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  • Le maire ne peut enjoindre à un constructeur de procéder à l’enlèvement d’un panneau d’affichage relatif à un permis de construire tacite quand bien même l'existence de cette autorisation est contestée

    L’article L.480-2 du Code de l’urbanisme autorise le maire à ordonner l’interruption des travaux entrepris sans autorisation et, le cas échéant, à prendre toute mesures coercitives nécessaires pour les faire cesser. Mais en dehors de ce cadre, aucune disposition législative ou réglementaire ne l’autorise à enjoindre au propriétaire du terrain d’enlever le panneau d’affichage de permis de construire. Par voie de conséquence, l’arrêté portant cette injonction est illégale et encourt l’annulation.

    CAA. Lyon, 13 juillet 2006, Cne de Crest-Volant, req. n°03LY00082


    Dans cette affaire, une SCI avait présenté une demande de permis de construire sur laquelle l’administration n’avait pas statué au terme des délais qui lui étaient offerts à cet effet. S’estimant ainsi titulaire d’un permis de construire tacite, ladite société allait décider de procéder à l’affichage de celui-ci sur le terrain des opérations comme le prescrit, en pareil cas, l’article R.421-39 du Code de l’urbanisme. Le Maire de la commune concernée devait, toutefois, lui enjoindre, par arrêté, de procéder à l’enlèvement de ce panneau d’affichage au motif qu’il ne pouvait se prévaloir d’aucun permis de construire tacite.

    En première instance, le pétitionnaire obtint l’annulation de cet arrêté et saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Lyon, confirma le jugement du Tribunal administratif de Grenoble au motif suivant :

    « Considérant que si l'affichage d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux par les soins du pétitionnaire sur le terrain d'assiette du projet est une formalité obligatoire qui a notamment pour but d'assurer l'information des tiers et de faire courir le délai de recours contentieux, son accomplissement ne crée en lui-même aucun droit au profit de celui qui y procède ; que le maire, auquel les articles L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme donnent le pouvoir d'ordonner l'interruption de travaux de construction effectués sans autorisation, qu'il y ait ou non affichage, ne tient d'aucune disposition législative ou réglementaire, le pouvoir d'ordonner l'enlèvement de panneaux d'affichage de permis de construire ou déclarations de travaux installés sur un terrain privé ; que par suite, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la SCI Le Bostu se trouvait ou non titulaire d'autorisations tacites, l'arrêté du maire de Crest-Voland du 10 septembre 2001 enjoignant à la SCI Le Bostu de procéder à l'enlèvement de panneaux d'affichage de déclarations de travaux est entaché d'illégalité ».

    On sait, pourtant, qu’aux termes de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme le maire peut non seulement saisir l’autorité judiciaire aux fins qu’elle ordonne l’interruption des travaux entrepris sans autorisation ou ordonner lui-même, par arrêté, cette interruption mais peut également « prendre toutes mesures de coercition nécessaires pour assurer l'application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté, en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés ou du matériel de chantier ».

    A ce titre, il a pu être jugé que le maire pouvait ordonner l’interruption de simples travaux préparatoires dès lors qu’ils ne sont pas détachables d’un projet de construction soumis à autorisation (CAA. Marseille, 18 mai 2006, M. Georges X., req. n°03MA00455 ; cf : note du 12 juillet 2006 et voir aussi ici). Il n’est donc pas totalement déraisonnable de considérer que les dispositions de l’article précité pourraient, dans certains cas, autoriser le maire à ordonner l’enlèvement d’un panneau d’affichage, notamment, lorsque son apposition n’est destinée qu’à donner aux travaux entrepris une apparence de régularité alors que ces derniers n’ont pas été autorisés.

    Il reste que les mesures de coercition prévues par l’article L.480-2.al.-7 du Code de l’urbanisme sont conçues comme des mesures accessoires destinées, si besoin est, à faire respecter la décision judiciaire ou l’arrêté ordonnant l’interruption de travaux illégaux. Or, en l’espèce, aucune interruption des travaux n’avait précédemment été ordonnée et, bien plus, il semble même qu’aucun travaux n’ait été préalablement entrepris.

    Par voie de conséquence, l’injonction litigieuse n’était aucunement rattachable aux dispositions des articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme. On peut, d’ailleurs, relever que c’est la commune qui avait interjeté appel du jugement de première instance et qui fut condamnée, au titre de l’article L.760-1 du Code de justice administrative, à supporter les frais dits « irrépétibles » cependant que dans le cadre des articles précités le maire intervient en tant qu’agent de l’Etat. Ce dont il résulte, notamment, qu’une commune n’a pas intérêt à interjeter appel des jugements annulant les mesures édictées par le maire sur le fondement de l’article L.480-2 du Code de l’urbanisme (CAA. Nancy, 5 février 1998, Cne d’Aubers, req. n°94NC01313) et ne peut être condamnée à supporter les frais irrépétibles relatifs aux instances portant sur la légalité de tels mesures (CE. 29 décembre 2004, Cne de Vidauban, req. n°266.234).

    Il faut donc en déduire que tant le Tribunal administratif de Grenoble que la Cour administrative d’appel de Lyon ont donc bien considéré que l’arrêté contesté ne pouvait été réputé édicté sur le fondement des articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Et dans la mesure où, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n’était susceptible de lui conférer une base légale, l’arrêté litigieux fut donc annulé et le jugement de première instance confirmé.

    Dans cette affaire, il semble que tout l’enjeu du contentieux opposant les parties était de savoir si le pétitionnaire était ou non titulaire d’un permis de construire tacite. Il reste que dans la mesure où, ainsi que l’a relevé la Cour :

    - d’une part, le panneau d’affichage prescrit par les articles A.421-39 et A.421-7 du Code de l’urbanisme ne vise qu’à assurer l’information des tiers si bien que, par voie de conséquence, « son accomplissement ne crée en lui-même aucun droit au profit de celui qui y procède » et, en d’autres termes, ne saurait emporter à son bénéfice la formation d’un permis de construire tacite ;

    - d’autre part, les articles L.480-1 et suivants du Code de l’urbanisme « donnent le pouvoir d'ordonner l'interruption de travaux de construction effectués sans autorisation » et ce, « qu'il y ait ou non affichage » ;

    la légalité de l’injonction contestée n’impliquait donc pas « de rechercher si la SCI se trouvait ou non titulaire d'autorisations tacites »…


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés

  • Le caractère mesuré d’une extension d’un bâtiment doit s’apprécier en considération de l’ensemble de celles pratiquées antérieurement sur le même bâtiment

    Lorsque le document d’urbanisme local (POS/PLU) interdit les constructions nouvelles mais autorise, par exception, l’extension mesurée des constructions existantes, le caractère mesuré de celle objet de la demande de permis de construire doit être apprécié au regard de la surface initiale du bâtiment à la date d’entrée en vigueur dudit document. Par voie de conséquence, une extension apparemment mesurée prise isolément peut être illégale lorsqu’elle s’ajoute à des précédentes extensions dont le cumul aboutit à augmenter substantiellement la surface de la construction initiale.

    TA. Rennes, 1er juin 2006, Sté KERN’ER CAR, req. n°03-0633


    Dans cette affaire, l’article ND.1 du règlement du POS de Plouezoc’h interdisait la construction de bâtiments nouveaux mais autorisait, par exception à cette règle, l’extension mesurée des constructions existantes.

    A ce titre, la société KERN’ER devait présenter, en 2002, une demande de permis de construire portant sur l’adjonction d’un garage d’une SHOB de 54,90 mètres carrés à un bâtiment existant de 316 mètres carrés de SHOB : a priori, il s’agissait donc bien d’une extension mesurée puisque la surface à créer représentait moins de 17,38% de celle du bâtiment existant à la date de la demande de permis de construire.

    Il reste que la surface initiale du bâtiment existant – c’est-à-dire celle prévue par le permis de construire en ayant autorisé la construction – s’élevait à 194 mètres carrés. Ce n’est en effet qu’à la faveur d’une première extension de 58,35 mètres carrés réalisée en 1999 puis d’une seconde de 64 mètres carrés réalisée en 2000 que la surface de ce bâtiment avait été amenée à 316 mètres carrés. En d’autres termes, ces deux extensions avaient déjà augmenté la surface initiale de cette construction de plus de 62% et la nouvelle extension projetée aurait aboutit à l’accroître, en trois ans, de plus 91%.

    Précisément, c’est à ce motif que le Maire de Plouezoc’h devait opposer un refus à la demande de permis de construire présentée par la société KERN’ER, laquelle attaqua cette décision devant le Tribunal administratif de Rennes en la contestant sur le fondement des dispositions prévues par l’article ND.1 du POS communal à l’égard des travaux d’extension des constructions existantes.

    Le Tribunal administratif confirma, toutefois, la légalité du refus de permis de construire opposé en requérant en considérant que la surface initiale à prendre en compte était celle de la construction existante à la date d’entrée en vigueur des dispositions du POS.

    En première analyse, ce jugement pourrait surprendre dans la mesure où par principe l’état d’une construction doit être apprécié à la date à laquelle l’administration statue sur la demande de permis de construire s’y rapportant (CE. 17 avril 1992, Flaig, req. n°94.390 ; mais voir ici). A priori, c’était donc en considération de la surface du bâtiment existant à la date du refus de permis de construire que le caractère mesuré de l’extension projetée aurait dû être apprécié. Il reste qu’ainsi que l’a souligné le Tribunal administratif de Rennes, une telle interprétation aurait privé de tout effet utile les dispositions du règlement d’urbanisme local relatives à l’extension mesurée des constructions existantes puisque, sauf à ce qu’elles précisent la surface globale ne pouvant être dépassée, il suffirait pour s’en affranchir de réaliser, comme dans l’affaire objet du jugement commenté, plusieurs extensions successives restant mesurées au regard de la surface du bâtiment existant à la date de la demande d’autorisation de travaux.

    Le jugement du Tribunal administratif de Rennes respecte donc l’esprit de dispositions conçues comme une exception au principe d’interdiction de construire en zones naturelles dont le but est d’y limiter l’urbanisation. On sait, d’ailleurs, que le juge administratif interprète de façon stricte les dispositions des règlements d’urbanisme locaux relatives à l’extension mesurée des constructions existantes puisqu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que l’importance de l’extension projetée devait être appréciée au regard de la seule surface du bâtiment sur lequel elle porte et non pas en considération de la surface de l’ensemble des bâtiments éventuellement présents sur l’unité foncière (CE. 17 novembre 2004, Sté Labo Chimie, req. n°252.420) ou encore que l’agrandissement d’un bâtiment ne peut être considéré comme une extension que s’il demeure accessoire au bâtiment initial, indépendamment de la surface à créer (CAA. Lyon, 5 octobre 2004, Cne de Marlhes, req. n°00LY01454).

    Mais ce qui est le plus remarquable dans cette affaire, c’est que la démarche du pétitionnaire a été qualifiée de fraude à la réglementation d’urbanisme locale. Il est vrai qu’à titre d’exemple, il a pu être jugé que le dépôt de trois demande de permis de construire tendant à la réalisation d’un bâtiment unique présenté comme trois bâtiments distincts était frauduleux dès lors que ce fractionnement visait à échapper à certaines prescriptions du POS relatives à l’emprise et à la hauteur des constructions (CAA. Paris, 18 octobre 2001, MM. Frack & Pinvin, req. n° 98PA02786). Mais il reste que dans cette affaire ces trois demandes de permis de construire avaient été présentées simultanément cependant qu’en l’espèce, les trois demandes d’autorisation s’étaient succédées sur trois ans.

    On relèvera, d’ailleurs, que le Ministère de l’équipement a précisé qu’au titre de l’article R.422-2-m) du Code de l’urbanisme, un même pétitionnaire pouvait présenter sur un terrain bâti plusieurs déclarations de travaux en vu d’y construire plusieurs bâtiments dont la surface de plancher respective est inférieure à 20 mètres carrés pour autant que ces déclarations soient formulées de façon successive mais qu’en revanche, lorsque ces déclarations sont formulées de façon simultanée il y a a priori fraude et, en toute hypothèse, l’administration doit inviter le pétitionnaire à présenter une demande de permis de construire dès lors que la surface globale des travaux projetés dépasse le seuil des 20 mètres carrés (Rép. Min : JO Sénat du 3 mars 1988). Cette position est cependant discutable dans la mesure où, selon nous, la question n’est pas tant de constater que les déclarations sont simultanées ou successives que d’établir si, d’une part, elles se rapportent ou non à une opération indivisible (CE. 17 décembre 2003, Mme Bontemps, req. n° 242.282) et si, d’autre part, la présentation de plusieurs demandes a pour objet d’échapper à une prescription d’urbanisme.

    Or, au cas présent, rien ne laissait apparaître que la société KERN’ER avait dès 1999 et/ou dès 2000 planifié l’extension envisagée en 2002 et , en d’autres termes, qu’elle avait organisé le fractionnement des travaux projetés dans le but d’échapper aux prescriptions de l’article ND.1 du POS communal.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet Frêche & Associés