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La charge des mesures de restitution prévues par l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme peut être contractualisée

Dans la mesure où les mesures de restitution prévues par l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme ne sont pas des sanctions pénales mais présentent un caractère réel, la charge celle-ci peut être contractualisée. Il s’ensuit que le vendeur d’un bâtiment qu’il a construit en méconnaissance des prescriptions d’urbanisme qui lui étaient opposables peut transférer à son acquéreur l’obligation de supporter les conséquences de ces mesures.

Cass. civ., 22 novembre 2006, Sté Palmetto & autres, pourvoi n° 05-14.833.


Dans cette affaire, la SCI Le Cap avait construit un immeuble en méconnaissance des prescriptions d’urbanisme qui lui étaient opposables et, par voie de conséquence, ses deux associés devaient être poursuivis et condamnés à des peines d’amende sur le fondement de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme ; condamnation assortie, au titre des articles L.480-5 et L.480-7, d’une mesure de restitution consistant, en l’occurrence, à démolir l’ouvrage illégal et à la remise des lieux en leur état antérieur.

L’Etat devait ainsi faire procéder à la démolition d’office de cette construction dont les frais furent supportés par l’un des associés de la SCI précitée, conformément aux dispositions de l’article L.480-9 du Code de l’urbanisme. Il reste qu’en cours d’instance, cette dernière avait vendu à des tiers l’ouvrage litigieux, lesquels l’avaient eux-mêmes ensuite cédé à la société Palmetto et ce, par une série d’actes de vente aux termes desquelles l’acquéreur de l’immeuble garantissait le vendeur des conséquences de l’illégalité de la construction litigieuse et, par voie de conséquence, du coût d’une éventuelle démolition de cette dernière.

C’est pourquoi l’associé de la SCI Le Cap qui en avait supporté les frais se retourna contre la société Palmetto pour lui en demander le remboursement. Mais confirmant le jugement de première instance, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence devait rejeter cette demande aux motifs, en substance, que la charge des mesures prononcées sur fondement de l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme ne pouvait pas être contractualisée et qu’au surplus, dans la mesure où cette société n’avait pas été condamnée et que le seul fait qu’elle ait acquis l’ouvrage ne l’obligeait pas à payer la démolition, la demande dudit associé consistait à faire supporter à cette dernière les conséquences de ses propres infractions.

Il reste que la Chambre civile de la Cour de cassation censura donc ces motifs et cassa conséquemment l’arrêt d’appel en jugeant que :

« Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt relève que la mesure réelle de restitution prise en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme a été prononcée à la suite de la condamnation de M. X... pour infractions au code de l'urbanisme, que la société Palmetto n'a pas été condamnée et retient que le fait que celle-ci ait acquis le terrain comportant les constructions illicites ne l'oblige pas à supporter les frais de leur démolition qui doivent être payés par ceux qui ont été condamnés, la demande de M. X... revenant à faire supporter par d'autres les conséquences de sa faute ; que par motifs adoptés, l'arrêt retient que la société Palmetto ne pouvait en 1997 prendre l'engagement de relever et garantir ses vendeurs des conséquences du comportement infractionnel réalisé par M. X... dans les termes de la prévention pénale pour laquelle il sera condamné en 1999 et 2000 ;
Qu'en statuant ainsi alors que les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme destinées à faire cesser une situation illicite ne constituant pas des sanctions pénales peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur du bien illégalement construit, la cour d'appel a violé les textes susvisés
».

Une telle solution est pour le moins logique au regard de la jurisprudence antérieure de la Haute Cour. En effet, si les peines prononcées sur le fondement de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme constituent des sanctions pénales, telles n’est pas le cas des mesures prévues par l’article L.480-5, lesquelles présentent au regard d’une jurisprudence dorénavant bien établie un caractère réel (Cass. crim, 14 novembre 1989, A. Léon, pourvoi n°88-86.595) : de ce fait, rien ne s’oppose donc à ce que leur charge soit contractualisée ; ce que confirme donc l’arrêt commenté.

Au surplus, il n’existe pas nécessairement de lien entre l’auteur des travaux litigieux au sens de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme et le bénéficiaire de ces derniers au regard de l’article L.480-5 puisque la Cour de cassation a jugé que la seule constatation que la personne poursuivie ait été responsable des travaux et condamnée à ce titre ne suffit pas à établir qu’elle ait la qualité de bénéficiaire des travaux lorsqu’elle n’est ni propriétaire de l’ouvrage, ni propriétaire du terrain (Cass.crim, 10 janvier 1996, M. Jean Simon, Bull. crim., n°13) et, a contrario, que le seul fait d’être propriétaire du terrain d’assiette de la construction litigieuse pouvait conférer à une personne la qualité de bénéficiaire des travaux irréguliers quand même n’en était-elle pas l’auteur (Cass. crim., 6mars 2001, Crestey Isabelle, RDI, 2002, p.70).

En revanche, la circonstance que la vente de l’ouvrage litigieux et que la conclusion des actes par lesquels les acquéreurs de ce dernier garantissaient leur vendeurs des conséquences de son irrégularité soient intervenues en cours d’instance ne nous paraît pas déterminant.

Il est vrai que l’article L.480-7 du Code de l’urbanisme prévoit que « le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers (...) un délai pour l'exécution de l'ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation » et qu’à la date du prononcé des sanctions pénales et des mesures de restitution respectivement prévues par les articles L.480-5 et L.480-5, la société Palmetto était déjà devenue propriétaire de la construction irrégulière à démolir. En première analyse, il pourrait donc être considéré qu’il était normal que la société Palmetto supporte les frais de la démolition ordonnée puisqu’elle était alors bénéficiaire des travaux et, par voie de conséquence, que la clause aux termes de laquelle elle garantissait le vendeur des conséquences de l’irrégularité de l’ouvrage acquis n’était que la conséquence normale de cette qualité.

Il reste qu’il est de jurisprudence constante que la remise en état des lieux incombe au bénéficiaire des travaux à la date des faits, sans qu’est donc d’incidence la circonstance que le prévenu ait ultérieurement perdu cette qualité (Cass. crim., 20 octobre 1993, Charpentier, Bull.crim. n°305) : cette circonstance et une interprétation littérale des termes de l’article L.480-7 ne sauraient donc expliquer la solution retenue. On relèvera, d’ailleurs, que l’attendu précité de l’arrêt commenté est indépendant de toute considération liée à la détermination de la personne effectivement bénéficiaire des travaux irréguliers mais procède du seul principe selon lequel « les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme destinées à faire cesser une situation illicite ne constituant pas des sanctions pénales, (elles) peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur du bien illégalement construit ».

Mais pour conclure, on peut se demander si une convention ayant pour effet de transférer la responsabilité de ces mesures de restitution est opposable à l’administration agissant sur le fondement de l’article L.480-9 du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, si cette dernière peut néanmoins solliciter le paiement des travaux de démolition auprès de la personne à l’encontre de laquelle la mesure de restitution a été prononcée, c’est-à-dire quand bien même cette dernière en aurait-elle contractuellement transféré la charge à un tiers.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

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