Qui est compétent pour délivrer un permis de construire un ensemble immobilier unique dont une partie seulement est réalisée pour le compte de l'Etat ?
Compte tenu de la finalité des articles L.422-2 et R.422-2 du Code de l'urbanisme qui ont pour objet de faire obstacle à ce qu'une commune puisse s'opposer à l'accomplissement d'un tel projet en raison des buts d'intérêt général poursuivis par l'Etat, le Préfet est seul compétent pour délivrer le permis de construire portant sur un ensemble immobilier unique dès lors qu'une partie seulement de celui-ci est réalisée pour le compte de l'Etat.
CE. 27 juin 2018, Commune de Bollène, req. n°402.896 :
"3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la construction d'un ensemble immobilier unique, même composé de plusieurs éléments, doit en principe faire l'objet d'une seule autorisation de construire, sauf à ce que l'ampleur et la complexité du projet justifient que des éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, sous réserve que l'autorité administrative soit en mesure de vérifier, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ; qu'en revanche, des constructions distinctes, ne comportant pas de liens physiques ou fonctionnels entre elles, n'ont pas à faire l'objet d'un permis unique, mais peuvent faire l'objet d'autorisations distinctes, dont la conformité aux règles d'urbanisme est appréciée par l'autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-1 du code l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 422-2 du même code : " Par exception aux dispositions du a de l'article L. 422-1, l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : / a) Les travaux, constructions et installations réalisés pour le compte d'Etats étrangers ou d'organisations internationales, de l'Etat, de ses établissements publics et concessionnaires (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 422-2 du même code : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : / a) Pour les projets réalisés pour le compte d'Etats étrangers ou d'organisations internationales, de l'Etat, de ses établissements publics et concessionnaires ; " qu'il résulte des dispositions combinées du a) de l'article L. 422-2 et du a) de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme que, par dérogation à la compétence de principe du maire prévue par le a) de l'article L. 422-1, le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire lorsque celui-ci porte sur un projet réalisé pour le compte de l'Etat ; que ces dispositions ont pour objet de faire obstacle à ce qu'une commune puisse s'opposer à l'accomplissement d'un tel projet en raison des buts d'intérêt général poursuivis par l'Etat ; qu'il s'ensuit que le préfet doit être reconnu compétent pour délivrer le permis de construire sollicité même lorsque celui-ci porte sur un ensemble immobilier unique dont une partie seulement est réalisée pour le compte de l'Etat ;
5. Considérant, d'une part, qu'en relevant que les bâtiments du projet en litige comportaient des liens fonctionnels, dont une voirie interne, et que le réseau d'évacuation des eaux pluviales ainsi que l'intégration paysagère des bâtiments avaient fait l'objet d'une étude globale, pour juger que le projet devait être regardé comme constituant un ensemble immobilier unique, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il soit réalisé pour le compte de deux personnes publiques différentes, la cour a souverainement apprécié les faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits et les pièces du dossier ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aucune décision n'a été notifiée à la communauté de communes Rhône-Lez-Provence à la suite du dépôt de sa demande ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le permis de construire qui lui a été délivré tacitement, en ce qu'il autorise notamment la construction de bureaux et logements réalisés pour le compte de l'Etat, doit être regardé comme ayant été octroyé par le préfet de Vaucluse pour l'ensemble du projet ; que ce motif, qui répond à un moyen d'incompétence soulevé devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la cour aurait, en répondant à ce moyen, insuffisamment motivé sa décision, entaché son arrêt de contradiction de motifs et commis une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés"
Patrick E. DURAND