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  • A défaut d’avoir été distinctement notifié à chacun de ses cotitulaires, un recours à l’encontre d’un permis de construire conjoint est irrecevable dans sa globalité

     

    Un recours gracieux n’ayant été notifié qu’à l’un des deux cotitulaires d’un permis de construire conjointement obtenu ne satisfait pas à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme et n’interrompt donc pas le délai de recours des tiers au bénéficie de son auteur ; la circonstance que l’autorisation attaquée constitue un permis de construire valant division n’ayant aucune incidence à cet égard.

    CAA. Lyon, 9 avril 2013, Association des « Habitants de Vésegnin », req. n°13LY00066


    Voici un arrêt qui appelle peu de commentaires mais qui mérite néanmoins d’être signalé dès lors qu’à notre connaissance, il s’agit de la première jurisprudence sur la question ainsi posée.

    Dans cette affaire, un même permis de construire avait été conjointement obtenu par deux sociétés qui s’en trouvaient ainsi « cotitulaires ». Mais cette autorisation devait faire l’objet d’un recours gracieux exercé par une association qui ne devait toutefois notifier ce recours qu’à l’une de ces deux sociétés, contrairement au recours contentieux ultérieurement introduit

    Ainsi, chacune des deux sociétés défenderesses devaient conclure à la tardiveté et, donc, à l’irrecevabilité de ce recours contentieux en soutenant que, faute d’avoir été distinctement notifié à chacune d’elle ce recours gracieux n’avait pas interrompu le délai de recours des tiers fixés par l’article R.600-2 ; étant rappelé qu’en tout état de cause, un tel recours gracieux est néanmoins susceptible de déclencher ce délai (s’il ne l’a pas été par le régulier affichage du permis sur le terrain à construire) en application de la théorie dite de la « connaissance acquise » (pour exemple : CAA. Paris 31 décembre 2003, M. Phillipeau, req. n°00PA01948).

    C’est précisément pour ce motif que le Tribunal administratif de Lyon devait rejeter la requête avant que la Cour administrative de Lyon, tout en annulant l’ordonnance de première instance en raison de son insuffisante motivation, ne confirme le principe de cette solution :

    « Considérant que le premier juge n’a pas répondu au moyen, soulevé dans le mémoire en réplique de l’association requérante, selon lequel les dispositions de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme n’imposent pas de notifier un recours gracieux aux co-titulaires d’un permis de construire délivré sur le fondement de l’article R.431-24 du code de l’urbanisme ; que l’ordonnance attaquée est ainsi entachée d’une insuffisance de motivation et doit être annulée ; qu’il y a lieu pour la cour de statuer sur la demande présentée devant le tribunal par la voie de l’évocation ;
    Considérant d’une part qu’aux termes de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme : « (...) » ; qu’il résulte de ces dispositions, eu égard notamment à la volonté qui a justifié leur institution d’assurer une meilleure sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisations d’occupation du sol, que lorsqu’un permis de construire est délivré à plusieurs personnes morales distinctes, la notification qu’elles prescrivent doit être effectuées à l’égard de chacune desdites personnes ; que la circonstance que le permis visé par la demande d’annulation soit délivré sur le fondement de l’article R.431-24 du code de l’urbanisme concernant les projets devant faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance est sans incidence sur l’étendue de l’obligation de notification en cas de pluralité des bénéficiaires
    ».


    En première analyse, cette solution n’était pas si évidente dans la mesure où, à titre d’exemple, le Conseil d’Etat a pu juger que la notification prescrite par l’article précité pouvait être valablement effectuée :

    • à l’épouse du titulaire de l’autorisation d’urbanisme contestée dès lors qu’ils n’étaient pas séparés de corps (CE. 7 août 2008, Cne de Libourne, req. n°288.966) ;
    • au Préfet en sa qualité de supérieur hiérarchique du Maire lorsque ce dernier a délivré le permis de construire contesté au nom de l’Etat (CE. 13 juillet 2011, SARL Love Beach, req. n°320.448) ;
    • au maitre d’ouvrage de la construction projetée alors que le permis de construire avait été délivré à son maitre d’ouvrage délégué au titre de la loi « MOP » du 12 juillet 1985 (CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096) ;

    et ce, compte tenu en substance des liens de droit existants entre le titulaire du permis de construire et la personne à laquelle le recours dirigé à son encontre avait été notifié.

    Ainsi, dès lors que le permis de construire présente un caractère réel, ce dont il résulte que les co-titulaires d’un permis de construire conjoint sont solidairement responsables de son exécution, on ne pouvait exclure qu’il soit jugé qu’un recours à l’encontre d’un permis de construire conjoint pouvait être valablement notifié à l’un et/ou à l’autre de ses co-titulaires.

    Mais précisément, si chacun des cotitulaires d’un tel permis de construire est solidairement responsable de son exécution c’est dans la mesure où, compte tenu de son caractère réel, chacun est autorisé au regard du droit de l’urbanisme à exécuter l’ensemble des travaux ainsi prévus ; telle étant la raison pour laquelle chacun devaient justifier d’un titre l’habilitant à réaliser l’opération sur l’ensemble du terrain à construire (CE. 14 octobre 2009, Cne de Messange, req. n°297.727).

    Or, il résulte des travaux préparatoires de la loi n°94-112 du 9 février 1994 que les dispositions aujourd’hui codifiées à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme procèdent d’un objectif de responsabilisation des requérants mais également de sécurisation des constructeurs aux fins que ces derniers soient immédiatement informés des risques liés à l’exécution de l’autorisation ainsi contestée (Rapport du Conseil d’Etat, Doc. Fr. 1992).

    Précisément, c’est donc cet objectif que la Cour administrative d’appel de Lyon a fait primer, indépendamment de toute autre considération, en soulignant que l’autorisation contestée avait été délivrée à des « personnes morales distinctes » ; les deux sociétés pétitionnaires n’appartenant pas au même « groupe » et ayant leur siège à des adresses distinctes.

    Il faut en effet relever que, « pour sa défense », l’association appelante avait fait valoir que l’autorisation contestée constituait un permis de construire valant division portant sur une opération divisible et ce, tout en soulignant qu’au regard des composantes du projet autorisé et de l’objet social de chacune des deux sociétés pétitionnaires , il était parfaitement possible d’identifier la sphère d’intervention spécifique de chacune.

    Pour partie, cet argument était toutefois contradictoire dans la mesure où l’on voit mal à quoi il aurait pu aboutir, si ce n’est à l’irrecevabilité partielle des conclusions d’annulation pour ce qu’elles concernaient la partie du projet correspondant à l’intervention de société maître d’ouvrage à laquelle le recours gracieux préalable n’avait pas été notifié.

    Il reste que cet argument devait donc être rejeté, la Cour jugeant donc que le défaut de notification d’un recours à l’un des cotitulaires d’une autorisation d’urbanisme affectait d’irrecevabilité la requête dans sa globalité ; la circonstance qu’il s’agisse d’un permis de construire valant division n’ayant donc aucune incidence à cet égard.

    Il faut dire que ce qu’il est convenu d’appeler un permis de construire valant division n’est pas une autorisation d’urbanisme à part entière puisque fondamentalement il ne constitue rien d’autres qu’un permis de construire délivré au vu d’un dossier comprenant les pièces complémentaires visées par l’article R.431-24 du Code de l’urbanisme, lequel ne comporte strictement aucune disposition d’ordre personnel.

    Il ne fait donc pas exception au principe selon lequel une autorisation d’urbanisme présente un caractère réel, et non pas personnel, ce dont il résulte qu’un tel permis se borne à autoriser l’ensemble un projet et non pas telle ou telle personne désignée à l’exécuter (Cass. crim. 29 juin 1999, pourvoi n°98-83.839 ; CAA. Marseille, 23 novembre 2006, M. X., req. n°04MA00264), a fortiori en tout ou partie.

    C’est ce que tend à confirmer cet arrêt, tout en précisant qu’en toute hypothèse la solidarité susceptible de résulter d’un permis de construire conjoint ne créé pas entre ses cotitulaires un lien de droit tel que la notification prescrite au titre de l’article R.600-1 puisse être valablement effectuée à l’adresse d’un seul d’entre eux.

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Il n'est pas nécessaire d’avoir sollicité une adaptation mineure au stade de la présentation de la demande d’autorisation pour en revendiquer le bénéfice en cas de contentieux

     

    La possibilité de bénéficier d’une adaptation mineure ne peut être écartée par le juge administratif au seul motif qu’elle n’a pas été demandée par le pétitionnaire.

    CE. 13 février 2013, SCI Saint-Joseph, req. n°350.729


    Dans l’affaire visée en référence, la SCI requérante avait obtenu un permis de construire dont l’exécution conforme devait toutefois être contestée et donner lieu à un procès-verbal d’infraction au motif que la hauteur de l’ouvrage réalisé dépassait celle prévue par cette autorisation.


    Aux fins de régulariser ces travaux sur le plan administratif, la SCI présenta donc une demande de « modificatif », laquelle devait toutefois être rejetée au motif que les travaux objets de cette demande – ceux à régulariser – portait sur une construction excédant de 26 centimètres le plafond de hauteur fixé par l’article 10 du règlement de PLU applicable.

    La SCI exerça un recours en annulation à l’encontre de cette décision de refus et à cette occasion, bien qu’elle ne l’ai pas demandé au stade de sa demande de « modificatif », invoqua le bénéfice de l’alinéa de l’article 123-1 alors applicable et, plus concrètement, fit ainsi valoir que ce dépassement de 26 centimètres constituait une adaptation mineure. Il reste que ce recours devait être rejeté par le Tribunal administratif de Nice dont le jugement fut ensuite confirmé par la Cour administrative d’appel de Marseille et ce, au motif suivant :

    « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : (...) Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes (...) ; que si la société requérante soutient dans le cas où un dépassement de la hauteur autorisée serait retenu, que ce dépassement serait constitutif d'une adaptation mineure, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas demandé lors de l'instruction de son dossier à bénéficier de l'application de ces dispositions ; qu'en l'absence d'un traitement d'une telle demande par le service instructeur, elle n'est pas recevable à la présenter directement devant le juge ; que, dès lors, le moyen ne peut être qu'écarté » (CAA. Marseille 5 mai 2011, req. n°09MA01799. Voir également : CAA. Marseille, 20 décembre 2011, Cne de Rougiers, req. n°10 MA02646).

    Mais pour sa part, le Conseil d’Etat devait donc juger que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Saint Joseph a soutenu devant la cour administrative d'appel de Marseille que le non-respect des règles de hauteur fixées par le plan local d'urbanisme, dont elle contestait, par ailleurs, la réalité, pouvait être regardé comme procédant d'adaptations mineures au sens de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ; qu'il appartenait dès lors à cette cour, saisie de ce moyen, de se prononcer, par une appréciation souveraine des faits, sur le caractère éventuellement mineur de l'adaptation alléguée ; qu'en jugeant que la SCI Saint Joseph n'était pas recevable à soutenir directement devant le juge administratif que la surélévation projetée procédait d'une adaptation mineure prévue par l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dès lors que le service instructeur n'avait pas été saisi d'une telle demande, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ».

    Bien qu’il s’agisse de la première décision rendue avec autant de clarté par le Conseil d’Etat, dont certains des précédents arrêts sur ce point étaient d’une certaine ambiguïté (CE. 27 juin 2008, Yannick A req. n°288.942), cette solution n’est guère surprenante, du moins au regard du régime applicable à la date de la décision contestée.

    Il faut en effet relever et préciser que le refus de « modificatif » avait été opposé le 7 novembre 2005, soit à une époque où l’article R.421-15 disposait alors que « le service chargé de l'instruction de la demande (…) instruit, au besoin d'office, les adaptations mineures au plan local d'urbanisme ou au document d'urbanisme en tenant lieu, aux prescriptions des règlements des lotissements ainsi qu'aux cahiers des charges des lotissements autorisés sous le régime en vigueur avant l'intervention du décret n° 77-860 du 26 juillet 1977, ou les dérogations aux dispositions réglementaires relatives à l'urbanisme ou aux servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ».

    Il était donc clair qu’une autorisation d’adaptation mineure pouvait être accordée sans que le pétitionnaire l’ait demandé puisque cette possibilité pouvait à défaut être instruite d’office.

    Il reste que, précisément, les dispositions précitées de l’article R.421-15 n’ont plus d’équivalent dans le dispositif en vigueur depuis le 1er octobre 2007. Néanmoins, la solution rendue dans l’arrêt commenté ce jour nous parait demeurer.

    Tout d’abord, il faut relever que le Conseil d’Etat n’a donc aucunement visé l’article R.421-15 mais s’en est tenue à l’article L.123-1 alors applicable.

    Ensuite, l’actuel article L.123-1-9 du Code de l’urbanisme dispose que « les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » et n’induit en aucune mesure que l’octroi d’une telle adaptation serait nécessairement subordonné à la présentation d’une demande par le pétitionnaire.

    Enfin, une adaptation mineure n’est pas une dérogation et, surtout, son octroi ne relève pas d’une compétence discrétionnaire de l’autorité compétente dans la mesure où celle-ci à l’obligation d’instruire cette possibilité et de l’accorder lorsque les conditions sont réunies puisqu’à titre d’exemple, et indépendamment de toute référence à l’ancien article R.421-15 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que la parcelle sur laquelle M. X... souhaite construire a une largeur comprise entre 27 et 29,50 mètres et ne dispose pas d'un réseau d'assainissement collectif ; qu'elle ne peut être considérée comme constructible au regard des dispositions applicables du plan d'occupation des sols ; que, toutefois compte-tenu du faible écart entre la largeur de la parcelle et la règle posée par le plan d'occupation des sols, la possibilité prévue par l'article L.123-1 précité du code de l'urbanisme d'accorder une dérogation mineure ne pouvait être écartée par principe ; qu'à la suite du recours gracieux présenté par l'intéressé et qui demandait que le permis lui fut accordé au titre d'une adaptation mineure, le maire a refusé d'examiner cette possibilité ; que, ce faisant, il a, comme l'ont relevé les premiers juges, entaché sa décision refusant le permis de construire d'une erreur de droit » (CE. 15 mai 1995, M. X…, req. n°118.919)

    La possibilité d’accorder le permis de construire à la faveur d’une adaptation mineure apparait ainsi relever des modalités de droit commun d’instruction de la demande et d’appréciation de la conformité du projet aux règles du PLU, et s’impose donc à l’autorité compétente, laquelle ne saurait ainsi faire varier les modalités d’application de la règle selon que le pétitionnaire l’ai ou non demandé.

    Le dispositif en vigueur depuis le 1er octobre 2007, et l’absence de disposition équivalente à l’ancien article R.421-15 du Code de l’urbanisme, ne s’oppose donc pas à ce que les services administratifs octroi une adaptation mineure sans qu’elle n’ait été demandée par le pétitionnaire et ce, d’autant moins qu’a contrario ce dispositif n’intègre plus non plus de disposition équivalent à l’ancien article R.421-18 en ce qu’il disposait que « le délai d'instruction est également majoré d'un mois lorsqu'il y a lieu d'instruire une dérogation ou une adaptation mineure ».

    Il reste que dans la mesure où la décision contestée dans cette affaire constituait un refus de permis de construire, l’arrêt commenté ce jour ne permet pas de résoudre une autre question : lorsque le permis de construire est accordé mais apparait méconnaitre une règle du PLU sans qu’une adaptation mineure n’ait été expressément accordée, la commune défenderesse peut elle en cas de contentieux opérer une substitution de motif en faisant valoir la possibilité d’octroyer une telle adaptation mineure ?

    Il est vrai que l’article L.424-3 du Code de l’urbanisme indique que la décision « doit être motivée (…) lorsqu'elle (...) porte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables » ; rédaction qui :

    - si elle n’implique d’ailleurs pas elle-même qu’une adaptation mineure est nécessairement accordée ou autorisée suivant une demande présentée en ce sens par le pétitionnaire ;
    - pourrait en revanche être comprise comme signifiant qu’une adaptation mineure doit nécessairement être instruite au stade de la demande puisque devant être expressément octroyée par une décision motivée et, donc, par un permis faisant état de cette adaptation.

    Cela étant, l’article L.424-3 précité n’est pas propre aux adaptations mineurs mais constitue un dispositif général relatif à la forme et à la motivation des décisions statuant sur les demandes d’autorisation et, notamment, des décisions de refus alors que l’exigence de motivation de ces dernières ne s’est jamais opposée à la formation de refus tacites dans les cas visées à l’article R.424-2 du Code de l’urbanisme, ni à la possibilité pour l’autorité compétente de conforter la légalité d’un refus de permis de construire en substituant devant le juge un motif autre que celui ou ceux exposés en tant que motivation de la décision de refus expresse.

    Au demeurant, si à l’examen de la rare jurisprudence rendue en la matière il apparait qu’une telle demande de substitution de motifs n’a jamais été accueillie positivement, ceci semble résulter non pas d’une impossibilité de principe mais de la simple circonstance que dans chacune de ces affaires l’adaptation invoquée n’était pas mineure et/ou pas justifiée par l’un des motifs visés par l’article L.123-1 alors applicables (voire toutefois au sujet des dérogations prévue par l’article R.111-20 du Code de l’urbanisme : CE. 19 novembre 1986, Louis X… req. n°68.814).

    Si l’arrêté commenté de jour ne permet donc pas de trancher cette question, il semble en revanche offrir un autre moyen que la technique de la substitution de motif pour conforter la légalité d’un permis de construire qui aurait pu être valablement accordé à la faveur d’une adaptation mineure mais sans que celle-ci ne soit expressément octroyée, et a fortiori motivée.

    Il faut en effet rappeler que dans cette affaire le refus contesté ne portait pas sur une demande primitive de permis mais sur une demande de « modificatif », en outre de régularisation.

    Dans la mesure où cette circonstance semble n’avoir eu aucune incidence sur le sens de la solution retenue, cet arrêt tend donc à confirmer qu’une adaptation mineure peut être mise en œuvre au stade d’un « modificatif », le cas échéant aux fins de régularisation des travaux et/ou de l’autorisation primitive et donc à valider l’analyse adoptée par les Cours administratives d’appel ayant pu jugé que :

    « considérant, d'une part, que, si le maire de la commune de Bordeaux a accordé, aux termes de l'arrêté attaqué, un permis de construire modificatif pour un projet identique à celui annulé par la Cour le 1er juillet 1997, au motif que le permis du 18 avril 1991 avait été accordé en méconnaissance des dispositions du plan d'occupation des sols de la Communauté urbaine de Bordeaux relatives à la hauteur du niveau du rez-de-chaussée, il a, toutefois, contrairement au précédent permis, expressément exposé dans les motifs de sa décision, que le fait qu'une très faible partie de la façade Est du bâtiment dépasse la hauteur maximale autorisée constituait une adaptation mineure justifiée par la nature et la configuration de la parcelle et délivré ledit permis sur ce fondement ; que la délivrance, dans ces conditions, du permis attaqué ne méconnaît pas l'autorité de la chosé jugée par la Cour le 1er juillet 1997 » (CAA. Bordeaux, 3 mai 2007, Paolo X…, req. n°04BX00347) ;

    ou mieux encore que:

    « Considérant que, par arrêté du 30 mars 2009, le maire d'Annecy-le-Vieux a autorisé la SOCIETE FLOCON D'AVRIL à édifier deux maisons d'habitation sur un terrain situé au lieu-dit " Le Bulloz " ; que, saisi par M. et Mme A d'un recours gracieux, il a, par arrêté du 26 juin 2009, retiré ce permis de construire, au motif que le projet en cause méconnaissait les prescriptions de l'article UP 5 du règlement du plan local d'urbanisme, et refusé la délivrance d'un nouveau permis de construire accordant l'adaptation mineure sollicitée par la SOCIETE FLOCON D'AVRIL ; que celle-ci ayant à son tour présenté un recours gracieux contre ce nouvel arrêté, le maire d'Annecy-le-Vieux, par un troisième arrêté daté du 15 octobre 2009, l'a retiré en tant qu'il avait refusé le permis de construire et a délivré à l'intéressée le permis de construire sollicité en la faisant bénéficier d'une adaptation mineure de l'article UP 5 du règlement du plan local d'urbanisme ;
    Considérant que (…) la nouvelle autorisation d'urbanisme qu'il délivre à la SOCIETE FLOCON D'AVRIL revêt le caractère, non d'un nouveau permis de construire, mais d'un permis modificatif ayant pour objet de régulariser ce permis initial au moyen d'une adaptation mineure » (CAA. Lyon, 31 juillet 2012, Sté Flocon d’Avril, req. n°12LY00474)
    ;


    ce qui au demeurant est parfaitement logique puisque comme on le sait « le permis de construire initialement délivré pour l'édification d'une construction et le permis modificatif (…) constituent un ensemble dont la légalité doit s'apprécier comme si n'était en cause qu'une seule décision » (CAA. Paris, 30 octobre 2008, M. Gilbert Y., req. n°05PA04511) ; ce dont résulte précisément l’étendue des vertus régularisatrices d’un permis motif.

    Et pour conclure non pas sur les adaptations mineures mais sur les dérogations, on précisera que s’il semble difficile (en ce sens : CE. 16 mai 2011, Sté LGD Développement, req. n°324.967) qu’un permis puisse être délivré à titre précaire en application de l’article L.433-1 du Code de l’urbanisme sans que le pétitionnaire ne l’ai demandé ou que ce dernier puisse néanmoins en revendiquer le bénéfice, il n’apparait en revanche pas nécessairement exclut que l’article précité soit mis en œuvre au stade d’un « modificatif » puisqu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article précité « le permis de construire est soumis à l'ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre » ; ce dont il résulte que, sur le plan procédural, l’autorisation délivrée en application de cet article n’apparait pas constituer à part entière une autorisation d’urbanisme particulière et distincte du permis de construire.

    Reste à imaginer les possibilités qui seraient ouvertes par de tels « modificatifs » d’adaptation mineure ou dérogatoire en les combinant à l’appréciation des conditions de mise de œuvre de l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme…

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • De l’annulation partielle…des décisions portant transfert d’office dans le domaine public communal des voies privées

     

    Lorsqu’une partie seulement de la voie visée par une décision de « municipalisation » prise au titre de l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme ne constitue pas une voie ouverte à la circulation publique au sens de cet article, cette décision peut être partiellement annulée, uniquement donc en tant qu’elle concerne ce tronçon.

    TA. Cercy-Pontoise, 21 février 2013, Association AVECOVAL & autres, req. n°10-07157.pdf



    La divisibilité contentieuse des décisions d’urbanisme ne cesse de progresser comme l’illustre ce jugement – certes rendu par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise mais pas par sa chambre en charge de l’urbanisme – lequel propose cependant une solution inattendue, pour ne pas dire quelque peu critiquable.

    Dans cette affaire, et sur le fondement de l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme, la Ville de Saint-Cloud avait engagé une procédure de municipalisation d’une voie privée ayant abouti à un arrêté de transfert d’office de la totalité de cette voie dans le domaine public communal ; arrêté pris par le Préfet en conséquence de l’opposition à cette mesure manifestée par certains des copropriétaires de cette voie à l’occasion de l’enquête publique prescrite par ce même article.

    Et c’est donc la totalité de cet arrêté qui devait être frappée d’un recours en annulation. Pour autant, une partie de cette décision devait être validée comme portant effectivement sur un tronçon de la voie constituant une voie ouverte au public au sens de l’article mais, en revanche, annulée pour l’autre tronçon et ce, au motif suivant :

    « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la parcelle AH 293 de l’avenue Eugénie est une impasse, qu’elle fait l’objet d’une restriction d’accès, un panneau d’interdiction de circuler mentionnant « propriété privée. Interdiction de circuler» étant disposé à son entrée, qu’elle ne permet l’accès qu’aux immeubles des riverains et à leurs parkings, qu’elle est étroite, ne permettant pas à deux véhicules de se croiser et présente une forte déclivité ; qu’au surplus une partie des propriétaires de cette voie conteste l’usage public de leur bien et refuse de renoncer à son usage purement privé ; que la partie haute de l’avenue Eugénie ne peut donc être considérée comme une voie ouverte au public au sens des dispositions précitées de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme ; que par suite, le préfet a commis une erreur de droit au regard de ces dispositions en procédant, par l’arrêté contesté, au transfert d’office de la parcelle AH 293 de la voie privée «avenue Eugénie » dans le domaine public de la commune de Saint Cloud ».

    En résumé, le Tribunal a donc conclu que le tronçon en cause ne constituait pas en lui-même une voie ouverte au public au sens de l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme et ce, pour trois principaux motifs de faits : les caractéristiques physiques de la voie, l’interdiction de circuler résultant du panneau apposé à son entrée, combinée à l’opposition déclarée des riverains à son utilisation publique et le caractère restreint de sa fonction de desserte.


    Une telle analyse nous parait quelque peu sujette à caution.

    En effet, la qualification de voie ouverte à la circulation publique ne saurait tout d’abord dépendre des caractéristiques physiques de la voie considérée. Ainsi, non seulement le fait qu’une voie présente une déclivité ne saurait bien entendu exclure cette qualification mais il en va de même de la circonstance qu’elle soit aménagée en impasse (CE. 9 mai 2012, Alain C…, req. n°335.932) puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :

    « Considérant que l’impasse Jumilhac, située dans le lotissement Le Tuquet sur la commune de Bosmie-l’Aiguille et desservant les propriétés des requérants se trouve dans un ensemble d’habitation au sens de l’article L. 318-3 précité ; que si les requérants ont tenté à plusieurs reprises de se prémunir contre l’ouverture de cette voie à la circulationpublique par l’installation d’obstacles en interdisant l’accès, le règlement du lotissement approuvé par arrêté préfectoral du 10 septembre 1973 et notamment à son article 3 dispose que : "Les voies et espaces libres sont destinés à être incorporés (...) à la voirie communale. ...) le sol des voies et des places sera perpétuellement affecté à la circulation publique" ; que dès lors en faisant application à l’impasse Jumilhac des dispositions précitées de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme permettant le transfert dans le domaine public communal d’une voie privée ouverte à la circulation publique dans un ensemble d’habitations, le Premier ministre n’a pas commis d’erreur de droit » (CE. 10 février 1992, Pierre X…, req. n°107.113. voir également : CAA. Marseille, 10 avril 2009, Jean-François X…, req. n°06MA03409).

    Ensuite, si le Tribunal a relevé l’apposition d’un panneau mentionnant « propriété privée. Interdiction de circuler », il reste qu’à l’examen de la jurisprudence le seul fait qu’un panneau d’interdiction de circuler soit apposé à l’entrée d’une voie ne suffit pas à la faire regarder comme fermée à la circulation publique en l’absence de toute installation matérialisant cette interdiction et faisant obstacle à son accès puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé que :


    « Considérant que la salle polyvalente dont la construction a été autorisée par le permis de construire attaqué dispose de son entrée principale et de ses seuls accès sur la voie n° 6, dite voie du patronage, dont le terrain d’assiette appartient aux époux X... ; que les époux X... n’ont jamais dressé aucun obstacle pour en interdire l’accès, la clôture qu’ils ont édifiée autour de leur propriété maintenant au contraire la libre disposition de ce passage ; qu’ainsi le maire de Mercatel a pu à bon droit, pour délivrer le permis de construire attaqué se fonder sur ce que cette voie était ouverte à la circulation publique à la date de la décision accordant le permis de construire et pouvait desservir la construction projetée ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif de Lille s’est fondé sur la violation des dispositions de l’article R.111-4 du code de l’urbanisme pour annuler l’arrêté municipal du 24 avril 1989 » (CE. 13 mars 1992, Epoux X…, req. n°117.814) ;

    ou, plus récemment, que :


    « Considérant (…) qu’il ressort des pièces du dossier que la voie privée appartenant à la copropriété Le Rambaud était à la date du permis de construire ouverte à la circulation publique, même si une partie des propriétaires envisageait pour l’avenir la fermeture de cette voie publique et qu’elle comportait un panneau propriété privée , et un panneau parking privé ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, que la bande de terrain sur laquelle est implantée une haie végétalisée, puisse être regardée comme une propriété distincte de cette voie privée ouverte à la circulation publique » (CAA. Lyon, 15 février 2011, Henri A…, req. n°08LY01637).

    Il faut d’ailleurs rappeler que l’installation d’un tel panneau d’interdiction de circuler constitue une mesure de police qui, même sur une voie priée, relève de l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales et, par voie de conséquence, n’incombe qu’à la seule autorité municipale dès lors que l’article L.411-6 du Code de la route précise expressément que : « le droit de placer en vue du public, par tous les moyens appropriés, des indications ou signaux concernant, à un titre quelconque, la circulation n'appartient qu'aux autorités chargées des services de la voirie ».

    En revanche, le propriétaire d’une voie privée peut y interdire la circulation en usant de l’attribue de son droit de propriété que constitue le droit de se clore et, concrètement, en fermant matériellement cette voie à la circulation publique, à titre d’exemple par l’installation d’un portail ou plus simplement d’une chaine.


    Quant à la circonstance « qu’au surplus une partie des propriétaires de cette voie conteste l’usage public de leur bien et refuse de renoncer à son usage purement privé », il résulte des termes mêmes de l’article L.318-3 que celle-ci est sans incidence sur la qualification de voie ouverte à la circulation publique ; cette considération n’ayant d’influence que sur la détermination de l’autorité compétente pour décider de la « municipalisation » de cette voie, l’alinéa 3 de cet article disposant en effet que « cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l’Etat dans le département, à la demande de la commune ».

    Enfin, même à admettre que la voie en cause « ne permet l’accès qu’aux immeubles des riverains et à leurs parkings » il reste qu’au regard du droit de l’urbanisme notamment une voie qu’aucune installation matérielle n’empêche d’emprunter et présentant une fonction de desserte constitue une voie constitue une voie ouverte à la circulation publique (pour exemple : CAA. Marseille, 6 octobre 2011, Cne de Camps la Source, req. n°09MA03338 ; CAA. Lyon, 21 octobre 2003, Stéphane X…, req. n°99LY01935 ) ; étant d’ailleurs rappelé que dans la mesure où l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme vise les voies « dans les ensembles d’habitations », cet article est précisément applicable aux voies internes d’un lotissement ou d’une copropriété (CAA. Douai, 4 mars 2003, Communauté Urbaine de Lille, req. n°01DA00341). Au demeurant, le Conseil d’Etat a d’ailleurs jugé que :


    « Considérant que si les requérants soutiennent que la décision attaquée, qui les dépossède au profit de personnes n’ayant sur l’impasse Jumilhac aucun droit de propriété, est entachée de détournement de procédure et porte atteinte à l’égalité devant les charges publiques, les dispositions de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme ne réservent pas la procédure de transfert d’office dans le domaine public communal des voies ouvertes à la circulation publique dans les ensembles d’habitations, aux voies qui seraient propriété de l’ensemble des propriétaires riverains ou susceptibles d’y avoir accès » (CE. 10 février 1992, Pierre X…, req. n°107.113).

    Ainsi, si l’article L.318-3 du Code de l’urbanisme n’est donc pas réservé aux seules voies de desserte de propriétés riveraines, c’est donc, a contrario, qu’il est néanmoins également applicable à celles-ci.


    Quant à l’annulation partielle de la décision contestée, celle-ci apparait elle-même sujette à caution au cas présent.

    En effet, outre que la mesure de municipalisation contestée semblait poursuivre un but unique, le seul fait que les deux tronçons considérés de la voie en cause soit traversée par une voie publique (emportant le découpage de ces deux tronçons en deux parcelles cadastrales distinctes) n’apparait pas nécessairement suffisant dès lors que ces deux tronçons relevaient d’un même régime de propriété, étaient dans le prolongement l’un de l’autre, si bien que le premier permettait notamment d’accéder au second alors qu'il a pu être jugé que :

    « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la parcelle AK 630, située dans le lotissement La Musardière sur la commune de Roncq et qui dessert quatre lots dont celui appartenant à M. X, se situe dans un ensemble d’habitations au sens de l’article L. 318-3 précité ; qu’elle se trouve au même niveau que la rue de la Briquetterie, voie ouverte à la circulation publique et incorporée au domaine public par le même arrêté, dans la continuité de cette rue ; qu’elle doit ainsi être regardée comme elle-même ouverte à la circulation publique ; que le moyen tiré de ce que M. X en est propriétaire indivis et en a pour partie payé le prix lors de l’acquisition de son lot est inopérant dès lors que la disposition précitée a précisément pour objet de permettre le transfert sans indemnité dans le domaine public d’une voie privée ouverte à la circulation publique » (CAA. Douai, 4 mars 2004, Communauté Urbaine de Lille, req. n°01DA00341).

    Mais précisément, on peut se demander si en résumé le Tribunal n’a pas confondu la notion de « voies ouvertes à la circulation publique » visée par l’article L.318-3 avec celle, plus restreinte, de voies ouvertes à la circulation automobile générale (sur la distinction, comparer notamment : CAA. Paris 10 mai 2007, M. Y., req. n°04PA02209 / CAA. Bordeaux, 29 mai 2007, Cne de Soorts-Hossegor, req. n°05NX00180).

     

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés