Sur l'étendue du pouvoir d'appréciation souveraine du juge du fond au titre de l'article L.600-5-1 (appliqué à la desserte du terrain à construire)
L'exercice de la faculté de surseoir à statuer afin de permettre la régularisation du permis de construire faisant l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, instituée par les dispositions citées au point 10 de l'article L.600-5-1 du code de l'urbanisme, est un pouvoir propre du juge. Toutefois, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à la mise en oeuvre de ces dispositions, la décision du juge du fond de faire droit à celles-ci ou de les rejeter relève de son appréciation souveraine, tant sur le caractère régularisable du vice entachant l'autorisation attaquée que sur l'exercice de la faculté, ouverte par l'article L.600-5-1, de surseoir à statuer pour qu'il soit procédé à cette régularisation dans un délai qu'il lui appartient de fixer eu égard à son office, sous réserve du contrôle par le juge de cassation de l'erreur de droit et de la dénaturation.
CE. 28 décembre 2017, Association "Présence des Terrasses de la Garonne", req. n°402.362 :
"8. L'article 1 Auf-3 du plan local d'urbanisme de la commune de Plaisance-du-Touch dispose : " Pour être constructible, tout terrain doit avoir un accès à une voie publique ou privée ouverte à la circulation soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisin, éventuellement obtenu par application de l'art 682 du code civil. / Les caractéristiques de ces accès doivent être adaptées aux usages qu'ils supportent ou aux opérations qu'ils doivent desservir et notamment permettre l'approche du matériel de lutte contre l'incendie.". La conformité d'un immeuble à de telles prescriptions d'un plan local d'urbanisme s'apprécie non par rapport à l'état initial de la voie mais en tenant compte des prévisions inscrites dans le plan local d'urbanisme à l'égard de celle-ci et des circonstances de droit et de fait déterminantes pour leur réalisation qui doit être certaine dans son principe comme dans son échéance de réalisation.
9. En relevant, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, d'une part, que les caractéristiques de la voie publique donnant accès au terrain d'assiette du projet en litige n'étaient pas suffisantes pour répondre à la circulation générée par le complexe commercial et de loisirs autorisé et, d'autre part, que les conditions de mise en oeuvre du protocole d'accord, conclu le 18 décembre 2003 entre le département de la Haute-Garonne, le syndicat intercommunal de développement et d'expansion économique et la société PCE pour la création d'une route départementale à deux fois deux voies permettant l'accès au projet, relatives à l'obtention, avant la fin de l'année 2005, des autorisations administratives nécessaires, n'avaient pas été respectées, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, en déduire que l'échéance de réalisation des travaux de modification de la voie d'accès au terrain d'assiette du projet n'était pas certaine et juger en conséquence que les permis de construire attaqués méconnaissaient les dispositions citées au point 7 de l'article 1 Auf-3 du plan local d'urbanisme. Ce second motif fonde à lui seul l'annulation pour excès de pouvoir prononcée par la cour des permis de construire contestés.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
10. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations".
11. L'exercice de la faculté de surseoir à statuer afin de permettre la régularisation du permis de construire faisant l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, instituée par les dispositions citées au point 10 de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, est un pouvoir propre du juge. Toutefois, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à la mise en oeuvre de ces dispositions, la décision du juge du fond de faire droit à celles-ci ou de les rejeter relève de son appréciation souveraine, tant sur le caractère régularisable du vice entachant l'autorisation attaquée que sur l'exercice de la faculté, ouverte par l'article L. 600-5-1, de surseoir à statuer pour qu'il soit procédé à cette régularisation dans un délai qu'il lui appartient de fixer eu égard à son office, sous réserve du contrôle par le juge de cassation de l'erreur de droit et de la dénaturation.
12. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour rejeter les conclusions des sociétés PCE et FTO tendant à l'application des dispositions de l'article L 600-5-1 du code de l'urbanisme, citées au point 10, la cour a relevé, sans dénaturer les pièces du dossier, que ni la réunion du conseil départemental du 11 décembre 2015 présentant le projet de réalisation de la voie d'accès au complexe des sociétés requérantes au titre des opérations de modernisation retenues par le département, ni l'accord-cadre conclu entre ce dernier et les sociétés PCE et FTO pour la reprise des procédures nécessaires à la réalisation de cette voie ne permettaient de regarder les conditions fixées par le protocole d'accord du 18 décembre 2003 pour la création d'une route départementale comme étant déjà satisfaites ou comme pouvant l'être dans le délai d'instruction d'un permis modificatif. En se fondant ainsi sur l'absence de date certaine de la réalisation de ces travaux, dont elle a apprécié souverainement la réalité sans dénaturer les pièces du dossier, pour refuser de faire usage de la faculté, ouverte par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer en vue de la régularisation des permis de construire attaqués au regard des règles d'accès de l'article 1 Auf-3 du plan local d'urbanisme, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas commis d'erreur de droit."
Patrick E. DURAND