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Quelques précisions sur les modalités d’application des articles L.421-2-5 et R.421-3-2 du Code de l’urbanisme

L’inapplicabilité de l’article L.421-2-5 du Code de l’urbanisme ne s’oppose pas à ce qu’un maire intéressé à sa délivrance doive déléguer cette fonction au titre de l’article L.2122-17 du Code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, l’absence de production au dossier de demande du récépissé de déclaration d’exploitation d’installation classée pour la protection de l’environnement n’emporte pas l’annulation du permis de construire sur le terrain de l’article R.421-3-2 du Code de l’urbanisme lorsqu’il est établi que les services en charge de l’instruction de cette demande en ont eu communication.

CAA. Lyon, 28 septembre 2006, Association X., req. n°03LY02072


Dans cette affaire, le maire de la commune de Saint-Victor-sur-Arlanc avait sollicité et obtenu un permis de construire portant sur deux bâtiments à usage de porcherie dont l’exploitation exigeait, par ailleurs, la formulation d’une déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement.

I.- Mais intéressé à la délivrance de ce permis de construire, le Maire avait ainsi délégué cette fonction à son premier adjoint. Or, dans le cadre du recours en annulation exercé à son encontre, les requérants soutenaient, notamment, que le permis de construire litigieux était entaché d’incompétence puisque son signataire – le premier adjoint – n’avait pas été habilité à cet effet par une délibération du Conseil municipal.

Mais constatant que la commune de Saint-Victor-sur-Arlanc n’était pas couvert pas un POS ou un PLU à la date de délivrance du permis de construire contesté, le Cour administrative d’appel de Lyon, confirmant le jugement de première instance du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand devait rejeté ce moyen au motif suivant :

« Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2-5 du code de l'urbanisme, applicable dans les communes pour lesquelles un plan d'urbanisme a été approuvé : « Si le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est intéressé à la délivrance du permis de construire, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour délivrer le permis de construire » ; qu'aux termes de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales dans sa version alors applicable : « En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau» ;
Considérant, qu'en sa qualité de maire de la commune de Saint-Victor-sur-Arlanc, , bénéficiaire du permis litigieux, était intéressé à sa délivrance ; qu'à la date d'intervention de ce permis, la commune de Saint-Victor-sur-Arlanc n'était pas dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article L. 421-2-5 ci-dessus étaient en l'espèce inapplicables ; qu'en revanche, étant intéressé, le maire de Saint-Victor-sur-Arlanc était empêché au sens de l'article L. 2122-17 ci-dessus ; que, pour la signature du permis litigieux, il a pu, sur ce même fondement, être provisoirement remplacé par , premier adjoint ; que, contrairement à ce que prétend la requérante, cette disposition n'exigeait aucune délibération du conseil municipal attribuant à cet adjoint une délégation expresse en ce sens ; que l'association requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le permis en cause aurait été signé par une autorité incompétente
».

On sait, en effet, que si l’article L.421-2-5 du Code de l’urbanisme se borne à disposer, sans autre précision quant au champ d’application territorial de ses prescriptions, que « si le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est intéressé à la délivrance du permis de construire, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour délivrer le permis de construire », le Conseil d’Etat a précisé qu’elles n’étaient applicables que dans les communes couvertes par un POS ou un PLU (CE. 14 juin 1995, Girot, req. n°115.091) ; ce qui semble pourvoir s’expliquer par le fait qu’en pareil cas, les permis de construire sont instruits et délivrés au nom de l’Etat, si bien que lorsqu’il est compétent (par exception, cette compétence peut relever du Préfet de Département), le maire se borne en fait à entériner la décision des services instructeurs de la Préfecture après avoir, néanmoins, été consulté et fait connaître l’avis de la commune sur le projet en cause.

Il reste que non seulement le Conseil d’Etat a érigé en quasi-principe général du droit la règle d’impartialité des autorités administratives, laquelle doit ainsi s’appliquer même en absence de texte spécial (Ccl. Mitjavile sur CE. ass., 3 décembre 1999, CCM de Bain-Tresboeuf, req. n°197.060) mais qu’en outre, l’article L.2122-17 du Code général des collectivités territoriales dispose, d’une façon générale, que « en cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau».

Précisément, la Cour administrative d’appel de Lyon a donc jugé que le fait d’être intéressé à la délivrance d’un permis de construire constitue pour le Maire un empêchement au sens de l’article L.2122-17 du Code général des collectivités territoriales, si bien qu’en cas d’inapplicabilité des prescriptions spéciales de l’article L.421-2-5 du Code de l’urbanisme, il lui incombe, au titre de ces dispositions générales, de se « déporter » pour qu’ainsi, le permis de construire soit signé par un adjoint ou, à défaut d’adjoint, par un conseiller municipal. A cet égard, l’arrêt commenté confirme en tous points l’analyse précédemment faite par le Tribunal administratif d’Amiens dans jugement – soulignons-le – mentionné aux Tables du Recueil Lebon (TA. Amiens, Epx Micheli, req. n°93-02147, Rec., T., p.1219).

Mais par voie de conséquence, la Cour administrative d’appel de Lyon a donc jugé que l’intervention du premier adjoint du Maire de Saint-Victore-sur-Arlanc ne nécessitait pas sa désignation préalable par une délibération du Conseil municipal puisque si l’article L.421-2-5 du Code de l’urbanisme précise que, lorsque ses prescriptions sont applicables, « le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour délivrer le permis de construire », l’article L.2122-17 du Code général des collectivités territoriales dispose qu’en cas d’empêchement du Maire, celui-ci « est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau» : une délibération du conseil municipal n’est donc nécessaire que pour désigner l’un de ses membres et ce, uniquement en cas de défaut d’adjoint.

En résumé, là où dans les communes couvertes par un POS ou un PLU le Maire intéressé à la délivrance d’un permis de construire devra être remplacé par un membre du Conseil municipal désigné, en toute hypothèse, par une délibération de ce dernier en application de l’article L.421-2-5 du Code de l’urbanisme, un adjoint pourra remplacer le Maire au titre de l’article L.2122-17 du Code général des collectivités territoriales sans qu’il soit besoin qu’il ait été désigné à cet effet par le Conseil municipal dans les communes n’étant pas couvertes par un tel document d’urbanisme.

II.- Plus spécifiquement, l’arrêt commenté démontre également que si le juge administratif est souvent rigoureux s’agissant de l’application des prescriptions d’urbanisme et, notamment, de celles régissant le contenu du dossier de demande de permis de construire, il peut néanmoins faire preuve de pragmatisme.

Dans cette affaire, la construction projetée le Maire de Saint-Victor-sur-Arlanc constituait, en effet, une installation classée pour la protection de l’environnement assujettie à déclaration d’exploitation au titre de cette législation. Par voie de conséquence, son dossier de demande de permis de construire relevait des prescriptions de l’article R.421-3-2 du Code de l’urbanisme qui dispose que « lorsque les travaux projetés concernent une installation soumise à autorisation ou à déclaration en vertu de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, la demande de permis de construire doit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande d'autorisation ou de la déclaration ».

Mais si le Maire avait effectivement formulé cette déclaration, il reste qu’il n’en avait pas produit le récépissé à son dossier de demande de permis de construire. Or, par principe, la méconnaissance des prescriptions de l’article précité emporte l’annulation du permis de construire délivré sans ces conditions.

Il reste que l’article R.421-3-2 du Code de l’urbanisme n’impose pas la production du récépissé de déclaration ou de la demande d’autorisation d’exploiter pour le principe ou pour la « beauté du geste » mais pour assurer la l’information des services instructeurs concernés et ainsi la jonction des instructions des demandes formulées au titre de la législation d’urbanisme, d’une part, et de la législation environnementale, d’autre part (CE. 23 mai 2001, Association pour la défense de l’environnement du Pays Arédien et du Limousin, req. n°210.938); lesquelles sont, toutefois, indépendantes, si bien qu'il n'y a aucun lien d'interdépendance entre le permis de construire et l'autorisation d'exploiter.

Or, il se peut que nonobstant le défaut de production des pièces requises au titre de l’article R.421-3-2 du Code de l’urbanisme par le pétitionnaire, les services en charge de l’instruction de la demande de permis de construire aient néanmoins été mis en possession de la demande d’autorisation d’exploiter ou du récépissé de déclaration d’exploitation d’installation classée pour la protection de l’environnement.

En pareille circonstance, les prescriptions de l’article précité ont certes été méconnues mais l’objectif poursuivi par ce dernier a néanmoins été réalisé ; tel était le cas en l’espèce. C’est pourquoi la Cour administrative d’appel de Lyon a refusé d’accueillir le moyen tiré de la méconnaissance « formelle » des prescriptions de l’article R.421-3-2 du Code de l’urbanisme en jugeant que :

« si le récépissé du dépôt de la demande présentée au titre de la loi susvisée du 19 juillet 1976 ne figurait pas au dossier de demande de permis déposé par [le pétitionnaire], il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courrier du préfet de la Haute-Loire du 28 mars 2001, qu'il était en possession de l'administration et qu'il avait été transmis aux services en charge de l'instruction de la demande de permis ; que le moyen tiré de la violation de la disposition ci-dessus manque en fait ».

Sur ce point, l’arrêt commenté peut être rapproché de la solution adoptée par la Cour administrative d’appel de Marseille à l’égard du justificatif du dépôt de la demande d’autorisation de prise d’eau au titre de l’article 106 du code Rural (art. R.421-3-3 ; C.urb), laquelle a jugé que le défaut de production de ce justificatif au dossier de demande ne pouvait emporter l’annulation du permis de construire délivré par le Préfet puisqu’à sa date de délivrance, celui-ci avait déjà octroyé l’autorisation prévue par l’article 106 du Code rural et devait donc être réputé avoir déjà connaissance tant du dépôt que de la délivrance de cette autorisation (CAA. Marseille, 18 octobre 2001, Association de protection des salmonidés, req. n°98MA00194).


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

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