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  • Qu’est-ce qu’un projet portant sur la construction de plusieurs bâtiments au sens de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme ?

    Dès lors que le permis de construire contesté n’autorise qu’un seul et même bâtiment sur le terrain, les dispositions de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme lui seraient inopposables et ce, quelles que soient les intentions réelles ou supposées du pétitionnaire concernant l’édification d’autres bâtiments sur le même terrain.

    CAA. Lyon, 27 mars 2012, SAS Laucel, req. n°11LY01782

    Comme on le sait, le champ d’application de la procédure de permis de construire valant division est défini par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme qui dispose que : « lorsque les travaux projetés portent sur la construction, sur le même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par un plan de division (...) ».

    groupe hab.jpgIl s’ensuit qu’un tel permis de construire ne saurait être exigé (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Cts Pezin, req. n°97BX02195), ni revendiqué lorsque le projet ne prévoit l’édification que d’un seul et unique bâtiment (CAA. Versailles, 10 juin 2010, M. et Mme A, req. n°09VE01586). Toute la question est toutefois d’établir le cadre dans lequel il faut se placer pour déterminer si les travaux projetés portent ou non sur la construction de plusieurs bâtiments. Plus spécifiquement, il s’agit de savoir s’il faut prendre en compte l’ensemble des travaux correspondant au projet tel qu’il est effectivement développé par le pétitionnaire ou s’en tenir aux seuls travaux objets de la demande de permis de construire présentée par le pétitionnaire.

    C’est à cette question que la Cour administrative d’appel de Lyon a donc répondu en jugeant que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-34 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur la construction, sur le même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par un plan de division et, lorsque des voies ou espaces communs sont prévus, le projet de constitution d'une association syndicale des acquéreurs à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l'entretien de ces voies et espaces communs à moins que l'ensemble soit soumis au statut de la copropriété ou que le demandeur justifie de la conclusion avec la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent d'une convention prévoyant le transfert dans leur domaine de la totalité des voies et espaces communs une fois les travaux achevés " ; qu'il ressort des pièces du dossier que si la société BG Développement et Promotion a indiqué dans sa première demande de permis de construire que le terrain devait être divisé en propriété ou en jouissance et y a annexé un plan de masse faisant apparaître l'emprise d'un " futur projet ", ladite demande portait sans équivoque sur la construction d'un unique bâtiment et n'a pas été interprétée autrement par le maire d'Auxonne en son arrêté du 12 janvier 2010, lequel n'autorise aucune autre construction ; qu'au demeurant, le permis de construire modificatif délivré le 20 juillet 2010, à l'encontre duquel n'est invoqué aucun moyen distinct de ceux visant le permis initial, a dissipé à cet égard toute ambiguïté, la demande y afférente soulignant l'absence, dans le projet en cause, de toute division en propriété ou en jouissance et comportant un plan de masse rectifié exempt de référence à de futurs projets ; que les intentions, réelles ou supposées, prêtées à la société BG Développement et Promotion concernant d'autres constructions sur le même terrain sont dépourvues de toute incidence sur la nature et l'étendue du projet autorisé par les arrêtés contestés, qui n'entre pas lui-même dans les prévisions de l'article R. 431-24 précité du code de l'urbanisme, dès lors inutilement invoqué par les sociétés requérantes ».

    Ainsi, selon la Cour, dès lors que la demande et le permis de construire obtenu ne portent eux-mêmes que sur l’édification d’un seul et unique bâtiment l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme est inopposable. Sur ce point, il faut surtout souligner que si rien ne laissait réellement apparaitre que le pétitionnaire prévoyait effectivement l’édification d’un autre bâtiment sur le terrain, la Cour a précisé que cet article était inapplicable quelles que soient « les intentions, réelles ou supposées, prêtées à la société BG Développement et Promotion concernant d'autres constructions sur le même terrain ».

    Selon la Cour, l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme ne serait donc opposable que lorsque la demande présentée par le pétitionnaire porte en elle-même sur la construction de plusieurs bâtiments et ce, indépendamment de la consistance réelle du projet d’ensemble développé par le pétitionnaire sur le terrain considéré et, par voie de conséquence, quand bien même la construction d’un autre bâtiment serait-elle projetée sur le même terrain.

    La validité d’une telle analyse apparait discutable ou, à tout le moins, doit être nuancée. Il est vrai qu’aux termes de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme, ce qu’il est convenu d’appeler un permis de construire valant division n’est jamais qu’un permis de construire de droit commun présentant pour toute particularité procédurale d’être délivré au vu d’un dossier comportant les pièces visées par ce même article. Or, compte tenu de sa place dans le code et de sa tournure rédactionnelle, cet article ne vise en fait qu’une hypothèse et, partant, ne semble avoir vocation à s’appliquer que lorsque la demande porte elle-même sur la réalisation de plusieurs bâtiments.

    Il reste que tel était déjà le cas de l’ancien article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme en ce qu’il disposait que « lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par (…) ».

    Cet article visait donc lui-même une hypothèse, se rapportant d’ailleurs expressément à « la demande », et non pas aux « travaux projetés » visés par l'artcile R.431-24. Pour autant, le juge administratif avait considéré que cet article était opposable, et surtout s’opposait lui-même, à ce qu’une demande de permis de construire se rapportant à une opération groupée soit présentée par plusieurs pétitionnaires (CE. 4 mai 1983, Chapel, req. n°33.620) ou porte sur plusieurs unités foncières distinctes (CAA. Paris, 30 mai 2000, Cne de Jouars-Ponchartrain, req n°97PA01305).

    Mais il est vrai que les considérations relatives au nombre de pétitionnaires et à l’assiette foncière de la demande comme condition de validité de la demande ne sont pas parfaitement transposables à celle relative aux nombres de bâtiments à construire qui elle a trait au projet lui-même et pose en fait la question du caractère impératif ou facultatif de ce dispositif et, concrètement, la question de la possibilité de faire relever une opération impliquant la réalisation de plusieurs bâtiments sur un même terrain non pas d’un unique permis de construire groupé mais d’une pluralité de permis de construire dont chacun ne porte que sur un seul bâtiment, notamment lorsque les bâtiments projetés sont physiquement distincts et ne sont pas liés entre eux par des équipements communs les rendant indissociables.

    Cela étant, c’est précisément cette démarche qu’avait adopté le pétitionnaire dans l’affaire « Mareil-le-Guyon », lequel avait présenté, le même jour, cinq demandes de permis de construire en vue d’édifier cinq maisons individuelles sur l’unité foncière dont il était propriétaire. Toutefois, ces demandes devaient faire l’objet de cinq décisions de refus, toutes motivées par le fait qu’un tel projet impliquait nécessairement la division foncière du terrain à construire, si bien que ces cinq demandes auraient dû être, soit précédées de l’obtention d’une autorisation de lotir, soit groupées dans le cadre d’une unique demande de permis de construire valant division. Mais en appel, puis en cassation (CE. 7 mars 2008, Cne de Mareil-le-Guyon, req. n°296.287), ces refus de permis de construire devaient être annulés au motif que les cinq maisons individuelles n’étant destinées qu’à être louées, la réalisation du projet pris dans sa globalité n’impliquant donc aucune division foncière :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux porte sur la construction de cinq maisons individuelles sur un même terrain appartenant à M. X ; que ces maisons sont destinées, selon les déclarations du pétitionnaire, à faire l'objet d'une location et qu'il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient la commune, que chacune de ces habitations soit destinée à devenir la propriété exclusive et particulière de chaque occupant ; que si la commune de Mareil-le-Guyon soutient également que la location de ces logements implique, conformément à l'article 1709 du code civil, la jouissance privative des habitations louées, cet usage personnel ne saurait être assimilé, par lui-même, à une opération de division du sol en propriété ou en jouissance visée par les dispositions précitées du 2ème alinéa de l'article R. 315-1 et de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, un tel usage n'impliquant le bénéfice d'aucun droit à construire ; qu'ainsi, le terrain d'assiette du projet n'ayant pas vocation à faire l'objet d'une division en propriété ou même en jouissance, c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a considéré que le projet nécessitait la délivrance d'un permis de construire groupé prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme » (CAA. Versailles, 8 juin 2006, M. X…, req. n° 04VE03538).

    Dans cette affaire, le juge administratif ne s’est donc aucunement attaché à constater que chacune des maisons projetées avait donné lieu à une demande de permis de construire distinctes mais s’est exclusivement fondé sur l’absence de division foncière induite par le projet. C’est donc bien que dans le cas contraire, le projet aurait a priori dû faire l’objet d’une seule et même demande de permis de construire placée sous l’empire de l’actuel article R.431-24 du Code de l’urbanisme ; sauf peut-être à ce que les divisions foncières induites par la réalisation aient précédemment été autorisées par une autorisation de lotissement.

    D’ailleurs, force est de noter que dans l’arrêt commenté ce jour, la Cour a néanmoins relevé que le projet en cause n’impliquait aucune division foncière et ce, de la même façon que dans l’arrêt « Pezin », la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait exclu la procédure du permis de construire valant division non seulement au motif que la construction projetée, pour accueillir deux habitations individuelles, présentait néanmoins les caractéristiques architecturales d’un bâtiment unique mais également en raison du fait qu’il n’était pas établi que chacune des habitations était destinée à devenir la propriété exclusive et particulière de chacun de ses occupants.

    « Considérant qu' aux termes de l'article R.421-7-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d' une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R.315-5 (a) et, le cas échéant, à l' article R.315-6 du code de l'urbanisme ?" ;
    Considérant que le projet de la S.C.I. Enez Eussa, objet du permis de construire délivré le 30 mai 1997 par le maire de Puilboreau, porte sur la construction d'un bâtiment comprenant deux habitations individuelles, sur le lot n? 6 du lotissement "les Flénauds" à Puilboreau, autorisé par arrêté municipal du 12 juillet 1995 ; que ces deux habitations sont accolées, ont une toiture et une façade communes et constituent, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, un bâtiment unique ;
    Considérant qu' il ressort des pièces du dossier que ce projet a fait l'objet d'une demande unique de permis de construire, sur un terrain appartenant à la S.C.I. Enez Eussa et n' a été l'objet d'aucune division en propriété ou en jouissance ; qu'il n'est pas établi que chacune des habitations soit destinée à devenir la propriété exclusive et particulière de chaque occupant ; que la privatisation de l'emprise au sol des habitations ne constitue pas, par elle-même, une opération de division de ce sol ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la construction litigieuse n'emporte pas une subdivision du lot n? 6 et n'est donc pas de nature à accroître le nombre de lots issus d'une même unité foncière et, en conséquence, à modifier irrégulièrement le lotissement ; que, dès lors, le moyen manque en fait
    » (CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Cts Pezin, req. n°97BX02195).


    Il n’est donc pas si certain que le seul fait que la demande et le permis de construire en cause ne portent, pris isolément, que sur l’édification d’un seul et unique bâtiment ne suffise en lui-même à rendre inopposable l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme lorsqu’il est établi que le projet porte sur l’édification d’autres bâtiments sur le même terrain et implique sa division foncière ; sauf peut-être à ce que ce projet puisse légalement relever de plusieurs permis de construire distincts et que le détachement de leur parcelle d’assiette s’opère au titre de l’item a) de l’article R.442-1 du Code de l’urbanisme, ce qui est toutefois peu évident lorsque ce projet relève d’un seul et même maître d’ouvrage. Nous y reviendrons surement…

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat associé au barreau de Paris

    Cabinet Frêche & Associés