Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Quand la conformité de projets faisant l'objet de demandes de permis de construire distinctes doit-elle être appréciée globalement ?

Hors du cas où ils forment un ensemble immobilier unique à raison des liens physiques et/ou fonctionnels les unissant, la conformité de projets relevant de demandes de permis de construire distinctes n’a pas à être appréciée globalement mais doit être appréciée par l'autorité administrative compétente indépendamment pour chaque projet. 

CE. 28 décembre 2017, req. n°406.782 :

Voici un arrêt dont l’intérêt est plus important qu’il n’y parait peut-être – il sera d’ailleurs mentionné au Recueil – et qui opère un utile « recadrage » qui, bien que profitant au cas présent au permis de construire attaqué, permet de circonscrire le sens et la portée de l’arrêt « Commune de Grenoble ».

Dans cet arrêt le Conseil d’Etat a comme on le sait apporter une exception au principe d’indivisibilité du permis de construire se rapportant à un projet unique en jugeant que, lorsque la complexité et l’ampleur le justifie, ses composantes présentant une vocation fonctionnelle autonome pouvait faire l’objet de demande de permis de construire distinctes, présentées de telle sorte que l’autorité administrative compétente soit mise en mesure d’apprécier la conformité du projet dans sa globalité.

Il reste que ce dernier aspect de cette jurisprudence constitue non pas seulement une condition mais plus précisément, et conformément à la nature d’exception de la possibilité dégagée par cet arrêt, une réserve destinée à assurer que le projet soit instruit dans les mêmes conditions que si, comme cela aurait dû être le cas en principe, il avait donné lieu à une demande unique et ce, de sorte qu’à ce que son fractionnement en plusieurs demandes, qui seraient instruites isolément, n’aboutissent pas affranchir le projet des règles lui étant opposables à raison de sa nature et de son importance et/ou à le soumettre à des exigences moins contraignantes.

Dans ces conclusions dans cette affaire, le Rapporteur public du Conseil d’Etat avait d’ailleurs précisé que :

« il nous paraîtrait, en dernier lieu, excessivement formaliste d’annuler un permis au seul motif qu’il ne porterait pas sur la totalité de l’ensemble immobilier projeté sans que cette circonstance ait eu un effet sur la conformité de la construction projetée aux règles dont le permis vise à assurer le respect. (…).

Vous n’hésiteriez donc pas à annuler le permis si la méconnaissance d’une règle de prospect, de hauteur ou encore d’insertion paysagère était invoquée, l’appréciation portée par l’administration sur la conformité de l’objet du permis à ces règles ayant été faussée faute de disposer des informations portant sur l’ensemble du projet. Et ce serait alors tout autant la méconnaissance de la règle de fond qui vous sanctionneriez que le défaut de formalisme l’ayant entrainé.

Au total, la circonstance que des éléments d’un ensemble immobilier unique aient fait l’objet de permis distincts ne nous paraît pas devoir entraîner nécessairement leur annulation dès lors, d’une part, que cette circonstance n’a pas fait obstacle à ce que l’administration puisse porter à l’occasion de chaque demande distincte une appréciation globale de la conformité aux règles d’urbanisme de la construction projetée et que, d’autre part, cette conformité est assurée par l’ensemble des permis délivrés de la même manière qu’elle l’aurait été par un permis unique ».    

Il reste qu’avec le temps, l’idée avait tendance à s’installer qu’il suffisait de présenter des demandes de permis de construire concomitamment, en les liant sur le plan procédural, pour que celles-ci soient instruites globalement comme s’il s’agissant d’une demande unique se rapportant à un même projet.

C’est ce qu’infirme, l’arrêt commenté ce jour et par lequel le Conseil d’Etat est venu préciser que :

« Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire " ; qu'aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme alors applicable : " Le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la construction d'un ensemble immobilier unique, même composé de plusieurs éléments, doit en principe faire l'objet d'une seule autorisation de construire, sauf à ce que l'ampleur et la complexité du projet justifient que des éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, sous réserve que l'autorité administrative soit en mesure de vérifier, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ; qu'en revanche, des constructions distinctes, ne comportant pas de liens physiques ou fonctionnels entre elles, n'ont pas à faire l'objet d'un permis unique, mais peuvent faire l'objet d'autorisations distinctes, dont la conformité aux règles d'urbanisme est appréciée par l'autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que sur le terrain situé 7, quai Sturm à Strasbourg, cédé en septembre 2011 par l'Etat à la société d'études et de réalisations immobilières et foncières 3B, étaient implantés, en front de quai, un immeuble de bureaux et, en arrière du terrain, des garages ; que si un projet initial de la société prévoyait la réalisation sur ce terrain d'un immeuble unique, intégrant à la fois l'immeuble de bureaux existant et une construction nouvelle implantée à la place des garages, la société a ensuite dissocié son projet en deux opérations distinctes consistant, après division foncière, pour l'une, en la réhabilitation de l'immeuble de bureaux existant et, pour l'autre, en la construction d'un nouveau bâtiment, physiquement distinct de l'immeuble existant et destiné à accueillir des logements sociaux ; que ces deux projets de construction distincts, qui font d'ailleurs intervenir deux maîtres d'ouvrage différents, sont implantés sur deux parcelles désormais séparées et n'ont en commun que l'institution d'une servitude de cour commune, sont indépendants l'un de l'autre ;

Considérant que la conformité de chacun de ces deux projets distincts aux règles d'urbanisme devait, ainsi qu'il a été dit précédemment, être appréciée par l'autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ; que, par suite, en annulant le permis contesté au motif que l'administration n'avait pas été en mesure d'évaluer l'incidence réciproque des deux projets et de porter une appréciation globale sur le respect des règles d'urbanisme, le tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit ».

Certes, dans cette affaire, la règle a donc bénéficié au permis de construire attaqué puisque le Conseil d’Etat a donc considéré que c’était à tort que le Tribunal avait estimé que l’autorité administrative compétente aurait dû être mise en mesure de porter une appréciation globale le projet d’ensemble.

Le principe d’en demeure pas moins : « des constructions distinctes, ne comportant pas de liens physiques ou fonctionnels entre elles, n'ont pas à faire l'objet d'un permis unique, mais peuvent faire l'objet d'autorisations distinctes, dont la conformité aux règles d'urbanisme est appréciée par l'autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ». la conformité de chacun de ces deux projets distincts aux règles d'urbanisme devait, ainsi qu'il a été dit précédemment, être appréciée par l'autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment

Il ne suffit donc pas que deux demandes soient formulées concomitamment pour qu’elle soient instruites globalement. Il est nécessaire qu’elles se rapportent à des constructions ou éléments de construction qui, unis par un lien physique et/fonctionnel, forment ainsi un ensemble immobilier unique. Tel n’étant pas le cas dans cette affaire : « la conformité de chacun de ces deux projets distincts aux règles d'urbanisme devait, ainsi qu'il a été dit précédemment, être appréciée par l'autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ».

Cela étant, on relèvera que l’extrait du « considérant » précité précise que « des constructions distinctes, ne comportant pas de liens physiques ou fonctionnels entre elles n'ont pas à faire l'objet d'un permis unique » – et non qu’elles ne peuvent pas faire légalement faire l’objet d’un permis unique – et qu’elles peuvent – et non pas doivent – « faire l'objet d'autorisations distinctes » dont alors « la conformité aux règles d'urbanisme est appréciée par l'autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ».

Est-ce à dire qu’il faut en déduire que si deux projets bien que distincts font néanmoins l’objet d’une demande unique – a fortiori, portant une même unité foncière ou sur des unités foncières contiguës – ces projets seront appréciés globalement comme s’ils n’en formaient qu’un alors que l’on se souvient (CE. 28 juillet 1999, SA d’HLM « Le Nouveau Logis Centre Limousin », Rec., Lebon, p. 272) que le Conseil d’Etat avait réservé la possibilité de globaliser le « COS » dans le cas dans le cadre d’une demande conjointe portant sur deux unités foncières contiguës au cas où les constructions présentées une unité d’ensemble témoignant d’une réelle unité architecturale ?  

Patrick E. DURAND

Commentaires

  • petite erreur de numérotation : 406782...

    la solution crée une complexité particulière lorsque le projet divisible est non conforme aux règles d'urbanisme mais que sa division rend ses composantes conformes, indépendamment l'une de l'autre... la solution sera-t-elle soumise au juge répressif pour non respect du PLU ?

    en outre, la divisibilité au titre du Code de l'urbanisme ne crée, et c'est heureux, aucune divisibilité au titre du code de l'environnement, s'agissant notamment de l'évaluation environnementale du projet qui s'impose, le cas échéant... et qui, elle, n'est pas divisible.

Les commentaires sont fermés.