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  • Veille administrative : 1 Réponse ministérielle commentée – PLU & Constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (« CINASPIC »)

    Texte de la question (publiée au JO le : 13/07/2010 page : 7798) : « M. Rudy Salles attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme sur le problème de non-classement des palais des congrès en catégorie CINASPIC (constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif). Les parcs des expositions et les palais des congrès sont des outils structurants d'animation économique des territoires, avec une vocation de rayonnement et de développement des retombées économiques induites par leurs activités. Les parcs des expositions et les palais des congrès ont donc des activités très proches pour ne pas dire quasi identiques en termes d'accueil et d'organisation de manifestations. C'est d'ailleurs pour cette raison que les sociétés de gestion de ces équipements sont regroupées au sein d'une même fédération professionnelle la FSCEF (foires, salons, congrès et évènements de France). Ces équipements représentent, dans toutes les villes où ils sont implantés, des surfaces d'activité qui sont répertoriées dans les documents d'urbanisme. La loi instaurant les plans locaux d'urbanisme (PLU) a créé une catégorie classifiant les surfaces d'intérêt général dite CINASPIC, laissant aux collectivités territoriales la charge d'établir la liste précise des locaux rentrant dans cette catégorie. La ville de Paris a, dans le cadre de son PLU, établi une liste des surfaces classées CINASPIC dans laquelle on retrouve les théâtres, les stades non commerciaux, les centres de santé, les parcs des expositions, les ambassades. Contrairement aux parcs des expositions, les palais des congrès n'ont pas été classés dans la catégorie des CINASPIC. De ce fait, les surfaces d'activité des palais des congrès ne sont pas protégées par le PLU. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin d'intégrer les palais des congrès dans cette catégorie »


    Texte de la réponse (publiée au JO le : 07/09/2010 page : 9772) : « L'article R. 123-9 du code de l'urbanisme relatif au règlement du plan local d'urbanisme précise que des règles particulières peuvent être applicables aux « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif » (les « CINASPIC »). Ces derniers peuvent ainsi bénéficier de règles spécifiques de hauteur, d'implantation, de surface, etc. Toutefois le code ne donne aucune définition de cette notion. Certains PLU énumèrent donc, dans leur lexique généralement annexé au règlement, les constructions ou installations qui relèvent précisément de cette catégorie. C'est en effet aux collectivités qu'il appartient, au regard de leurs choix en matière d'urbanisme et d'aménagement, de lister ou non les constructions entrant dans cette catégorie. Les décisions prises par les communes à cet égard relèvent de l'opportunité, sous réserve que soient détaillés dans le document d'urbanisme les motifs des règles retenues et sauf erreur manifeste dans le choix de ces règles. Le contrôle de l'État sera donc nécessairement limité sur cette question dans la mesure où il s'attache plus aux questions de stricte légalité que d'opportunité. D'une manière générale il n'est pas judicieux d'enfermer les CINASPIC dans des catégories prédéterminées. Il s'agit, en effet, d'une notion à caractère évolutif dépendante des pratiques et des évolutions notamment technologiques. Une liste close n'aurait, par exemple, pas permis de considérer les éoliennes ou les antennes de radiotéléphonie comme faisant partie de cette catégorie, alors que c'est pourtant le cas. Finalement, les règles applicables aux CINASPIC ne sont pas nécessairement plus favorables mais peuvent être un moyen de contrôler de manière plus rigoureuse l'implantation de certains ouvrages ou installations ».


    Commentaire : voici une réponse ministérielle qui nous permet d’aborder une question d’importance : les PLU peuvent-ils, comme l’induit le Ministère, définir la notion de « CINASPIC » et bien plus déterminer par une « liste close » ce qui relève ou non de cette catégorie.

    Comme le précise le Ministère, il est exact que ni l’article R.123-9, ni aucune autre disposition du Code de l’urbanisme ne définit la notion de « CINASPÏC ».

    En revanche, les contours de cette notion sont aujourd’hui assez précisément fixés par la jurisprudence, laquelle ne s’est d’ailleurs pas réellement éloignée de ceux initialement déterminés par la doctrine administrative. En effet, le Ministère de l’Equipement avait lui-même précédemment précisé que :

    « les constructions à destination d’équipements collectifs correspondent à une catégorie vaste et ambiguë qui englobe l’ensemble des installations, des réseaux et des bâtiments qui permettent d’assurer à la population résidence et aux entreprises les services collectifs dont elles ont besoins (…).
    Le POS peut distinguer ce type de destination des autres constructions (…).
    Les bureaux correspondent aux locaux où sont effectués des tâches administratives et de gestion, dans le cadre de l’administration, des organismes financiers et des assurances (…)
    » (DGUHC, « Guide des POS », Juillet 1999, p.102).


    univer.jpgPrécisément, il ressort ainsi de la jurisprudence qu’effectivement « la notion d’équipement public ne saurait se confondre avec celle de bâtiment public, ni bien sûr avec celle de bâtiment accueillant du public. (…) Les bureaux de la CPAM, où les agents accomplissent leur travail, ne sont pas des équipements publics comme le sont une école, un hôpital, une piscine ou une bibliothèque, lesquels accueillent du public pour lui offrir un service d’enseignement, de soins, de loisirs. Il y’a dans la notion d’équipement public, l’idée de réponse apportée à un besoin collectif, par la mise à disposition d’installations sportives, culturelles, médicales, etc., ce que ne recouvre pas une simple construction de bureaux administratifs, même s’ils accueillent du public » (Concl. MITJAVILLE : CE. 3 mai 2004, CPAM de la Meuse, req. n°223.091).

    Mais ultérieurement, la jurisprudence administrative y a ajouté un autre élément d’appréciation : il doit s’agir d’un besoin d’intérêt général.

    En résumé, un « équipement collectif est une installation assurant un service d’intérêt général destiné à répondre à un besoin collectif » (Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Cette définition résulte de la finalité même de la notion et de l’objet de l’actuel article R.123-9 de Code de l’urbanisme qui « vise à fonder une faculté de dérogation aux règles générales » (Concl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Il s’ensuit que le seul fait que la construction considérée soit réalisée par et/ou pour le compte d’une personne publique ne saurait en principe suffire à la qualifier d’équipement public, d’équipement nécessaire aux services publics ou d’équipement d’intérêt collectif (sur le caractère inopérant du critère organique : Ccl Y.AGUILA sur CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105, in BJDU, n°1/2006, p.20).

    Surtout, compte tenu de sa finalité, cette notion fait l’objet d’une application stricte puisqu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que :

    • les bureaux annexes de la Prison de la Santé ne constituaient pas de tels équipements au sens de l’ancien POS parisien alors même que ce dernier visait comme faisant partie de cette catégorie les établissements pénitentiaires (CE. 18 octobre 2006, Synd. des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago », req. n°294.096) ;
    • une résidence, sise sur le même terrain qu’un lycée et destinée à accueillir les élèves des classes préparatoire de ce dernier, ne constituait pas un « CINASPIC » alors même que le POS en cause classait dans cette catégorie les bâtiments scolaires (CAA. Marseille, 30 août 2001, req. n°99MA02325).

    Dès lors si à notre sens l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme ne s’oppose pas ce que les PLU déterminent ce qui constituent ou non un « CINASPIC » – d’autant que d’une façon générale cet article n’a pas nécessairement la portée que lui prête l’administration – il nous semble qu’effectivement cette définition peut faire l’objet d’un contrôle de la part du juge administratif – puisque l’on voit bien le risque d’abus et détournement qu’il peut y avoir en la matière – mais que celui-ci a vocation a être plus poussé que ce contrôle minimal que constitue le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

    Mais quoi qu’il en soit, l’examen de la jurisprudence rendue en la matière, permet de relativiser l’opportunité et/ou l’utilité d’une telle définition ; du moins telle qu’elle est le plus souvent opérée par les POS/PLU qui dans la plupart des cas visent précisément tel ou tel équipement en considération de leur affectation : équipement scolaire, équipement sportif, équipement culturel, etc…

    Tout d’abord, ce type de définition ne prime pas les critères dégagés par la jurisprudence pour apprécier ce qui constitue ou non un « CINASPIC ».

    En d’autres termes, le fait que la construction considérée ait une affectation correspondante à celle visée par le POS/PLU à travers sa définition ou sa liste des « CINASPIC » ne signifie pas nécessairement que cette construction relève effectivement de cette catégorie.

    A titre d’exemple, pour application d’un article 14 autorisant un COS excédentaire pour les équipements collectifs et notamment les équipements culturels, il a été jugé qu’un complexe cinématographique constituait certes un équipement à caractère culturel mais n’en était pas pour autant un équipement collectif dès lors qu’à proprement parler, sa réalisation ne répondait pas à un besoin d’intérêt général (CE. 23 novembre 2005, req. n°262.105).

    Ensuite, les collectivités peuvent « librement » les définir ou les lister mais elles peuvent en outre prévoir des règles distinctes selon les types de « CINASPIC » en visant des types et des catégories parfois relativement proches.

    Or, il va sans dire que les auteurs du POS/PLU sont ultérieurement tenus par cette « catégorisation » qui les lie et qu’ils ne sauraient donc appliquer en opportunité puisqu’à titre d’exemple, un permis de construire portant sur l’extension d’un stade a été annulé dans la mesure où il avait été délivré en faisant application des règles de hauteur visant les équipements de loisirs cependant que les travaux portaient sur un équipement sportif (CAA. Douai, 7 juillet 2005, Assoc. « Sauvons la Citadelle de Lille », req. n°05DA00010 ; confirmé en cassation).

    Dans le même sens, il faut également être vigilant quant aux termes employés. En effet, si la qualification d’équipement collectif est en principe indépendante de toute considération liée à la qualité du maître d’ouvrage (pour exemple : CAA. Paris, Boulart, req. n°97PA00693), il a néanmoins pu être jugé que « si l'installation projetée, qui consiste en un centre d'accueil pour enfants destiné à recevoir des jeunes dont la santé, la sécurité, la moralité, l'éducation sont compromises, a le caractère d'un équipement collectif d'intérêt général, cette seule circonstance n'est pas de nature à lui conférer le caractère d'équipement public au sens de l'article UE 1 II 2 du règlement du plan d'occupation des sols » dès lors que celui-ci ne visait expressément que les équipements publics » (CAA. Versailles, 19 janvier 2006, Fondation Mequignon, req. n°04VE00237).

    Enfin, et surtout, une liste close ou l’édiction de prescriptions spécifiques ne bénéficiant expressément que tel ou tel « CINASPIC » présente un inconvénient majeur puisqu’elles ne s’appliquent pas aux autres équipements d’intérêt collectif puisqu’à titre d’exemple, il a été jugé : « que les permis de construire litigieux ont pour objet l'extension de l'immeuble dans lequel l'association "chez nous" a réalisé un centre d'accueil et d'hébergement pour des jeunes en difficulté ; qu'un tel bâtiment n'a pas les caractéristiques d'un bâtiment scolaire, hospitalier ou sanitaire, ni celles d'un équipement d'infrastructure au sens des dispositions précitées de l'article Uc 14 du règlement du plan d'occupation des sols, qui sont, d'après leurs termes mêmes, d'interprétation stricte ; que le permis de construire ne pouvait, par suite, légalement autoriser cet immeuble à dépasser le coefficient d'occupation des sols fixé pour la zone du plan d'occupation des sols dans laquelle se trouve situé le bâtiment dont la construction a été autorisée » (CE. 15 juin 2001, Cne de Vieux Boucau, req. n°218.119).

    Mais les listes voulues pour figer dans le PLU ce qui constitue ou non des « CINASPIC » et, plus généralement, l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme génèrent deux interrogations (dont l’une plus « sérieuse » que l’autre).

    En premier lieu, et comme le souligne à raison la réponse ministérielle commentée, il s’agit d'une notion à caractère évolutif. Deux observations sur ce point.

    D’une part, il incombe au juge administratif d’opérer un contrôle des normes et des servitudes destinées à faciliter la réalisation d’équipements d’intérêt général ; ce qu’il fait notamment en appréciant la réalité des besoins locaux auquel l’équipement en cause doit satisfaire (pour exemples : CAA. Lyon, 29 juin 2010, Monique A., req. n°08LY02349 ; CAA. Nancy, 18 novembre 1999, Cne de Heiteren, req. n°96NC01794).

    D’autre part, on sait qu’une norme édictée par un POS/PLU peut devenir illégal et donc inopposable en raison de l’évolution des circonstances de droit ou de fait ayant concouru à son adoption. A ce titre notamment, il a été jugé qu’un emplacement réservé cessé d’être opposable dès lors qu’il était devenu inutile (CAA. Bordeaux, 12 février 2007, M. Jacques Y., req. n°04BX00214).

    Ainsi, on peut s’interroger sur l’applicabilité des normes propres aux « CINASPIC » lorsqu’il peut être établi que, d’une part, elles visaient à satisfaire à des besoins locaux déterminés lors de l’adoption du POS/PLU mais que, d’autre part, ces besoins ont depuis été satisfaits ou ont disparus.

    En second lieu, et plus spécifiquement, on peut également relever qu’il a été jugé : « qu'il est constant que les locaux acquis par la fondation étaient exclusivement destinés à l'habitation ; que la création d'un centre d'hébergement temporaire pour enfants, qui, comme il vient d'être dit est un équipement collectif d'intérêt général et ne saurait être regardé comme une construction à usage d'habitation, est ainsi constitutif d'un changement de destination du bâtiment existant ; que, dès lors que les dispositions de l'article UE 1 II 1 précitées n'autorisent les changements de destination qu'en tant qu'ils portent sur la création de locaux à usage de bureaux et de services, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que lesdites dispositions faisaient obstacle à la délivrance du permis de construire sollicité par la FONDATION MEQUIGNON » (CAA. Versailles, 19 janvier 2006, Fondation Mequignon, req. n°04VE00237).

    Rappelons ainsi que s’agissant du régime des travaux sur existants, l’article R.421-17 du Code de l’urbanisme se borne à viser « les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 » ; ce dont il semble résulter (voir ici puis là) que tout changement de destination est à tout le moins soumis à déclaration préalable, y compris si ce changement ne s’accompagne d’aucun travaux.

    Or, l’article R. 123-9 (al.18) du Code de l’urbanisme vise « les constructions destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt » mais également donc « les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif ».

    Mais si au regard de cet article, certains ouvrages ne peuvent qu’être qualifiés de « CINASPIC » d’autres peuvent sur ce point présenter une double destination ou plutôt une destination primaire et, le cas échéant, une destination secondaire.

    A titre d’exemple, une usine d’incinération constitue intrinsèquement et en toute hypothèse une construction à destination industrielle, laquelle peut toutefois accéder au statut d’équipement collectif (CE. 23 décembre 1988, Association pour la défense de l’environnement de la Région de Miremont, req. n°82.863) et être soumise aux prescriptions spécifiquement prévues par le plan local d’urbanisme pour ce type d’équipement » (CE. 16 juin 2004, Laboratoire de Biologie Végétale – Yves ROCHER, req. n° 254.172), si d’une façon plus particulière l’usine considérée répond à un besoin de la population.

    On peut dès lors se demander si la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif » constituera une destination à part entière pour application du principe posé par les nouveaux articles R. 421-14 et R. 421-17 ; étant d’ailleurs relevé qu’elle est visée en tant que telle par le formulaire « CERFA » de déclaration préalable.

    Mais force est d’admettre que la réponse devrait être négative puisque si tel était le cas le simple fait pour une construction de perdre les caractéristiques pour lesquelles elle pouvait être considérée comme un équipement d’intérêt collectif, pour ainsi s’en retrouver réduite à sa destination primaire, emporterait un changement de destination soumis à déclaration....

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés