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ERP/IGH - Page 2

  • Vers un assouplissement des conditions d’application de l’article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ?

    L’avis rendu par la commission de sécurité dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire n’est pas une décision au sens de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000.

    CAA. Versailles, 10 juillet 2007, Association de Sauvegarde du Parc de Cochet, req. n°07VE00201

    Une décision anonyme de retrait de permis de construire n’est pas illégale au regard de cet article dès lors que le titulaire de ce permis peut en identifier l’auteur par recoupement avec la lettre qui lui a été adressée en application de l’article 24 de la même loi.

    CAA. Lyon, 5 juillet 2007, SCI Lade, req. n°05LY01966.


    Aux fins d’améliorer les relations entre les citoyens et les administrations, la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 a, par l’alinéa 2 de son article 4, posé le principe selon lequel « toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » ; l’article 1er visant « les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ».

    Cette obligation ayant eu un certain mal à pénétrer les services administratifs, l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 fut et reste la cause d’annulation de très nombreuses décisions administratives et, notamment, de ce qu’il est convenu d’appeler les permis de construire anonymes.

    Mais si cette disposition n’a jamais été appliquée totalement à la lettre – l’essentiel étant que l’auteur du permis de construire soit facilement identifiable et sans ambiguïté à l’examen de cette décision, sans qu’il soit nécessaire qu’il soit scrupuleusement identifié par celle-ci – il nous semble percevoir dans certaines jurisprudences récentes un réel assouplissement des conditions d’application de l’article 4 précité.

    Deux arrêts de Cours administratives d’appel différentes nous semble l’illustrer ; l’un pour ce qui concerne son champ d’application, l’autre pour ce qui a trait à l’appréciation en fait de l’incidence de la méconnaissance de cette obligation.

    Dans la première affaire, le permis de construire en cause portait sur un collège, c’est-à-dire sur un « ERP », conçu pour accueillir 1500 élèves : à ce titre, sa délivrance avait donc obligatoirement à être précédée de l’avis de la commission de sécurité compétente et, en l’occurrence, de la commission d’arrondissement d’Etampes.

    Précisément, ce permis de construire devait être contesté au motif tiré, notamment, de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 non pas parce que lui-même ne respectait pas les prescriptions de cet article mais parce que l’avis de la commission d’arrondissement au vu duquel il avait été délivré ne comportait ni le nom, ni le prénom de son signataire, en l’occurrence le Président de cette commission ; étant précisé que si les avis émis dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire sont considérés comme des actes préparatoires, insusceptibles de recours donc (CE. 6 mars 1964, Cie l’Union, Rec., p.162), leur irrégularité éventuelle peut être excipée dans le cadre d’un recours à l’encontre de la décision statuant sur cette demande (CE. 26 octobre 2001, Eisenchteter, Rec., p.495).

    Ce moyen devait, toutefois, être rejeté par le Tribunal administratif puis par la Cour administrative d’appel de Versailles et ce, au motif suivant :

    « Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : « Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. » ; que l'avis émis par la commission d'arrondissement d'Etampes pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ne constituant pas une décision, le moyen tiré de ce que cet avis méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ; que, dès lors, en se bornant à constater cette inopérance, le Tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à ce moyen, n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motivation ».

    En substance, la Cour a donc jugé que le moyen était inopérant – et non pas qu’il manquait en fait dès lors que l’avis mentionné la qualité de son signataire et, partant, permettait d’identifier ce dernier – dès lors que l’avis en cause ne constituait pas une décision et, par voie de conséquence, que l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 n’était pas applicable à un tel avis puisque cet article vise les seules « décisions ».

    Une telle analyse nous paraît quelque peu critiquable.

    Il convient, en effet, de rappeler que l’avis de la commission de sécurité et d’accessibilité compétente à l’égard des « ERP » est ce qu’il est convenu d’appeler un « avis conforme » dont le sens s’impose, d’ailleurs, à l’autorité administrative compétente pour délivrer le permis. Mais s’il constitue un « avis conforme », c’est parce qu’il vaut autorisation au titre de la réglementation sur la sécurité et l’accessibilité dans les « ERP » et ce, en application de l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’urbanisme, lequel dispose :

    « Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2.
    Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent
    »

    ce qui ressort également des anciens articles L.421-1 et L.421-3 du Code de l’urbanisme et ressort encore clairement du nouvel article L.425-15 en ce qu’il dispose que :

    « Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions ».

    De ce fait, la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Versailles nous semble poser un double problème.

    D’une part, elle est de nature à introduire une distinction, qui ne nous semble pas avoir lieu d’être, selon que les travaux soient ou non soumis à permis de construire puisque lorsque tel n’est pas le cas, il nous semble qu’il serait difficile de considérer que l’autorisation prévue par l’article L.111-8 du Code de la construction et de l’habitation ne constitue pas une décision, alors que, selon la Cour, lorsque les travaux sont assujettis à permis de construire, il ne s’agirait que d’un avis qui, en tant que tel, n’est donc pas susceptible d’être assujetti à l’obligation posée par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000.

    D’ailleurs, on relèvera qu’à proprement parler, il résulte, notamment, de l’article L.111-8 du Code de l’urbanisme que lorsque les travaux projetés relèvent de la procédure de permis de construire, ce qu’il est convenu d’appeler « avis » est en fait prévu comme un accord ou, le cas échéant, comme un refus d’accord : difficile donc de ne pas y voir une décision.

    D’autre part, il convient de préciser que la régularité d’un avis rendu dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire peut être contestée, notamment, en raison de l’incompétence de la personne qu’il l’a rendu (CE. 18 mai 1979, Kees, req. n°01680).

    Or, si ces avis n’ont pas à comporter le nom, le prénom et la qualité de son signataire, force est d’admettre qu’il sera, pour le moins, difficile de contrôler et de contester la compétence de ce dernier.

    Mais pour conclure sur ce point, on précisera que, selon nous, la véritable question posée en l’espèce avait trait à la nature de la commission d’arrondissement de sécurité et, plus précisément, au fait de savoir si elle constitue une autorité administrative au sens de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 et donc compte, aux termes de son article 1er, parmi « les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif » ; ce qui nous semble, toutefois, être le cas dès lors que :

    - d’une part, les commissions d’arrondissement sont des démembrements des commissions départementales de sécurité, qui elle-même sont des émanations de la commission centrale instituée auprès du Ministère de l’intérieur (art.. R.123-29 ; CCH), et qui sont créées par le Préfet (art. R.123-38 ; CCH), lequel en fixe les attributions (art. R.123-29 ; CCH) et en fait assurer la présidence par le sous-préfet de l’arrondissement en cause (art. R.123-40 ; CCH) ;
    - d’autre part, elle nous semble pourvoir s’analyser, à l’échelon de l’arrondissement, comme un organisme en charge de la gestion sur service public administratif, en l’occurrence du service public de la protection civile.

    Dans la seconde affaire, c’est une décision de retrait d’un permis de construire qui était contestée pour ne pas indiquer le nom et le prénom du maire l’ayant signé (sur ce vice de forme et sa régularisation, voir ici et là). Mais ce moyen devait être rejeté par la Cour administrative d’appel de Lyon au motif suivant :

    « Considérant que si la décision susmentionnée du maire de Lugrin comporte une signature accompagnée seulement de la mention « le maire » sans indication de son prénom et de son nom, il ressort toutefois des pièces du dossier que le maire avait seulement 12 jours auparavant, au titre de la procédure contradictoire préalable à l'intervention du retrait, signé une lettre adressée à la société comportant l'initiale de son prénom suivie de son nom ; que les signatures apposées sur ladite lettre et la décision litigieuse sont identiques ; que la société était ainsi à même dans les circonstances de l'espèce, d'identifier sans ambiguïté, l'auteur de la décision ; que le moyen doit être écarté »

    La Cour a donc considéré que la circonstance que la décision de retrait contestée ne mentionnait pas le nom et le prénom de son signataire était sans incidence dès lors que le requérant, le titulaire du permis de construire ainsi retiré, était en mesure, par recoupement avec la lettre par laquelle le maire l’avait préalablement informé de son intention de procéder à ce retrait, d’identifier l’auteur de cette décision.

    Il reste que l’obligation prescrite par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 vaut non seulement à l’égard du destinataire de la décision mais également à l’égard des tiers, lesquels peuvent, parfois, avoir intérêt à agir à l’encontre d’une décision de retrait.

    Mais en toute hypothèse, quelle que soit la nature de la décision en cause, la solution retenue par la Cour administrative de Lyon nous paraît donc de nature à moduler la portée de l’article précité selon la qualité de la personne qui l’invoque cependant que, pour sa part, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a récemment jugé, s’agissant d’un permis de construire anonyme jugé ainsi comme « entaché d’une irrégularité substantielle » que « la circonstance que ce moyen était invoqué par un tiers et non par le pétitionnaire du permis de construire est à cet égard inopérante » (CAA. Bordeaux, 23 février 2007, Cne de Sarlat-la-Caneda, req. n°04BX00670)…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Une « maison témoin » attenante à un bureau de vente constitue un Etablissement Recevant du Public (ERP)

    Une « maison témoin » destinée à promouvoir une activité commerciale et ouvert à ce titre à la clientèle de l’exploitant constitue un ERP. Partant, le permis de construire s’y rapportant ne peut être régulièrement délivré sans consultation préalable de la commission pour l’accessibilité des personnes handicapées.

    CAA. Douai, 5 octobre 2006, SCI Les Epoux, req. n°05DA00420


    Dans cette affaire, un permis de construire avait été obtenu pour la réalisation d’un bâtiment en bois ne présentant pas d’autres particularité constructive que celles d’une maison individuelle.

    Ce permis de construire devait, toutefois, faire l’objet d’un recours en annulation fondé, notamment, sur la méconnaissance de l’article R.421-38-20 du Code de l’urbanisme relatif à la consultation préalable de la commission consultative départementale compétente au titre des règles concernant l’accessibilité des personnes handicapées, notamment, dans les ERP.

    En première analyse, un tel moyen pourrait surprendre puisque, par principe, une construction a destination d’habitation ne constitue pas un ERP et qu’une maison individuelle ne relève pas de la législation sur l’accessibilité des personnes handicapées (art. R.111-18 ; CCH. Pour exemple : CAA. Bordeaux, 31 mai 2001, Epx Pezin, req. n°97BX02195).

    Il reste qu’en l’espèce, ce bâtiment constituait une « maison témoin » destinée à assurer la promotion d’une activité commerciale et était, d’ailleurs, projetée sur le même terrain que celui où les exploitants avaient leur bureau de vente.

    Or, l’article R.123-2 du Code de l’habitation et de la construction dispose que « pour l'application du présent chapitre, constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l'établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel ». Et en l’espèce, il était établi que cette « maison témoin » était édifiée dans le but d’accueillir la clientèle des exploitants aux fins d’offrir un exemple de leur produit, en l’occurrence des constructions modulaires en bois nordique. C’est pourquoi la Cour administrative d’appel de Douai a jugé que :

    « Considérant que la demande de permis de construire déposée par la SCI LES EPOUX concerne une construction en bois d'une surface hors oeuvre nette totale de 308 m², sur un terrain où existait déjà un bâtiment de bureau d'une surface hors oeuvre nette de 729 m², et destinée à promouvoir son action commerciale de vente de matériaux et de constructions modulaires en bois nordique ; que, nonobstant la qualification qui lui est donnée de maison témoin, le bâtiment devant être ouvert à la clientèle, il constitue un établissement recevant du public au sens de l'article R.123-2 précité ».

    On peut relever que la Cour s’est ainsi attachée non pas aux caractéristiques intrinsèques de la construction projetée mais à sa fonction au regard du bureau existant attenant et, par voie de conséquence, s’est prononcée sur la qualification de cette dernière en considération de cet ensemble. Sur ce point, on retrouve ici la méthode d’appréciation globale adoptée dans l’arrêt par laquelle cette même Cour avait précédemment jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, saisie du projet en litige prévoyant la construction d'une résidence de tourisme comprenant notamment un bâtiment d'accueil et cinq bâtiments à usage de logements collectifs, la commission de sécurité a proposé, suivant procès-verbal du 5 novembre 1998, de classer l'opération en cinquième catégorie, exemptée de la consultation requise par la réglementation des établissements recevant du public ; et qu'en conséquence elle n'a pas rendu d'avis sur le projet ; que, si la commune et la bénéficiaire de l'autorisation critiquée soutiennent à ce titre que seul le bâtiment d'accueil ressortit à ladite réglementation, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des constructions autorisées constitue une résidence de tourisme, comptant 379 lits, caractérisée par des modalités d'utilisation et d'habitation variables, des formes juridiques d'occupation diverses et affectée d'équipements et de services communs ; que, ladite résidence relevant ainsi en son entier de la législation régissant les établissements recevant du public, il appartenait à l'autorité administrative de recueillir un avis, sur le fond, de la part de la commission de sécurité compétente, préalablement à la délivrance du permis en litige ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 123-1 et suivant du code de la construction et de l'habitation est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation du permis de construire attaqué » (CAA. Douai, 20 décembre 2001, Association de défense du site d’Etretat, req. n°00DA00611).

    Il reste qu’en l’espèce, la demande de permis de construire avait été instruite comme s’il s’agissait d’une simple maison individuelle et, par voie de conséquence, la commission visée par l’article R.421-38-20 du Code de l’urbanisme n’avait pas été consultée, ce qu’a donc sanctionné la Cour au terme du raisonnement suivant :

    « Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme : « Pour les établissements recevant du public, le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation » ; qu'aux termes de l'article L. 111-7 de ce code dans sa rédaction alors applicable : « Les aménagements des espaces publics en milieu urbain doivent être tels que ces espaces soient accessibles aux personnes handicapées. » ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du même code : « Conformément au troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire ne peut être délivré, pour les établissements recevant du public, que si les constructions ou les travaux projetés sont conformes aux dispositions de l'article L. 111-7. » ; qu'aux termes de l'article L. 111-8-1 : « Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité avec les dispositions de l'article L. 111-7. » ; qu'aux termes de l'article L. 111-8-2 : « Ainsi qu'il est dit à l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, le permis de construire tient lieu de l'autorisation exigée au titre de la réglementation relative à l'accessibilité des établissements recevant du public et sa délivrance est précédée de l'accord de l'autorité compétente pour délivrer ladite autorisation » ; que selon l'article R. 421-38-20 du code de l'urbanisme : « Lorsque les travaux projetés sont soumis, au titre de l'accessibilité aux personnes handicapées, à l'autorisation de travaux prévue à l'article L. 111-8-1 du code de la construction et de l'habitation, le permis de construire est délivré après avis de la commission consultative départementale de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité » ;
    Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un permis de construire un établissement recevant du public doit être précédée de la consultation de la commission consultative de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité, afin qu'elle émette un avis sur l'accessibilité de la construction projetée aux personnes handicapées ; que cette obligation, eu égard à l'objet de cette réglementation, qui est de permettre l'accès des personnes handicapées au plus grand nombre possible de lieux ouverts au public, est applicable à l'ensemble des établissements recevant du public, y compris à ceux dits de 5ème catégorie, dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre fixé par le règlement de sécurité ; qu'ainsi, s'il n'est pas contesté que la construction litigieuse n'est pas destinée à recevoir un effectif supérieur à ce chiffre, sa seule qualité d'établissement recevant du public rendait obligatoire la consultation de la commission ; qu'il est constant qu'il n'a pas été procédé à cette consultation ; qu'ainsi, le permis de construire délivré à la SCI LES EPOUX l'a été au terme d'une procédure irrégulière ; que, par suite, ce moyen justifiait la solution d'annulation retenue par le Tribunal administratif de Lille
    ».

    Il faut ainsi souligner que, s’agissant des demandes de permis de construire portant sur une ERP, la consultation de la commission visée par l’article R.421-30-20 du Code de l’urbanisme est en toute hypothèse requise, y compris donc pour les ERP de cinquième catégorie. Précisions d’importance puisqu’en revanche, il est de jurisprudence bien établie que la consultation de la commission compétente au titre de la réglementation sur la sécurité dans les ERP (art. R.421-53 ; C.urb) n’est pas requise pour ceux de cinquième catégorie (pour exemple : CE. 17 juin 1996, SARL Scierie du Terrois, req. n°108.304) ; ce qui, toutefois, ne dispense pas le pétitionnaire de produire les documents prescrits par l’article R.421-5-2 du Code de l’administration de sorte à ce que l’administration puisse vérifier que l’établissement projeté relève bien de cette catégorie (CE. 16 juin 2006, Pierre-Manuel A., req. n°278.361 ; cf : note du 10 août 2006).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Le maire ne peut légalement user de ses pouvoirs de police spéciale relative à la sécurité dans les ERP pour répondre à une préoccupation d’urbanisme

    Un maire qui utilise les pouvoirs de police spéciale qui lui sont conférés pour assurer la sécurité dans les établissements recevant du public (ERP) pour ordonner la fermeture d’un tel établissement en considération d’une préoccupation relevant de la législation d’urbanisme entache sa décision d’un détournement de procédure.

    TA. Versailles, 20 octobre 2006, SCI L’Orée du Parc, req. n°05-02149


    Dans cette affaire, le maire de la commune défenderesse avait usé des pouvoirs de police spéciale qu’il tient de l’articles R.123-52 du Code de la construction et de l’habitation pour ordonner la cessation d’une activité de restauration dans un ERP développant également une activité de centre aéré et, en d’autres termes, ordonner la fermeture partielle de cet établissement.

    En apparence, cette mesure de police fondée sur les dispositions du Code de la construction et de l’habitation relatives à la sécurité dans les ERP était motivée par le fait que l’activité de restauration litigieuse amenait cet établissement à recevoir plus de personnes que le nombre de celles auquel il avait été autorisé au titre de ses activités de centre aéré.

    Il reste qu’il ressortait de l’arrêté ordonnant cette fermeture ainsi que des autres pièces du dossier que le maire reprochait, en réalité, à l’exploitant de cet établissement, d’une part, d’avoir exécuté des travaux modifiant la destination de ce dernier sans avoir préalablement obtenu un permis de construire pour ainsi, d’autre part et surtout, développer dans la zone où cet établissement était sis une activité interdite par le POS communal. En substance, le motif réel de sa décision procédait donc d’une préoccupation relevant de la législation et de la police d’urbanisme.

    Dans un premier temps, l’exploitant saisit le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles, lequel devait rejeter sa requête pour défaut d’urgence ou, plus précisément, au motif que l’irrégularité de la situation dans laquelle il s’était placé de lui-même en exécutant sans autorisation des travaux assujettis à permis de construire lui interdisait d’invoquer une quelconque urgence à suspendre la décision contestée (TA. Versailles, 8 avril 2005, SCI l’Orée du Parc05-01996).

    Il est ainsi intéressant de noter que cette appréciation fut ultérieurement censurée par le Conseil d’Etat qui, pour sa part, considéra qu’à « supposer même que la société et la commune se seraient placées dans une situation irrégulière en ne demandant pas de permis de construire, cet arrêté porte aux intérêts de la société L'Orée du Parc une atteinte suffisamment grave et immédiate pour estimer remplie la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative » et ordonna la suspension de l’arrêté litigieux en jugeant qu’il existait un doute sérieux sur sa légalité externe (CE. 5 décembre 2005, SCI l’Orée du Parc, req. n°280.070).

    Mais le juge du fond du Tribunal administratif de Versailles devait aller plus loin encore en considérant que non seulement le motif fondé sur la prétendue méconnaissance des règles de sécurité opposables aux ERP n’était pas établi mais qu’en outre et par voie de conséquence, en usant des pouvoirs de police spéciale qu’il tient du Code de la construction et de l’habitation pour assurer la sécurité dans les ERP dans un but relevant de la législation d’urbanisme, le maire de la commune défenderesse avait entaché sa décision d’illégalité interne et en l’occurrence, d’un détournement de procédure :

    "Considérant que si le maire de Choisel soutient que la décision a été prise afin de faire respecter les règles de sécurité opposables aux établissements recevant du public, il ressort cependant des pièces du dossier et, en particulier, des correspondances échangées entre les parties que le véritable motif de l’arrêté est le refus de la commune de Choisel de voir s’implanter une activité principalement commerciale dans une zone protége et la volonté de faire respecter dans cette zone la réglementation d’urbanisme locale ; que par suite, en utilisant une procédure visant à garantir le respect des règles de sécurité prévues au code de la construction et de l’habitation pour assurer le respect des dispositions du code de l’urbanisme, le maire de Choisel a bien commis un détournement de procédure"

    Il faut, en effet, rappeler que s’il s’agit de matières connexes, la réglementation de sécurité des ERP et la réglementation d’urbanisme n’en sont pas moins des législations distinctes et indépendantes. Il s’ensuit que, par principe, une préoccupation relevant de la police des ERP ne peut justifier une mesure de police d’urbanisme et qu’à l’inverse, une préoccupation d’urbanisme ne peut justifier une mesure de police fondée sur la réglementation de sécurité des ERP.

    Or, ce principe, ne connaît qu’une seule exception, en l’occurrence prévue par l‘article L.421-3 du Code de l’urbanisme en vertu duquel le permis de construire a vocation à sanctionner les règles de sécurité des ERP à travers l’avis émis par la commission départementale de sécurité dont l’avis est requis, pour les établissements autres que de cinquième catégorie, par l’article R.421-53 du Code de l’urbanisme (cf : note du 10 août 2006 ; sur sa consultation au titre de l'accessibilité, voir ici), lequel vaut alors autorisation au titre de l’article R.123-22 du Code de la construction et de l’habitation.

    Par voie de conséquence, le maire de la commune défenderesse ne pouvait donc pas utiliser les pouvoirs de police spéciale relative à la sécurité des ERP pour sanctionner des faits qui, à les supposer établis, n’auraient pu justifier qu’une mesure d’interruption des travaux édictée sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme. Il reste qu’une telle mesure n’est légale que pour autant qu’elle soit édictée lorsque les travaux sont en cours, ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque les travaux litigieux étaient déjà achevés au moment où le maire avait édicté la décision litigieuse.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Un dossier de permis de construire portant sur un ERP de cinquième catégorie doit néanmoins comporter les pièces prescrites par l’article R.421-5-1 du Code de l’urbanisme

    Bien que la consultation de la commission de sécurité ne soit pas nécessaire en pareil cas, un dossier de permis de construire un Etablissement Recevant du Public (ERP) de cinquième catégorie doit néanmoins comporter les pièces requises par l’article R.421-5-1 du Code de l’urbanisme aux fins de mettre l’administration en mesure de vérifier que l'avis préalable de la commission de sécurité n'était pas requis s'agissant d'un tel établissement.

    CE. 16 juin 2006, Pierre-Mannuel A. & autres, req. n°278.361

    Aux termes de l’article L.421-3 du Code de l’urbanisme, le permis de construire n’a par principe vocation à sanctionner que les prescriptions d’urbanisme relatives à « l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords ». Ce principe connaît, cependant, trois exceptions puisqu’en application de ce même article, le permis de construire sanctionne les règles d’accessibilité des personnes handicapées ainsi que les règles de sécurité et de lutte contre l’incendie applicables aux immeubles de grande hauteur et aux ERP, telles qu’elles sont issues du Code de la construction et de l’habitation.

    S’agissant des ERP, le contrôle des règles de sécurité est assuré par la commission départementale de sécurité compétente à laquelle il incombe, en application des dispositions combinées de l’article R.123-22 du Code de la construction et de l’habitation et de l’article R.421-53 du Code de l’urbanisme, d’émettre un avis dont le sens et la portée lient l’autorité devant statuer sur la demande de permis de construire ; cette consultation s’imposant y compris lorsque la construction projetée ne constitue que partiellement un ERP et, par voie de conséquence, n’est que pour partie assujettie au respect des prescriptions opposables en la matière (pour exemple : CAA. Nancy, 29 mars 2001, Assoc. Centre culturel Turc, req. n°97NC01910). Et aux fins d’assurer l’effectivité de cette consultation, l’article R.421-5-1 du Code de l’urbanisme impose au pétitionnaire de joindre à son dossier de demande de permis de construire les pièces visées, selon le cas, par l’article R.123-13 ou R.123-22 du Code de la construction et de l’urbanisme (notice écrite de sécurité + plans d’aménagement intérieur des niveaux de la construction projetée).

    Il reste que la réglementation sur les ERP distingue, selon l’étendue des effectifs susceptibles d’être accueillis, cinq catégories ; la cinquième étant constituée par les ERP dont les effectifs ne franchissent pas les seuils à partir desquels des prescriptions spécifiques sont imposées, lesquels ne sont ainsi assujettis qu’à des règles générales moins contraignantes.

    Or, il ressort des dispositions combinées des articles R.123-22, R.123-14 et R.123-19 du Code de la construction et de l’habitation que la consultation de la commission de sécurité compétente n’est prescrite que pour les ERP des quatre premières catégories et, en d’autres termes, n’est pas imposée pour les ERP de cinquième catégorie. (sur la consultation de la commission au titre des règles d'accessibilité, voir ici) Il s’ensuit qu’il ne peut être fait grief à un permis de construire portant sur un ERP de cinquième catégorie d’avoir été délivré sans la consultation et l’avis préalables de ladite commission (pour exemple : CE. 17 juin 1996, SARL Scierie du Terrois, req. n°108.304).

    En première analyse, il pourrait donc être considéré que dans la mesure où la consultation et l’avis de la commission de sécurité ne sont pas requis pour les ERP de cinquième catégorie, les dossiers de demande de permis de construire s’y rapportant n’ont pas à comporter les pièces requises par l’article R.421-5-1 du Code de l’urbanisme.

    Il reste qu’une telle conclusion ferait presque exclusivement dépendre l’opposabilité des articles R.421-5-1 et R.421-53 des déclarations du pétitionnaire et de sa présentation de son projet.
    Or, il incombe à l’administration et au juge administratif éventuellement saisi de vérifier l’opposabilité des règles pour, le cas échéant, requalifier l’ERP présenté comme relevant de la cinquième catégorie en tant qu’établissement relevant d’une catégorie supérieure exigeant la consultation et l’avis préalables de la commission de sécurité (CAA. Douai 15 février 2001, SCI Les Orchidées, req. n°97DA02284). Et force est d’admettre que l’on voit mal comment l’administration pourrait pratiquer un tel contrôle sans la production des documents prescrits par l’article R.421-5-1 du Code de l’urbanisme.

    Précisément, le Conseil d’Etat vient ainsi de juger à l’égard d’un permis de construire un ensemble immobilier dont une partie des locaux constituait un ERP que :

    « Considérant (...) que dès lors qu'une partie des locaux faisant l'objet du permis de construire contesté relevait d'une des catégories d'établissements recevant du public, l'autorité délivrant l'autorisation de construire, qui tient alors lieu, en application de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, de l'autorisation exigée au titre de la réglementation relative à l'accessibilité de ces établissements, ne pouvait délivrer celle-ci qu'au vu d'un dossier qui permette de vérifier que l'avis préalable de la commission de sécurité n'était pas requis s'agissant d'un établissement de cinquième catégorie, ou qui comporte les éléments requis par les règles de sécurité applicables à cet établissement, notamment l'avis de la commission de sécurité compétente ; que, faute de la présence au dossier de telles informations, l'autorisation litigieuse a été délivrée en méconnaissance des dispositions, tant de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, que de l'article R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, en vertu desquelles le permis de construire ne peut être délivré qu'après consultation de la commission de sécurité compétente ; que, par suite, la ville de Paris et la société Reale Mutua di Assicurazioni ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé le permis de construire délivré le 13 décembre 1999 ».

    Il s’ensuit que tous les dossiers de demande de permis de construire se rapportant, même pour partie à un ERP, y compris de cinquième catégorie, doivent comprendre les pièces prescrites par l’article R.421-5-1 du Code de l’urbanisme de sorte à permettre à l’administration de vérifier que soit le projet respecte les règles de sécurité qui lui sont opposables, soit la construction projetée constitue bien un ERP de cinquième catégorie dont la délivrance du permis de construire n’est conséquemment pas assujettie à la consultation et l’avis préalables de la commission de sécurité.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en Droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés