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L’inaccessibilité des places de stationnement affectées à une construction n’emporte pas nécessairement l’annulation du permis de construire s’y rapportant

Lorsque l’article 12 du règlement d’urbanisme local ne contient aucune prescription relative au stationnement des véhicules, la seule circonstance que deux des places de stationnement à aménager ne soient pas accessibles ne peut suffire à établir que le permis de construire méconnaît les prescriptions de l’article 3 dudit règlement.

CAA. Nancy, 19 octobre 2006, M. Jean-Claude X., 05NC00269


Dans cette affaire, le pétitionnaire avait obtenu un permis de construire pour l’aménagement en habitation des combles d’un immeuble existant et la réalisation de trois places de stationnement. Cette autorisation devait, toutefois, faire l’objet d’un recours en annulation dont le seul moyen opérant était tiré de la méconnaissance de l’article 3 du POS communal relatif au accès, lequel se bornait, en l’espèce, à retranscrire l’économie générale de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme en disposant que « tout terrain enclavé est inconstructible, à moins que son propriétaire n'obtienne un passage aménagé sur les fonds de ses voisins dans les conditions fixées par l'article 682 du code civil ».

L’élément de fait présenté au soutient de ce moyen était, toutefois, spécifique puisque les requérants se bornaient à faire valoir que le permis de construire méconnaissait les prescriptions précitées dans la mesure où deux des trois emplacements de stationnement projetés n’étaient pas accessibles.

La Cour administrative d’appel de Nancy devait, cependant, confirmer le jugement de première instance et rejeter ce moyen ainsi que l’ensemble de la requête en jugeant que :

« considérant que M. X fait valoir que le permis de construire litigieux méconnaît les dispositions sus rappelées de l'article U3.1, au motif que les deux emplacements de parking dont il autorise l'aménagement ne seraient pas accessibles depuis la Grand'rue, et que la servitude de passage permettant l'accès à ces deux parkings est insuffisante pour les desservir ; que, toutefois, d'une part, il est constant que la construction projetée est accessible depuis la Grand'Rue, et, d'autre part, le règlement du plan d'occupation des sols ne contient pas de dispositions relatives aux stationnements des véhicules ; que, par suite, la construction litigieuse n'a pas été autorisée en méconnaissance des dispositions susrappelées de l'article U3.1, nonobstant la circonstance que les deux emplacements de parkings créés soient en réalité inaccessibles ».

La Cour a donc jugé que les deux places de stationnement litigieuses n’étaient certes pas accessibles mais que dans la mesure où l’article 12 du POS communal n’était pas réglementé aucun moyen tiré de cette situation ne pouvait prospérer à l’encontre du permis de construire contesté.

En substance, la Cour semble donc avoir considérer que dans la mesure où l’article 12 du règlement d’urbanisme local ne contenait aucune prescription relative au stationnement des véhicules et où, par voie de conséquence, aucune place de stationnement n’était requise à ce titre, la légalité du permis de construire en litige devait donc être appréciée indépendamment de toute considération liée aux places de stationnement néanmoins prévues par le pétitionnaire.

Pour faire preuve d’un louable pragmatisme, la solution retenue par l’arrêt commenté n’en appelle pas moins certaines réserves.

A suivre la démarche de la Cour, force serait donc de considérer qu’aucun moyen tiré des places de stationnement non requises au titre de l’article 12 du règlement d’urbanisme local ne saurait être utilement invoqué à l’encontre du permis de construire en autorisant l’aménagement. Et a priori, une telle solution devrait valoir aussi bien pour les places aménagées alors que l’article 12 n’en exige aucune que, le cas échéant, pour les places excédentaires, prévues en supplément du nombre exigé par cet article lorsque tel est le cas.

Il reste que le Conseil d’Etat a eu l’occasion de juger que dans le cas où les places excédentaires ne présentaient pas les dimensions prescrites par l’article 12 du règlement d’urbanisme local, cette circonstance suffisait à emporter l’annulation du permis de construire les ayant autorisées, quand bien même les places requises au titre de cet article respectaient pour leur part les dimensions prescrites par ce dernier (CE. 31 juillet 1996, Sté Balladins, req. n°127.667).

D’ailleurs, le juge administratif a déjà eu l’occasion de censurer plusieurs permis de construire en considération de l’inaccessibilité de certaines des places de stationnement projetées indépendamment de toute considération liée à la question de savoir si elles étaient ou non requises par l’article 12 du règlement d’urbanisme local (pour exemple : CAA. Lyon, 4 avril 2000, SARL GENEPI, req. n°99LY01288) .

A notre sens, la circonstance que les deux places litigieuses n’étaient pas prescrites par le POS communal ne peut donc justifier à elle seule que la Cour administrative d’appel de Nancy ait refusé de censurer le permis de construire contesté en considération de leur inaccessibilité.

Mais en l’espèce, il faut souligner que l’article 3 du POS communal n’imposait pas la desserte des constructions et des aménagements annexes mais l’accessibilité du terrain à construire depuis la voie publique, ce qui est d’ailleurs le seul objet de l’article R.111-4 du Code de l’urbanisme (CE. 26 octobre 2005, Cne de Sceaux, req. n°265.488) que ledit article 3 se bornait à retranscrire ; étant précisé que l’article 3 d’un règlement d’urbanisme local peut néanmoins imposer expressément que chacune des constructions projetées sur un même terrain dispose d’un accès propre (pour un exemple de permis de construire annulé au motif que chacun des trois bâtiments projetés ne disposait pas d’un accès propre à la voie publique : CAA. Versailles, 18 mai 2006, Sté Francelot, req. n°04VE03254), ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce.

La Cour administrative d’appel de Nancy aurait donc pu se borner à constater que le terrain à construire était desservi par une voie publique pour conséquemment rejeter le moyen tiré de la prétendue méconnaissance de l’article 3 du POS communal.

Pour autant, la Cour a cru utile de relever non pas que le terrain était accessible depuis la voie publique existante au droit de ce dernier mais que « la construction projetée (était) accessible depuis la Grand'Rue » et, par voie de conséquence, respectait les prescriptions de l’article 3 du POS communal. A priori, il aurait donc été cohérent de tirer les conséquences du fait que les deux places de stationnement en cause était inaccessibles….

D’ailleurs, cette conséquence n’aurait pas nécessairement été l’annulation de l’entier permis de construire attaqué. Il apparaît, en effet, que les deux places litigieuses étaient manifestement isolées du reste de la construction autorisée et n’étaient donc pas nécessaires à la conformité du projet au regard de l’article 12 du POS communal puisque celui-ci n’était pas réglementé. En d’autres termes, ces deux places de stationnement étaient matériellement et juridiquement dissociables du reste du projet autorisé par le permis de construire litigieux.

Au pire et pour faire preuve de cohérence, la Cour aurait donc pu n’annuler ce permis de construire qu’en tant qu’il avait autorisé ces places de stationnement.

Il reste que, selon nous, la solution la plus simple et la plus satisfaisante d’un point de vue juridique aurait été que la Cour se limite à constater que, d’une part, l’article 3 du POS communal se bornait à imposer que le terrain à construire soit desservi par une voie publique pour, d’autre part, relever que tel était bien le cas en l’espèce et ainsi conclure que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article était, tel qu’il était soutenu, inopérant puisque se rapportant à une considération de fait que ne saisissait pas l’article invoqué.

En résumé, si elle est fondamentalement justifier en droit, le raisonnement juridique mis en œuvre à cet effet par la Cour administrative d’appel de Nancy apparaît quelque peu contestable et ne saurait, selon nous, être transposé à toute autre affaire où l’article 12 du règlement d’urbanisme local ne serait pas réglementé.

Il n’en demeure pas moins que cet arrêt peut être rapproché d’autres décisions dans lesquelles le juge administratif a fait preuve d’une certaine clémence à l’égard des conditions de praticabilité des places de stationnement projetées et, notamment, de l’arrêt par laquelle la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que deux places de stationnement pouvait disposer d’un dégagement commun alors que le POS communal prescrivait que « chaque emplacement, dans une aire collective, doit répondre aux caractéristiques minimales suivantes : longueur 5 mètres, largeur 2,30 mètres, dégagement 6 x 2,30 mètres » (CAA. Paris, 29 juin 1999, Allanches, req. n°95PA03081) ou de celui par lequel le Conseil d’Etat a considéré que certaines places de stationnement pouvaient n’être accessibles qu’à partir d’autres emplacements (CE. 26 février 2001, Mme Dorwling-Carter, req. n°211.318) alors que dans les deux cas, les places litigieuses n’étaient pas excédentaires mais indispensables assurer le respect de l’article 12 du règlement d’urbanisme local quant au nombre de places nécessaires.



Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat à la Cour
Cabinet Frêche & Associés

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