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  • Sur les limites du permis de construire modificatif de régularisation

    Un permis de construire modificatif ne peut régulariser un permis de construire primitif ne précisant ni le nom, ni le prénom de son auteur dès lors que cette méconnaissance de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 constitue une irrégularité entachant l’édiction même du permis primitif.

    CAA. Marseille, 16 mai 2007, M.Y., req. n°04MA01336


    Depuis son apparition, dont elle rappellera qu’elle est d’origine jurisprudentielle, le permis de construire modificatif a toujours eu deux finalités et utilités distinctes : permettre au pétitionnaire qui le souhaite de modifier le projet initialement autorisé sans avoir à obtenir un nouveau permis de construire mais également permettre de régulariser le permis de construire primitif entaché d’illégalité. C’est d’ailleurs dans sa dimension « régularisatrice » que le permis de construire modificatif a vu son existence consacrée par le législateur :

    - dans un premier temps, par l’article L.462-2 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 8 décembre 2005, en ce qu’il dispose qu’en cas de non conformité des travaux réalisés, l’autorité compétente peut « mettre en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité » ;
    - dans un second temps, par l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL », en ce qu’il dispose qu’en cas d’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme « l'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive »

    Cependant, la Cour administrative d’appel de Paris avait mis un coup d’arrêt à cette seconde pratique en jugeant qu’un « modificatif » ne pouvait régulariser que l’illégalité interne d’un permis de construire primitif – c’est-à-dire celle procédant de la conception même du projet et de sa non conformité aux prescriptions d’urbanisme qui lui sont opposables sur le fond – mais qu’en revanche, il était insusceptible de régulariser les vices affectant ce dernier d’illégalité externe – c’est-à-dire ceux relatifs à la compétence de l’auteur de se permis, à sa forme (signature, motivation et indication du nom et du prénom ainsi que de la qualité de son auteur) ou la procédure préalable à sa délivrance (effectivité et régularité des consultations et avis requis) – dans la mesure où, d’une part, « la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date de son édiction » et où, d’autre part, « l'instruction d'une demande de permis de construire modificatif n'a pas pour finalité la reprise de celle qui a été conduite préalablement à la délivrance du permis de construire initial », si bien que « si des formalités nécessaires à la conformité du permis de construire initial aux dispositions législatives et règlementaires régissant la procédure de délivrance des permis de construire ont été omises au cours de l'instruction d'une demande de permis de construire, leur accomplissement à l'occasion de l'instruction d'une demande de permis de construire modificatif n'a pas pour effet de régulariser la procédure ayant conduit à la délivrance du permis de construire initial » (CAA. Paris, 14 janvier 2001, req. n°99PA00757).

    Pour notre part, cette solution ne nous paraissait pas totalement contestable dans la mesure où si sur le fond un « modificatif » s’intègre au « primitif » – ce dont il résulte que, sauf à se rendre coupable d’un délit de construction en méconnaissance des prescriptions de l’autorisation obtenue, son titulaire ne peut plus exécuter le projet initial sans tenir des modifications autorisées puisqu’à cet égard, ils forment, dans une certaine mesure, une seule est même autorisation (CAA. Marseille, 21 janvier 1999, Sté Terre & Pierre, req. n°96MA02171 ; TA. Versailles, 22 février 1994, SCI Les Ormes, req. n°93-05140) – l’auteur, la forme et la procédure préalable à l’édiction d’un « modificatif » ne sauraient rétrospectivement modifier la circonstance que le « primitif » a été édicté par une autorité incompétente, en une forme et/ou au terme d’une procédure irrégulière et ce, d’autant moins lorsque le projet est effectivement modifié puisqu’alors la procédure est réputée porter sur ces seules modifications ; tel, d’ailleurs, étant l’intérêt du « modificatif » obtenir rapidement une autorisation au terme d’une procédure allégée qui ne sera contestable qu’en raison de ces vices propres.

    Mais quoi qu’il en soit, le Conseil d’Etat devait annuler l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en jugeant, dans un considérant de principe, que « lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises » (CE. 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, 238.315).

    En résumé, à l’exception peut-être de l’incompétence de l’auteur, un « modificatif » peut donc régulariser l’ensemble des vices affectant le permis de construire initial, y compris donc ses vices de forme et, a priori, celui résultant de la méconnaissance de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 qui implique qu’outre la signature de son auteur, un acte administratif indique le nom, le prénom et la qualité de son auteur, laquelle est à l’origine de nombreuses annulations d’autorisations d’urbanisme.

    Pour autant – et malgré, par ailleurs, le récent assouplissement du juge administratif dans l’application des prescriptions de l’article 4 précité puisqu’à titre d’exemple, il a été récemment jugé que l’absence de mention du nom et du prénom du maire signataire de la décision prononçant le retrait d’un permis de construire tacite peut être palliée par la présence de ces indications sur la lettre par laquelle ledit maire a, conformément à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, informé sont titulaire de son intention de procéder à ce retrait (CAA. Lyon 5 juillet 2007, SCI LADE, req. n°05LY01966) – la Cour administrative d’appel de Marseille vient donc de juger qu’un « modificatif » ne pouvait pas régulariser un permis de construire primitif et ce, au motif suivant :

    « Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article 4, alinéa 2, de la loi du 12 avril 2000 : «Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.» ; qu'en application de ces dispositions, l'omission de la mention des nom et prénom du signataire des permis de construire en cause est une irrégularité formelle entachant l'édiction même desdits actes, qui ne peut être régularisée, postérieurement à ladite édiction, par la circonstance que des permis de construire modificatifs, intervenus le 11 juillet 2002 et le 30 septembre 2002 respectivement pour les permis de construire LC041 délivré à B et LC042 délivré à , comporteraient, eux, les mentions exigées par les dispositions précitées ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les permis en cause étaient irréguliers au regard des exigences sus-rappelées de la loi du 12 avril 2000 »

    Si au regard de l’arrêt précité du Conseil d’Etat, cette solution paraît entachée d’une erreur de droit (voir, d'ailleurs, ici) et d’une motivation erronée puisque, dans cet arrêt, le litige portait sur l’irrégularité de la consultation de l’ABF, laquelle est « une irrégularité [procédurale] entachant l’édiction même » du permis de construire, cette solution nous paraît néanmoins conforme à l’objectif et l’utilité de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000, lequel institue cette formalité au bénéfice non seulement du destinataire de la décision en cause mais également des tiers.

    En effet, l’article précité a pour finalité ou, à tout le moins, pour utilité de permettre aux administrés de connaître l’auteur du permis de construire en cause pour, le cas échéant, constater son incompétence. A défaut, ces administrés sont donc privés d’une information susceptible de les amener à contester la légalité de cet acte et de leur laisser à penser qu’il n’est pas entaché d’incompétence.

    Il est vrai qu’un permis de construire modificatif mentionnant le nom, le prénom et la qualité de son auteur peut alors leur fournir « rétrospectivement » cette information s’agissant du « primitif » et alors leur permettre d’apprécier la légalité de ce dernier au regard des règles de compétence.

    Il reste que si le permis de construire primitif n’a pas été frappé de recours ou a fait l’objet d’un recours exclusivement fondé sur des moyens d’illégalité interne inopérants ou infondés, cette information ne leur sera d’aucune utilité pour contester la légalité de ce dernier.

    Or, quand bien même obtiendraient-ils l’annulation du « modificatif », cette circonstance n’aurait strictement aucune incidence sur le permis de construire primitif puisque si celui constitue la base légale du « modificatif », si bien que l’annulation du permis initial emporte nécessairement l’annulation par voie de conséquence de son « modificatif » – pour autant bien entendu qu’il ait également été frappé de recours – et que même lorsque ce dernier a survécu à l’annulation du primitif – faute d’avoir été également frappé de recours – il ne peut autoriser à exécuter les travaux (TA. Nice, 22 novembre 2005, Patoulle, req. n°05-05326), l’inverse n’est pas vrai.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés