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La notion d’achèvement des travaux au sens de l’articles R.462-1 du Code de l’urbanisme implique-t-elle que ces travaux aient été exécutés conformément à l’autorisation obtenue ?

La notion d’achèvement des travaux au sens de l’article R.462-1 du Code de l’urbanisme est comme en toute autre matière purement matérielle et, partant, indépendante de toute considération liée à la conformité juridique des travaux accomplis au regard de ceux autorisés par le permis de construire. Par voie de conséquence, la seule circonstance que les travaux n’aient pas été accomplis et donc achevés conformément au permis de construire pour ce qui concerne la destination des locaux ne s’oppose pas à ce que ces locaux fasse l’objet d’une déclaration de changement de destination leur conférant une destination administrative conforme à leur affectation réelle ou, a contrario, n’exige pas un « modificatif ».

 

CAA. Paris, 16 février 2016, SCI 29 Pasteur, req. n°14PA04047

 

Voici un arrêt d’autant plus intéressant qu’au-delà du sujet propre au cas d’espèce, et dont la solution retenue n’est pas strictement équivalente à celle adoptée par d’autres Cours, la question liée à la notion d’achèvement au sens du droit des autorisations de construire a été renouvelée par la jurisprudence récente du Conseil d’Etat liée au champ d’application des articles L.600-5 et L.600-5-1 du Code de l’urbanisme au regard du régime du permis de construire modificatif.

Dans cette affaire, la SCI appelante avait été rendu titulaire, par transfert, d’un permis de construire un ensemble immobilier de trois bâtiments dont certains locaux avaient été renseignés comme à destination de bureaux.

Mais dans le cadre de l’exécution des travaux ainsi autorisés, certains de ces locaux n’avaient finalement pas été aménagés à cet usage mais en tant que foyer d’accueil pour les demandeurs d’asile ; ce que le Tribunal puis la Cour devaient considérer comme constitutif d’un changement de destination justifiant que la Ville conteste la conformité des travaux accomplis dans le cadre des opérations de récolement appelés par la « DAACT » que ladite SCI avait précédemment formulée :

« 2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire a pris la décision attaquée suite à la réception le 12 janvier 2012 de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux et à une visite de récolement le 9 février 2012, aux motifs de " la modification de l'aménagement intérieur du bâtiment entraînant un changement de destination...de bureaux en foyer logements " et que " les réserves des pompiers ne sont pas levées " ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'aménagement intérieur d'une construction entre dans le champ du contrôle de conformité effectué sur le fondement des dispositions des articles L. 462-2 et R. 462-8 du code de l'urbanisme, lorsqu'il est accompagné d'un changement de destination ; que tel est le cas lorsque le projet implique de passer d'une destination de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme alors applicable à une autre ; que si le permis délivré en 2008 a été accordé notamment pour de " l'activité ", les notices PC 4 et 40 précisaient qu'il s'agissait de bureau, ainsi d'ailleurs que la requérante le qualifie elle-même dans sa requête ; que la destination réalisée conformément au projet, à savoir un foyer d'hébergement pour demandeurs d'asile mineurs, peut, en raison notamment de son objet, être qualifiée de construction d'intérêt collectif ; que, par suite, la commune était fondée, en application de l'article R. 462-9 du code de l'urbanisme, à mettre en demeure la SCI 29 Pasteur de régulariser la situation ; que, dès lors, les conclusions de la requête dirigées contre la décision du 21 février 2012 ne peuvent, au regard des moyens invoqués, qu'être rejetées ».

Il reste que dans la foulée de cette « DAACT », la SCI appelante avait précisément formulé une déclaration préalable se rapportant à ce changement de destination, auquel la Ville, avant même d’avoir notifié sa décision de contestation de la conformité des travaux accomplis au titre du permis de construire, devait opposer une décision d’opposition au motif que ce changement devait nécessairement relever d’un « modificatif » dès lors que le projet n’avait pas été achevé conformément au projet autorisé par le permis de construire et ce, comme il se devait, avant l’expiration du délai lui étant ouvert par l’article R.462-6 du Code de l’urbanisme.

Comme on le sait, en effet, toute modification d’un projet de construction en cours de réalisation au titre d’une permis de construire n’étant pas alors caduc doit en principe relever à tout le moins d’un « modificatif », y compris si pris isolément et/ou au regard du régime des travaux sur existants ces modifications pourraient relever d’une simple déclaration préalable, voire pourraient être dispensés de toute formalité.

Pour autant, la Cour devait donc annuler la décision d’opposition à la déclaration préalable de changement de destination au motif suivant ;

« 3. Considérant que la construction était matériellement achevée au plus tard le 12 janvier 2012, date de réception par l'administration de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux, sauf preuve contraire ; que la circonstance que des travaux ne sont pas conformes au permis est sans conséquence sur l'appréciation de leur achèvement, notion matérielle qui n'implique pas une conformité juridique ; que, dès lors, le maire ne pouvait, pour le motif d'une non-conformité des travaux réalisés, s'opposer à une déclaration préalable de changement de destination ; que, par suite, le jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête dirigée contre cette décision » ;

étant relevé que cette annulation n’avait aucune incidence sur la « validation » de la décision de contestation de la conformité puisque si cette contestation était postérieure à cette opposition, l’annulation de cette opposition n’avait pas pour effet de rendre, a fortiori rétroactivement, la SCI appelante d’une décision de non-opposition à déclaration préalable : cette annulation ne changeait donc rien à la circonstance de droit qu’à la date de cette décision de contestation, les travaux n’avaient pas été initialement réalisés conformément au permis de construire et n’avaient pas été régularisés. 

Il est vrai que :

- la notion d’achèvement relève d’une façon générale une appréciation purement matérielle, ce dont il résulte qu’un programme peut être considéré comme achevé alors même que l’achèvement peut-être une condition requise à l’engagement des travaux se rapportant au même programme, y compris si à cet égard le Code de l’urbanisme prévoit un dispositif spécifique pour en attester ; la raison pour laquelle notamment il a été récemment jugé que la seule circonstance que le lotisseur n’ait pas formulée une « DAACT » ne s’oppose pas à ce que les travaux d’aménagement du lotissement soit considérés comme achevés pour l’application de l’article R.442-18 du Code de l’urbanisme et la délivrance des permis de construire sur les lots à bâtir ;

- plus spécifiquement, l’obligation de régularisation de travaux non conformes à l’autorisation obtenue ne porte que sur l’élément de la construction non conforme, et non pas sur la totalité du projet ou du bâtiment concerné, et le cas échéant au regard du régime procédurale propre à cet élément.

Pour autant, la solution retenue en la matière par la Cour administrative d’appel dans cette affaire n’était pas si évidente.

Tout d’abord, force est de rappeler que l’article R.462-1 du Code de l’urbanisme dispose que : « la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux est signée par le bénéficiaire du permis de construire ou d'aménager ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou par l'architecte ou l'agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux ».

Par une seule et même déclaration valant comme une seule et unique attestation, le constructeur atteste donc tout à la fois tant de l’achèvement que de la conformité des travaux accomplis.

Néanmoins, il faut donc déduire de cet arrêt que cette « DAACT » est divisible sur ces points puisque son auteur peut donc irrégulièrement attester de la conformité des travaux, sans pour autant que cette irrégularité ne remette en cause la validité de cette même attestation pour ce qui concerne l’achèvement des travaux.

Ensuite, s’il est vrai a contrario que le seul fait qu’une construction n’ait pas été achevée au terme du délai de validité du permis de construire n’est pas constitutif d’une infraction et ne rend pas même cette construction irrégulière sur le plan administratif, il reste qu’il peut être constitutif d’une infraction lorsqu’en raison de l’inexécution d’une partie du projet, les travaux accomplis s’en trouvent non-conforme aux normes d’urbanisme ayant permis la délivrance de l’autorisation obtenue. D’ailleurs, l’autorité administrative compétente peut contester cette conformité dans le cadre des opérations de récolement appelés par la « DAACT » au motif de l’inachèvement du projet ; sauf bien entendu à ce qu’il s’agisse d’une déclaration partielle, voire pour le cas où une telle déclaration partielle aurait pu être régulièrement formulée.

Dès lors que, dans cette mesure, ce contrôle porte donc bien au moins indirectement sur l’achèvement des constructions, et qu’au demeurant le certificat prévu par l’article R.462-10 n’a pas vocation à être obtenu avant cette échéance, on aurait donc pu également conclure que l’achèvement s’entendait de l’expiration du délai ouvert à l’administration pour contester cette conformité des travaux.

Enfin, l’article R.431-9 du Code de l’urbanisme dispose d'ailleurs que « lorsqu'elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation, l'autorité compétente pour délivrer le permis ou prendre la décision sur la déclaration préalable met en demeure, dans le délai prévu à l'article R. 462-6, le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l'autorisation accordée », et semble donc :

- bien renvoyer à la notion de permis modificatif (CAA. Douai, 16 avril 2015, req. n°13DA01999)  ;

- ou, plus généralement, induire par la possibilité d’une mise en demeure de mettre les travaux en conformité avec l’autorisée accordée que cette dernière n’est pas caduque en raison de la formulation de la « DAACT » puisqu’une telle mise en demeure ne peut valoir elle-même autorisation de réaliser les travaux alors que l’article précité ne limite pas cette mise en demeure où les travaux nécessaires à la régularisation sont dispensés de toute formalité : ces travaux de mise en conformité ont donc bien vocation à être accomplis au titre de l’autorisation initiale.  

Quoi qu’il en soit, si à suivre l’arrêt objet de la note de ce jour le maître d’ouvrage peut donc le cas échéant formuler une déclaration préalable, il reste de savoir s’il conserve néanmoins également la faculté de solliciter un « modificatif », quitte à considérer que cette demande vaut implicitement retrait de la « DAACT », et en exigera donc ultérieurement une nouvelle, puisque c’est alors au regard de l’autorisation modificative que devra être appréciée la conformité des travaux dès lors qu’un permis de construire et son « modificatif » forme une autorisation unique non seulement pour ce qui concerne la légalité des travaux projetés mais également la régularité des travaux réalisés.

Mais la solution retenue au cas présent présente une autre particularité puisque tant dans le projet primitif initialement autorisé que dans celui effectivement réalisé les locaux litigieux relevaient de la règlementation opposable au « ERP ».

Le permis de construire tenait donc lieu de l’autorisation d’aménagement prévue par l’article L.111-8 du Code de l’urbanisme ; autorisation dont la demande aurait donc dû être intégrée à la demande de « modificatif » enjointe par la Ville au titre de l’article R.431-9 du Code de l’urbanisme puisque l’aménagement intérieur de ces locaux était d’autant plus connu qu’il avait été réalisé ; de sorte que s’en trouvaient inapplicables les dispositions introduites à l’article L.425-3 dudit code par l’ordonnance du 22 décembre 2011.

Pour autant, la Cour administrative d’appel de Paris a implicitement induit que, même dans ce cas, le maître d’ouvrage pouvait formuler une déclaration préalable de travaux « combinée » à la présentation d’une demande d’autorisation d’aménagement au titre de l’article L.111-8 précité, ce qu’avait d’ailleurs fait la SCI appelante après la formulation de cette déclaration ; la Ville devant toutefois lui notifier, postérieurement à sa décision d’opposition à cette déclaration, un refus d’autorisation.

Cela étant, la Cour a en revanche confirmé la validité de cette décision de refus au motif suivant :

« En ce qui concerne la décision de refus d'autoriser l'aménagement d'un établissement recevant du public en date du 1er mars 2012 :

Considérant que si la société requérante soutient qu'il n'a pas été procédé à un examen de sa demande dès lors que la décision attaquée comporte une erreur de fait quant à l'adresse de l'immeuble concerné, cette erreur est, ainsi que l'a jugé le Tribunal, sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que cette demande a fait l'objet d'une instruction complète comme en attestent ses motifs ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant que l'annulation de la décision d'opposition à la déclaration préalable n'implique pas nécessairement que la société requérante soit bénéficiaire d'une décision de non-opposition à déclaration préalable ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision doit être en tout état de cause écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal, la SCI 29 Pasteur n'est pas fondée à demander, par les moyens qu'elle invoque, l'annulation de la décision en date du 1er mars 2012 par laquelle le maire de la commune d'Ivry-sur-Seine a refusé de lui délivrer une autorisation d'aménagement au titre de la législation sur les établissements recevant du public, en vue de l'ouverture d'un centre d'hébergement et de formation » ;

et donc semble-t-il au motif qu’à la date de cette décision de refus d’aménagement, le pétitionnaire n’était pas titulaire d’une décision de non-opposition à déclaration préalable ; l’annulation de la précédente décision d’opposition n’ayant donc pas pour effet de le rendre rétroactivement bénéficiaire d’une telle autorisation.

Mais ici encore une telle analyse n’allait donc pas de soi, même en restreignant cette exigence au cas où la déclaration ne porte que sur un changement de destination que vise à traduire concrètement la demande d’autorisation d’aménagement « ERP ».

Certes, les travaux relatifs à un changement de destination et l’effectivité de ce changement ne peuvent pas être légalement fractionnés dans le temps pour se soustraire à un régime d’autorisation, et le formulaire de demande d’autorisation d’aménagement « ERP » indique « si une déclaration préalable est nécessaire, elle sera instruite en parallèle de la présente autorisation »

Mais outre qu’il résulte de la lettre même des articles L.425-3 et R.425-15 du Code de l’urbanisme que l’autorisation d’urbanisme ne tient lieu de d’autorisation d’aménagement « ERP » que lorsque la première est un permis de construire, il reste qu’il n’existe aucune disposition du Code de l’urbanisme ou du Code de instituant une quelconque « connexité » entre cette déclaration et cette demande d’autorisation.

Notamment, aucune pièce n’est à produire au dossier déclaratif au titre de l’article R.431-30 du Code de l’urbanisme, ni même la justification de la demande d’autorisation d’aménagement, de même qu’aucune disposition du Code de la construction et de l’habitation n’impose au pétitionnaire de l’autorisation d’aménagement « ERP » de justifier de sa déclaration au titre du Code de l’urbanisme, pas plus qu’une quelconque disposition ne prévoit que l’obtention de l’une et subordonnée à l’obtention de l’autre.

Il est vrai en revanche que dans la mesure où la destination d’une construction d’apprécie au regard de ses caractéristiques physiques, et le cas échéant de son aménagement intérieur, les travaux traduisant un changement de destination ne peuvent légalement être entrepris sans que ce changement n’ait été préalablement autorisé.

Il reste qu’il s’agit là d’une considération ayant trait à la régularité des conditions d’exécution des travaux et non à la légalité de la décision autorisant ces travaux. 

Partant, la circonstance que des travaux soumis à autorisation d’aménagement au titre de l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’habitation correspondent à un changement de destination soumis à déclaration préalable ne puissent pas être régulièrement exécutés avant l’obtention d’une décision de non-opposition à cette déclaration n’implique pas par elle-même que la légalité de cette autorisation soit subordonnée à l’obtention préalable de cette décision.

 

Patrick E. DURAND

Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris Cabinet FRÊCHE & Associés

Commentaires

  • bonsoir et merci pour cette analyse.

    cette question se pose assez régulièrement dans le cadre de "grosses" opérations comportant en pied d'immeuble plusieurs coques vides destinées à recevoir des ERP.

    au moment de la commercialisation de ces coques, et alors que les travaux objet du PC ne sont pas achevés, les commerçants déposent des DP pour modifier l'aspect extérieur de la devanture commerciale ainsi que des dossiers AT pour les aménagements intérieurs.

    à vous lire, je comprends que dans une telle hypothèse, ces DP devraient être rejetées et des PCM sollicités par le promoteur du moins jusqu'à l'achèvement des travaux (qui ne rime pas forcément avec le dépôt de la DAACT)

    n'y aurait il pas de formule plus souple?
    nous avions un temps imaginé accepter d'instruire les dossiers AT (afin de permettre l'ouverture des ERP) et solliciter la régularisation en toute fin de chantier par le dépôt d'un PCM reprenant les notices sécu et accessibilité de l'ensemble des commerces. mais cela s'apparente plus à du bricolage qu'autre chose!

  • Belle analyse, mais autoriser la construction d'un point de vue administratif et demander un rectificatif me laisse un peu sujet à questionnements.
    Quelle complexité les lois françaises

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