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  • Le retour du permis de construire tenant lieu d’autorisation de lotir de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme permet-il la régularisation isolée des bâtiments d’une opération groupée ?

    Le décret du 28 février 2012 a introduit un mécanisme de régularisation des lots de lotissement destiné à les rendre constructibles au profit de leurs acquéreurs en leur permettant d’obtenir un permis de construire tenant lieu de déclaration préalable. Si ce dispositif semble inapplicable aux lots d’un lotissement soumis à permis d’aménager, il faut s’interroger sur sa propension à permettre la régularisation des bâtiments et des détachements de parcelles réalisés en exécution d’un permis de construire valant division précédemment annulé.


    Pendant longtemps, le permis de construire valant division a constitué un instrument exclusivement applicable à une forme particulière d’utilisation du sol – les opérations dites groupées – et qui tendait à permettre le contrôle des futures divisions foncières réalisées par les constructeurs.

    Lotissement-pavillonaire.jpgLe contrôle de ce type de divisions résulte de l’article 82 de la loi du 15 juin 1943 qui avait institué une procédure particulière assujettissant les groupes d'habitations destinées à la vente ou à la location à une procédure équivalente à celle applicable aux lotissement et, plus précisément, à l’obtention d’un arrêté préfectoral ayant pour objet exclusif d’autoriser le projet d'aménagement relatif à cette opération groupée. Et ce n’est qu’une fois cette autorisation d’aménagement délivrée que le constructeur pouvait obtenir le permis de construire se rapportant aux bâtiments à édifier.

    Les décrets du 20 mai 1955 et surtout du 31 décembre 1958 ont toutefois simplifié, mais également généralisé, la procédure applicable aux opérations groupées en prévoyant que le permis de construire se rapportant à ces opérations dispensait d’autorisation de lotir.

    On parlait alors, suivant les termes des dispositions de l’article R.421-37 du Code de l’urbanisme alors applicable, de permis tenant lieu d’autorisation de lotir.

    C’est l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme, institué par le décret du 26 juillet 1977, qui a amené à employer les termes permis de construire valant division, ou permis groupé, en faisant de cette autorisation un permis de construire délivré au vu d’un dossier comportant des pièces spécifiques, lesquelles n’étaient exigées que pour les opérations correspondant aux projets visés par cet article, à savoir « la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance ».

    Le décret du 28 février 2012 a pour sa part introduit un dispositif spécifique, codifié à l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que « lorsqu'une construction est édifiée sur une partie d'une unité foncière qui a fait l'objet d'une division, la demande de permis de construire tient lieu de déclaration préalable de lotissement dès lors que la demande indique que le terrain est issu d'une division ».

    Si le champ d’application de ce dispositif est a priori clairement défini, il mérite néanmoins que l’on s’attache à une question spécifique : ce dispositif peut-il être mise en œuvre pour permettre la régularisation des bâtiments édifiés en exécution d’un permis de construire valant division ultérieurement annulé ?

    En principe, la régularisation du projet objet d’un permis de construire valant division annulé impliquera l’obtention d’une nouvelle autorisation ; sauf à ce qu’en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, le permis initial n’ait été que partiellement annulé.

    Dans ce cas particulier la régularisation du projet peut en effet relever d’un simple « modificatif » comme le prévoit l’alinéa 2 de cet article. Quant aux transferts éventuellement annulés, ceux-ci pourront le cas échéant être régularisés par de nouvelles décisions de transfert, pour autant bien entendu que le permis de construire valant division d’origine n’ait été ni annulé, ni exécuté puisqu’une autorisation d’urbanisme annulée ou entièrement exécutée ne peut plus légalement donner lieu à un transfert.

    Il peut en effet arriver que l’annulation du permis de construire valant division initial intervienne après l’achèvement complet du projet (notamment dans le cas d’un permis groupé délivré aux acquéreurs des immeubles à créer) ; ce qui pose alors la question de la régularisation du projet aux fins d’éviter une action en démolition à l’encontre des bâtiments (art. L480-13 ; C.urb), la remise en cause de la validité des divisions foncières réalisées ou pour permettre qu’ultérieurement les immeubles créés fassent l’objet de travaux nouveaux.

    Le cas échéant, cette régularisation pourra intervenir par un nouveau permis de construire valant division obtenu par le même titulaire que l’autorisation initiale finalement annulée.

    Il est vrai que si l’opération a déjà été réalisée, le pétitionnaire, vendeur des parcelles bâties à créer, ne disposera plus alors de la maîtrise foncière du terrain d’origine.

    Il n’en demeure pas moins que, d’une façon générale, une demande d’autorisation d’urbanisme de régularisation est instruite dans les mêmes conditions qu’une demande portant sur un projet à réaliser et que, plus spécifiquement, le pétitionnaire pourra obtenir des acquéreurs des terrains bâtis à régulariser l’autorisation de déposer cette demande au titre de l’article R.423-1 du Code de l’urbanisme.

    Toutefois, il apparait également envisageable que les acquéreurs de ces terrains bâtis obtiennent ensemble un permis de construire valant division conjoint. Certes, une telle autorisation visera sur ce point à régulariser des divisions foncières réalisées par un tiers, en l’occurrence le titulaire d’origine du permis de construire initial ultérieurement annulé.

    Il reste que dans la mesure où le permis de construire valant division présente un caractère réel, et non pas personnel donc, il n’apparait pas avoir vocation à autoriser spécifiquement telle ou telle personne à réaliser les divisions induites par le projet. Au demeurant, un tel permis de construire valant division aura pour seul objet et pour seul effet de régulariser les terrains bâtis au regard du droit de l’urbanisme et n’affranchira donc pas en-lui-même le titulaire de l’autorisation initiale de la mise en cause éventuelle de sa responsabilité s’agissant des conséquences de cette annulation.

    Mais plus spécifiquement, il faut donc s’interroger sur la possibilité ouverte à chacun des acquéreurs des terrains bâtis de les régulariser individuellement en obtenant un permis de construire ne portant que sur le lot que chacun aura acquis.

    Dans la mesure où chacun de ces permis de construire ne portera que sur le terrain que le pétitionnaire aura acquis, ces permis de construire ne vaudront donc pas division au sens de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    En outre, dès lors que la parcelle d’assiette de chacun de ces permis de construire aura été acquise par le pétitionnaire avant la délivrance de cette autorisation, le détachement de cette parcelle ne saurait être régularisé par le jeu de l’article R.442-1 a) du Code de l’urbanisme, c’est-à-dire en tant que division primaire et ce, quand bien même ces permis de construire ont-ils pour objet de se substituer à une autorisation initiale qui était elle-même affranchit de la procédure de lotissement (CE. 18 octobre 1995, SCI Vaugirard, Rec. p.1080).

    Il reste que si l’annulation du permis de construire valant division initial est susceptible de rendre irrégulière la formation des terrains créés avant que cette autorisation n’ait été annulée, c’est dans la mesure où de ce fait la division du terrain d’origine ne plus bénéficier de l’article R.442-1 d) affranchissant de cette même procédure les divisions exécutées conformément à un permis de construire obtenu en application de l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme.

    Au regard du droit de l’urbanisme, on pourrait donc considérer que les terrains ainsi détachés se trouvent dans une situation identique à ceux résultant d’un lotissement non-autorisé.

    A ce stade, il s’agit donc d’établir si la régularisation de cette situation peut s’opérer par le jeu de permis de construire obtenus en vertu de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue du décret du 28 février 2012.

    Sur ce point, il faut en effet rappeler que le permis de construire visé par l’article R.442-2 est clairement conçu comme une autorisation de régularisation.

    La notice préalable au décret précité précise en effet expressément que « la régularisation d'une division qui aurait dû faire l'objet d'une déclaration préalable peut être effectuée au moment du dépôt de la demande de permis de construire sur un lot » ; la régularisation opérée au titre de l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme n’intervenant toutefois qu’au regard du droit de l’urbanisme et au profit des acquéreurs des lots irrégulièrement créés : cette régularisation n’affranchit donc pas le vendeur de ces lots de sa responsabilité liée à la méconnaissance, en amont, de la règlementation sur les lotissements.

    Il nous semble ainsi que la régularisation d’une opération groupée réalisée en exécution d’un permis de construire valant division ultérieurement annulée pourra s’opérer par le jeu de permis obtenus en application de l’article précité lorsque cette opération ne s’est pas accompagnée de la création d’équipements communs puisqu’au regard de la règlementation sur les lotissements, les divisions réalisées dans le cadre de cette opération auraient pu relever d’une simple déclaration préalable ; sauf à ce que le terrain soit situé en site classé ou en secteur sauvegardé.

    Cela étant, si l’opération initiale à emporter la réalisation effective d’équipements communs avant l’annulation du permis de construire valant division se rapportant à cette opération, on voit mal pourquoi il y aurait lieu de s’opposer à la régularisation des immeubles ainsi créés au motif qu’au regard de la règlementation sur les lotissements, l’opération aurait exigé un permis d’aménager.

    En effet, si le régime du permis d’aménager vise au premier chef à assurer la protection des acquéreurs du lotissement à créer, ce régime n’a précisément plus lieu d’être dès lors que les équipements communs du lotissement ont été réalisés ; « l’existence de fait » semblant, dans la réglementation sur les lotissements, primer « l’existence légale ».

    Dans cette mesure chacun des acquéreurs semblera donc pouvoir régulariser son propre immeuble, non seulement de façon individuelle mais surtout quand bien même les autres acquéreurs de l’opération groupée ne s’engageraient-ils pas concomitamment dans une telle entreprise de régularisation.

    A cet égard, l’article R.442-2 du Code de l’urbanisme institue donc une forme particulière de permis de construire valant division, lequel a certes un champ d’application aussi limité que spécifique mais constitue néanmoins un retour certains au permis de construire tenant lieu d’autorisation de lotir, y compris pour les opérations groupées.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Quelques précisions sur le champ d’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme

    Un permis de lotir pour partie entaché d’incompétence peut être aisément régularisé par un « modificatif ». Partant, ce vice ne peut emporter que l’annulation partielle de cette autorisation en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Douai, 16 février 2012, Association Bois-Guillaume Réflexion, 11DA00506


    Le permis de lotir en cause dans cette affaire autorisait un projet d’aménagement à cheval sur deux communes. Pour autant, cette autorisation n’avait été délivrée que par l’un des Maires de ces deux communes, en l’occurrence par celui territorialement compétent pour la majeure partie du projet puisque seule une partie d’une voie à réaliser en exécution de ce dernier était située sur la seconde commune.

    C’est à ce titre notamment que ce permis de lotir devait être contestée. Et si la Cour administrative d’appel de Douai, comme en première instance le Tribunal administratif de Rouen, devait accueillir ce moyen ce ne fut que pour prononcer l’annulation partielle de cette autorisation au titre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive ;
    Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet objet de l'arrêté litigieux se situe sur le territoire des communes de Bois-Guillaume et de Bihorel et prévoit notamment l'aménagement d'une voie située en partie sur le territoire de celle-ci ; que, toutefois, cet arrêté a été signé par le maire de Bois-Guillaume et n'a pas été autorisé, conjointement ou distinctement, par le maire de Bihorel ; que, par suite, l'ASSOCIATION BOIS-GUILLAUME REFLEXION est fondée à soutenir qu'il est entaché d'incompétence pour la partie du projet située sur le territoire de la commune de Bihorel ; que cette illégalité est toutefois susceptible d'être couverte par l'intervention d'un nouvel arrêté pris par l'autorité compétente ; que cette autorité sera désormais le maire de l'unique commune de Bois-Guillaume - Bihorel créée à compter du 1er janvier 2012 ; qu'il n'est pas établi que la nature du terrain ou du projet ou encore les règles du plan local d'urbanisme désormais applicable feraient obstacle à cette régularisation ; que, dans ces conditions, le motif ainsi retenu ne justifie l'annulation de l'arrêté contesté qu'en tant qu'il concerne la partie du projet située sur le territoire de la commune de Bihorel
    ».


    Si cet arrêt présente un intérêt certain pour ce qui concerne l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, il appelle néanmoins au préalable certaines précisions s’agissant du vice d’incompétence retenu au fond.

    Par principe, en effet, la demande d’autorisation d’urbanisme se rapportant à un projet de construction ou d’aménagement à cheval sur deux communes doit être présentée à l’identique dans chacune des mairies concernées et implique, si cette compétence incombe aux maires, une décision conjointes de ces derniers ; chacun ne se prononçant toutefois qu’à l’égard de la conformité des travaux projetés sur le territoire communal pour lequel sa compétence lui est conférée (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183 ; TA. Rennes, 30 mai 1990, Mme Bertier, Rec. TA, éd. Litec, 1991, p. 468).

    Il reste qu’à suivre la rare jurisprudence rendue en la matière ce principe connaît cependant une exception puisque lorsque les composantes du projet sis sur le territoire de l’une des deux communes intéressées ne relèvent pas du champ d’application de la procédure de permis de construire, seul le maire de la commune sur le territoire de laquelle les composantes du projet relevant de cette procédure ont vocation à être réalisées est compétent pour statuer sur la demande :

    « Considérant, en premier lieu, que le préfet de l'Eure soutient que le maire de Bosgouet était incompétent pour délivrer seul le permis litigieux dès lors que le projet de construction était implanté également sur le territoire de la commune voisine de La Trinité de Thouberville ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que seule une partie des pistes s'étendait sur le territoire de cette dernière commune ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne soumet la réalisation de tels ouvrages à l'octroi d'un permis de construire ; que, dès lors, le maire de Bosgouet était compétent pour autoriser l'édification du bâtiment projeté sur territoire de sa commune ; que, par suite, le moyen doit être rejeté » (CE. 8 avril 1994, SA Centaure Normandie, req. n°132.721).

    Dès lors que la réalisation d’une voie n’était jamais soumise autorisation avant le 1er octobre 2007 (anc. Art. R.421-1 ; C.urb), il n’est donc pas si certain que ce que la Cour a retenu comme vice d’incompétence était effectivement de nature à entacher d’illégalité l’autorisation contestée en l’espèce.

    En admettant l’analyse de la Cour sur ce point, la solution retenue présente cependant un triple intérêt.

    Tout d’abord, il faut ainsi rappeler que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme dispose que « lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation ».

    Or, la référence à la « partie du projet » est de nature à générer certaines interrogations sur les vices susceptibles de n’emporter qu’une annulation partielle de l’autorisation contestée puisqu’en première analyse, ce serait donc le projet lui-même qui devrait être partiellement illégal. A priori, seul un vice de fond affectant l’autorisation contestée d’illégalité interne pourrait donc permettre son annulation partielle.

    On sait d’ailleurs qu’il a pu être jugé que l’irrégularité des documents graphiques produits par le pétitionnaire affectait d’illégalité l’ensemble du permis de construire contesté et s’opposait ainsi à l’annulation partielle de ce dernier (CAA. Bordeaux, 30 octobre 2007, SCI Les Terrasses de Marie, req.n° 05BX01764).

    Pour autant, la circonstance que l’autorisation d’urbanisme en cause soit affectée d’illégalité externe n’apparait pas nécessairement exclure que celle-ci ne donne lieu qu’à une annulation partielle. Dans certains cas, en effet, l’incomplétude du dossier ou le caractère insuffisant de certaines des pièces produites par le pétitionnaire peut n’avoir faussé l’appréciation des services instructeurs qu’à l’égard d’une des composantes du projet pouvant être caractérisée comme une « partie » de celui-ci au sens de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme. D’ailleurs, avant l’entrée en vigueur de ce dernier, il avait pu être jugé qu’un permis de construire portant, d’une part, sur un ensemble pavillonnaire, et d’autre part, sur un hôtel mais délivré au vue d’un dossier ne comportant pas la justification de la demande d’autorisation d’exploiter alors requise par le Code du commerce pour l’exploitation de ce dernier n’encourrait à ce titre l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il avait autorisé l’hôtel (CAA. Nantes, 18 avril 2006, Sté Investimmo Région).

    Or, on comprendrait mal non seulement que l’article L.600-5 ne permette plus ce qui était possible avant son entrée en vigueur mais surtout qu’alors à titre d’exemple que la méconnaissance de l’article 13 du règlement d’urbanisme applicable semble permettre l’annulation partielle du permis de construire contesté qu’en tant que le projet litigieux ne prévoie pas un nombre d’arbres suffisant, l’irrégularité formelle du plan masse s’agissant de la représentation des arbres à planter, à abattre ou à conserver doive nécessairement emporter l’annulation totale du permis de construire délivré au vue d’un tel plan.

    Mais plus généralement, et compte tenu de la finalité de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, et des vertus qu’a bien voulu lui reconnaitre le Conseil d’Etat (CE 23 février 2011, SNC La Bretonnerie, req. n°375.129), on voit mal pourquoi les vices d’illégalité d’externe seraient par nature exclus du champ d’application de cet article.

    Précisément, en l’espèce, si le vice en cause n’avait trait qu’à une partie du projet, il n’en demeure pas moins qu’il ne procédait pas de la non-conformité de cette partie du projet aux normes d’urbanisme lui étant opposables mais de l’incompétence de l’auteur de la décision contestée pour accorder le permis attaqué pour cette partie du projet.

    Or, s’il s’agit d’un vice d’une nature particulière, il n’en demeure pas moins que l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué est assimilée à un vice d’illégalité externe.

    L’arrêté commenté ce jour tend donc à confirmer que l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne s’applique pas aux seuls vices d’illégalité interne se rapportant à la conformité du projet aux normes lui étant opposables « sur le fond ».

    Ensuite, si le critère premier de mise en œuvre de l’article précité n’est pas la divisibilité du projet et celle subséquente de l’autorisation contestée mais la potentialité du vice affectant l’autorisation contestée à être aisément régularisé par un simple « modificatif » (CE 23 février 2011, SNC La Bretonnerie, req. n°375.129), la jurisprudence rendue en application de ce même article n’apparait pas avoir en elle-même modifié les conditions du recours au « modificatif », y compris en matière de régularisation.

    Or, comme le sait, dans l’arrêt de principe par lequel il a consacré la propension régularisatrice des permis modificatifs le Conseil d’Etat a jugé que « lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315).

    Restait cependant à savoir si la compétence du permis de construire qui n’est évidemment pas relative à l'utilisation du sol pouvait être considérée comme comptant parmi les règles ayant aux formes ou aux ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire et, par voie de conséquence, si un permis affecté d’un vice d’incompétence pouvait être régularisé par un simple « modificatif » délivré par l’autorité compétente.

    L’arrêt commenté ce jour tend donc à confirmer (CAA. Nantes, 22 avril 2008, Ministre de l’écologie, req. n°07NT02508) cette possibilité.

    Enfin, et peut-être surtout, la Cour administrative d’appel de Douai s’est prononcée sur la potentialité du vice affectant le permis de lotir contesté à n’emporter que l’annulation partielle de cette autorisation en relevant « qu'il n'est pas établi que la nature du terrain ou du projet ou encore les règles du plan local d'urbanisme désormais applicable feraient obstacle à cette régularisation ».

    Certes sommairement, la Cour a ce faisant néanmoins apprécié la propension de cette autorisation à être effectivement régularisé.

    Or, comme on le sait, la spécificité de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme comparée aux possibilités d’annulation partielle précédemment reconnue par la jurisprudence est de permettre au juge administratif de prononcé l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme alors même que cette mesure n’assura pas à elle-seule la conformité du projet en résultant ; cette conformité étant précisément soumise à l’intervention d’un arrêté modificatif pris en applicabilité de l’alinéa 2.

    Surtout, si le Conseil d’Etat a fait de la propension du vice affectant d’illégalité l’autorisation en cause à être aisément régularisé par un « modificatif » le principal, voire le seul critère de mise en œuvre de l’article L.600-5, il l’a fait sans jamais entreprendre le moindre commencement d’analyse de la possibilité de régulariser le permis de construire contesté en l’espèce (régularisation qui au demeurant n’était pas évidente, loin s’en faut).

    En l’état toute la question est précisément de savoir ce qu’il advient de l’autorisation partiellement annulée lorsque celle-ci n’est en fait pas régularisable au regard des normes opposables au projet et, plus précisément, de déterminer si le titulaire de l’autorisation partiellement annulée peu la mettre en œuvre sans avoir obtenu un « modificatif » de régularisation. Deux situations doivent être distinguées.

    D’une part, il se peut que l’annulation partielle ait été rendue possible du fait de la divisibilité du projet et, plus précisément, de la dissociabilité de sa partie affectée d’illégalité. Dans ce cas, l’annulation partielle de l’autorisation contestée suffira à elle-seule à assurer la conformité du projet.

    De ce fait, on voit mal ce qui pourrait s’opposer à ce que le titulaire de l’autorisation la mette en œuvre pour sa partie validée par le juge. En effet, dès lors que les travaux accomplis seront exécutés conformément au permis résultant de l’autorisation initiale partiellement annulée aucune infraction ne sera constituée au regard de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme et dans la mesure où cette annulation partielle aura assuré à elle seule la conformité du projet, il en sera de même des infractions de fond visées par l’article L.160-1.

    Certes, on pourrait objecter que la mise en œuvre de ce permis aboutira à la réalisation d’un projet ne correspondant plus à celui initialement instruit et autorisé par l’administration compétente. Il reste les conditions dans lesquelles une autorisation d’urbanisme a été initialement délivrée sont sans incidence sur la validité de l’autorisation résultant de l’annulation partielle du permis initial et, par ailleurs, que l’inexécution partielle d’une autorisation d’urbanisme n’est pas en elle-même constitutive d’une infraction et n’aboutit pas nécessairement à la réalisation d‘un ouvrage dépourvu d’existence légale au regard du droit de l’urbanisme.

    Force est donc d’admettre que dans l’hypothèse retenue, le pétitionnaire pourra mettre en œuvre l’autorisation telle qu’elle résulte de l’annulation partielle prononcée au titre de l’alinéa 1er de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme et ce, sans être tenu d’obtenir au préalable le « modificatif » de régularisation prévu par son alinéa 2 ; sans compter d’ailleurs qu’une telle régularisation ne sera pas toujours nécessairement possible.

    Mais d’autre part, la principale innovation de l’article L.600-5 est de permettre l’annulation partielle de l’autorisation contestée alors même que cette dernière n’est pas divisible et, donc, alors même que cette annulation n’assura pas nécessairement à elle seule la conformité du projet en résultant ; cette conformité impliquant alors que le pétitionnaire sollicite et, le cas échéant, obtienne un « modificatif » de régularisation.

    Il est vrai que dans l’affaire « La Bretonnerie », le Cour administrative d’appel de Paris puis le Conseil d’Etat ont considéré que l’annulation partielle du permis de construire attaqué au titre de l’article précité était possible dans la mesure où l’illégalité constatée « pouvait être corrigée par l'auteur de la décision en imposant au pétitionnaire le respect des obligations prévues » par la norme initialement méconnue.

    Il reste que l’alinéa 2 de l’article L.600-5 prévoit non pas la possibilité pour l’administration d’édicter d’office un arrêté rectificatif mais envisage seulement le cas d’un « modificatif » délivré « à la demande du bénéficiaire de l’autorisation » alors qu’en l’état du droit, l’on voit mal comment l’administration pourrait imposer audit bénéficiaire de formuler une demande de « modificatif ».

    Or, la mesure prononcée par le juge administratif au titre cet article n’est pas une annulation totale conditionnelle mais bel et bien une annulation ne concernant qu’une partie de l’autorisation initiale : le pétitionnaire reste donc bien titulaire d’une autorisation certes réduite mais constituant néanmoins une autorisation ; ce que corrobore l’alinéa précité en visant « le bénéficiaire de l’autorisation » et en envisageant l’autorisation de régularisation comme un arrêté « modificatif » dont la base légale implique nécessairement qu’une part de l’autorisation primitive subsiste.

    Pour autant, il n’est pas si certain que le bénéficiaire de la partie subsistante de l’autorisation initiale puisse la mettre en œuvre sans ce rendre coupable d’une infraction au regard du droit de l’urbanisme.

    Il est vrai que dès lors que les travaux seraient accomplis conformément à cette partie de l’autorisation initiale, il serait difficile de considérer, compte tenu du principe d’interprétation stricte de la Loi pénale, que l’auteur de ces travaux puisse être poursuivi au titre de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme dès lors que celui-ci ne vise que les travaux exécutés sans autorisations ou en méconnaissance de l’autorisation obtenue.

    Il reste que pour sa part l’article L.160-1 du Code de l’urbanisme réprime l’exécution de travaux non-conformes aux règles d’urbanisme opposables au projet et ce, indépendamment de toute considération liée à l’autorisation dont ces travaux ont ou non fait l’objet (Cass. crim. 2 juin 2004, pourvoi n° 04-81583, Bull. crim. n° 145).

    Il s’ensuit que le seul fait que les travaux litigieux soient exécutés conformément à une autorisation en vigueur n’écarte donc pas de droit le risque que ces travaux soient constitutifs d’une infraction au règlement local d’urbanisme.

    En effet, s’il résulte de la jurisprudence rendue en la matière que dans la plupart des cas l’auteur des travaux est affranchi de sa responsabilité pénale, ce n’est pas dans la mesure où le permis de construire lui confère des droit acquis sur le plan administratif mais en vertu de l’article 122-3 du Code pénal qui dispose que « n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ». C’est la raison pour laquelle la jurisprudence offre quelques exemples où malgré le caractère définitif du permis de construire, et l’absence de fraude du pétitionnaire, l’intention coupable de ce dernier a été reconnue dès lors qu’il était établi que celui-ci avait nécessairement connaissance de l’illégalité affectant son permis de construire, l’avait exécuté en toute connaissance de cause et ne pouvait donc se prévaloir d’une erreur de droit au sens de l’article précité (Cass. crim. 14 juin 2005, pourvoi n° 05-80916, Bull. crim. n° 179).

    Dès lors, il n’apparait pas déraisonnable de considérer que le titulaire de l’autorisation partiellement annulée qui métrait en œuvre la partie de cette autorisation subsistante alors qu’elle ne serait pas conforme aux normes d’urbanisme lui étant opposables se rendrait ainsi coupable d’une infraction susceptible d’être réprimée au titre de l’article L.160-1 précité puisque du fait de la décision du juge administratif, l’auteur de ces travaux ne pourrait invoquer l’erreur de droit.

    Il reste cependant à savoir si compte tenu du principe d’interprétation stricte de la Loi pénale cette analyse sera suivie par la chambre criminelle de la Cour de cassation dès lors qu’une annulation partielle prononcée à la faveur des nouvelles possibilités issues de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme ne vaut pas non plus déclaration globale d’illégalité…

    A cet égard, il serait donc pour le moins utile qu’en amont le juge administratif se prononce sur la possibilité effective de l’autorisation d’urbanisme contestée à être régularisée par un « modificatif » avant d’en prononcer l’annulation partielle en application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme.

    Pour autant, la démarche semblant avoir été adoptée par la Cour administrative d’appel de Douai dans l’arrêté commenté ce jour pose en l’état de réelles questions d’ordre procédural.

    En effet, si le juge administratif se doit d’apprécier la propension de l’autorisation d’urbanisme attaquée à être régularisée par un « modificatif », il faut se demander quel doit être le rôle des parties à l’instance dans cette entreprise : incombe-t-il à la partie requérante concluant à l’annulation totale de cette autorisation de démontrer que les moyens qu’elle invoque à son encontre ne sauraient emporter son annulation seulement partielle et/ou les parties défenderesses doivent-elles solliciter l’application de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme en démontrant que les vices invoquées peuvent être régularisés par un « modificatif » ?

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés