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  • Sur le champ d’application dans le temps du nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme

    Si l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, inséré par l’article 11 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 dite « ENL », prévoit qu’une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt de ses statuts en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, cette disposition, qui a pour objet de créer une condition de recevabilité nouvelle applicable à de tels recours, ne saurait s’appliquer qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi.

    TA. Amiens, 6 mars 2007, req.n°05-02281


    Le jugement du Tribunal administratif d’Amiens précise le champ d’application dans le temps du nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme, lequel introduit une forte restriction aux conditions d’appréciation de l’intérêt à agir des associations.

    Traditionnellement, en effet, la recevabilité ou, plus précisément, l’intérêt à agir des associations à l’encontre des autorisations d’urbanisme était apprécié, d’une part et comme en toute autre matière, à la date d’introduction de leur recours et, d’autre part et de façon plus spécifique, au seul regard de leur objet statutaire lequel devait (et devra encore) présenter un rapport suffisamment direct, tant d’un point de vu géographique que matériel, avec la portée de l’autorisation contestée.

    Il s’ensuivait, tout d’abord, que l’intérêt à agir de l’association requérante n’était donc pas apprécié à la date de délivrance de l’autorisation contestée.

    Par voie de conséquence, la circonstance qu’elle se soit constituée postérieurement à sa délivrance n’était pas de nature à la priver d’intérêt à agir (CAA Nantes, 7 février 2001, Cne de La Roche Clermault, req. n° 00NT00032) alors même qu’elle se serait constituée dans le seul but de déposer un recours en annulation à l’encontre de l’autorisation d’urbanisme litigieuse (CAA Marseille, 5 avril 2001, Cne de Reynes, req. n°97MA11305) ; l’essentiel étant qu’à la date d’introduction de sa requête, elle soit effectivement constituée et que son objet statutaire soit arrêté, quitte à l’avoir préalablement modifié, quand bien même l’intérêt collectif que cette association défendait antérieurement à cette modification ne lui conférait manifestement aucun intérêt à agir à l’encontre de la décision contestée (CAA Paris, 15 juin 2000, SCI Marnellec & autres, req. n° 97PA02565). Au surplus, il n’était pas même nécessaire que l’association requérante ait été préalablement déclarée en préfecture puisqu’il était seulement requis qu’elle ait été constituée à la date de sa requête.

    Ensuite, le principe selon lequel l’intérêt à agir d’une association s’apprécie au seul regard de son objet statutaire implique que, contrairement aux particuliers dont l’intérêt à agir est apprécié regard de leur rapport de proximité avec le lieu d’exécution de l’autorisation d’urbanisme attaqué, la circonstance que le siège de l’association requérante soit proche ou, au contraire, éloigné du lieu d’exécution de la décision contestée est sans incidence. Ainsi, dès lors que l’association justifie de par son objet statutaire d’un intérêt lui donnant qualité à agir, sa requête est recevable indépendamment de toute considération liée au fait que son siège social ne se situe pas sur le territoire où l’autorisation en cause est susceptible de produire ses effets (CAA Douai, 25 octobre 2001, Association Opale Environnement, req. n° 99DA00232).

    De même, l’absence d’intérêt à agir à titre individuel des membres d’une association ne peut permettre de dénier la qualité de celle-ci à contester une autorisation d’urbanisme dans la mesure où il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier la qualité de ses membres pour statuer sur l’intérêt à agir d’une association (CAA Paris, 15 juin 2000, SCI MARNELEC & autres c/ Cne de Bonneuil, req . n° 97PA02517). Ainsi, ni le faible nombre de membres qu’elle regroupe (CAA Marseille, 14 juin 2001, Association ENVOR, req. n° 96MA11576), ni le fait qu’ils ne soient pas domiciliés à proximité du projet litigieux (CAA Douai, 25 octobre 2001, Association Opale Environnement, req. n° 99DA00232) ne peuvent être pris en compte.

    Enfin, le contrôle opéré sur les buts de l’association requérante par le juge administratif se limite aux buts statutaires de celle-ci au regard du contrat associatif et, par voie de conséquence, n’implique ni de contrôler les buts réellement poursuivis par l’association ou ses membres (CAA Marseille, 5 avril 2001, Cne de Reynes, req. n°97MA11305), ni la sincérité de son objet statutaire (CAA Nantes, 17 juin 2003, Ville de Saumur , req . n° 01NT01277).

    Or, ce libéralisme jurisprudentiel avait conduit à certains excès puisqu’il permettait, en résumé, à des particuliers, qui individuellement n’auraient pas eu intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation d’urbanisme en cause, de se constituer en association à la seule fin de l’attaquer et ce, dans un but totalement étranger aux préoccupations d’urbanisme.

    Aux fins de lutter contre certains excès proches de l’abus du droit d’ester en justice, la loi du 13 juillet 2006 dite « ENL » a substantiellement modifié les conditions de recevabilité des actions contentieuses engagées par les associations (tout en recadrant, plus spécifiquement, les conditions de l’appréciation de l’intérêt à agir des associations agréées pour la défense de l’environnement) par l’introduction du nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme dont on rappellera qu’il dispose que : « une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ».

    Il en résulte que la recevabilité à agir de l’association requérante est conditionnée non plus seulement à sa constitution mais au dépôt de ses statuts en préfecture et ce, préalablement non plus à la date d’introduction de son recours, ni même à la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme contestée mais à celle de l’affichage en mairie de la demande présentée par le pétitionnaire, tel qu’il était antérieurement prévu, pour les demandes de permis de construire, par l’ancien article R.421-9 du code de l’urbanisme et est aujourd’hui organisé, pour l’ensemble des demandes et déclarations, par le nouvel article R.423-6 dans sa rédaction issue du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007.

    Il reste que si le nouvel article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme est entrée en vigueur dès la publication de la loi dite « ENL », à savoir le 16 juillet 2006, et bien qu’elle ne le précise pas expressément, la condition de recevabilité qu’il prévoit ne peut être opposé qu’à un recours exercé à l’encontre d’un permis de construire délivré en conséquence d’une demande déposée préalablement à cette date.

    C’est ce que vient de juger le Tribunal administratif d’Amiens.

    " Considérant que si aux termes de l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme "une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ", cette disposition, insérée par l’article 11 de la loi du 13 juillet 2006 susvisée et qui a pour objet de créer une condition de recevabilité nouvelle, ne saurait s’appliquer qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi; et ne peut, dès lors, être utilement invoquée en l'espèce".

    Mais il convient de relever que pour ce dernier, l’article L.600-1-1 du Code de l’urbanisme ne s’applique qu’aux demandes déposées par le pétitionnaire à une date postérieure à celle de la promulgation de cette loi cependant que, d’une part, cet article vise l’affichage en mairie de la demande de permis et que, d’autre part, le dépôt de la demande et son affichage en mairie ne sont pas nécessairement concomitants dès lors que l’ancien article R.421-9 et le nouvel article R.423-6 prévoient pour ce faire un délai de quinze jours.

    Mais pour le reste, il incombera surtout à la jurisprudence administrative de répondre à deux interrogations.

    D’une part, le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme évoque la recevabilité à agir et non pas, spécifiquement, l’intérêt à agir et, en outre, ne vise que le dépôt préalable des statuts en préfecture sans saisir la question de l’objet statutaire de l’association. On peut donc se demander si une association qui aurait déposé ses statuts en préfecture préalablement à l’affichage prévu mais n’aurait pas alors intérêt à agir à l’encontre de l’autorisation à venir pourrait néanmoins établir son intérêt à agir à l’encontre de celle-ci par une modification de ses statuts préalable à l’introduction de sa requête. A s’en tenir au but poursuivi par le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, tel qu’il apparaît à l’examen des travaux préparatoires à la loi du 13 juillet 2006, la réponse devrait être négative.

    D’autre part, il est clair que l’irrecevabilité prévue par le nouvel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme ne sera pas opposable lorsque l’affichage prévu n’aura pas été régulièrement opéré puisque le nouvel article L.600-1-1 vise expressément cet affichage et non pas seulement le dépôt de la demande ou de la déclaration. De même, il semble raisonnable de considérer qu’une association qui n’aurait pas déposé ses statuts en préfecture préalablement à la demande d’autorisation primitive mais qu’il aurait accompli cette démarche avant l’affichage du dépôt d’une demande d’autorisation modificative serait recevable à agir à l’encontre de cette dernière.

    Mais l’on peut également se demander ce qui l’en sera lorsqu’en cours d’instruction de la demande ou de la déclaration, le projet sera modifié d’une façon si substantielle qu’il ne plus correspondrait plus, sur les points essentiels, à celui décrit dans l’affichage alors qu’un nouvel affichage n’aurait pas été opéré. Il n’est pas exclu que dans ce cas, la condition prévue par le nouvel article L.600-1-1 soit inopposable puisqu’ainsi le projet autorisé ne correspondrait pas à celui affiché et que l’on peut présumer que l’association qui aurait déposé ses statuts en préfecture après cet affichage ne l’a pas spécifiquement fait dans le but d’attaquer une autorisation qui, telle qu’obtenue, ne correspond pas au projet préalablement porté à la connaissance du public.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Une convention conclue en tant que concession d’aménagement mais ayant pour objet un projet ne constituant pas une opération d’aménagement ne peut bénéficier des anciennes dispositions de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme excluant ces conventions d

    Un projet de construction ne constituant pas une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme ne peut légalement faire l’objet d’une concession d’aménagement et, par suite et en toute hypothèse, bénéficier des anciennes dispositions de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme. Dès lors que la passation de cette concession n’a pas été précédée d’une procédure de mise en concurrence adéquate, la délibération adoptant un avenant transformant cette concession en convention publique d’aménagement est elle-même illégale.

    CAA. Bordeaux, 22 mars 2007, Association Gabas Nature & Patrimoine, req. n°03BX02313


    Voici une décision plus intéressante qu’elle n’y paraît en ce sens qu'elle n’intéresse pas le régime de passation des conventions et concessions d’aménagement mais l’objet même de ces contrats.

    Dans cette affaire, en effet, l'Institution interdépartementale pour l'aménagement hydraulique du bassin de l'Adou avait conclu, le 11 décembre 1995, une concession d’aménagement avec la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne et la Compagnie d'aménagement rural d'Aquitaine puis, en conséquence du transfert des missions de la première compagnie à la seconde, avait décidé, par une délibération adoptée le 22 février 2001, de conclure un avenant ayant pour objet de transformer cette concession en convention publique d’aménagement.

    Il reste que la concession initiale avait été conclue sans qu’aucune procédure de mise en concurrence n’ait été préalablement diligentée. Mais sur ce point, l’Institut concédant revendiquait le bénéfice des anciennes dispositions de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme, lequel dans sa rédaction applicable à la date des faits, disposait que « les dispositions du chapitre IV du titre II de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux conventions publiques d'aménagement établies en application du présent article ».

    Toutefois, la Cour administrative d’appel de Bordeaux devait écarter cette prétention et ainsi sanctionner l’absence de procédure de mise en concurrence préalable à la passation de la convention en litige mais ce, non pas parce que si « en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 300-4, elle n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de la loi n° 93-122 du 29 juin 1993 reprises aux articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales relatifs aux délégations de services publics (…) elle n'était pas pour autant exclue du champ d'application des règles fondamentales posées par le traité de l'Union, qui soumettent l'ensemble des contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats » (CAA. 9 novembre 2004, SOGEDIS, req. n°01BX00381) (sur les conséquences de cet arrêt et leur suite, voir ici)mais pour le motif suivant :

    « Considérant que, par délibération en date du 22 février 2001, le conseil d'administration de l'Institution interdépartementale pour l'aménagement hydraulique du bassin de l'Adour a approuvé l'avenant n° 1 transformant la convention de concession d'aménagement conclue le 11 décembre 1995 avec la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne et la Compagnie d'aménagement rural d'Aquitaine en convention publique d'aménagement régie par l'article L.300-4 du code de l'urbanisme et transférant les missions de la Compagnie d'aménagement rural d'Aquitaine à la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne ; que cette convention a pour objet un projet d'aménagement d'une retenue d'eau de 20 millions de mètres cubes comportant des ouvrages de restitution d'eau, une station de pompage et des équipements de télégestion ; qu'un tel projet qui consiste seulement en une opération unique et isolée de construction ne constitue pas, malgré son importance, une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il ne peut donc pas, en tout état de cause, faire l'objet d'une convention publique d'aménagement fondée sur l'article L.300-4 du même code et par suite être exclue du champ d'application des dispositions de la loi n°93-122 du 29 juin 1993 reprises aux articles L.1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ; que ladite convention dont il est constant qu'elle a été conclue sans aucune des formalités préalables de publicité et de mise en concurrence, est entachée de nullité ; que, par suite, la délibération attaquée par laquelle le conseil d'administration de l'Institution interdépartementale pour l'aménagement hydraulique du bassin de l'Adour a approuvé l'avenant n° 1 transformant la convention de concession d'aménagement conclue le 11 décembre 1995 avec la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne et la Compagnie d'aménagement rural d'Aquitaine en convention publique d'aménagement régie par l'article L.300-4 du code de l'urbanisme est illégale ».

    En substance, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a donc considéré que dans la mesure où le projet de construction objet de la convention en litige ne constituait pas une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme, ce projet ne pouvait pas légalement relever d’une concession ou d’une convention d’aménagement et, par voie de conséquence, qu’en toute état de cause, les anciennes dispositions de l’article L.300-4 précitées étaient inapplicables en l’espèce.

    On sait, en effet, que l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme disposait, dans sa rédaction applicable à la date des faits (étant rappelé qu’il n’a pas été substantiellement modifié, sur ce point, par l’article 1er de la loi n°2005-809 du 20 juillet 2005), que « l'Etat, les collectivités locales ou leurs établissements publics peuvent confier l'étude et la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent livre à toute personne publique ou privée y ayant vocation » ; l’article L.300-1 précisant, pour sa part, que « les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non-bâti et les espaces naturels ».

    Il est donc normal que le juge administratif vérifie si l’objet de la convention présentée et conclue en tant que convention ou concession d’aménagement correspond à celui assigné à ces dernières par l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme et, en d’autres termes, tendent à la réalisation d’une véritable opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1.

    Ce n’est, d’ailleurs, pas la première fois que le juge administratif opère cette vérification s’agissant d’un dispositif institué par le Code de l’urbanisme pour constituer le cadre d’une opération d’aménagement (ce contrôle étant, en outre, très fréquent s’agissant des décisions de préemption au titre de l’article L.210-1 ).

    Aux termes de l’article L.311-1 du Code de l’urbanisme, en effet, « les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains ». Or, à ce titre, le juge contrôle l’objet et « l’opportunité » du recours à la ZAC (pour exemple : CE. 7 juillet 2000, SCI Haute en Provence, req. n°205.229.) et ce, « en appréciant si l’opération donnée est conçue en vue de réaliser l’aménagement d’une partie du territoire de la collectivité » de sorte à « censurer les pratiques qui utiliseraient l’aménagement concerté comme une simple procédure de contractualisation des autorisations d’urbanisme » (conclusions de S. LAVIGNES sur : CE. 28 juillet 1993, Cne de Chamonix, BJDU n° 94/1, pp. 22 et ss). C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat a pu juger que :

    « compte tenu de ses caractéristiques et de la faible importance des travaux d'équipement qu'elle nécessite, une telle opération ne constitue pas une opération d'aménagement et d'équipement au sens des dispositions précitées de l'article L.311-1 du code de l'urbanisme ; que sa réalisation ne pouvait faire l'objet de la création d'une zone d'aménagement concerté ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler la délibération du 5 mai 1988 portant approbation du plan d'aménagement de la zone, sur l'illégalité dont est entachée la délibération du 27 novembre 1987 par laquelle a été décidée la création de la zone et à laquelle l'article 11 du plan d'occupation des sols de Chamonix ne pouvait en tout état de cause donner un fondement légal » (CE. 28 juillet 1993, Cne de Chamonix, req. n° 124.099).

    Il s’ensuit qu’une ZAC ne peut légalement avoir pour objet qu’une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme, c’est-à-dire celle qui correspond à un véritable effort d’organisation et d’agencement d’une partie significative du territoire de la part de la collectivité publique par l’exécution de travaux d’équipement, et non une simple opération de construction, ni même une opération intégrée, c’est-à-dire celle correspondant à une opération de construction ambitieuse s’accompagnant certes de quelques travaux d’aménagement mais sans pour autant nécessiter de recourir à la ZAC (sur la distinction et ses conséquences générales : conclusions de S. LAVIGNES sur : CE. 28 juillet 1993, Cne de Chamonix, BJDU n° 94/1, pp. 22 et ss) : il en va donc logiquement de même pour les conventions visées par l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme (dont on rappellera, à toutes fins, qu’elles peuvent permettre la réalisation de toute opération d’aménagement, y compris de celles ne relevant pas d’une ZAC).

    A cet égard et comparé à l’arrêt précité dite « Commune de Chamonix », là est d’ailleurs le principal intérêt de l’arrêt commenté. En effet, dans l’affaire « Commune de Chamonix », il était manifeste que le projet en cause ne constituait pas une opération d’aménagement (pour mémoire, on rappellera qu’il s’agissait de la réalisation d’un hôtel, laquelle était assortie, pour tout travaux d’équipement, de faibles travaux d’élargissement d’une voie existante et de l’aménagement d’un arrêt de bus) cependant que dans celle objet de l’arrêt commenté le projet consistait en une retenue d'eau de 20 millions de mètres cubes comportant des ouvrages de restitution d'eau, une station de pompage et des équipements de télégestion. Néanmoins, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé « qu'un tel projet qui consiste seulement en une opération unique et isolée de construction ne constitue pas, malgré son importance, une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L300-1 du code de l'urbanisme ».

    Pour conclure et placer l’arrêt commenté dans le contexte réglementaire et jurisprudentiel actuel, on précisera ainsi qu’une convention placée sous le régime de l’article L.300-4 du Code de l’urbanisme alors qu’elle ne porterait pas sur une opération d’aménagement au sens de l’article L.300-1 serait illégale et ce, quand bien même aurait-elle été passée suivant la procédure prévue par les articles R.300-5 et suivants du Code de l’urbanisme (sauf à ce que de par son objet, la passation de cette convention ne relève d'aucun autre procédure de mise en concurrence préalable); sans compter qu’au regard de la réglementation communautaire la régularité de cette procédure apparaît pour le moins fragilisée (CJCE, 18 janv. 2007, Auroux c/ Cne Roanne, aff. C-220/05).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au Barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés