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Lorsque le dernier étage de l’immeuble est un duplex ou un triplex, quel niveau de plancher retenir pour déterminer s'il constitue ou non un « IGH » ?

Nonobstant les précisions apportées par l’article 3.5° de l’arrêté du 19 juin 2015, le « plancher bas » du dernier étage d’un immeuble aménagé en duplex ou en triplex à prendre en compte pour l’application de la règlementation sur les « IGH » est la partie supérieure de ce duplex ou de ce triplex. Partant, cet immeuble constitue un « IGH » dès lors que la partie supérieure de cet étage excède 50 mètres et ce, quand bien même sa partie inférieure serait-elle en dessous de ce seuil.

CE. 6 décembre 2017, req. n°405.839 :

Dans cette affaire, la société auteur du pourvoi avait obtenu le 16 juin 2015 un permis de construire pour l’édification d’un immeuble de 90 logements sur 18 étage dont le dernier étage était aménagé en duplex et dont, surtout, le plancher de la partie inférieure de ce dernier était en dessous du seuil de 50 mètres applicable en la matière d’Immeuble de Grande hauteur (« IGH ») destiné à l’habitation alors qu’en revanche le plancher de sa partie supérieure formant duplex était au-dessus de ce seuil.

Saisi d’un recours à l’encontre de ce permis de construire et évoquant notamment la méconnaissance de la règlementation sur les IGH, il s’agissait donc pour le Tribunal administratif de Bordeaux de déterminer le dernier plancher à prendre en compte au regard de l’article R.122-2 du Code de la construction et de l’habitation  « constitue un immeuble de grande hauteur, pour l'application du présent chapitre, tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie : - à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d'habitation, tels qu'ils sont définis par l'article R. 111-1 (1) ; -à plus de 28 mètres pour tous les autres immeubles ».

Certes, l’article 3.5 de l’arrêté du 31 décembre 1986 précise sur ce point que « pour le classement des bâtiments, seul le niveau bas des duplex ou des triplex des logements situés à l'étage le plus élevé est pris en compte si ces logements disposent d'une pièce principale et d'une porte palière en partie basse et que les planchers des différents niveaux constituant ces logements répondent aux caractéristiques de l'article 6 ».

Mais outre que ces dispositions ont été insérées à l’article précité par l’arrêté du 19 juin 2015 lequel était donc postérieur à la date de délivrance du permis de construire attaqué, il reste qu’en toute hypothèse, l’article R.122-2 précité

  • vise de façon générale « le plancher bas du dernier niveau » ;
  • ne renvoie pas sur ce point à un arrêté ministériel le soin de préciser cette notion de niveau et/ou de moduler ses conditions d’application dans le cas d’un logement comportant plusieurs niveaux de planchers ;

alors qu’au regard des préoccupations dont procède la règlementation sur les « IGH », la circonstance que des niveaux de planchers superposés soient ou non liés à un même logement n’apparait pas déterminante. Or, précisément, le Tribunal administratif de Bordeaux devait ainsi juger que :

" 7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le projet de la SNC Nacarat Saint-Jean prévoit la réalisation d’un immeuble d’une hauteur totale de 61 mètres ; que dans la partie centrale du bâtiment, les deux derniers niveaux habitables, qui correspondent aux dix-huitième et dix-neuvième étages, sont occupés par deux appartements en duplex d’une surface de 40 et 55 m2 disposant chacun d’une terrasse privative ; que le dernier niveau de ces deux appartements, situé au dix-neuvième étage, est prévu pour accueillir notamment l’unique chambre de chaque logement ; qu’il ressort des plans de coupe du dossier de demande de permis de construire que le plancher bas de ce dernier niveau s’élève à une hauteur de 52 mètres, supérieure au seuil de 50 mètres prévu à l’article R. 122 2 du code de la construction et de l’habitation ; qu’au sens de ces dispositions, qui tiennent compte du plancher bas du dernier niveau par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l’incendie, le projet de la SNC Nacarat Saint-Jean doit donc être regardé comme un immeuble de grande hauteur;

Considérant qu’il est vrai que le plancher bas de ces deux logements en duplex, situé au dix-huitième étage, s’élève à une hauteur inférieure au seuil de 50 mètres au-dessus du sol utilement accessible aux engins des services de secours et de lutte contre l’incendie et que l’immeuble correspond ainsi, non à un immeuble de grande hauteur, mais à un bâtiment de quatrième famille au sens des dispositions précitées de l’arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation ; que d’ailleurs, l’article 3 de l’arrêté du 31 janvier 1986, dans sa version modifiée par arrêté du 19 juin 2015 et entrée en vigueur le 1er octobre 2015 postérieurement à la date de l’arrêté attaqué, prévoit dorénavant en son 5° que « Pour le classement des bâtiments, seul le niveau bas des duplex ou des triplex des logements situés à l’étage le plus élevé est pris en compte si ces logements disposent d’une pièce principale et d’une porte palière en partie basse et que les planchers des différents niveaux constituant ces logements répondent aux caractéristiques de l’article 6 » ; que, toutefois, la non-prise en compte du niveau supérieur des appartements en duplex ou triplex par l’arrêté du 31 janvier 1986, qui utilise seulement la notion de logement, est contraire à l’article R. 122 2 du code de la construction et de l’habitation, qui se réfère exclusivement à la notion de niveau, ou étage, pour définir les immeubles de grande hauteur, alors que ces dispositions du code de la construction et de l’habitation, adoptées par voie de décret, ont une valeur réglementaire supérieure à celle de l’arrêté du 31 janvier 1986 ; que, dès lors, le préfet de la Gironde, la commune de Bordeaux et la SNC Nacarat Saint-Jean ne sauraient invoquer l’arrêté du 31 janvier 1986 pour faire valoir que la construction projetée ne serait pas un immeuble de grande hauteur au sens de l’article R. 122 2 du code de la construction et de l’habitation" (TA. Bordeaux, 1er décembre 2016, req. n°15-05602) ;

et en résumé que les dispositions précitées de l’arrêté du 19 juin 2015 étaient illégales – et partant inapplicables – compte tenu de la lettre et de la finalité de l’article R.122-2 précité dont il résultait que l’immeuble en cause dans cette affaire devait donc être regardé comme un « IGH ». 

Et c’est donc cette analyse que vient en tout point de confirmer le Conseil d’Etat en jugeant lui-même que :

"D'une part, les dispositions destinées à assurer la sécurité des personnes contre les risques d'incendie et de panique dans les immeubles de grande hauteur sont fixées par les articles R. 122-1 à R. 122-29 du code de la construction et de l'habitation et par l'arrêté du 30 décembre 2011 pris en application de l'article R. 122-4. Aux termes de l'article R. 122-2 de ce code : " Constitue un immeuble de grande hauteur, pour l'application du présent chapitre, tout corps de bâtiment dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie : / - à plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d'habitation (...) ". Aux termes de l'article R. 431-29 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur un immeuble de grande hauteur, la demande est accompagnée du récépissé du dépôt en préfecture du dossier prévu par l'article R. 122-11-3 du code de la construction et de l'habitation ".

D'autre part, en application de l'article R. 111-13 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation fixe les règles de droit commun de protection de ces bâtiments contre l'incendie. Aux termes de l'article 1er de cet arrêté, dans sa rédaction alors applicable : " Les dispositions du présent arrêté s'appliquent : / - aux bâtiments d'habitation (...) dont le plancher bas du logement le plus haut est situé au plus à 50 mètres au-dessus du sol utilement accessible aux engins des services de secours et de lutte contre l'incendie (...). / Les règles particulières concernant les immeubles d'habitation dont le plancher bas du logement le plus haut est situé à plus de 50 mètres au-dessus du sol font l'objet des articles R. 122-1 à R. 122-55 du code de la construction et de l'habitation et de l'arrêté portant règlement de sécurité pour la construction des immeubles de grande hauteur et leur protection contre les risques d'incendie et de panique ". Aux termes de son article 3 : " Les bâtiments d'habitation sont classés comme suit du point de vue de la sécurité-incendie : (...) 4° Quatrième famille : / Habitations dont le plancher bas du logement le plus haut est situé à plus de vingt-huit mètres et à cinquante mètres au plus au-dessus du niveau du sol utilement accessible aux engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie. (...) ". Enfin, aux termes d'une modification résultant de l'arrêté du 19 juin 2015, postérieure à la délivrance du permis de construire litigieux, ce même article 3 a été précisé ainsi : " 5° Duplex et triplex. / Pour le classement des bâtiments, seul le niveau bas des duplex ou des triplex des logements situés à l'étage le plus élevé est pris en compte si ces logements disposent d'une pièce principale et d'une porte palière en partie basse et que les planchers des différents niveaux constituant ces logements répondent aux caractéristiques de l'article 6. / Les quadruplex et plus ne sont pas admis dans les bâtiments d'habitation collectifs "

Il résulte des dispositions de l'article R. 122-2 du code de la construction et de l'habitation que la hauteur d'un immeuble se mesure, pour l'application de la réglementation relative aux immeubles de grande hauteur, entre le niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie et le plancher bas du dernier niveau, qui désigne le plancher qui sépare celui-ci du niveau immédiatement inférieur. Ces dispositions doivent être comprises comme visant le dernier niveau de l'immeuble quand bien même celui-ci correspond à la partie supérieure d'un duplex ou d'un triplex, sans qu'y fasse obstacle le parti que les auteurs de l'arrêté du 31 janvier 1986 précité ont cru pouvoir retenir en se référant, à son article 1er, au " plancher bas du logement le plus haut ", et en précisant, au 5° de son article 3, le régime des duplex et triplex, au demeurant par des dispositions postérieures au permis de construire en litige

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les deux derniers étages de la construction autorisée par le permis de construire litigieux sont occupés par des appartements en duplex, dont le " plancher bas " du niveau le plus élevé, constituant le 19e étage de l'immeuble, se situe à plus de cinquante mètres au-dessus du niveau du sol le plus haut utilisable pour les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie. Ainsi, en jugeant que cette construction constituait un immeuble de grande hauteur au sens de l'article R. 122-2 du code de la construction et de l'habitation et que, par suite, tant les dispositions des articles R. 122-1 et suivants de ce code que l'article R. 431-29 du code de l'urbanisme lui étaient applicables, le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier".

Il reste maintenant à connaître le statut des immeubles édifiés à la faveur de cet arrêté (ou de la « pratique » antérieure qu’il visait à consacrer) et qui pour avoir peut-être été construits conformément à un permis de construire définitif, ont néanmoins été réalisés à la faveur d’un permis ne tenant pas lieu de l’autorisation prévue par l’article L.122-1 du Code de la construction et de l’habitation, et qui délivré indépendamment de toute considération liée à la conformité du projet au regard de cette règlementation ne semble que difficilement pouvoir conférer des droits acquis sur ce point….

 

Patrick E. DURAND

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