Même à admettre que ces deux affectations répondent à la notion de « CINASPIC », la transformation d’un hôtel des impôts en établissement d’enseignement constitue un changement de destination soumis à déclaration préalable au titre de l’article R.424-17 du Code de l’urbanisme.
Cass. crim, 26 février 2013, pourvoi n°12.80-973
Voici un arrêt qui s’il appelle relativement peu de commentaires n’en est pas mois intéressant en ce qu’il traite d’une problématique singulière dont nous ne pensions pas qu’elle serait si « rapidement » tranchée par la jurisprudence, en l’occurrence judiciaire.
Dans cette affaire, le prévenu avait acquis un immeuble à usage d’hôtel des impôts mais qu’il avait ensuite transformé en établissement d’enseignement et ce, sans avoir sollicité la moindre autorisation d’urbanisme.
Mais celui-ci devait ainsi être poursuivi puis condamné pour avoir procéder à un changement de destination sans avoir formulé la déclaration requise par l’article R.421-17 du Code de l’urbanisme ; la Cour d’appel de Versailles, aux termes d’une analyse quelque peu particulière, ayant estimé que l’immeuble existant était ainsi passé de construction à destination « de bureaux nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » à « celle de construction et installation nécessaire aux services publics ou d'intérêt collectif comme assurant une activité exercée sous le contrôle de l'Etat dans le but de satisfaire un besoin d'intérêt général, mais ne répondant plus à la destination de bureaux ».
Outre que cette distinction entre « CINASPIC » n’a évidemment pas lieu d’être au regard de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme, du moins pour application de l’article R.421-17, il faut surtout préciser à titre liminaire qu’il n’est pas si certain et loin s’en faut que l’immeuble dans son état initial constituait un « CINASPIC » dès lors qu’en tant qu’hôtel des impôts il était principalement affecté à usage de bureau et d’archivages.
Or, comme on le sait, « la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public » (Concl. MITJAVILLE : CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091).
Il n’en demeure pas moins que dans son pourvoi en cassation, le prévenu devait contester cette distinction opérée par la Cour d’appel pour évidemment soutenir que dès lors qu’un hôtel des impôts et un établissement d’enseignement étaient l’un comme l’autre des « CINASPIC », il n’y avait eu aucun changement de destination au sens de l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme et, partant, qu’aucune déclaration n’était requise.
On sait en effet que pour apprécier s’il y a ou non changement de destination l’article R.424-17 précité, (comme l’article R.421-14 d’ailleurs) vise les différentes destinations définies à l'article R.123-9 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « les règles édictées [par un règlement de PLU] peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ».
Toute la question est ainsi de savoir :
• si la notion de « CINASPIC » correspond à une destination « primaire » et autonome de celles par ailleurs visées par l’article précité (« l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt ») et ou, plus spécifiquement, et pour application de l’article R.421-17, si elle prime celles-ci ;
• ou si au contraire elle peut correspondre à une destination « secondaire » et revêtant un caractère mixte dont il faut alors prendre en compte toutes ses composantes pour apprécier si son changement d’usage est ou non constitutif d’un changement de destination.
Or, c’est la seconde option que nous semble avoir retenu la Cour de cassation en jugeant que :
« Attendu que, pour déclarer l'Institut de formation de Saint-Quentin-en-Yvelines coupable d'exécution irrégulière de travaux soumis à une déclaration préalable, l'arrêt attaqué constate que cet organisme n'a déposé aucune déclaration de travaux ; que les juges relèvent que le bâtiment acquis par le prévenu dans son état d'origine, à savoir un hôtel des impôts, puis aménagé par celui-ci en établissement d'enseignement, est une construction et installation nécessaire aux services publics ou d'intérêt collectif comme assurant une activité exercée sous le contrôle de l'Etat dans le but de satisfaire à un besoin d'intérêt général, mais ne répondant plus à la destination de bureaux ; qu'ils en déduisent que le changement de destination est démontré ;
Attendu qu'en se déterminant par des motifs exempts d'insuffisance, d'où il résulte que le bâtiment existant était, au moins partiellement, destiné à un usage autre que de bureaux, la cour d'appel, abstraction faite de motifs erronés relatifs à la nécessité des services publics et à l'intérêt collectif, a justifié sa décision ».
La solution n’était pas totalement évidente.
Si au regard ddes destinations énoncées par l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme, certains types de construction sont par nature des « CINASPIC » (écoles, musées, hôpitaux, etc.), si bien qu’aucune autre de ces destinations ne peut les définir, d’autres peuvent parfaitement correspondre d’un point de vue physique et/ou fonctionnel à l’une de ces destinations mais néanmoins être qualifiées de « CINASPIC ».
C’est ainsi qu’à titre d’exemple, une usine d’incinération constituant pourtant intrinsèquement une construction à destination industrielle, peut néanmoins accéder au statut de « CINASPIC » (CE. 23 décembre 1988, Association pour la défense de l’environnement de Miremont, req. n°82.863).
A cet égard, la notion de CINASPIC correspond donc à une destination mixte ou, pour reprendre les termes de la Cour d’appel, à une destination « plus large que les autres et les recouvrant ».
Il n’en demeure pas moins que lorsqu’à titre d’exemple, une usine d’incinération constitue un « CINASPIC » – ce qui ne va pas non plus de soi puisque rappelons-le la notion de « CINASPIC » est à géométrie variable et dépend de la réalité des besoins d’intérêt général auxquels elle a vocation à répondre (pour un exemple de ce mode d’appréciation en la matière : CAA. Lyon, 5 février 2013, Groupe Pizzorno Environnement, req. n°12LY01578) – elle s’en trouve alors soumise aux prescriptions spécifiquement prévues par le PLU pour ce type particulier de constructions et ce, alors même que ce même PLU vise spécifiquement les construction industrielle (CE. 16 juin 2004, Laboratoire de Biologie Végétale – Yves ROCHER, req. n° 254.172).
Dans cette mesure, la notion de « CINASPIC » correspond ici à une destination exclusive qui prime celles par ailleurs énoncées par l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme.
Cela étant, ces jurisprudences ont trait à la détermination des règles du PLU effectivement applicables aux permis de construire cause dans ces affaires ; ce qui renvoie à la fonction et à l’utilité de cette notion – et selon cet article à celles des « règles particulières » qu’elle permet d’édicter – qui « vise à fonder une faculté de dérogation aux règles générales » (Concl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).
Ce sont donc les règles spéciales que constituent les normes propres aux CINASPIC qui priment les règles générales édictées et le cas échéant modulées selon les autres destinations visées par l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme.
Or, en l’espèce, il ne s’agissait pas de déterminer en aval les normes applicables au projet mais d’apprécier en amont s’il impliquait ou non une déclaration préalable.
Il n’en demeure pas moins que la solution retenue par la Cour de cassation apparait parfaitement fondée au regard tant de la finalité de la déclaration prévue par l’article R.424-17 b) du Code de l’urbanisme qu’au regard de l’utilité de ces « règles particulières ».
D’une façon générale, il faut en effet rappeler qu’un projet portant sur un bâtiment existant et emportant un changement de destination sans travaux, ou sans travaux saisis par le droit des autorisations d’urbanisme, est néanmoins soumis aux normes d’urbanisme applicables en conséquence de sa nouvelle destination. La déclaration prévue par l’article R.421-17 b) du Code de l’urbanisme permet donc au premier chef de vérifier que ce changement de destination n’emporte pas une méconnaissance de ces règles.
Plus spécifiquement, l’article R.123-9 précité vise l’édiction de « règles particulières » permettant donc uniquement d’apporter une « dérogation » ou, plus précisément, une exception aux règles générales ; ce dont il résulte que cet article n’a pas vocation à permettre d’affranchir les « CINASPIC » de toute règle ou, a contrario, implique néanmoins de les soumettre au « minimum normatif » requis.
Cela étant, il est pour le moins fréquent que ces règles particulières soient exprimées de façon relativement souple et non quantifiée en prévoyant qu’à titre d’exemple, le nombre de places de stationnement requis doit être fixé en considération des besoins propres à l’équipement d’intérêt collectif considéré.
Or, même si la destination du bâtiment existant et sa destination future présentent les caractéristiques propres aux « CINASPIC », il n’en demeure pas moins que ces besoins en matière de stationnement peuvent varier selon l’affectation effective du bâtiment en cause.
C’est dans cette mesure que la décision commentée ce jour apparait justifier.
Pour conclure, et bien que cet autre point particulier n’ait pas été abordé, on peut néanmoins relever que pour la Cour de cassation, il y avait bien changement de destination dès lors que le bâtiment « était, au moins partiellement, destiné à un usage autre que de bureaux » alors que rappelons-le l’article R.421-17 b) du Code de l’urbanisme précise également pour « l'application du présent alinéa, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ».
Il reste que si les bureaux étaient les locaux principaux de l’hôtel des impôts existant (dont les locaux accessoires étaient les salles d’archivage), ils avaient a priori vocation à devenir en revanche les locaux accessoires d’une construction à destination principale d’établissement d’enseignement.
Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet FRÊCHE & Associés