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  • Les PLU peuvent-ils différencier les règles qu’ils édictent selon d’autres critères que la destination des constructions ?

    Dès lors que les circonstances locales le justifient, les articles L.121-1 et L.123-1 du Code de l’urbanisme permettent aux PLU d’interdire les habitations collectives et limiter le nombre de constructions par unité foncière.

    CAA. Versailles, 10 juin 2010, M. et Mme A, req. n°09VE01586 & 09VE01593



    Comparé à l’ancien article R.123-21 du Code de l’urbanisme relatif aux règlements de POS, la « particularité » de l’article R.123-9 relatif aux règlements de PLU est de préciser que les prescriptions que ces derniers édictent « peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt ». Deux lectures des ces dispositions sont (étaient) possibles :

    - Une lecture permissive au terme de laquelle elles se bornent à consacrer une possibilité reconnue par la jurisprudence aux anciens règlements de POS ;
    - Une lecture restrictive au terme de laquelle les règlements de PLU ne peuvent opérer aucune autre différenciation que celle fondée sur la destination de la construction en cause

    C’est cette seconde lecture qu’a retenu l’administration centrale en précisant notamment que : « de même, le règlement ne peut édicter des règles différentes dans une même zone pour des destinations autres que celles limitativement énumérées à l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme en différenciant, par exemple, les constructions à usage d'habitat individuel et collectif à l'intérieur d'une destination déterminée (l'habitation) » (Rép. min. 06076 ; publiée dans le JO Sénat du 02/04/2009 - page 819 ).

    L’article R.123-9 pris isolément, force est d’admettre que cette lecture est parfaitement recevable et que l’on peut même lui trouver une justification.

    Là où elle devient problématique, c’est au regard de l’économie générale du régime du PLU et, notamment, des objectifs assignés à ces documents par le Législateur à travers les articles L.121-1 et L.123-1 du Code de l’urbanisme qui pour ce faire ne disposerait donc plus que du « zonage », lequel ne permettrait d’ailleurs de réaliser tous ces objectifs et pourrait même aboutir à des situations totalement absurdes.

    Comment en effet assurer la diversité de l’offre commerciale et, notamment, le maintien et/ou le développement du commerce de proximité, si les auteurs des PLU ne peuvent opérer aucune distinction entre les différentes formes de commerces (voir ici) ? En outre, si les PLU ne pouvait interdire les « habitations collectives », le seul moyen de conserver le caractère pavillonnaire d’une zone serait d’y interdire toute nouvelle construction à destination qu’elle qu’en soit la forme….

    Précisément, c’est au seul regard des articles L.121-1 et L.123-1 du Code de l’urbanisme que la Cour administrative d’appel de Versailles a donc jugé :

    « Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : (...) Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser (...) et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions ; qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme, qui ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol, de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif que dans le cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;
    Considérant, d'autre part, que l'article UH 1 litigieux du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Andrésy interdit, notamment, l'habitat collectif dans cette zone à dominante d'habitations individuelles et que l'article UH 2 de ce règlement prescrit, notamment, la limitation des constructions à usage d'habitation à raison d'une construction par unité foncière ;
    Considérant que les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune d'Andrésy ont pu, sans erreur de droit, interdire l'habitat collectif en zone UH ; que cette interdiction, combinée à la limitation d'une construction à usage d'habitation par unité foncière prescrite par l'article UH 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, ne saurait être regardée comme instituant une limitation illégale du nombre de logements ou du coefficient d'occupation des sols par unité foncière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette restriction au droit de construire portée au règlement du plan local d'urbanisme soit incompatible avec les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable, notamment celles d'équilibre entre renouvellement urbain, de développement urbain maîtrisé et de développement de l'espace rural dans un souci de protection des espaces naturels et paysagers, ainsi que d'utilisation économe de l'espace ; que le parti a d'ailleurs été pris, quant à ce dernier objectif, de densifier la proximité immédiate du centre-ville et de préserver la densité moindre de l'urbanisation de la zone UH dont s'agit ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, compte tenu des caractéristiques des terrains situés en zone UH, que la limitation à une seule construction à usage d'habitation par unité foncière soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation
    » (req. n°09VE01593).


    Nonobstant l’article R.123-9 du Code de l’urbanisme – que la Cour n’évoque d’ailleurs pas – les articles L.121-1 et L.123-1 du Code de l’urbanisme permettent donc aux PLU d’interdire les habitations collectives, pour autant bien entendu que cette interdiction soit justifiée au regard des caractéristiques de la zone ou du secteur où elle a vocation à s’appliquer.

    Mais ces mêmes articles leur permettent donc également de limiter le nombre de constructions par unité foncière.

    Ceci était toutefois plus évident des lors qu’une telle limitation ne heurte en aucune façon les dispositions précitées de l’article R.123-9 qui par ailleurs permettent au règlement de définir « les occupations et utilisations du sol interdites » et « les occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières » ; règles qui constituent l’instrument privilégié pour réaliser les objectifs de l’article L.123-1 en ce qu’il précise que les PLU peuvent « préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent y être exercées » et « définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées », sans pour autant imposer aux PLU de s’en tenir à la destination des constructions. Et si l’on pourrait faire grief à une telle solution de permettre de contourner les limitations que le législateur a voulu apporter au recours à l’article 5 des règlements locaux d’urbanisme sur la superficie minimale des terrains, il reste que dans cette affaire la Cour nous semble avoir valider la disposition en cause pour des motifs pas si éloigné de l’article L.123-1 en ce qu’il permet à ces règlements de « fixer une superficie minimale des terrains constructibles lorsque cette règle est justifiée (…) pour préserver l'urbanisation traditionnelle ou l'intérêt paysager de la zone considérée ».

    Mais par ailleurs dès lors qu’une seule construction est autorisée par unité foncière, une telle disposition a ipso facto pour effet d’interdire la réalisation d’opérations groupées et permet donc d’opposer un refus à une demande de permis de construire groupé (qu’il vaille ou non division).

    Or, comme on le sait, l’administration centrale considère qu’un règlement d’urbanisme local ne peut légalement interdire les lotissements ou les opérations groupées puisqu’il s’agit de procédures.

    Indirectement, cet arrêt infirme donc la position de l’administration sur ce point, de la même façon d’ailleurs que cette même Cour l’avait fait à l’égard des lotissements (voir ici).

    De la même façon que le lotissement n’est pas une procédure mais un type d’utilisation du sol contrôlé par une procédure, le permis d’aménager ou la déclaration, l’opération groupée est une forme d’occupation du sol contrôlée par une procédure, le permis de construire valant le cas échéant division. Partant, lorsque les circonstances le justifient, on voit donc mal pourquoi un PLU ne pourrait pas interdire directement ou indirectement les opérations groupées.

    NB : Au surplus, à ma connaissance aucune jurisprudence ne dit qu’un POS/PLU ne peut légalement interdire une procédure puisque sauf erreur de ma part (et la rubrique « commentaires » est là pour me corriger le cas échéant), la jurisprudence n’a jamais posé que le principe selon laquelle ces documents ne pouvaient assujettir les demandes d’autorisation à une procédure autre que celle prévue par le Code de l’urbanisme.

    Mais le PLU en cause dans cette affaire illustre les limites de l’exercice en la matière ou, à tout le moins, démontre les précautions que doivent prendre les auteurs de telles dispositions.

    En l’espèce, il semble en effet que le règlement de PLU en cause se bornait à interdire l’édification de plusieurs constructions sur une même unité foncière mais ce, sans préciser la date à laquelle il fallait se placer pour apprécier l’unité foncière en cause.

    Or, en pareil cas, l’unité foncière doit s’apprécier telle qu’elle est constituée à la date à laquelle l’administration statue sur la demande d’autorisation. C’est pourquoi dans cette affaire la Cour a souligné que le terrain sur lequel portait la demande objet du refus contesté non seulement accueillait déjà deux constructions mais en outre n’avait pas été divisé :

    « Considérant, en troisième lieu, qu'une unité foncière est un îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux était prévu sur une unité foncière de 3 310 m² comportant déjà deux maisons d'habitation ; que ce terrain n'a fait l'objet d'aucune division ; que l'unité foncière dont s'agit ne pouvait pas, par suite, recevoir une nouvelle construction » (req. n°09VE01586).

    Il semble s’ensuivre que pour contourner cette interdiction et l’objectif ainsi poursuivi, il aurait suffit de diviser au préalable le terrain…

    C’est sur ce point que l’on peut s’interroger sur la légalité de la disposition en cause dès lors que l’on sait, à titre d’exemple, qu’un PLU limitant les possibilités de construction à l’extension limitée des bâtiments existants doit préciser l’époque à laquelle il faut se placer pour apprécier l’importance de l’extension en cause (voir ici).

    Mais pour conclure, et être complet, il faut relever que le requérant soutenait que la commune ne pouvait opposer un refus de permis de construire sur le fondement de son PLU interdisant la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière dans la mesure où cette possibilité était prévue par l’article R.421-7-1 du Code de l’urbanisme.

    Or, si la Cour a rejeté ce moyen ce moyen ce n’est pas en tant qu’il était inopérant mais parce que le projet objet de la demande ne portait que sur un seul bâtiment : il ne relevait donc pas d’un permis de construire valant division :

    « Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 421-7-1 du code de l'urbanisme, lequel était applicable jusqu'au 31 mars 2007 : Lorsque la demande de permis de construire porte sur la construction, sur un même terrain, par une seule personne physique ou morale, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par les documents énumérés à l'article R. 315-5 (a) et, le cas échéant, à l'article R. 313-6 ; que les requérants soutiennent que leur projet devait être examiné non au regard du plan local d'urbanisme, mais de ce dernier article, qui rend possible la construction de plusieurs bâtiments sur une même unité foncière devant être divisée ; que, toutefois, le projet litigieux, qui consistait en la construction d'une seule maison d'habitation, par transformation et agrandissement d'un garage existant, ne portait pas sur la construction de plusieurs bâtiments au sens et pour l'application de l'article précité ; qu'en outre, la demande ne comportait les documents prévus à cet article, s'agissant d'une division du terrain en trois lots simplement envisagée par un projet de 1990 auquel les pétitionnaires entendait se référer ; que le moyen doit donc être écarté ».

    Néanmoins, même si tel avait été le cas, la solution n’aurait pas été différente puisqu’en amont et dans les deux affaires, la Cour avait validé l’interdiction édictée par le règlement de PLU en cause indépendamment des autorisations auxquelles elle avait vocation à être appliquée. Et au surplus, on voit mal comment la légalité d’une prescription de fond d’un PLU pourrait être appréciée au regard d’une règle de procédure relative au dossier de demande de permis de construire…

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés
     

  • Peut-on invoquer l’illégalité du permis de construire en vertu duquel un bâtiment à reconstruire à l’identique a été initialement édifié ?

    Dès lors qu’il est devenu définitif, l’illégalité du permis de construire initial ne saurait être excipée, y compris lorsqu’il a été délivré par une autorité territorialement incompétente.

    CAA. Marseille, 7 mai 2010, Cne de Tomino, req. n°08MA01778



    RAS.jpgDans cette affaire, le pétitionnaire avait sollicité un permis aux fins de reconstruire un bâtiment détruit par un sinistre et ce, en application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme disposant alors : « la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ».

    Ce bâtiment ayant initialement été édifié à cheval sur deux communes, le pétitionnaire présenta comme il le devait sa demande dans chacune des mairies concernées puisque comme on le sait :

    - d’une part et d’une façon générale, un projet de construction à cheval sur le territoire de deux communes doit faire l’objet d’un permis de construire délivré conjointement par les deux autorités compétentes (CE. 26 mars 1997, ADLA, req. n° 172.183) ;
    - d’autre part et plus spécifiquement, « l’identité » requise par l’article L.111-3 précité exige notamment une identité d’implantation (CAA. Marseille, 20 novembre 2009, Michelle A, req. n°07MA03486).

    Mais cette demande devait être rejetée par le Maires des communes concernées, lesquels par une « substitution de motifs » pratiquée en cours d’instance devait exciper de l’illégalité du permis de construire en vertu duquel le bâtiment à reconstruire avait été initialement construire pour ainsi soutenir que ce bâtiment n’avait pas été régulièrement édifié au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme.

    Ce moyen devait cependant être rejeté par la Cour administrative d’appel de Marseille au motif suivant :

    « Considérant, d'une part, que les requérantes excipent de l'illégalité du permis de construire délivré à M. A le 23 novembre 1968 par le maire de Tomino en faisant valoir que la partie du bâtiment dont la construction était projetée sur le territoire de la commune de Meria n'avait pas été autorisée par le maire de cette commune ; que, toutefois, une décision emportant droit de reconstruire un bâtiment, sur le fondement de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, ne peut utilement être contestée par la voie de l'exception d'illégalité de la décision initiale créatrice d'un droit de construire dès lors que cette décision, comme en l'espèce, n'a été ni retirée par l'administration ni annulée par le juge administratif ; que, par suite et, en tout état de cause, le moyen est inopérant et ne peut qu'être écarté ».

    La possibilité d’exciper de l’illégalité du permis de construire initial avait déjà été écartée par le Conseil d’Etat dans un arrêt ayant plus largement permis de définir la notion de construction dotée d’une existence légale au regard du droit de l’urbanisme :

    « considérant qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié " ; que s'il résulte de ces dispositions que les bâtiments construits sans autorisation ou en méconnaissance de celle-ci, ainsi que ceux édifiés sur le fondement d'une autorisation annulée par le juge administratif ou retirée par l'administration, doivent être regardés comme n'ayant pas été " régulièrement édifiés ", en revanche, un permis de construire délivré sur le fondement des dispositions de cet article ne saurait être utilement contesté au motif de l'illégalité du permis de construire initial ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire délivré à M. X... en mars 1969 aurait été entaché d'une erreur manifeste d'appréciation était sans incidence sur la légalité du permis délivré le 17 septembre 2002 aux consorts X... et autorisant la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un attentat en 1994 ; qu'en estimant néanmoins que ce moyen était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis du 17 septembre 2002, le juge des référés a commis une erreur de droit ».

    Dans cette affaire, le Commissaire du gouvernement STALH avait ainsi expliqué la solution que devait donc retenir la Haute Cour :

    « la délivrance d’un permis de construire constitue une autorisations d’urbanisme qui présente le caractère d’une décision créatrice de droits. Dès lors que cette autorisation est devenue définitive, les droits à construire qu’elle a sanctionnés deviennent intangibles et ne sauraient être remis en cause ni par l’autorité administrative, ni par un tiers, ni même par le juge, quand bien même la décision administrative serait-elle illégale. Il ne pourrait être dérogé par le législateur à ces principes essentiels que de manière expresse et formelle. En traitant de la reconstruction des bâtiments détruits par un sinistre et en usant de la formule de « bâtiments régulièrement édifiés », le législateur ne peut à notre avis être regardé comme ayant entendu déroger à ces principes. L’expression de « construction régulièrement édifiée » nous paraît avoir une signification claire en droit de l’urbanisme : elle vise les constructions édifiées conformément à un permis de construire ».

    Par voie de conséquence, dès lors qu’il n’a pas été annulé ou retiré et qu’il a été régulièrement exécuté, l’illégalité éventuelle du permis de construire en vertu duquel avait été édifié le bâtiment à reconstruire ne saurait être légalement opposée à demande d’autorisation présentée sur le fondement de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme, ni utilement reprochée à l’autorisation délivrée sur ce fondement (CE. 5 mars 2003, Nicolas Lepoutre, req. n°252.422).

    En l’espèce, le moyen présentait cependant une particularité puisque le permis de construire initial n’avait été délivré que par l’un des deux maires des communes sur le territoire desquelles était implanté de bâtiment.

    Cette spécificité n’a cependant eu aucune incidence dans cette affaire ; et c’est bien normal.

    En effet, le permis de construire délivré par un Maire sur un terrain ne relevant pas de son ressort géographique est « simplement » entaché d’incompétence territoriale mais n’en constitue donc pas pour autant un « acte inexistant » : il confère donc à son titulaire des droits acquis et à la construction en résultant une existence légale.

    Certes, dans le cas d’une demande ultérieure de reconstruction à l’identique cette situation à pour effet de placer l’autorité compétente devant le fait accompli et de la lier par jeu d’une décision qu’elle n’a pas prise. Il reste que :

    - le droit de reconstruire à l’identique constitue un régime dérogatoire procédant de considération pour l’essentiel étrangère à la police de l’urbanisme ;
    - la situation n’est pas différente s’agissante des constructions édifiées à une époque où aucune autorisation n’était exigible, lesquelles ont néanmoins une existence légale (CE. 15 mars 2006, Ministère de l’Equipement, req. n°266.238) ;
    - en toute hypothèse, les communes conservent la possibilité de s’opposer ou d’encadrer l’exercice de ce droit par leurs documents d’urbanisme.

    On voit donc mal pourquoi le fait qu’elle n’ait pas délivrer le permis de construire initial permettrait à une commune de s’opposer au droit de reconstruire à l’identique dès lors qu’elle n’a pas manifesté la volonté de le faire à travers son document d’urbanisme.

    En toute hypothèse, l’illégalité du permis de construire initial ne saurait donc être utilement excipée pour s’opposer à l’application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme et, plus généralement, une construction dispose donc d’une existence légale dès lors qu’elle a été édifiée conformément à un permis de construire, quel que soit les vices dont celui-ci pouvait être entaché.

    Il faut toutefois précisé que si le permis de construire ayant autorisé le bâtiment initial n’est pas encore devenu définitif, celui-ci pourra faire l’objet d’un recours en annulation, y compris si ce recours a pour but de faire regarder le bâtiment comme n’ayant pas été régulièrement édifié au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme et ce, afin de contester l’autorisation de reconstruire délivrée sur ce fondement (CE. 13 décembre 2006, M. et Mme Caitucoli, req. n°284.237).

    Mais en dehors de ce cas, les possibilités d’exciper l’illégalité du permis de construire initial nous apparaissent pour le moins limitées, pour ne pas dire nulles.

    On pourrait en effet s’interroger sur le cas où la construction initiale a été édifiée conformément à un permis de construire qui pour n’avoir été ni annulé ni retiré a cependant été obtenu par fraude puisqu’une autorisation obtenue dans ces conditions ne confère aucun droit acquis.

    Il reste que tant que cette fraude n’a pas été sanctionnée par l’administration ou par le juge, la fraude entachant le permis de construire initial ne saurait, selon nous, être opposé à une demande ou à une autorisation de reconstruire sur le fondement de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme.

    En effet, si elle ne confère pas de droit acquis, une autorisation obtenue par fraude n’en est pas pour autant totalement assimilable à un acte juridiquement inexistant et s’il est d’usage de présenter un permis de construire obtenue par fraude comme insusceptible de devenir définitif, il reste que ceci ne vaut que s’agissant de la possibilité subséquemment offerte à l’administration de le retirer à tout moment et, en d’autres termes, n’a en revanche aucune incidence sur les délais ouverts aux tiers pour le contester devant le juge administratif.

    Or, dès lors que le permis de construire est devenu définitif au regard du délai de recours des tiers, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de son caractère frauduleux pour contester les autorisations ultérieures dont il constitue la base légale (à propos d’un « modificatif » : CAA. Marseille, 26 juin 2008, Association de Défense des Riverains du projet du Mas Belle-Garde, req. n°05MA02704).

    De ce fait, il ne semble pas qu’un recours dirigé à l’encontre d’une autorisation de reconstruire délivrée sur le fondement de l’article L.111-3 du code de l’urbanisme puisse utilement se borner à exciper du caractère frauduleux du permis de construire en vertu duquel a été édifié le bâtiment initial dès lors que ce permis n’a été ni annulé, ni retiré ; le requérant conservant en revanche la possibilité de solliciter le retrait de ce permis pour le cas échéant faire ensuite annuler la décision refusant de procéder à son retrait et conséquemment obtenir du juge qu’il enjoigne à l’autorité compétente de retirer le permis contesté.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés