s’en tenir, en toute hypothèse, à la destination apparente du bâtiment en cause.

On sait d’ailleurs que si pour application de l’ancien article R.421-1-1 du Code de l’urbanisme le pétitionnaire, faute d’indication contraire, était réputé propriétaire apparent du terrain à construire, cette présomption ne s’est jamais opposée à ce qu’en cas de contestation sérieuse sur ce point, cette qualité lui soit déniée.

En outre, il faut souligner que la jurisprudence « Fernandez » procède d’une interprétation du droit qui certes déresponsabilise l’administration mais est également et au premier chef favorable au pétitionnaire.

extension-de-maison-2.jpgOr, compte tenu de « l’esprit » de celle-ci, on verrait mal pourquoi l’irrégulier changement de destination opéré par un tiers pourrait bénéficier au pétitionnaire pour établir qu’il n’y a pas de changement de destination, et ainsi obtenir l’autorisation sollicitée, mais qu’en revanche, cette irrégularité devrait lui être opposée et justifier un refus d’autorisation alors que son projet n’emporte aucun changement au regard de la destination initiale et régulière du bâtiment sur lequel les travaux sont projetés… 

Mais pour conclure, on « relativisera » l’intérêt de la question puisque si sous l’empire du dispositif applicable avant le 1er octobre 2007, tout travaux s’accompagnant d’un changement de destination impliquait l’obtention d’un permis de construire (anc. art. L.421-1 & R.422-2 ; C.urb), tel n’est plus le cas aujourd’hui dès lors que l’article R.421-14 du Code de l’urbanisme dispose que :

« Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires :
a) Les travaux ayant pour effet la création d'une surface hors œuvre brute supérieure à vingt mètres carrés ;
b) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 ;
c) Les travaux ayant pour effet de modifier le volume du bâtiment et de percer ou d'agrandir une ouverture sur un mur extérieur ;
d) Les travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4
» ;


ce dont il résulte qu’un changement de destination n’est assujetti à permis de construire que pour autant qu’il s’accompagne de travaux modifiant les structures porteuses du bâtiment et/ou ses façades ; sans compter que l’article précité précise que « pour l'application du b du présent article, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ».

En dehors de ce cas, la seule question est de savoir s’il y a lieu de formuler une déclaration préalable en application de l’article R.421-17 (b) du Code de l’urbanisme (sur la problématique du changement de destination sans travaux voir ici et là).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés

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