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  • Sur la conventionnalité et le champ d’application matériel de l’article 11 de la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005 portant validation des conventions et concessions d’aménagement antérieures à son entrée en vigueur

    Les dispositions du traité de l'Union européenne qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats s'appliquent nonobstant l’article 11 de la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005, validant les conventions publiques d'aménagement conclues sans publicité et mise en concurrence avant le 21 juillet 2005, dont les dispositions contraires au traité doivent être écartées. Entre outre et en toute hypothèse, les dispositions de l’article 11 précité ne saurait être appliquées à l’acte par lequel le maire signe la convention dès lors qu’il s’agit d’un acte pris dans le cadre de la procédure préalable à la conclusion desdites conventions, laquelle n’est pas saisie par cet article.

    TA. Versailles, 22 juin 2007, Mme Christine BUFFET, req. n° 05-05044 (voir,toutefois, ici).


    Comme on le sait, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait jugé que les anciennes dispositions de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme relatives aux conventions publiques d’aménagement (sur cette notion, voir ici) ne s’opposaient pas à l’application à leur égard des dispositions du Traité de l’Union européenne imposant que l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs respectent des obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats (CAA. Bordeaux, 9 novembre 2004, SOGEDIS, req. n°01BX00381).

    Cet arrêt a conduit le législateur a adopté la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005, laquelle a non seulement réformé le régime applicable à la passation des contrats visés par l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme (art.1er) mais également validé l’ensemble des conventions et concessions d’aménagement conclues avant le 21 juillet 2005 (art.11).

    Mais les plus extrêmes réserves s’imposaient sur ce second point puisqu’en validant des contrats directement contraires aux principes du droit communautaire, cette loi apparaissait elle-même contraires à ces dernières et, par voie de conséquence, « inconventionnelle ».

    Cette question a, toutefois, fait l’objet de réponses divergentes puisque si le Tribunal administratif de Nantes (TA. Nantes, 7 août 2006, Courtin, MTP, 27 octobre 2006, suppl. p.14) a fait application de l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005, le Tribunal administratif de Rennes s’y est en revanche refusé (TA. Rennes, 13 avril 2006, M. Josse, req. n°03-00729). Et pour sa part, le Tribunal administratif de Versailles vient donc de juger que :

    « Considérant, toutefois, que si, en vertu du dernier alinéa de l'article L.300-4, ladite convention n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de la loi n°93-122 du 29 juin 1993 reprises aux articles L. 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales, elle n'était pas pour autant exclue du champ d'application des règles fondamentales posées par le traité de l'Union, qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats ; que ces règles s'appliquent nonobstant l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005, qui prévoit la validation des conventions publiques d'aménagement conclu sans publicité et mise en concurrence avant le 21 juillet 2005, et dont les dispositions contraires au traité doivent être écartées ».

    et, en résumé, que les dispositions de l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005 méconnaissaient les principes du Traité de l’Union européenne et, par voie de conséquence, qu’elles ne pouvaient être appliquées.

    Mais le plus intéressant est que le Tribunal a estimé qu’en toute hypothèse, l’article 11 précité, compte tenu de son champ d’application matériel, n’était pas applicable à l’acte attaqué ; en l’occurrence, la décision prise par le maire de signer la convention publique d’aménagement en cause.

    L’article 11 de la loi susvisée dispose, en effet, que « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés, en tant que leur légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes :
    1° Les concessions d'aménagement, les conventions publiques d'aménagement et les conventions d'aménagement signées avant la publication de la présente loi ;
    2° Les cessions, locations ou concessions d'usage de terrains ainsi que l'ensemble des actes effectués par l'aménageur pour l'exécution de la concession ou de la convention
    ».

    A s’en tenir à sa lettre, l’article précité valide donc uniquement, d’une part, les conventions et concessions d’aménagement en elles-mêmes et, d’autre part, les actes effectués par l’aménageur en exécution de celles-ci.

    Or, la décision de signer un contrat en est un acte détachable et, pour autant qu’il soit besoin de le préciser, ne se rapporte pas à son exécution mais à la procédure préalable à sa passation.

    Telle est la raison pour laquelle, outre son « inconventionnalité », le Tribunal administratif de Versailles a jugé qu’il n’y avait pas lieu de faire application de l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005 en l’espèce dès lors que ses dispositions « s’appliquent aux conventions publiques d’aménagement signées avant le 21 juillet 2005 et non aux délibérations et décisions prises lors de la procédure préalable à la conclusion desdites conventions ».

    A cet égard et indépendamment de toute considération liée à la « conventionnalité » de l’article 11 précité, la solution retenue est donc de nature à fragiliser l’ensemble des conventions et concessions d’aménagement conclues avant le 12 juillet 2005 puisque, pour conclure, on soulignera que le Tribunal a non seulement annulé l’acte de signature attaqué du 13 mai 1998 – suivant un recours introduit le 3 juin 2005 et jugé non tardif dès lors que la preuve de la publication de cet acte n’avait pas été rapportée – mais a également enjoint à la commune défenderesse, sur le fondement de l’article L.911-1 du Code de justice administrative, de poursuivre la résolution de la convention d’aménagement ainsi signée…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Les axes commerciaux institués par le plan local d’urbanisme de Paris sont illégaux

    Le Tribunal administratif de Paris a annulé la délibération des 12 et 13 juin 2006 par lequel le Conseil de Paris a adopté son PLU, notamment, en tant que son règlement prévoit l’institution d’axes commerciaux et ce, en raison de « l’atteinte toute particulière au droit de propriété » de ce dispositif que ne peut justifier le retard pris dans l’adoption du décret d’application de l’article 58 de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

    TA. Paris, 2 août 2007, Préfet de Région d’Ile-de-France, Préfet de Paris c/ Ville de Paris, req. n°07-00962

    C’était l’une des principales innovations du plan local d’urbanisme parisien adopté par délibération des 12 et 13 juin 2006 : l’institution de près de 230 kilomètres d’axes commerciaux au sein desquels, en substance, le changement de destination des commerces de proximité en rez-de-chaussée est interdit. Il reste que ce dispositif devait être déféré à la censure du Tribunal administratif de Paris par le Préfet de la Région d’Ile-de-France.

    Quoi que l’on puisse penser des motivations réelles de ce déféré (dont on relèvera, toutefois, qu’il va à l’encontre d’une préconisation formulée, en 2004, par le Ministère de l’équipement à travers une réponse ministérielle) et de l’opportunité du dispositif litigieux (laquelle est difficilement contestable pour qui, comme l’auteur de ces lignes, a longtemps résidé dans un quartier du 11e arrondissement marqué par la mono-activité dite du « textile chinois », laquelle est source d’une grande tranquillité mais devient nettement plus problématique lorsque l’on a oublié d’acheter son pain…), force est néanmoins de considérer que la légalité de ce dernier était effectivement sujette à caution.

    Il est clair que la sauvegarde du commerce de proximité constitue l’un des objectifs assignés aux documents d’urbanisme locaux et, notamment, aux plans locaux d’urbanisme par les articles L.121-1 et L.123-1 du code de l’urbanisme. Il semble toutefois difficilement concevable que la réalisation de cet objectif puisse régulièrement passer par l’institution de tels axes commerciaux.

    Rappelons, en effet, que suivant les dispositions des articles L.123-1 et R.123-9 du Code de l’urbanisme, l’article 1 d’un règlement de zone a vocation et ne peut donc régir que les « occupations ou utilisations des sols interdites ».

    Or, l’institution de tels axes commerciaux interdit, tout d’abord, les changements de destination de ces locaux commerciaux quand bien même leur nouvelle destination serait-elle parfaitement conforme à l’affectation de la zone.

    Ensuite, elle ne procède pas de considérations liées à la destination de la zone et des terrains qui y sont inclus mais de considérations liées à l’affectation actuelle des immeubles existants. A ce sujet l’administration avait, d’ailleurs, pu préciser qu’un règlement d’occupation des sols « ne saurait prévoir une interdiction ou des conditions d’usage d’une construction » :DGUHC, « Guide des POS », 1999, p.100).

    Enfin, un tel dispositif induit que les rez-de-chaussée des constructions nouvelles peuvent avoir une autre destination que le commerce, ce qui n’est pas cohérent au regard de l’objectif poursuivi et, par voie de conséquence, quelque peu « discriminatoire » ; étant d’ailleurs relevé que dans la mesure où l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme dispose que « les règles édictées [par le règlement du PLU] peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt » et, en d’autres termes, se borne à introduire une possibilité de moduler la règle d’urbanisme en cause au regard de la destination de la construction, il n’est pas si certain qu’un tel règlement puisse moduler, même indirectement, ses prescriptions en considération du caractère nouveau ou existant de la construction en cause.

    Par ailleurs, mais c’est un débat qui n’intéresse pas la légalité d’un tel dispositif, on pouvait s’interroger sur son efficacité et les modes de contrôle permettant d’en assurer le respect.

    D’une part, l’institution d’axes commerciaux au sein desquels le changement de destination des locaux en rez-de-chaussée affectés en commerces de proximité est interdit ne s’oppose pas à la « désaffectation » des locaux commerciaux considérés dès lors qu’ils ne reçoivent pas une autre destination ; étant rappelé que, par principe, une construction conserve sa destination au regard du droit de l’urbanisme tant qu’une nouvelle ne lui a pas été conférée par une autorisation d’urbanisme.

    D’autre part et surtout, on relèvera qu’à Paris, les commerces en rez-de-chaussée sont le plus souvent aménagées dans des locaux d’un immeuble à destination d’habitation, voire de bureaux ou de services. Et il est vrai que réaménager ces commerces, à titre d’exemple, en logements constitue, en l’état, un changement de destination assujetti à permis de construire.

    On sait, en effet, qu’aux termes de l’actuel article L.421-1 du Code de l’urbanisme tout travaux, quelles qu’en soient la nature et l’importance, s’accompagnant d’un changement de destination requiert un permis de construire ; ces changements devant être appréciés à l’échelle du local considéré et non pas de la destination dominante de l’immeuble au sein duquel il est aménagé (CE. 19 mars 2001, Cne du Grau-du-Roi, req. n°194.861 ; Cass. crim., 16 mai 2006, pourvoi n°05-85.599).

    Il reste que l’une des principales innovations du décret du 5 janvier 2007 pris pour application de l’ordonnance du 8 décembre 2005 portant réforme des autorisations d’urbanisme n’est pas tant de soumettre les changements de destination, par principe, à déclaration préalable et, par exception, à permis de construire – et ce, même lorsque ce changement procède du simple usage et, en d’autres termes, s’opère sans travaux – que de préciser que « les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal » (art. R.421-14 et R.421-17, nouveaux).

    Or, s’il incombera à la jurisprudence administrative de définir les critères permettant de considérer un local comme accessoire d’un local principal, il ne paraît pas totalement déraisonnable de considérer qu’un commerce en rez-de-chaussée d’un immeuble dont les étages sont à destination de logements en est le local accessoire, d’autant que nouveaux articles R.421-14 et R.421-17 du code de l’urbanisme visent « les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 », ce qui induit qu’il ne semble pas absolument nécessaire qu’il y est entre les locaux considérés un lien de complémentarité les rendant indissociables pour que l’un soit considéré comme accessoire à l’autre.

    Si tel devait être le cas et à titre d’exemple, l’aménagement en logement d’un commerce en rez-de-chaussée d’un immeuble dont les étages seraient à destination d’habitation ne constitueraient donc pas un changement de destination ou, plus précisément, ne devrait pas s’analyser comme un changement de destination au sens des nouveaux articles R.421-14 et R.421-17 du code de l’urbanisme et n’impliqueraient donc, ni déclaration préalable, ni permis de construire…

    Or, par ailleurs, les instruments offerts par le droit de l’urbanisme pour assurer efficacement et concrètement la sauvegarde du commerce de proximité sont rares , d’autant que l’on attend encore (sur cette question : Rép. min. n°19.260, JO Sénant, 27 octobre 2005, p.2797 ; Rép. min. n°21.674, JO Sénat, 23 mars 2006, p.869) le décret d’application de l’article 58 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, aujourd’hui codifié à l’article L.214-1 du Code de l’urbanisme, lequel a institué un droit de préemption spécifique portant sur les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux et de baux commerciaux.

    Mais précisément, le Tribunal administratif de Paris a jugé que ce retard ne pouvait à lui seul justifier le dispositif litigieux « portant une atteinte toute particulière au droit de propriété » au regard de la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-436 DC du 7 décembre 2000 ayant précédemment censuré le point 3°de l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme issu de la Loi « SRU » du 13 décembre 2000.

    D’ailleurs, selon nous, il n’est pas si certain qu’en l’absence de son décret d’application le dispositif institué par l’article L.214-1 précité soit nécessairement inapplicable.

    En effet, le seul fait qu’un décret d’application prévu par un dispositif législatif ne soit pas intervenu n’implique pas ipso facto que ce dernier n’est pas d’applicabilité immédiate ; sauf, bien entendu, à ce qu’il ait expressément subordonné son entrée en vigueur à l’intervention de ce décret – ce qui n’est pas le cas de l’article L.214-3 du Code de l’urbanisme – puisqu’en pareil cas, le juge administratif recherche si les dispositions législatives en cause sont suffisamment précises pour être applicables (CE. 18 janvier 2006, FNAUT, req. n°263.468), nonobstant l’absence de décret d’application (CAA. Bordeaux, 16 mai 1991, CNRACL, req. n°89BX01144).

    Mais il vrai que si le dispositif institué par l’article 58 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005 n’est pas d’une telle généralité qu’il puisse en être assurément déduit qu’il est inapplicable en l’absence du décret d’application à intervenir, à l’inverse, il n’atteint pas non plus un degré de précision permettant de conclure avec certitude à son applicabilité immédiate…

    Néanmoins, il ne nous semble pas déraisonnable de considérer que celui-ci est suffisamment précis pour être appliqué en l’état puisque l’article L.214-1 du Code de l’urbanisme précise les conditions d’institution du droit de préemption qu’il instaure (une délibération motivée délimitant son périmètre d’application territorial), son champ d’application matériel (toute cession de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux), sont fait générateur (chaque cession devant préalablement faire l’objet une déclaration du cédant devant préciser le prix et les conditions de la cession, à l’instar de la « traditionnelle » déclaration d’intention d’aliéner dont on voit mal pourquoi le contenu le la déclaration prévue par l’article précité s’en éloignerait), ses modalités d’exercice (par renvoi exprès aux dispositions des articles L.213-4 à L.213-7 du Code de l’urbanisme et implicite à certaines des dispositions de son article L.231-2).

    Précisément, l’élément déterminant nous semble être ce renvoi aux modalités d’application des droits de préemption existants, telles qu’elles sont définies par les dispositions législatives précitées du Code de l’urbanisme, lequel implique également un renvoi implicite mais nécessaire à ses articles R.213-4 et suivants.

    Force est, d’ailleurs, d’admettre que l’objectif poursuivi par le législateur aurait pu être réalisé par l’intégration des cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux au droit de préemption urbain renforcé, sous réserve de quelques aménagements particuliers. Et en toute hypothèse, les seules réelles spécificités du droit de préemption institué par l’article 58 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005, comparé au droit de préemption urbain, procèdent, d’une part, de la circonstance qu’il peut être instauré dans les communes n’étant pas couverte par un document d’urbanisme local, ce qui ressort implicitement mais néanmoins clairement de l’article L.214-1.al.-1 du Code de l’urbanisme et d’autre part, de l’article L.214-2 du Code de l’urbanisme dont les dispositions sont particulièrement claires et, surtout, précises.

    A notre sens, la seule réelle difficulté procède de la circonstance que l’article L.214-1 du Code de l’urbanisme ne régit pas les conditions d’opposabilité de la délibération pouvant instituer le droit de préemption qu’il prévoit. Il reste que cette « carence » n’est pas source de vide juridique puisqu’en l’état et à défaut donc de disposition spéciale applicable, force est de considérer que l’opposabilité de cette délibération est assujettie au respect des dispositions du Code général des collectivités territoriales relatives à la publication des délibérations du Conseil municipal, auxquelles peuvent être joutées les formalités de publication prévues par les articles R.211-2 et R.211-4 du Code de l’urbanisme s’agissant du droit de préemption urbain de « droit commun » et « renforcé ».

    Tant par son dispositif intrinsèque que par les renvois aux dispositions applicables, notamment, au droit de préemption urbain – auquel s’ajoutent les principaux généraux issus de l’article L.210-1 du Code de l’urbanisme lequel vise « les droits de préemptions institués par le présent titre » dont font partie les articles L.214-1 et suivants – les articles L.214-1 et suivants du Code de l’urbanisme nous semblent donc d’applicabilité immédiate. Et pour conclure, on relèvera que le Tribunal administratif de Lyon a récemment jugé que le droit de préemption urbain de « droit commun » pouvait être mise en œuvre dans le but d’assurer le maintien de commerces de proximité (TA. Lyon, 24 mai 2006, M. & Mme D., req. n °05-07985) : c’est donc bien qu’il existe une réelle connexité entre ces deux droits de préemption.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • L’arrêté fixant la composition de la commission départementale d’équipement commercial doit-il désigner nominativement ses membres ?

    Aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au préfet, au stade de l'arrêté fixant la composition de la commission départementale d’équipement commercial, de désigner nominativement ceux des membres de la commission qui sont suffisamment identifiés par la désignation de leur fonction ou de leur mandat. Et si ces personnalités peuvent se faire représenter, il n'appartient pas non plus au préfet de désigner par avance la personne ainsi appelée à siéger selon les usages de la fonction représentée.

    CAA. Lyon, 24 mai 2007, Ebt Pierre Fabre, req. n°04LY00261


    Voici un arrêt qui marque un heureux assouplissement de la jurisprudence ou, à tout le moins, démontre que la question relative à la désignation des membres de la commission départementale d’équipement commercial n’est pas tranchée (depuis, voir ici).

    On sait, en effet, que les Cours administratives d’appel de Bordeaux, Nantes et Versailles se sont récemment illustrées en jugeant que l’arrêté préfectoral fixant la composition de ladite commission ne pouvait se borner à indiquer leur fonction ou leur mandat puisqu’aux fins de permettre la vérification de leur nécessaire impartialité, il serait nécessaire qu’il les désigne nominativement (CAA. Bordeaux, 21 mai 2007, req.n°04BX00374 ; CAA. Nantes, 19 décembre 2006, req. n°05NT01988 ; CAA Versailles, 8 juin 2006, req. n°04VE00164). Pour citer le plus récent, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a ainsi jugé que :

    « Considérant qu'aux termes de l'article L. 720-8 du code de commerce : « I - La commission départementale d'équipement commercial est présidée par le préfet qui, sans prendre part au vote, informe la commission sur le contenu du programme national prévu à l'article L. 720-1 et sur le schéma de développement commercial mentionné à l'article L. 7203. / II - Dans les départements autres que Paris, elle est composée : / 1º Des trois élus suivants : / a) Le maire de la commune d'implantation ; / b) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation ; / c) Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation ; ( ) dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes, le maire de la commune la plus peuplée est choisi parmi les maires des communes de ladite agglomération ; / 2º Des trois personnalités suivantes : / a) Le président de la chambre de commerce et d'industrie dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ; / b) Le président de la chambre de métiers dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ; / c) Un représentant des associations de consommateurs du département. ( ) » ; qu'aux termes de l'article 10 du décret n° 93-306 du 9 mars 1993 : « Pour chaque demande d'autorisation, un arrêté préfectoral fixe la composition de la commission » ; qu'aux termes de l'article 11 du même décret : « Les membres de la commission sont tenus de remplir un formulaire destiné à la déclaration des intérêts qu'ils détiennent et des fonctions qu'ils exercent dans une activité économique. Aucun membre ne peut siéger s'il n'a remis au président de la commission ce formulaire dûment rempli » ; qu'enfin, l'article 22 de ce décret dispose que : « Dans le délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement d'une demande d'autorisation, les membres de la commission départementale d'équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, communication de cette demande accompagnée : - de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission ( ) » ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que le préfet du département doit, afin de permettre aux intéressés de s'assurer de l'impartialité de la commission, et sous peine de méconnaître une formalité substantielle, préciser l'identité des représentants éventuels des élus et autorités composant la commission départementale d'équipement commercial appelée à se prononcer sur une demande d'autorisation ;
    Considérant que l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 octobre 2002 fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial appelée à se prononcer sur la demande de la société Dis.Li.Al désigne les maires de Libourne et de Saint-Denis de Pile, le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Libourne et le président de la Chambre des métiers de la Gironde, en assortissant chacune de ces désignations de la mention « ou son représentant », sans indiquer l'identité de ces éventuels représentants ; que, par suite, la composition de la commission départementale d'équipement commercial doit être regardée, au regard des dispositions législatives et réglementaires précitées, comme irrégulière ; que ce vice de forme entache d'illégalité l'autorisation donnée par cette commission »
    .

    Mais cette position n’a donc pas été suivie par la Cour administrative de Lyon qui pour sa part vient de juger que :

    « Considérant en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 10 du décret précité : Pour chaque demande d'autorisation, un arrêté préfectoral fixe la composition de la commission ; que l'article 22 du même décret dispose que : Dans le délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement d'une demande d'autorisation, les membres de la commission départementale d'équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, communication de cette demande accompagnée : - de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission ( ) ; que les dispositions précitées n'imposent pas au préfet, au stade de l'arrêté fixant la composition de la commission, de désigner nominativement ceux des membres de la commission qui sont suffisamment identifiés par la désignation de leur fonction ou de leur mandat ; que si ces personnalités peuvent se faire représenter, il n'appartient pas non plus au préfet de désigner par avance la personne ainsi appelée à siéger selon les usages de la fonction représentée ;
    Considérant que l'arrêté du 24 janvier 2000 du préfet de l'Ardèche fixant la composition de la commission départementale d'équipement commercial a désigné ses membres en indiquant la mention de leurs fonctions ou mandats, pour les maires des trois communes, le président de la chambre de commerce et d'industrie et le président de la chambre de métiers et en précisant le nom du représentant de l'association désigné pour siéger et celui de son éventuel représentant en cas d'absence ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet n'a, ce faisant, pas méconnu les dispositions précitées »
    .

    Selon nous, c’est assurément cette seconde solution qui est la plus justifiée dès lors qu’aucune disposition législative et réglementaire – et, notamment, les articles L.751-2 et R.751-2 du Code de commerce relatifs aux modalités de composition de la commission – n’impose la désignation nominative de ses membres.

    Or, si comme l’ont jugé les Cours administratives d’appel de Bordeaux, Nantes et Versailles, la désignation nominative des membres de la commission était une formalité substantielle nécessaire, notamment, au contrôle de l’impartialité de ces derniers, on voit mal pourquoi celle-ci n’est prévue par aucune disposition législative et réglementaire alors que :

    - d’une part et d’une façon générale, le Code de commerce prévoit expressément un certain nombre de cas où la désignation nominative des membres de la commission est obligatoire. A titre d’exemple, la procédure de vote pour laquelle les bulletins doivent être nominatifs en application de l’article R.752-30 du Code de commerce ;
    - d’autre part et de façon plus spécifique, le contrôle de l’impartialité des membres a vocation à être assuré, après l’arrêté de fixation de la composition de la commission, par le Préfet à travers l’examen des formulaires de déclaration d’intérêts prescrits par l’article R.751-7 du Code de commerce.

    Il faut, toutefois, relever qu’à suivre la Cour administrative d’appel de Lyon, si l’arrêté fixant la composition de la commission n’a pas à désigner nominativement les élus et les présidents de la chambre de commerce et de l’industrie et de la chambre des métiers puisqu’ils « sont suffisamment identifiés par la désignation de leur fonction ou de leur mandat », en revanche cette formalité s’imposerait s’agissant du représentant des associations de consommateurs du département.

    Mais il est vrai que si, à titre d’exemple, la seule désignation du maire de la commune d’implantation du projet permet d’en établir l’identité, tel n’est pas le cas de la seule désignation du représentant de ces associations. En cela, l’arrêt commenté va donc dans le sens de la doctrine administrative et, plus précisément, de l’article 127 de la circulaire ministérielle du 16 janvier 1997, portant application des dispositions de la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat du 27 décembre 1973, lequel avait précisé que « l’arrêté décrit la composition de la commission, telle qu’elle figure à l’article 30 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée. Seuls apparaissent nominativement les représentants, titulaire et suppléant, des associations de consommateurs ».


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés