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Zone d'aménagement concerté - Page 2

  • L’acte de création d’une ZAC doit-il respecter le document d’urbanisme en vigueur à sa date d'approbation ?

    C’est la question que l’on est en droit de se poser à la lecture de ces deux arrêts proposant chacun une réponse et une interprétation différentes de la portée de la suppression de l’alinéa 2 de l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000.

    CAA. Paris, 8 juillet 2008, Cne de Boissise-le-Roi, req. n°07PA03281 & CAA. Bordeaux, 30 octobre 2008, Cne de Mios, req. n°07BX00045



    Dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2000, l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme disposait que « lorsqu'un plan d'occupation des sols a été rendu public ou approuvé dans des communes, parties de communes ou ensemble de communes, des zones d'aménagement concerté ne peuvent y être créées qu'à l'intérieur des zones urbaines ou des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan ».

    Il s’ensuivait qu’à cet égard, l’acte de création d’une ZAC devait nécessairement être conforme au POS pour ce qui concerne sa localisation au regard du zonage opéré par ce dernier.

    Il reste que non seulement cet alinéa a donc été supprimé par la loi « SRU » mais qu’en outre, son décret d’application du 27 mars 2001 a inséré un article disposant que « l'aménagement et l'équipement de la zone sont réalisés dans le respect des règles d'urbanisme applicables. Lorsque la commune est couverte par un plan local d'urbanisme, la réalisation de la zone d'aménagement concerté est subordonnée au respect de l'article L. 123-3 » et induisant donc clairement que c’est la réalisation – et donc le dossier de réalisation de la ZAC – qui se doit d’être conforme au règlement local d’urbanisme ; ce que tend d’ailleurs a confirmé implicitement l’article L.123-3. Et lorsque tel n’est pas le cas, il convient donc de réviser le POS/PLU avant l’approbation du dossier de réalisation de la ZAC.

    Telle est d’ailleurs la position adoptée par la Cour administrative d’appel de Paris, laquelle a récemment jugé que :

    « Considérant que l'acte de création d'une ZAC prévu par l'article L. 311-1 précité a pour seul objet de définir le périmètre et le programme de l'opération ; que la délibération qui approuve lesdits périmètre et programme n'a pour effet ni d'autoriser une quelconque construction ni de définir des règles d'urbanisme ; que, depuis les modifications apportées aux dispositions du code de l'urbanisme applicables aux ZAC par l'article 7 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, rien n'interdit que la réalisation des équipements prévus dans une telle zone ne soit pas compatible avec le plan d'urbanisme en vigueur lors de la création de cette zone, cette réalisation ne pouvant alors intervenir qu'après la modification de ce plan ; que dans ces conditions, le Tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en jugeant qu'une délibération créant une ZAC était illégale du seul fait que son rapport de présentation faisait état d'un programme de construction incompatible avec les dispositions du règlement annexé au plan d'occupation des sols en vigueur »

    Mais pour sa part la Cour administrative d’appel de Bordeaux a adopté une position inverse en jugeant plus récemment encore que :

    « Considérant, toutefois, que si - ainsi qu'il a été dit ci-dessus - la loi du 18 décembre 2000 a supprimé le deuxième alinéa de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme antérieurement applicable, limitant la création des ZAC à l'intérieur des zones urbaines et des zones d'urbanisation futures des plans d'occupation des sols, il résulte de l'article précité, éclairé par les travaux préparatoires de la loi, que celle-ci n'a pas entendu affranchir la création des zones d'aménagement concerté du respect des règles d'urbanisme en vigueur, ainsi qu'en dispose, d'ailleurs, l'article R. 311-6 du code de l'urbanisme pour la réalisation de ces zones, mais assouplir les conditions de leur délimitation ; qu'il ressort des pièces du dossier que la quasi-totalité des terrains inclus dans le périmètre de la ZAC du « Parc de la vallée de l'Eyre », faisant plus de deux cents hectares, étaient classés en zone NCf du plan d'occupation des sols approuvé constitué, selon ce document d'urbanisme, « d'espaces d'activités exclusivement forestières non constructibles » ; qu'ainsi, la création d'une telle ZAC a méconnu le plan d'occupation des sols approuvé, le 10 avril 1995, de la COMMMUNE DE MIOS, qui ne saurait faire valoir utilement qu'à la date de la décision attaquée, la révision partielle de ce document avait été prescrite » ;

    et donc que, nonobstant, la suppression de l’ancien alinéa 2 de l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme, l’acte de création d’une ZAC devait être conforme au règlement local d’urbanisme alors en vigueur.

    Pour notre part, nous considérons qu’une telle solution est erronée et qu’en d’autres termes, celle devant s’imposer est celle retenue par la Cour administrative d’appel de Paris.

    Tout d’abord, force est de, d’une part, de rappeler que l’article R.311-6 du Code de l’urbanisme vise la réalisation de la ZAC et, d’autre part, de préciser que cet article est le premier de la section consacrée à la « réalisation de la zone d’aménagement concerté » et de relève donc pas de sa section précédent relative à la « création de la zone d’aménagement concerté ».

    Cette distinction peut paraître anodine mais la lecture des conclusions du Commissaire du gouvernement dans cette affaire établie c’est ceci qui explique que le Conseil d’Etat a jugé qu’une convention d’aménagement ne pouvait être signé avant l’adoption du dossier de création puisque les modes de réalisation de la ZAC sont définis par l’article R.311-6 qui ne relève pas de la section consacrée à la création de la zone (CE. 8 décembre 2004, Sté EIFFEL-DISTRIBUTION, req. n° 270.432) .

    Nous voyons donc mal comment la Cour administrative d’appel de Bordeaux a pu estimé que la loi « SRU » « n'a pas entendu affranchir la création des zones d'aménagement concerté du respect des règles d'urbanisme en vigueur, ainsi qu'en dispose, d'ailleurs, l'article R. 311-6 du code de l'urbanisme pour la réalisation de ces zones » et, ainsi, établir l’intention du législateur sur les conditions de légalité de l’acte de création d’une ZAC au regard de dispositions d’un décret intéressant la réalisation de cette zone…

    Ensuite et comme l’a précisé la Cour parisienne, l’acte de création d’une ZAC est un document de pure planification opérationnelle définissant le périmètre et le programme de l'opération à réaliser dans le cadre de cette zone et qui, de ce fait, n’a pour objet ni d’édicter des règles d’urbanisme, ni de permettre la réalisation de travaux.

    Enfin et par voie de conséquence, l’arrêt de la Cour bordelaise nous paraît méconnaître la nature et l’objet d’un POS/PLU, lequel, aux côtés de la carte communale, constitue la norme la moins élevée de la hiérarchie des normes du droit de l’urbanisme et dont les prescriptions ne s’imposent qu’aux travaux et aménagements constitutifs d’occupations et d’utilisations des sols ; l’alinéa 2 de l’ancien article L.311-1 du Code de l’urbanisme constituant à cet égard une des rares exceptions (et à ma connaissance la seule).

    Dès lors qu’un acte de création de ZAC ne permet pas la réalisation de travaux et d’aménagements et qu’un POS/PLU ne régit que les travaux et les aménagements, nous voyons donc mal pourquoi cet acte devrait, malgré la suppression de l’alinéa 2 susvisé, être conforme au règlement local d’urbanisme en vigueur à sa date d’approbation.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur la prise en compte dans les ZAC d’une voie non encore réalisée à la date de délivrance du permis de construire

    Une voie peut être prise en compte pour apprécier la légalité d’un permis de construire au regard de l’article 3 du règlement local d’urbanisme dès lors que leur construction était largement avancée et que leur achèvement était prévu à une échéance proche.

    TA. Poitiers, 25 octobre 2007.pdf, Mme Servouse, req. n°06-01532 & 07-00878



    Voici un jugement fort intéressant, tout d’abord, parce qu’il porte sur un principe ne donnant somme toute lieu qu’à peu de jurisprudence, ensuite, parce qu’il constitue un des rares cas d’application positive de ce principe, enfin et surtout, parce qu’il fait application de ce principe à une opération de construction projetée dans une ZAC.

    Dans cette affaire, le pétitionnaire avait acquis de l’aménageur un terrain sur lequel il avait obtenu un permis de construire, lequel devait être contesté notamment sur le fondement de l’article 3 du règlement local d’urbanisme dans la mesure où, à sa date de délivrance, la voie devant desservir le terrain n’avait pas été encore réalisée par l’aménageur da la zone.

    On sait, en effet, que la légalité d’un permis de construire s’apprécie à sa date de délivrance en considération du projet présenté par le pétitionnaire, tel qu’il apparaît à l’examen du dossier déposé à cet effet. Par voie de conséquence et par principe, seuls les aménagements dont la réalisation est autorisée par le permis de construire et ceux existants à la date de délivrance de ce dernier peuvent être prise en compte pour apprécier sa légalité (voir, toutefois, ici).

    En matière de réseaux d’eau, d’assainissement et d’électricité, ce principe fait toutefois l’objet d’une exception prévue par l’article L.111-5 du Code de l’urbanisme (anc. art. L.421-5), lequel dispose que :

    « lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies ».

    Quant aux travaux de voirie, si le Code de l’urbanisme ne prévoit en la matière aucune disposition équivalente à celles de l’article L.111-5 du Code de l’urbanisme, il n’en demeure pas moins que le principe dégagé par la jurisprudence administrative est, en toute logique, strictement identique.

    Il ressort ainsi de la relativement rare jurisprudence rendu en la matière qu’une voie n’étant pas encore réalisée à la date de délivrance du permis de construire peut néanmoins être prise en compte pour apprécier la légalité de cette autorisation au regard de l’article 3 du règlement local d’urbanisme mais ce, pour autant que trois conditions cumulatives soient réunies.

    Tout d’abord, il est nécessaire que la réalisation de la voie en cause soit planifiée, c’est-à-dire ait donné lieu à une décision de l’autorité compétente puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant (…) que si les deux autorisations de lotir en litige étaient assorties d'une obligation de cession gratuite de terrain au profit de la Ville de Marseille en vue de permettre l'élargissement de la voie de desserte au droit de ces lotissements, les travaux d'aménagement de la chaussée n'étaient pas encore prévus aux dates auxquelles ces autorisations ont été délivrées ; qu'ainsi, alors que la voie de desserte des projets supporte déjà le trafic généré par les riverains, dans un quartier résidentiel, auquel viendra s'ajouter celui induit par les deux projets autorisés qui créeront au total 15 logements supplémentaires, le maire de Marseille, en délivrant ces deux autorisations de lotir à l'EURL C2C, a entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation » (CAA. Marseille, 4 mai 2006, EURL C2C, req. n°02MA01327).

    ce qui ne saurait, toutefois, suffire le Conseil d’Etat ayant eu l’occasion de juger que :

    « Considérant d'autre part qu'il ressort des pièces du dossier que si l'accès à la voie publique du terrain sur lequel la requérante entendait construire deux logements pouvait se faire, au moins temporairement, grace à une servitude de passage, il n'est pas contesté que cet accès emprunte sur près de 150 mètres une bande de terrain non viabilisée dont la largeur est limitée à quatre mètres ; que, dès lors, même s'il existe un projet d'aménagement par la commune d'une voie publique permettant, dans des délais non précisés, la desserte de ce terrain, celui-ci ne répondait pas aux conditions exigées par l'article R. 111-4 de l'urbanisme ; que le maire de Chartrette a donc fait une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en accordant ledit permis ; que le commissaire de la République de Seine-et-Marne a dès lors pu légalement annuler ce permis » (CE. 7 mai 1986, Kindermann, req. n°59.847. Voir également sur l’insuffisance de la planification de la voie par le POS : TA. Nice, 5 mars 1998, M. Macherez, req. n°94-03028).

    Ensuite, il est exigé que les modalités de réalisation de cette voie soient arrêtées puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet, comportant cinquante cinq lots, pour lequel la société Antoine Gimenez et Compagnie a demandé une autorisation de lotir en vue de la réalisation de constructions à usage d'habitation ou d'activité professionnelle, libérale,commerciale ou artisanale est desservi par la rue du Sablon et par l'avenue Godard ; que, dans sa partie qui borde au sud le lotissement envisagé, la rue du Sablon est large de 3,70 m seulement et ne comporte pas de trottoirs mais un simple cheminement piétonnier ; que, dans sa partie qui borde à l'est le lotissement envisagé, l'avenue Godard constitue une impasse de desserte d'un autre lotissement, qui est dépourvue de trottoirs et dont la largeur n'est jamais supérieure à 4 mètres ; que si la société Antoine Gimenez et Compagnie fait état de projets d'élargissement de ces deux voies dans celles de leurs portions qui longent le projet de lotissement, la réalisation de ces projets n'a pas fait l'objet d'une programmation par les collectivités publiques compétentes ; que si la création d'un troisième accès au lotissement, à l'ouest, a été envisagée par la société Antoine Gimenez et Compagnie, dans sa demande d'autorisation de lotir, cette simple hypothèse ne s'est trouvée assortie d'aucune précision quant à son calendrier de réalisation et à ses modalités de mise en oeuvre ; que, dès lors, la desserte du projet de lotissement ne peut être regardée comme assurée dans des conditions correspondant à l'importance de l'ensemble des constructions envisagées » (CE. 28 juillet 2000, Cne de Decines-Charpieu, req. n°199.325) ;

    ou :

    « Considérant qu'il résulte du dossier que la rue Edgar Degas, qui constitue le seul accès à la parcelle support du projet litigieux, était, à la date de délivrance du permis de construire attaqué, large de seulement 3 mètres ; qu'une telle largeur est très insuffisante, eu égard, d'une part, à l'importance du projet, et notamment au nombre élevé de véhicules pouvant être accueillis dans cet immeuble comportant dix huit logements, et, d'autre part, au fait que la rue Edgar Degas dessert déjà plusieurs pavillons ; que s'il était prescrit au constructeur une cession gratuite de terrains aux fins de porter la largeur de la voie à 8 mètres au droit de sa propriété, cet élargissement n'était pas de nature à supprimer un rétrécissement au débouché dangereux sur la route de Launaguet ; que si un emplacement réservé a été mentionné dans le plan d'occupation des sols approuvé par délibération du 23 décembre 1994, le permis n'a pas été délivré sur le fondement de ces dispositions mais sur celles issues du plan d'occupation des sols approuvé le 16 avril 1992, lequel ne mentionnait aucun emplacement réservé ; que si l'acquisition, au besoin par voie d' expropriation du terrain nécessaire à l'élargissement de rue Edgar Degas à son débouché sur la route de Launaguet a pu être envisagée, aucune date certaine n'était prévue pour sa réalisation ; que si la rue Edgar Degas comporte un autre débouché sur le chemin des Izards, ce débouché n'apparaît pas comme l'accès naturel du projet de construction, dans la mesure où la route de Launaguet est beaucoup plus proche de la construction et constitue un axe de circulation important ; que dès lors en estimant que la desserte du projet était suffisante, au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme, le maire de Toulouse s'est livré à une appréciation manifestement erronée » >(CAA. Bordeaux, 4 décembre 2003, Cne de Toulouse, req. n°99BX00686) ;

    mais a contrario (dans un arrêt, toutefois, particulièrement « laxiste » dès lors qu’aucun délai n’est imposé à la collectivité pour réaliser la voie ayant justifié une cession de terrain au titre de l’article R.332-15 du Code de l’urbanisme : CE. 11 janvier 1995, Epx Thot, AJPI, 1996, p.127 & Cass. civ., 20 janvier 2002, Epx Bourgibot, pourvoi n°00-10571. Mais dans le même sens, voir également : TA. Nice, 1er juillet 1999, M. Jacques de Keyser, req. n°98-00037) que :

    « Considérant qu'il résulte de l'article UG 3 du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Arnoult que pour être constructible un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée en bon état de viabilité et que les voies secondaires de desserte doivent avoir une largeur de plate forme au moins égale à 8 mètres ;
    Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que si le chemin rural n° 4 qui dessert le lotissement autorisé avait une largeur inférieure à 8 mètres, son élargissement, à la date de l'autorisation contestée, était prévu par la commune et faisait d'ailleurs l'objet de la cession d'une parcelle du terrain à lotir ; que, par suite, M. et Mme LOISON ne sont pas fondés à soutenir que le projet aurait méconnu les dispositions précitées
    » (CE. 30 mai 1994, M. & Mme Loisson, req. n°116.463).


    Enfin, il est également nécessaire que la voie considérée ait vocation à être achevée à brève échéance puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant en premier lieu que, par la décision attaquée en date du 16 septembre 2003, le maire d'Eschau a répondu négativement à la demande de certificat d'urbanisme déposée par la Société SERCA en vue de la création d'un lotissement au motif qu'alors que le terrain était situé en zone I NA 1 du plan d'occupation des sols et que l'urbanisation de cette zone était conditionnée par la réalisation des voies d'accès faisant l'objet d'emplacements réservés au bénéfice de la Communauté urbaine de Strasbourg, ces opérations n'étaient ni réalisées, ni programmées à court terme par celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'eu égard aux éléments de fait ci-dessus mentionnés, le maire d'Eschau a pu à bon droit délivrer un certificat d'urbanisme négatif concernant le lotissement projeté (et) prendre en considération les seules intentions de la Communauté urbaine de Strasbourg (CAA. Nancy, 1er mars 2007, Sté CERCA, req. n°05NC00767. Dans le même sens pour application de l’article L.421-5 du Code de l’urbanisme : CE. 20 février 1985, Association Ouest Varoise pour la protection de l’environnement, req. n°38.214).

    Il reste qu’il est permis de s’interroger sur l’applicabilité de ce principe ou, à tout le moins, sur la rigueur d’application des conditions permettant d’y déroger dans les ZAC – instrument, tout à la fois, de planification et de réalisation – dont la logique économique et financière veut que l’aménageur finance les travaux d’équipement de la zone par le produit de la vente des terrains y étant sis, lesquels sont vendus en tant que terrains constructibles susceptibles de faire l’objet d’un permis de construire mais ce, avant donc que les travaux nécessaires à l’effectivité de sa constructibilité ne soient réalisés.

    Précisément, dans l’affaire objet du jugement commenté, le Tribunal administratif de Poitiers a jugé que :

    « Considérant que le maire de Saint-Benoît pouvait légalement prendre en compte en considération l’existence et le caractéristiques futures des voies situées au Sud de l’îlot A de la ZAC pour délivrer le permis attaqué dès lors que leur construction était largement avancée et que le achèvement était prévu à une échéance proche ».

    Dans cette affaire et suivant les règles précédemment dégagées par la jurisprudence, les voies futures ont pu être légalement prises en compte non seulement parce que leur réalisation était planifiée dans le cadre d’une ZAC et, par voie de conséquence, que leurs modalités de réalisation étaient arrêtées mais, surtout, parce qu’à la date de délivrance du permis de construire litigieux leur réalisation était déjà avancée de façon significative, si bien que la planification de leur achèvement à brève échéance apparaissait réaliste.

    Le fait que le permis de construire porte sur un terrain sis dans une ZAC n’a donc strictement aucune incidence sur l’applicabilité et les modalités d’application du principe et des exceptions pré-exposés.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La suppression d’une ZAC n’est pas nécessairement assujettie à concertation et peut être régulièrement motivée par l’intérêt financier de l’aménageur

    Par principe et nonobstant les dispositions des articles L.300-2 et R.311-32 (anc.) du Code de l’urbanisme selon lesquelles, d’une part, la« création de zone d’aménagement concerté » est soumise à concertation et, d’autre part, « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone », la suppression d’une ZAC ne relève pas du champ d’application de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme. Par ailleurs, cette suppression peut être motivée par des considérations tenant à l’aménageur de cette zone et, notamment, par son intérêt financier.

    CAA. Paris, 2 février 2006, Cne de Puteaux, req. n°03PA00122


    Par un arrêté du 19 avril 1994, le Préfet des Hauts-de-Seine avait créé la ZAC « Nord du Rond-Point des Bergères » sur le territoire de la commune de Puteaux, dont l’EPAD fut ensuite désigné aménageur. Toutefois, ne pouvant faire face aux charges financières relatives à l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de la ZAC, l’EPAD sollicita du représentant de l’Etat dans le département qu’il abroge l’arrêté du 19 avril 1994 et, en d’autres termes, supprime la ZAC précédemment créée ; ce que celui-ci fit par un nouvel arrêté du 8 juillet 2000.

    La commune de Puteaux exerça alors un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 qui fut rejeté comme irrecevable par le Tribunal administratif de Paris et ce, pour violation des prescriptions de l’article L.2122-22 du Code général des collectivités territoriales. La commune interjeta appel de ce jugement auprès de la Cour administrative d’appel de Paris, laquelle annula le jugement de première instance mais rejeta néanmoins sur le fond le recours en annulation à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 et ce faisant, apporta deux précisions d’importance en matière de suppression de ZAC, la première concernant la procédure préalable, la seconde ayant trait aux motifs de cette suppression.

    La commune de Puteaux soutenait, en effet, que la procédure de concertation organisée par l’EPAD avant de solliciter la suppression de la ZAC créée en 1994 n’avait pas respecté les prescriptions de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme.

    On sait en effet qu’à la date d’édiction de l’arrêté contesté – le 8 juillet 2000, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 dite « SRU » – l’article R.332-30 du Code de l’urbanisme alors applicable disposait que « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone ». Et précisément, aux termes de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme toute « création de zone d’aménagement concerté » doit être précédée de la procédure de concertation qu’il organise.

    Pour autant, la Cour administrative d’appel de Paris refusa d’apprécier la régularité de la « concertation » organisée par l’EPAD à la lumière de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme et, par voie de conséquence, rejeta le moyen tiré de ce dernier à l’encontre de l’arrêté du 8 juillet 2000 :

    « Considérant que la décision de suppression d'une zone d'aménagement concerté ne figure pas parmi les catégories d'actes pour lesquels, en vertu des dispositions combinées de l'article L. 300-2 et de l'article R. 300-1 du code de l'urbanisme pris pour l'application du c) de l'article L. 300-2, l'organisation d'une concertation préalable est obligatoire ; que, si l'article R. 311-32 précité impose que l'acte de suppression d'une zone d'aménagement concerté soit pris dans les mêmes formes que celui par lequel la zone a été créée, il n'implique la répétition des procédures préalables à la création avant l'intervention de l'acte de suppression que pour autant que ces procédures soient de nature à mieux éclairer l'auteur de la décision à prendre ; que tel n'était pas le cas de la procédure de concertation de l'article L. 300-2 précité, eu égard aux motifs budgétaires qui justifiaient la suppression de la zone et au peu d'influence de la mesure sur les conditions de vie des résidents du quartier, alors même que l'arrêté de création n'avait reçu aucun réel commencement d'exécution ; qu'ainsi, l'EPAD n'était pas tenu de mettre en oeuvre cette procédure avant de saisir le préfet d'une demande d'abrogation de l'arrêté du 19 avril 1994, portant création de la zone d'aménagement concerté Nord du Rond-Point des Bergères ;
    Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la concertation dont le conseil d'administration de l'EPAD a décidé l'organisation par une délibération du 7 juillet 1999 avait un caractère facultatif ; que l'EPAD ne s'est pas référé à l'article L. 300-2 et qu'il n'était donc pas tenu d'en respecter toutes les exigences procédurales ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 300-2 ont été méconnues en ce que le conseil d'administration n'a pas déterminé toutes les modalités de la concertation et que la COMMUNE DE PUTEAUX n'a pas donné son accord sur ces modalités sont, en tout état de cause, inopérants ; que les modalités de la concertation, qui consistaient en une information dans deux journaux et la tenue d'un registre en mairie, étaient suffisantes eu égard à la nature du projet concerné, qui n'était pas de nature à modifier de manière substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune ; que, compte tenu de l'opposition du maire de Puteaux, la tenue d'un registre à la mairie de la commune a revêtu le caractère d'une formalité impossible et que l'EPAD a pu, sans commettre d'illégalité, y substituer la tenue d'un registre dans un local situé dans la zone d'aménagement concerté et mis à disposition des habitants par l'EPAD ; que, dès lors, les moyens relatifs à la régularité de la concertation préalable doivent être écartés
    »

    Il faut ainsi relever que malgré les dispositions expresses de l’ancien article R.311-32 du Code de l’urbanisme et selon lesquelles « la suppression d’une zone d’aménagement concerté est prononcée (…) dans les formes prescrites pour la création de la zone », la Cour administrative d’appel de Paris a donc considéré qu’une telle suppression ne relevait pas de la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme s’agissant des créations de ZAC.

    Pour ce faire, la Cour s’est attachée, d’une part et de façon générale, à la finalité de la l’article R.311-32 du Code de l’urbanisme qui, pour elle, « n'implique la répétition des procédures préalables à la création avant l'intervention de l'acte de suppression que pour autant que ces procédures soient de nature à mieux éclairer l'auteur de la décision à prendre » et d’autre part et plus spécifiquement, « aux motifs budgétaires qui justifiaient la suppression de la zone et au peu d'influence de la mesure sur les conditions de vie des résidents du quartier, alors même que l'arrêté de création n'avait reçu aucun réel commencement d'exécution ». Il semble donc que la Cour a considéré qu’en l’espèce, la concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme n’était ni utile, compte tenu des motifs budgétaires de la suppression de ZAC contestée par la commune de Puteaux, qui ne semblent donc pas être de ceux sur lesquels les administrés ont vocation à s’exprimer, ni nécessaire dans la mesure où cette suppression intervenait avant que la réalisation de la ZAC n’ait été engagée, si bien qu’elle ne modifiait pas les conditions de vie des administrés concernés puisqu’ainsi, ces dernières demeureraient telles qu’elles étaient avant la création de la ZAC finalement supprimée.

    Par voie de conséquence, la Cour administrative d’appel de Paris a donc jugé que la concertation engagée par l’EPAD avant de solliciter du Préfet des Hauts-de-Seine qu’il supprime la ZAC créée en 1994 présentait un caractère facultatif.

    Il reste que lorsqu’une personne publique s’auto-assujettit à une règle de procédure pourtant facultative celle-ci est tenue de la suivre strictement, sauf à entacher la décision subséquente d’illégalité (CE. 10 décembre 1993, Assoc. « Bellerive Malmaison » ; Circulaire n°95-25 du 10 avril 1995, BOME, n°95/12, p.73). Toutefois, la Cour a relevé que si le conseil d’administration de l’EPAD avait décidé d’engager une procédure de concertation préalable, sa décision ne s’était toutefois pas expressément référée aux dispositions de l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme pour ainsi en déduire que l’EPAD « n'était donc pas tenu d'en respecter toutes les exigences procédurales » et, par voie de conséquence, que « les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 300-2 ont été méconnues en ce que le conseil d'administration n'a pas déterminé toutes les modalités de la concertation et que la COMMUNE DE PUTEAUX n'a pas donné son accord sur ces modalités sont, en tout état de cause, inopérants ».

    Sur ce point, la Cour s’en est donc tenue au cadre dans lequel l’EPAD avait entendu intervenir ou, plus précisément n’avait pas expressément entendu intervenir plutôt que de rechercher la finalité ainsi poursuivie par son conseil d’administration.

    Toutefois, dans la mesure où l’EPAD s’était auto-assujetti à une forme de concertation (bien qu’il ne s’agisse donc pas de celle prévue par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme) la Cour administrative d’appel de Paris a néanmoins vérifié si les modalités de cette concertation avait été respectée et ce, conformément au principe selon lequel l’auto-assujettissement à un règle de procédure facultative emporte l’obligation de la respecter.

    Mais à cet égard, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré qu’il ne pouvait être fait grief à l’EPAD de ne pas avoir strictement respecté ce qu’il avait prévu dans la décision initiant la concertation qu’il avait décidé d’engager avant de la solliciter la suppression de la ZAC en cause – en l’occurrence, la tenue d’un registre d’observations en mairie de Puteaux – dans la mesure où si l’EPAD y avait finalement substitué la tenue d’un registre dans un autre local situé au sein du périmètre de cette ZAC, c’est dans la mesure où la commune de Puteaux s’était elle-même opposée à ce que registre soit établi dans sa mairie.

    On peut ainsi rapproché cette analyse de la modification apportée par la loi du 2 août 2003 dite « Urbanisme & Habitation » à l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme, au terme de laquelle : « les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées ».

    Il reste que la solution proposée par la Cour administrative d’appel de Paris ne semble donc pas constituer une solution de principe s’imposant en toute hypothèse mais qu’au contraire certaines mesures de suppression de ZAC aient à être précédées de la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme lorsque leurs motifs relèvent de ceux sur lesquelles les administrés concernés peuvent avoir intérêt à exprimer utilement leur opinion et/ou que la suppression en cause puisse avoir un impact significatif sur les conditions de vie de ces derniers. On peut ainsi penser, à titre d’exemple, qu’une suppression de ZAC décidée en cours de réalisation de cette dernière et motivée par la modification substantielle des besoins en ayant justifié la création serait assujettie à cette concertation.

    Il faut cependant nuancer cette conclusion ou, plus précisément, la cantonner aux décisions de suppression de ZAC édictées antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi « SRU » puisqu’aux termes de l’article R.311-12 du Code de l’urbanisme – dans sa rédaction issue de cette dernière – la suppression d’une zone d’aménagement concerté n’est plus prononcée, de façon générale, dans les formes prescrites pour la création de la zone mais « sur proposition ou après avis de la personne publique qui pris l'initiative de sa création, par l'autorité compétente, en application de l'article L. 311-1, pour créer la zone », cette proposition devant comprendre « un rapport de présentation qui expose les motifs de la suppression »..

    On précisera, toutefois, que selon l’article R.311-12 du Code de l’urbanisme « la modification d'une zone d'aménagement concerté est prononcée dans les formes prescrites pour la création de la zone ». Et sur ce point, on peut relever que le Conseil d’Etat a implicitement jugé qu’une modification de ZAC était assujettie à la procédure de concertation prescrite par l’article L.300-2 du Code de l’urbanisme et ce, indépendamment de toute considération liée aux motifs de cette modification ou à son impact sur les conditions de vie des administrés concernés (CE. 20 septembre 1999, Assoc. « Zone ZAC », req. n°156.958). Mais il est vrai que dans une certaine mesure la modification d’une ZAC préexistante aboutie à la création d’une ZAC distincte de celle initialement soumise à concertation ; on sait, d’ailleurs, qu’une collectivité publique ne peut légalement créer une ZAC s’écartant trop substantiellement du projet soumis à concertation sans avoir préalablement renouvelé cette procédure (en ce sens : CE. 18 mars 1994, Copropriété le Melchior, Rec., p.1244).

    Par ailleurs, la commune de Puteaux contestait la légalité du motif ayant conduit à la suppression de la ZAC en cause, en l’occurrence les difficultés financières rencontrées par l’EPAD. Mais cet égard, la Cour administrative d’appel de Paris a donc jugé que :

    « Considérant (…) que la demande de suppression de la zone d'aménagement concerté présentée par l'EPAD tenait essentiellement à l'impossibilité pour l'établissement de faire face à ses obligations financières liées notamment aux mises en demeure d'acquérir des biens immobiliers situés dans la zone, présentées ou susceptibles de l'être, par les propriétaires de ces biens ; qu'un tel motif financier, dont la réalité n'est pas contestée et quelle qu'en ait été la cause, était de nature à justifier légalement la demande d'abrogation présentée par l'EPAD (…) que la suppression décidée est la conséquence de l'impossibilité pour l'EPAD de faire face aux contraintes financières liées à la réalisation de l'opération du fait du désengagement de la COMMUNE DE PUTEAUX ; qu'ainsi le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ».

    A ce sujet, on rappellera que dans la mesure où la décision de créer une ZAC n’est pas créatrice de droits (CE. 22 juin 1984, SCI Palaiseau-Villebon, Rec., p.773), l’administration peut à tout moment supprimer une ZAC pour un motif d’intérêt général – dont peuvent relever des considérations d’ordre économique et financier – même d’opportunité (CAA. Lyon 18 mai 1983, EURL SSD, req. n°92LY00066) sans que l’aménageur de celle-ci ne puisse s’y opposer. Mais il résulte donc de l’arrêt commenté que l’administration qui a créer une ZAC peut donc également la supprimer en considération de l’intérêt financier de l’aménageur sans que la commune sur le territoire de laquelle cette opération d’aménagement était projetée ne puisse s’y opposer.

    Il est, toutefois, surprenant que la Cour administrative d’appel de Paris n’est pas précisé en quoi la difficultés financières de l’aménageur relevaient d’une considération d’intérêt général au regard des préoccupations ayant concouru à la création de la ZAC en cause.

    Mais en toute hypothèse, cette décision ne saurait ici encore constituer une solution de principe dans la mesure où il n’est pas si certain qu’elle aurait été identique si l’aménageur de cette ZAC n’avait pas été une personne publique…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet Frêche & Associés