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  • Sur la division en volume comme échappatoire à la procédure de lotissement

    Un acte de cession de droits de superficie perpétuels stipulant que chaque lot comporte la pleine propriété des volumes et que chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions n’est pas constitutif d’un lotissement lorsque la division qu’il organise entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle.

    CE. 30 novembre 2007, Ville de Strasbourg, req. n°271.897


    Voici un arrêt d’importance dont on a, d’ailleurs, du mal à saisir pourquoi il n’a pas vocation à être publié ou, à tout le moins, mentionné au recueil puisqu’il tend à valider la technique dite de la division en volume comme possible échappatoire au lotissement.

    On sait, en effet, que les contraintes générées par la procédure de lotissement avait conduit à développer des techniques spécialement mises en place pour y échapper. C’est le cas de la technique de la copropriété horizontale et de la division en volume.

    Partant du principe selon lequel l’ancien article R.315-1 comme le nouvel article L.442-1 du Code de l’urbanisme ne visent que les divisions foncières, la technique de la copropriété horizontale avec division en volume consiste, en résumé, à prévoir que le terrain restera commun à tous les copropriétaires tant dans sa propriété que dans son usage ; chacun des copropriétaires du terrain se bornant à acquérir un volume surplombant ce terrain en application l’article 552 du Code civil, lequel permet de dissocier la propriété du sous-sol, du sol et de l’espace le surplombant.

    En substance, cette technique consiste donc à vendre ou à concéder l’usage non du sol de l’unité foncière, mais l’usage du volume présent en superficie. Ce faisant, chaque copropriétaire est supposé pouvoir construire sur ce terrain indivis son bâtiment, lequel aurait ainsi pour assiette la totalité de l’unité foncière qui n’est donc pas divisée.

    Cette technique a donné lieu à d’aussi nombreux que vifs échanges entre la doctrine et les praticiens pendant plusieurs années. Mais il vrai que les premiers arrêts touchant à la validité de cette technique et censés la censurer n’étaient pas des plus explicites (CE. 2 février 1977, Crespin, JCP G., 1977, 18751 ; CE. 26 septembre 1990, Seguin, JCP. N., 1991, p.85 ; CE. 13 octobre 1993, SCI ME Promotion ; CE. 13 décembre 1993, Fernandez, JCP. N., 1994, II., p.114 ; CAA. Nantes, 31 mai 1995, SNC Les Rouges-Gorges, req. n° 93-131). Mais cette technique devait être condamnée par l’arrêt par lequel le Conseil d’Etat jugea que :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 26 juillet 1977 : "Constitue un lotissement, au sens du présent chapitre, toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de la propriété" ; que le terrain ayant fait l'objet du permis de construire délivré en 1989 à MM. Moncamp et Salesses, puis transféré à la SCI "Entre Deux Mers", résulte de divisions et de cessions opérées depuis le 27 septembre 1967, date d'un règlement de copropriété qui a autorisé les copropriétaires à édifier ou à céder à des tiers le droit d'édifier des bâtiments et parkings et divisé, à cette fin, le terrain en 19 lots, les propriétaires de ces lots ayant la jouissance exclusive et perpétuelle des parties privatives des immeubles à y construire ; que la SCI "Résidence des Deux Mers", titulaire du permis de construire initial délivré le 3 juin 1965 sur un tènement unique, a immédiatement appliqué le règlement de copropriété en cédant à deux autres sociétés des lots dont elle ne souhaitait pas conserver la propriété et, ce faisant, procédé à une division volontaire de la parcelle d'origine ; que cette opération, qui a conféré à chacun des trois bénéficiaires un droit exclusif de construction sur son lot, les a placés dans la situation prévue par les dispositions susrappelées du code de l'urbanisme, alors même que la propriété du sol est restée indivise entre eux ; que, par suite et contrairement à ce que soutient la VILLE DE TOULOUSE, le terrain d'assiette de l'immeuble que MM. Moncamp et Salesses, puis la SCI "Entre Deux Mers" ont été autorisés à construire en 1989 relevait bien du régime des lotissements ; que la VILLE DE TOULOUSE ne peut utilement se prévaloir de ce que les bâtiments édifiés sur les autres lots de la copropriété étaient achevés depuis le 29 septembre 1971, c'est à dire depuis plus de dix ans à la date du permis contesté, pour soutenir que l'immeuble ayant fait l'objet de ce permis ne pouvait être regardé comme faisant partie d'un lotissement » (CE. 21 août 1996, Ville de Toulouse, REQ. N° 137.834).

    Ainsi, le véritable critère de la division foncière au sens de l’article R.315-1 du Code de l’urbanisme et donc du nouvel article L.442-1 apparaissait être celui du nombre de maître d’ouvrage : chaque fois que sur une unité foncière plusieurs maître d’ouvrage décident de construire un bâtiment, il semblait devoir y avoir division foncière, au moins en jouissance, c’est-à-dire une division emportant un transfert du « bénéfice (d’un) droit à construire » (CAA. Versailles, 8 juin 2006, Dos Santos, req. n°04VE03538 ; confirmé par le Conseil d'Etat) sur le terrain. Par la suite de nombreux autres arrêts devaient conduire à condamner cette technique :


    « Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'unité foncière appartenant initialement à M. IMBERT a, dans un premier temps, été divisée en deux parcelles A et B en vue de l'implantation de bâtiments ; que dans un délai inférieur à dix ans, le permis de construire litigieux a été délivré sur la parcelle B de 1 078 m2 à l'indivision formée par MM. THEODAS et BELCASTRO en vue de l'édification de deux maisons d'habitation séparées et bénéficiant d'accès indépendants ;
    Considérant qu'il résulte de l'attestation notariale versée au dossier que la parcelle en cause a été placée sous le régime de la copropriété et divisée en deux lots ; que M. et Mme REQUENA soutiennent sans être contredits que chacun des deux copropriétaires dispose d'un droit de jouissance exclusif sur la partie du terrain correspondant à son lot de copropriété qui constitue avec la maison individuelle à construire, la partie privative de la copropriété ; que par suite, et même si le sol doit rester une propriété indivise correspondant aux parties communes de la copropriété, l'établissement de ce régime de copropriété réalise ainsi une division en jouissance de ladite parcelle ; que cette opération effectuée en vue de l'implantation de bâtiments qui a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de l'unité foncière initiale a constitué un lotissement relevant des dispositions de l'article R.351-1 précité ; qu'en conséquence faute de délivrance préalable de l'autorisation de lotir exigée par les dispositions de l'article R.351-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire litigieux ne pouvait être régulièrement accordé » (CAA. lyon, 21 mars 1997, M. Theodas, Req. n° 94LY01852)
    ;



    « Considérant que le permis délivré le 26 septembre 1996 par le maire de VILLENEUVE-LOUBET autorisait la société SOPRAF à édifier 7 maisons individuelles sur un même terrain ; que cependant il ressort des pièces du dossier que par une convention de construction passée le 26 novembre 1996 avec 7 autres propriétaires, la société PHENICIA, ayant acquis ledit terrain, postérieurement à la délivrance du permis, s'est engagée à "obtenir le permis de construire ..., transférer le permis de construire au profit des coindivisaires", tandis que les "futurs acquéreurs achèteront les lots de copropriété, procéderont eux-mêmes à la construction des maisons qui y sont prévues", et obtiendront "le transfert du permis de construire à leur nom" ; que par acte du même jour, la société a vendu les droits à construire des bâtiments autorisés par le permis à 7 copropriétaires dont chacun s'est vu attribuer un certain nombre de millièmes du terrain lequel reste cependant, selon l'état descriptif de division établi à la même date, "commun en toutes ses parties y compris celles sur lesquelles sont édifiées les constructions", les seules parties privatives étant constituées par les aménagements que comporte la maison individuelle prévue sur le lot ; que ces divers actes établissent que l'opération de construction projetée consistait en l'édification de 7 villas par 7 propriétaires différents ; que la construction par chaque coindivisaire sur un même terrain d'une villa destinée à devenir sa propriété exclusive et particulière emportant nécessairement la subdivision en jouissance dudit terrain, alors même que la propriété du sol est restée indivise, constitue une opération de lotissement au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi la société SOPRAF ne pouvait solliciter le permis critiqué sans demander préalablement l'autorisation de lotir prévue par l'article R. 315-3 du code de l'urbanisme ; que par suite, ledit permis est entaché d'irrégularité » (CAA. Marseille., 3 JUIN 1999, SOFRAP & Cne de Villeneuve-Loubet, Req. n° 97MA05313) ;


    « Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier et, notamment du règlement de copropriété établi le 30 septembre 1997 devant notaire et enregistré le 30 octobre 1997 à la conservation des hypothèques d'Antibes 2ème bureau, postérieurement à la date de délivrance du permis de construire, que le terrain d'assiette a été placé sous le régime de la copropriété et divisé en quatre lots à usage de villas et de garage, et que chacun des copropriétaires dispose d'un droit de jouissance exclusif sur la partie du terrain correspondant à son lot de copropriété, le sol reste toutefois commun en toutes ses parties, y compris celles sur lesquelles sont édifiées les constructions ; que, si cette opération, irrégulière au regard de l'article R.315-1 du code de l'urbanisme qui dispose que constitue un lotissement au sens du présent chapitre, toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété, elle n'est pas pour autant révélatrice de manoeuvres frauduleuses dont se serait rendu coupable M. X et de nature à induire en erreur l'administration, laquelle ne pouvait, à l'issue de l'instruction, ignorer la nature du projet » (CAA. MARSEILLE., 9 décembre 2004, M. Patrick X, REQ. N° 00MA02340).



    Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux paru remettre en cause cette tendance jurisprudentielle en soulignant que « la privatisation de l’emprise au sol des habitations ne constitue pas en elle-même une opération de division de ce sol ». Il reste, outre la circonstance qu’il s’agissait dans cette affaire d’un bâtiment unique (destiné à accueillir deux habitations), la Cour avait précédemment souligné qu’il n’était pas « établi que chacune des habitations soit destinée à devenir la propriété exclusive et particulière de chaque occupant » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, req. n° 97BX02195).

    Venons-en maintenant à l’affaire objet de l’arrêt commenté et dans laquelle les deux permis de construire attaqués portaient sur deux immeubles distincts et avaient été délivrés à un bénéficiaire n’étant pas propriétaire de l’unité foncière sur laquelle ces permis portaient, laquelle provenait d’une première division non constitutive d’un lotissement mais ayant moins de dix ans d’ancienneté.

    En première instance, le Tribunal administratif de Strasbourg devait ainsi considérer que la cession à un acquéreur unique de deux droits de superficie perpétuels consistant en deux volumes n’emportait aucune division en jouissance exclusive ou en pleine propriété de la parcelle concernée (TA. Strasbourg, 25 janvier 2000, M. et Mme Maleriat-Bihler c/ Ville de Strasbourg & SCI CK, req. n° 98-769).

    Mais ce jugement devait être annulé et réformé par la Cour administrative d’appel de Nancy qui pour sa part jugea que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette des constructions projetées par la SCI CK était initialement constitué d'une seule parcelle cadastrée n°1234 appartenant à la société d'économie mixte de la région de Strasbourg (SERS) ; qu'en 1992, une parcelle 1/79 en a été détachée pour être cédée à la SCI Paul Claudel ; que, par un acte de vente du 11 juin 1997, la SERS a cédé à la SCI CK sur la parcelle restante n°1275 deux droits de superficie perpétuels consistant en deux volumes , entre la cote - 20 m et la cote + 40 m, correspondant aux lots de superficie II et III, sur lesquels le maire de Strasbourg a autorisé l'édification de deux bâtiments B et C par deux permis de construire en date du 18 novembre 1997 et du 19 janvier 1998 ;
    Considérant que M. et Mme Y font valoir que le cahier des servitudes et des charges en date du 11 juin 1997, auquel se réfère l'acte de vente du même jour, fixe l'utilisation des droits de superficie, et stipule que chaque lot comporte la pleine propriété des volumes impliquant le droit de réaliser à l'intérieur toutes constructions devant devenir la propriété du propriétaire du volume après leur réalisation, et que chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions ; que, dans ces conditions, l'acte de vente a pour objet, non pas de procéder à la division en volumes de la propriété de la SERS, mais à une division en lots destinés à être construits ; que, par suite, elle aboutit à une division foncière au sens de l'article R. 315-9 du code de l'urbanisme, entraînant l'application du régime du lotissement, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que des servitudes croisées sur les lots ainsi cédés ont été établies et qu'une association syndicale gérera l'ensemble des lots ;
    Considérant, en conséquence, que les divisions foncières auxquelles il a été procédé ayant eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de la propriété initiale, les permis de construire contestés auraient dû être précédés d'une autorisation de lotir, et sont, dès lors, entachés d'irrégularité » (CAA. NANCY, M. & MME MALERIAT-BIHLER, REQ. N° 00NC00512).


    Il reste, donc, que saisi d’un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt précité, le Conseil d’Etat devait considéré que le « montage » en cause n’était pas constitutif d’un lotissement et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la VILLE DE STRASBOURG a délivré à la société civile immobilière C+K, les 18 novembre 1997 et 19 janvier 1998, deux permis de construire autorisant la construction de deux immeubles sur une parcelle sur laquelle deux droits de superficie perpétuels avaient été cédés à cette société civile immobilière par la société d'économie mixte de la région de Strasbourg ; que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, par deux jugements du 25 janvier 2000, les requêtes par lesquelles M. et Mme A demandaient l'annulation de ces permis de construire ; que la cour administrative d'appel de Nancy, a, par un arrêt du 24 juin 2004, annulé les jugements et les permis attaqués ; que la VILLE DE STRASBOURG se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
    Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
    Considérant qu'aux termes de l'article R. 315-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété ( ) ; qu'il résulte de ces dispositions que l'édification sur une parcelle de plusieurs constructions ne peut être regardée comme constitutive d'un lotissement que si la parcelle servant d'assiette aux constructions a été divisée en jouissance ou en propriété ;
    Considérant que, par suite, en jugeant, pour annuler les jugements du tribunal administratif de Strasbourg du 25 janvier 2000 et les permis litigieux, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et notamment des clauses de l'acte de vente aux termes desquelles chaque lot comporte la pleine propriété des volumes et chaque propriétaire de lot sera propriétaire des constructions, que l'acte de vente avait pour objet de procéder à une division en lots, alors que la division de ces lots entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ; que son arrêt doit être annulé pour ce motif
    ».


    Force est ainsi d’admettre que la solution ici retenue est fort éloignée de celle de la jurisprudence précitée dite « Ville de Toulouse » et, surtout, des conclusions rendues par le Commissaire du gouvernement dans cette affaire, lequel avait précisé :

    « L’article R.315-1 (…) précise que les démembrements à prendre en compte sont toutes les division en jouissance résultant de mutation à titre gratuit ou onéreux, de partages ou de locations. Cette définition large a donc pour conséquence de condamner la pratique de la copropriété horizontale, comme l’étaient auparavant les divisions en jouissance sous le régime issu du décret de 1954. Et l’on ne peut échapper à la réglementation des lotissements lorsque, sur un terrain unique appartenant à une indivision, on envisage plus de deux constructions à réaliser au profit de maîtres d’ouvrages différents, dès lors que les maisons à édifier sont destinées à devenir la propriété exclusive de chacun des membres de l’indivision ».

    Néanmoins, il n’est pas si certain que cet arrêt consacre effectivement et en toute hypothèse, la technique de la division en volume comme permettant d’échapper au lotissement dans la mesure où, les deux volumes en cause, d’une part, avaient été cédés à un seul et même bénéficiaire, titulaire des deux permis de construire contestés et, d’autre part, semblaient recouvrir l’intégralité de l’unité foncière sur laquelle ces permis portaient.

    Aussi, en jugeant que « la division de ces lots entre les futurs copropriétaires des immeubles collectifs autorisés par les permis de construire litigieux n'emporte pour eux ni propriété ni jouissance exclusive et particulière du sol d'assiette de la parcelle » et, par voie de conséquence, n’emporte pas la création d’un lotissement, le Conseil d’Etat ne nous semble pas avoir retenue une solution très éloigné de celle par laquelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que « la privatisation de l’emprise au sol des habitations ne constitue pas en elle-même une opération de division de ce sol » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, req. n° 97BX02195).



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur le contentieux des actes portant approbation d’une carte communale (suite)

    La délibération par laquelle l'organe délibérant de la commune approuve la carte communale ne revêt pas le caractère d'une mesure préparatoire à la décision du représentant de l'Etat mais d'une décision à effet différé jusqu'à la publication de ces deux décisions dans les conditions prévues par l'article R. 124-8 du code de l'urbanisme. La délibération du conseil municipal peut dès lors être directement contestée devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à l'expiration du délai de recours qui a commencé à courir à compter de cette publication.

    CE. avis du 28 novembre 2007, n°303.421

     

    Dans une note du 21 novembre 2007, nous avons commenté l'arrêt par lequel la Cour administrative a jugé:

    « Considérant que s'il résulte des dispositions qui précèdent que les cartes communales font l'objet d'une approbation donnée distinctivement par le conseil municipal et le préfet, leur entrée en vigueur est subordonnée à l'approbation préfectorale ; que si l'approbation donnée par le conseil municipal ne revêt ainsi qu'un caractère préparatoire à la décision du préfet, laquelle peut seule faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, les requérants sont recevables à exciper, à l'appui d'un tel recours, des éventuelles irrégularités entachant la délibération préalable du conseil municipal » (CAA. Nancy, 8 novembre 2007, SCI Gelucourt, req. n°06NC00702) ;

    et ce, après avoir précédemment jugé que:

    « Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la délibération du conseil municipal ou de l'établissement public de coopération intercommunale approuvant une carte communale est un simple acte préparatoire à la décision du préfet arrêtant la carte communale, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que par suite, les conclusions de la demande des époux X devant le tribunal administratif étaient irrecevables en tant qu'elles tendaient à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune d'Aussonce en date du 15 avril 2003 approuvant le projet de carte communale » (CAA. Nancy, 4 août 2006, M. et Mme Jean-Louis X., req. n°05NC00237).

    Mais cette solution vient donc d'être infirmée par le Conseil d'Etat, lequel a estimé que :

    "Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 en vigueur à la date à laquelle s'est noué le litige qui a conduit à la présente saisine : Les cartes communales sont approuvées, après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet. Les cartes communales approuvées sont tenues à la disposition du public.. La loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 a modifié cet alinéa, qui est désormais ainsi rédigé : les cartes communales sont approuvées après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet. Elles sont approuvées par délibération du conseil municipal puis transmises pour approbation au préfet, qui dispose d'un délai de deux mois pour les approuver. A l'expiration de ce délai, le préfet est réputé les avoir approuvées. Les cartes communales approuvées sont tenues à la disposition du public. Il résulte de ces dispositions, qui sont d'ailleurs sur ce point en continuité avec les dispositions antérieures de l'article L. 111-1-3 du code de l'urbanisme relatives à l'édiction des modalités d'application des règles générales d'urbanisme (MARNU), que l'adoption de la carte communale est subordonnée à une double approbation du conseil municipal et du représentant de l'Etat. Par suite, et nonobstant la circonstance que les dispositions introduites par la loi du 2 juillet 2003 précitée précisent que le préfet intervient après le conseil municipal, la délibération par laquelle l'organe délibérant de la commune approuve la carte communale ne revêt pas le caractère d'une mesure préparatoire à la décision du représentant de l'Etat mais d'une décision à effet différé jusqu'à la publication de ces deux décisions dans les conditions prévues par l'article R. 124-8 du code de l'urbanisme. La délibération du conseil municipal peut dès lors être directement contestée devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à l'expiration du délai de recours qui a commencé à courir à compter de cette publication".

    Tant la délibération du Conseil municipal que l'arrêté du Préfet portant approbation de la carte communale peut donc être déférés à la censure du juge de l'excès de pouvoir. Reste à savoir ce qu'il advient de recours exercé à l'encontre de la délibération lorsque le Préfet refuse de co-approuvé la carte communale ainsi adoptée par le Conseil municipal...

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris

    Cabinet FRÊCHE & Associés