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Droit pénal de l'urbanisme - Page 3

  • L’exécution d’un permis de construire par un tiers qui n’en a pas obtenu le transfert ne peut justifier un ordre interruptif de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme

    Dans la mesure où, d'une part, le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis et où, d'autre part, le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme, non seulement les travaux exécutés par un tiers qui n’a pas obtenu transfert du permis de construire en cause interrompent son délai de validité mais, en outre, ce défaut de transfert ne peut justifier l’édiction d’un arrêté interruptif de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Marseille, 23 novembre 2006, M. X., req. n°04MA00264


    Voici un arrêt qui pour appeler peu de commentaires n’en mérite pas moins d’être relevé en ce qu’il consacre une solution précédemment retenue par les Tribunaux administratif en se fondant sur un principe dégagée par la chambre criminelle de la Cour de cassation et ce, pour en faire application à une question nouvelle.

    Dans cette affaire, la SCI Morgan France avait obtenu deux permis de construire sur des lots qu’elle avait ultérieurement revendus à la SCI Gugliemo. Or, lors de la phase d’engagement des travaux, le Préfet de Corse du Sud devait opposer la caducité de ces permis de construire au motif d’une interruption des travaux d’une durée supérieure à un an (art. R.421-32, al.1 ; C.urb) pour conséquemment édicter deux ordres interruptifs de travaux sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    Le gérant de la SCI Gugliemo, Monsieur Antonio, décidait ainsi de solliciter l’annulation de ces ordres interruptifs de travaux mais son recours devait être rejeté par un jugement du Tribunal administratif de Bastia dont il interjeta appel.

    Précisément, devant la Cour administrative d’appel de Marseille, Monsieur Antonio parvint à contredire les procès-verbaux de la Direction départementale de l’équipement censés établir la caducité des permis de construire en cause par la production de constats d’huissier et de factures. Mais pour sa part, la Préfecture de Corse du Sud devait solliciter une substitution de motif et, concrètement, demander à la Cour de « valider » ses ordres interruptifs de travaux non pas en raison de la caducité desdits permis mais en considération du fait qu’ils avaient été exécutés par Monsieur Antonio alors qu’il n’en avait pas obtenu le transfert et ne pouvait donc s’en considérer titulaire.

    Toutefois, ce nouveau motif devait être rejeté par la Cour administrative d’appel de Marseille pour la raison suivante :

    « Considérant, il est vrai, que le ministre fait valoir que M. ne pouvait s'estimer titulaire des permis de construire initialement délivrés à la SCI Morgan France, car il n'en avait pas demandé le transfert au bénéfice de sa société ; que ce faisant, le ministre doit être regardé comme sollicitant une substitution des motifs fondant les arrêtés contestés, en soutenant que M. n'était pas bénéficiaire de permis l'autorisant à construire sur les parcelles en cause ; que cependant, d'une part, le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis, et d'autre part, le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, la demande de substitution de motifs formulée par le ministre doit être rejetée ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bastia a écarté le moyen tiré de l'erreur de fait sur la caducité des permis de construire, présenté en première instance, pour rejeter la demande de M. ; que le requérant est, dès lors, fondé à demander l'annulation dudit jugement ainsi que celle des arrêtés n° 01-0477 et 01-0476 en date du 6 avril 2001 et n° 01-745 en date du 22 mai 2001
    ».

    Il s’ensuit, d’une part, que la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que les travaux exécutés par un tiers pouvait néanmoins interrompre le délai de validité d’un permis de construire tel qu’il est régi par l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et ce, au motif que « le permis de construire n'est pas délivré en considération de la personne qui en devient titulaire, mais en fonction du projet de bâtiment qui lui est soumis » ; ce qui constitue, d’ailleurs, le principe en raison duquel lorsque pendant la période de validité d’un permis de construire, la responsabilité de la construction est transférée du titulaire d’origine à une ou plusieurs autres personnes, il n’y pas lieu pour l’administration de délivrer à celles-ci un nouveau permis de construire mais simplement de transférer, avec l’accord du titulaire d’origine (sur ce point : CE. 20 octobre 2004, SCI Lagona, req. n°257.690) et, le cas échéant, du propriétaire du terrain à construire (sur ce point : CE. 19 juillet 1991, Crepin, req. n°86.807), le permis précédemment accordé (sur le principe : CE. 10 décembre 1965, Synd des copropriétaire de l’immeuble Pharao-Pasteur, req. N°53.773 ; CE. 18 juin 1993, Cne de Barroux, req. n°118.690).

    Compte tenu du caractère réel et non pas personnel du permis de construire, seul l’acte de construction doit être prise en compte au regard de l’article R.421-32 du Code de l’urbanisme et non pas l’auteur des travaux considérés ; étant rappelé qu’a contrario, le seul transfert d’un permis de construire ne suffit pas à interrompre son délai de validité (CE. 16 février 1979, SCI Cap Naio, req. n°03.346).

    En cela, l’arrêt commenté confirme donc une solution qui, à notre connaissance, n’avait jusqu’à présent été retenue que par certains Tribunaux administratifs (TA. Nice, 13 mai 1997, SCL LE Pavillon, req. n°93-03645).

    D’autre part, cet arrêt tire également les conséquences de l’origine purement jurisprudentielle de la pratique du transfert de permis de construire et de son absence de tout encadrement textuel le rendant obligatoire lorsqu’un tiers souhaite exécuter un permis de construire précédemment délivré à une autre personne dont il résulte, en l’espèce, que « le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'est pas constitutif d'une infraction prévue à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme ».

    On sait, en effet, qu’eu égard au caractère réel du permis de construire et à l’absence d’encadrement textuel de la pratique du transfert, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait précédemment jugé que (voir également : T.G.I. Grasse, 8 février 1973 - AJPI 73, II p798, note Bertrand) :

    «Vu l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme
    Attendu que le défaut de transfert du permis de construire au profit de l'acquéreur d'une parcelle n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé ;
    Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la direction départementale de l'Equipement du Var a constaté par procès-verbal du 24 avril 1990 qu'Alain Lhermitte et Jean-Jacques Barthe, qui avaient chacun acquis d'une SCI une parcelle de terrain en vue de l'édification d'une maison d'habitation conformément au permis de construire obtenu par le vendeur, ont entrepris les travaux de construction sans avoir obtenu une décision de transfert dudit permis de construire à leur nom ;
    Attendu que pour déclarer Alain Lhermitte et Jean-Jacques Barthe coupables du délit de construction sans permis de construire, ordonner la démolition des ouvrages et dire en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée de l'arrêté interruptif des travaux, la juridiction du second degré retient que, si le permis de construire est attaché au projet qui a fait l'objet de la demande, et non pas à son titulaire, le transfert doit être obtenu par une décision administrative ; qu'elle relève que les 2 prévenus, qui ne pouvaient ignorer que l'acte de vente ne pouvait leur transférer le permis de construire, n'ont présenté aucune demande de transfert à l'administration compétente ; qu'elle en déduit qu'ils ne peuvent se prévaloir d'aucun permis de construire ;
    Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé » (Cass. crim. 29 juin 1999, pourvoi n°98-83.839).

    Sur ce point, l’arrêt commenté marque donc l’intégration par le juge administratif d’un principe précédemment dégagé par le juge pénal en en faisant application aux ordres interruptifs de travaux qui ne peuvent être régulièrement fondés sur le fait que les travaux autorisés par le permis de construire sont accomplis par un tiers n’en ayant pas précédemment obtenu le transfert.

    Mais pour conclure, on rappellera qu’en revanche, l’absence de demande de transfert de permis de construire peut être pris en compte par le juge des référés pour établir la réalité de l’urgence dont ce tiers se prévaut pour solliciter la suspension d’une mesure prise sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme (CE. 23 mars 2001, Sté LIDL, req. n°231.559).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La charge des mesures de restitution prévues par l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme peut être contractualisée

    Dans la mesure où les mesures de restitution prévues par l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme ne sont pas des sanctions pénales mais présentent un caractère réel, la charge celle-ci peut être contractualisée. Il s’ensuit que le vendeur d’un bâtiment qu’il a construit en méconnaissance des prescriptions d’urbanisme qui lui étaient opposables peut transférer à son acquéreur l’obligation de supporter les conséquences de ces mesures.

    Cass. civ., 22 novembre 2006, Sté Palmetto & autres, pourvoi n° 05-14.833.


    Dans cette affaire, la SCI Le Cap avait construit un immeuble en méconnaissance des prescriptions d’urbanisme qui lui étaient opposables et, par voie de conséquence, ses deux associés devaient être poursuivis et condamnés à des peines d’amende sur le fondement de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme ; condamnation assortie, au titre des articles L.480-5 et L.480-7, d’une mesure de restitution consistant, en l’occurrence, à démolir l’ouvrage illégal et à la remise des lieux en leur état antérieur.

    L’Etat devait ainsi faire procéder à la démolition d’office de cette construction dont les frais furent supportés par l’un des associés de la SCI précitée, conformément aux dispositions de l’article L.480-9 du Code de l’urbanisme. Il reste qu’en cours d’instance, cette dernière avait vendu à des tiers l’ouvrage litigieux, lesquels l’avaient eux-mêmes ensuite cédé à la société Palmetto et ce, par une série d’actes de vente aux termes desquelles l’acquéreur de l’immeuble garantissait le vendeur des conséquences de l’illégalité de la construction litigieuse et, par voie de conséquence, du coût d’une éventuelle démolition de cette dernière.

    C’est pourquoi l’associé de la SCI Le Cap qui en avait supporté les frais se retourna contre la société Palmetto pour lui en demander le remboursement. Mais confirmant le jugement de première instance, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence devait rejeter cette demande aux motifs, en substance, que la charge des mesures prononcées sur fondement de l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme ne pouvait pas être contractualisée et qu’au surplus, dans la mesure où cette société n’avait pas été condamnée et que le seul fait qu’elle ait acquis l’ouvrage ne l’obligeait pas à payer la démolition, la demande dudit associé consistait à faire supporter à cette dernière les conséquences de ses propres infractions.

    Il reste que la Chambre civile de la Cour de cassation censura donc ces motifs et cassa conséquemment l’arrêt d’appel en jugeant que :

    « Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt relève que la mesure réelle de restitution prise en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme a été prononcée à la suite de la condamnation de M. X... pour infractions au code de l'urbanisme, que la société Palmetto n'a pas été condamnée et retient que le fait que celle-ci ait acquis le terrain comportant les constructions illicites ne l'oblige pas à supporter les frais de leur démolition qui doivent être payés par ceux qui ont été condamnés, la demande de M. X... revenant à faire supporter par d'autres les conséquences de sa faute ; que par motifs adoptés, l'arrêt retient que la société Palmetto ne pouvait en 1997 prendre l'engagement de relever et garantir ses vendeurs des conséquences du comportement infractionnel réalisé par M. X... dans les termes de la prévention pénale pour laquelle il sera condamné en 1999 et 2000 ;
    Qu'en statuant ainsi alors que les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme destinées à faire cesser une situation illicite ne constituant pas des sanctions pénales peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur du bien illégalement construit, la cour d'appel a violé les textes susvisés
    ».

    Une telle solution est pour le moins logique au regard de la jurisprudence antérieure de la Haute Cour. En effet, si les peines prononcées sur le fondement de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme constituent des sanctions pénales, telles n’est pas le cas des mesures prévues par l’article L.480-5, lesquelles présentent au regard d’une jurisprudence dorénavant bien établie un caractère réel (Cass. crim, 14 novembre 1989, A. Léon, pourvoi n°88-86.595) : de ce fait, rien ne s’oppose donc à ce que leur charge soit contractualisée ; ce que confirme donc l’arrêt commenté.

    Au surplus, il n’existe pas nécessairement de lien entre l’auteur des travaux litigieux au sens de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme et le bénéficiaire de ces derniers au regard de l’article L.480-5 puisque la Cour de cassation a jugé que la seule constatation que la personne poursuivie ait été responsable des travaux et condamnée à ce titre ne suffit pas à établir qu’elle ait la qualité de bénéficiaire des travaux lorsqu’elle n’est ni propriétaire de l’ouvrage, ni propriétaire du terrain (Cass.crim, 10 janvier 1996, M. Jean Simon, Bull. crim., n°13) et, a contrario, que le seul fait d’être propriétaire du terrain d’assiette de la construction litigieuse pouvait conférer à une personne la qualité de bénéficiaire des travaux irréguliers quand même n’en était-elle pas l’auteur (Cass. crim., 6mars 2001, Crestey Isabelle, RDI, 2002, p.70).

    En revanche, la circonstance que la vente de l’ouvrage litigieux et que la conclusion des actes par lesquels les acquéreurs de ce dernier garantissaient leur vendeurs des conséquences de son irrégularité soient intervenues en cours d’instance ne nous paraît pas déterminant.

    Il est vrai que l’article L.480-7 du Code de l’urbanisme prévoit que « le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers (...) un délai pour l'exécution de l'ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation » et qu’à la date du prononcé des sanctions pénales et des mesures de restitution respectivement prévues par les articles L.480-5 et L.480-5, la société Palmetto était déjà devenue propriétaire de la construction irrégulière à démolir. En première analyse, il pourrait donc être considéré qu’il était normal que la société Palmetto supporte les frais de la démolition ordonnée puisqu’elle était alors bénéficiaire des travaux et, par voie de conséquence, que la clause aux termes de laquelle elle garantissait le vendeur des conséquences de l’irrégularité de l’ouvrage acquis n’était que la conséquence normale de cette qualité.

    Il reste qu’il est de jurisprudence constante que la remise en état des lieux incombe au bénéficiaire des travaux à la date des faits, sans qu’est donc d’incidence la circonstance que le prévenu ait ultérieurement perdu cette qualité (Cass. crim., 20 octobre 1993, Charpentier, Bull.crim. n°305) : cette circonstance et une interprétation littérale des termes de l’article L.480-7 ne sauraient donc expliquer la solution retenue. On relèvera, d’ailleurs, que l’attendu précité de l’arrêt commenté est indépendant de toute considération liée à la détermination de la personne effectivement bénéficiaire des travaux irréguliers mais procède du seul principe selon lequel « les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme destinées à faire cesser une situation illicite ne constituant pas des sanctions pénales, (elles) peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur du bien illégalement construit ».

    Mais pour conclure, on peut se demander si une convention ayant pour effet de transférer la responsabilité de ces mesures de restitution est opposable à l’administration agissant sur le fondement de l’article L.480-9 du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, si cette dernière peut néanmoins solliciter le paiement des travaux de démolition auprès de la personne à l’encontre de laquelle la mesure de restitution a été prononcée, c’est-à-dire quand bien même cette dernière en aurait-elle contractuellement transféré la charge à un tiers.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Le maire ne peut enjoindre à un constructeur de procéder à l’enlèvement d’un panneau d’affichage relatif à un permis de construire tacite quand bien même l'existence de cette autorisation est contestée

    L’article L.480-2 du Code de l’urbanisme autorise le maire à ordonner l’interruption des travaux entrepris sans autorisation et, le cas échéant, à prendre toute mesures coercitives nécessaires pour les faire cesser. Mais en dehors de ce cadre, aucune disposition législative ou réglementaire ne l’autorise à enjoindre au propriétaire du terrain d’enlever le panneau d’affichage de permis de construire. Par voie de conséquence, l’arrêté portant cette injonction est illégale et encourt l’annulation.

    CAA. Lyon, 13 juillet 2006, Cne de Crest-Volant, req. n°03LY00082


    Dans cette affaire, une SCI avait présenté une demande de permis de construire sur laquelle l’administration n’avait pas statué au terme des délais qui lui étaient offerts à cet effet. S’estimant ainsi titulaire d’un permis de construire tacite, ladite société allait décider de procéder à l’affichage de celui-ci sur le terrain des opérations comme le prescrit, en pareil cas, l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme. Le Maire de la commune concernée devait, toutefois, lui enjoindre, par arrêté, de procéder à l’enlèvement de ce panneau d’affichage au motif qu’il ne pouvait se prévaloir d’aucun permis de construire tacite.

    En première instance, le pétitionnaire obtint l’annulation de cet arrêté et saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Lyon, confirma le jugement du Tribunal administratif de Grenoble au motif suivant :

    « Considérant que si l'affichage d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux par les soins du pétitionnaire sur le terrain d'assiette du projet est une formalité obligatoire qui a notamment pour but d'assurer l'information des tiers et de faire courir le délai de recours contentieux, son accomplissement ne crée en lui-même aucun droit au profit de celui qui y procède ; que le maire, auquel les articles L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme donnent le pouvoir d'ordonner l'interruption de travaux de construction effectués sans autorisation, qu'il y ait ou non affichage, ne tient d'aucune disposition législative ou réglementaire, le pouvoir d'ordonner l'enlèvement de panneaux d'affichage de permis de construire ou déclarations de travaux installés sur un terrain privé ; que par suite, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la SCI Le Bostu se trouvait ou non titulaire d'autorisations tacites, l'arrêté du maire de Crest-Voland du 10 septembre 2001 enjoignant à la SCI Le Bostu de procéder à l'enlèvement de panneaux d'affichage de déclarations de travaux est entaché d'illégalité ».

    On sait, pourtant, qu’aux termes de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme le maire peut non seulement saisir l’autorité judiciaire aux fins qu’elle ordonne l’interruption des travaux entrepris sans autorisation ou ordonner lui-même, par arrêté, cette interruption mais peut également « prendre toutes mesures de coercition nécessaires pour assurer l'application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté, en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés ou du matériel de chantier ».

    A ce titre, il a pu être jugé que le maire pouvait ordonner l’interruption de simples travaux préparatoires dès lors qu’ils ne sont pas détachables d’un projet de construction soumis à autorisation (CAA. Marseille, 18 mai 2006, M. Georges X., req. n°03MA00455 ; cf : note du 12 juillet 2006 et voir aussi ici). Il n’est donc pas totalement déraisonnable de considérer que les dispositions de l’article précité pourraient, dans certains cas, autoriser le maire à ordonner l’enlèvement d’un panneau d’affichage, notamment, lorsque son apposition n’est destinée qu’à donner aux travaux entrepris une apparence de régularité alors que ces derniers n’ont pas été autorisés.

    Il reste que les mesures de coercition prévues par l’article L.480-2.al.-7 du Code de l’urbanisme sont conçues comme des mesures accessoires destinées, si besoin est, à faire respecter la décision judiciaire ou l’arrêté ordonnant l’interruption de travaux illégaux. Or, en l’espèce, aucune interruption des travaux n’avait précédemment été ordonnée et, bien plus, il semble même qu’aucun travaux n’ait été préalablement entrepris.

    Par voie de conséquence, l’injonction litigieuse n’était aucunement rattachable aux dispositions des articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme. On peut, d’ailleurs, relever que c’est la commune qui avait interjeté appel du jugement de première instance et qui fut condamnée, au titre de l’article L.760-1 du Code de justice administrative, à supporter les frais dits « irrépétibles » cependant que dans le cadre des articles précités le maire intervient en tant qu’agent de l’Etat. Ce dont il résulte, notamment, qu’une commune n’a pas intérêt à interjeter appel des jugements annulant les mesures édictées par le maire sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme (CAA. Nancy, 5 février 1998, Cne d’Aubers, req. n°94NC01313) et ne peut être condamnée à supporter les frais irrépétibles relatifs aux instances portant sur la légalité de tels mesures (CE. 29 décembre 2004, Cne de Vidauban, req. n°266.234).

    Il faut donc en déduire que tant le Tribunal administratif de Grenoble que la Cour administrative d’appel de Lyon ont donc bien considéré que l’arrêté contesté ne pouvait été réputé édicté sur le fondement des articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Et dans la mesure où, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n’était susceptible de lui conférer une base légale, l’arrêté litigieux fut donc annulé et le jugement de première instance confirmé.

    Dans cette affaire, il semble que tout l’enjeu du contentieux opposant les parties était de savoir si le pétitionnaire était ou non titulaire d’un permis de construire tacite. Il reste que dans la mesure où, ainsi que l’a relevé la Cour :

    - d’une part, le panneau d’affichage prescrit par les articles A.421-39 et A.421-7 du Code de l’urbanisme ne vise qu’à assurer l’information des tiers si bien que, par voie de conséquence, « son accomplissement ne crée en lui-même aucun droit au profit de celui qui y procède » et, en d’autres termes, ne saurait emporter à son bénéfice la formation d’un permis de construire tacite ;

    - d’autre part, les articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme « donnent le pouvoir d'ordonner l'interruption de travaux de construction effectués sans autorisation » et ce, « qu'il y ait ou non affichage » ;

    la légalité de l’injonction contestée n’impliquait donc pas « de rechercher si la SCI se trouvait ou non titulaire d'autorisations tacites »…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • L’aménagement d’une aire de stockage de bateaux est assujetti à autorisation « ITD » et les travaux préparatoires s’y rapportant peuvent, à défaut d’autorisation, être interrompus sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    Un bateau constitue un véhicule au sens de l’article R.422-2 du Code de l’urbanisme. Par voie de conséquence, les aires de stockage de bateaux de dix unités et plus, aménagées pour une durée supérieure à trois mois, relèvent du champ d’application de l’autorisation d’installations et de travaux divers. Par ailleurs, dès lors que les travaux préparatoires en cours d’exécution ne sont pas détachables d’un projet assujetti à une autorisation d’urbanisme, ceux-ci peuvent légalement donner lieu à l’édiction d’un l’arrêté interruptif pris sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme, y compris s’ils ne sont en eux-mêmes assujettis à aucune autorisation.

    CAA. Marseille, 18 mai 2006, M. Georges X…, req. n°03MA00455

    Dans cette affaire, la demande d’autorisation d’installations et de travaux divers (« ITD ») présentée par le pétitionnaire avait été rejetée au motif tiré de ce que l’aménagement projeté – en l’occurrence, une aire de stockage de bateaux assortie d’une rampe d’accès à la mer – méconnaissait les dispositions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme ainsi que les prescriptions subséquentes des articles ND.1 et ND.2 du POS communal. Mais nonobstant ce refus d’autorisation, le pétitionnaire devait engager les travaux projetés, lesquels firent conséquemment l’objet d’un arrêt en ordonnant l’interruption sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme.

    Après que le recours en annulation engagé à l’encontre tant de l’arrêté portant refus d’autorisation que de l’arrêté interruptif des travaux eu été rejeté par le Tribunal administratif de Nice, le constructeur saisit alors la Cour administrative d’appel de Marseille.

    S’agissant de la légalité du refus d’autorisation, d’une part, la principale question avait trait à l’assujettissement des travaux projetés à autorisation « ITD » dont le champ d’application est strictement défini par l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme, lequel vise notamment « les aires de stationnement ouvertes au public et les dépôts de véhicules, lorsqu'ils sont susceptibles de contenir au moins dix unités» (b), « lorsque l'occupation ou l'utilisation du terrain doit se poursuivre durant plus de trois mois ». En effet, lorsqu’un projet de construction n’est pas assujetti à l’autorisation d’urbanisme pourtant sollicitée par le constructeur, l’administration doit la refuser mais ce, uniquement sur le motif tiré du non-assujettissement à l’autorisation demandée : tout autre motif de refus étant donc illégal (pour exemple : TA. Nice, 18 novembre 1999, M. Carl c/ Cne de Menton, req. n°95-3794).

    Et sur ce point, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé « qu’il ressort des pièces du dossier que le projet en litige visait à organiser sur un terrain de 1940 m2 comportant déjà un bâtiment à usage de garage à bateaux, le stationnement en extérieur de bateaux de plaisance en nombre supérieur à 10 pour une durée de plus de trois mois ; qu'à supposer même que ce projet prenne la suite d'une précédente activité de stockage de bateaux antérieure à l'approbation du plan d'occupation des sols de la commune, qui au demeurant n'avait jamais fait l'objet d'une autorisation, il porte sur une extension de cette activité devant faire l'objet de l'autorisation prévue à l'article R.442-2 du code de l'urbanisme ».

    En d’autres termes, la Cour a donc considéré qu’un bateau constitue donc un véhicule au sens de l’article R.442-2-b) du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, a donc jugé que l’aménagement d’une aire de stockage de bateaux d’une capacité d’accueil de dix unités et plus exigeait l’obtention préalable d’une autorisation « ITD ». Il faut donc en déduire que l’article précité vise tout type de véhicules, à savoir non seulement les véhicules terrestres mais également les véhicules nautiques, voire les véhicules aériens.

    Constatant que l’aire de dépôt projetée était incompatible avec les prescriptions de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme et, en outre, interdite par les prescriptions combinées des articles ND.1 et ND.2 du POS communal, la Cour administrative d’appel de Marseille a donc validé tant le refus d’autorisation « ITD » opposé au pétitionnaire que son motif.

    Quant à la légalité de l’arrêté interruptif des travaux, d’autre part, le requérant faisait valoir que les travaux constatés par le procès-verbal d’infraction étaient des travaux préparatoires dont l’exécution ne pouvait justifier un arrêté interruptif des travaux dans la mesure où, pris isolément, ces travaux ne relevaient du champ d’application d’aucune autorisation d’urbanisme.

    On sait en effet que le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser qu’un arrêté interruptif pris sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme est illégal si les travaux sont achevés et qu’il en va ainsi lorsque les travaux en cours d’exécution sont des travaux de finition ne relevant pas en eux-mêmes du champ d’application d’une autorisation d’urbanisme (CE. 2 mars 1994, Cne de Saint-Tropez, req. n°135.448).

    A priori, la même conclusion pouvait s’imposer pour ce qui concerne les travaux préparatoires. Il reste que la position du Conseil d’Etat sur ce point n’est pas si éloignée de celle au terme de laquelle il considère, en tant que juge des référés, qu’il n’y a plus urgence à suspendre un permis de construire lorsque les travaux sont achevés ou quasi-achevés et, par voie de conséquence, il n’y a plus lieu alors de statuer sur les requêtes présentées à cet effet (CE. 26 juin 2002, Demblans, Juris-data n°2002-064059).

    Or, s’il n’est plus utile d’ordonner l’interruption des travaux illégalement entrepris lorsque ceux-ci sont quasi-achevés, force est d’admettre qu’il peut être opportun d’ordonner l’interruption de travaux préparatoires à une opération assujettie à l’obtention préalable d’une autorisation d’urbanisme. D’ailleurs, le Conseil d’Etat déduit l’urgence à suspendre l’exécution d’une autorisation d’urbanisme du seul fait que les travaux ainsi autorisés sont susceptibles d’être entrepris à tout moment.

    Et précisément, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que « si M. X soutient que le maire de Théoule-sur-Mer ne pouvait ordonner l'interruption de travaux qui n'étaient pas soumis à délivrance d'une autorisation, il ressort de l'instruction que les travaux entrepris n'étaient pas détachables de l'opération dont la réalisation avait fait l'objet d'un refus le 31 mars 2000 ; qu'au vu du procès-verbal constatant cette infraction, le maire de Théoule-sur-Mer était donc tenu, comme il l'a fait le 5 octobre 2001, de prendre un arrêté prescrivant la cessation des travaux en cause, sur le fondement des dispositions de l'article L.480-2 du code de l'urbanisme ».

    S’ils sont illégaux, les travaux préparatoires à une opération assujettie à autorisation d’urbanisme peuvent donc être interrompus sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme, y compris s’ils n’exigent pas en eux-mêmes une telle autorisation puisqu'ils doivent néanmoins relever de celle-ci (sur ce point, voir ici).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés