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  • L’obligation d’écarter une prescription illégale du document d’urbanisme local ne vaut pas lorsque cette illégalité est couverte par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme

    Si le principe général du droit selon lequel l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale vaut à l’égard des documents d’urbanisme locaux, cette obligation n’est toutefois pas opposable lorsque cette illégalité procède de l’un des vices de forme ou de procédure couverts par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Marseille, 7 septembre 2006, M. X…, req. n° 04MA02245


    L’arrêt commenté confirme le jugement rendu dans l’instance au cours de laquelle le Tribunal administratif de Nice a posé au Conseil d’Etat la question préjudicielle ayant amené ce dernier à rendre l’avis dit « Marangio » (CE. 9 mai 2005, M. Marangio, avis n° 277.280).

    Dans cette affaire, la révision du POS communal approuvée le 23 décembre 1995 avait été annulée le 5 novembre 1998 pour insuffisance du rapport de présentation. Par voie de conséquence, le POS approuvé en 1985 était redevenu en vigueur puisque, par principe, l’annulation d’un document d’urbanisme local emporte la remise en vigueur du document lui étant immédiatement antérieur.

    Il reste que dans la mesure où le POS initial de 1985 était affecté du même vice et, en d‘autres termes, tout aussi illégal que sa version révisée en 1995, le Maire avait décidé de ne pas en faire application (suivant ainsi une précédente délibération du Conseil municipal actant de l’illégalité du POS initial) et avait conséquemment instruit une demande de certificat d’urbanisme sur le fondement des dispositions supplétives du règlement national d’urbanisme et, notamment, en considération de la règle dite de « constructibilité limitée » posée par l’article L.111-1-2 du Code de l’urbanisme.

    On sait, en effet, qu’en vertu d’un principe général du droit, l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale (CE. 14 novembre 1958, Sieur Ponard, Rec., p.554). Ce qui, s’agissant des documents d’urbanisme locaux, implique de faire application soit des prescriptions du document immédiatement antérieur, soit, en l’absence d’un tel document, des dispositions supplétives du règlement national d’urbanisme ; sans que n’y aient fait obstacle les dispositions de l’ancien article L.124-4-1 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel les POS ne pouvaient pas être abrogés (CE. avis du 8 décembre 1998, « Les grands avis du Conseil d’Etat, p.293).

    Il reste que l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme (issu de la loi n°42-112 du 9 février 1994) précise que «l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause ».

    La problématique était ainsi de savoir si l’obligation faite à l’administration de ne pas appliquer un document d’urbanisme illégal était opposable lorsque son illégalité procède d’un des vices d’illégalité externe visés par l’article précité. Interrogé sur ce point par le Tribunal administratif de Nice, le Conseil d’Etat a répondu que les dispositions de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme avait été introduite par le législateur, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, pour prendre en compte le risque d'instabilité juridique, particulièrement marqué en matière d'urbanisme, résultant, pour les décisions prises sur la base des actes qui y sont mentionnés, de la multiplicité des contestations de la légalité externe de ces derniers et, par voie de conséquence, que le législateur a ainsi implicitement mais nécessairement institué une dérogation au principe général susvisé (CE. 9 mai 2005, M. Marangio, avis n° 277.280).

    Il s’ensuit que non seulement l’administration n’a pas l’obligation d’écarter un document d’urbanisme local illégal entrée en vigueur depuis plus de six mois lorsqu’il n’est entaché que par un des vices visés par l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme mais, bien plus, que l’administration doit appliquer ses prescriptions indépendamment de son illégalité. C’est ainsi que la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que :

    « Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées que, saisi d'une demande d'autorisation ou de certificat d'urbanisme, le maire est tenu, lorsqu'il y statue après l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa prise d'effet, de se fonder sur le document d'urbanisme en vigueur dès lors que sa légalité n'est affectée que par des vices de procédure ou de forme au sens des dispositions précitées de l'article L.600-1, réserve étant faite de ceux qui sont mentionnés à ses trois derniers alinéas, au nombre desquels ne figure pas l'insuffisance du rapport de présentation ;
    Considérant que le Tribunal administratif de Nice a annulé la délibération en date du 23 février 1995 par laquelle le conseil municipal du Beausset a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune, par un jugement du 5 novembre 1998 confirmé par un arrêt de la cour de céans du 22 décembre 2003 ; que si, par une délibération en date du 17 mars 1999, le conseil municipal de la commune du Beausset a considéré que le POS approuvé en 1985 redevenu applicable, était entaché de la même irrégularité que celle retenue par le juge à l'encontre du document d'urbanisme annulé et tirée de l'insuffisance du rapport de présentation, le maire était néanmoins tenu de faire application dudit plan approuvé en 1985 et ne pouvait l'écarter du fait de l'expiration du délai de six mois à compter de sa prise d'effet, en se fondant, à le supposer même établi, sur ce vice de forme ; que, par suite, c'est à tort que le maire du Beausset a statué sur la demande de certificat d'urbanisme présentée par Mme X en se fondant sur les dispositions supplétives des règles générales d'urbanisme et notamment celles visées à l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme
    ».

    Cette solution est somme toute logique puisque l’on voit mal pourquoi l’administration devrait écarter une norme en considération d’un vice de forme ou de procédure qu’un requérant ne pourrait invoquer par voie d’exception dans le cadre d’un recours à l’encontre d’une décision en faisant application.

    On précisera, toutefois, qu’ainsi que le souligne l’arrêt commenté, cette dérogation au principe général du droit posé par la jurisprudence « Ponard » ne vaut pas lorsque le vice d’illégalité externe affectant le document d’urbanisme local considéré compte parmi ceux prévus par le 3e alinéa de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme, à savoir : « lorsque le vice de forme concerne : soit l'absence de mise à disposition du public des schémas directeurs dans les conditions prévues à l'article L. 122-1-2 dans sa rédaction antérieure à la loi nº 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales ; soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques ».

    En d’autres termes, lorsque l’illégalité du document d’urbanisme local procède de l’un des trois vices précités, l’administration se doit de ne pas en faire application, même si son entrée en vigueur date de plus de trois mois. Ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce, dans la mesure où, d’une part, l’insuffisance du rapport de présentation d’un document d’urbanisme local n’est pas assimilable à une absence de rapport (CAA. Bordeaux, 28 octobre 1999, Association des cinq cantons de la Barre, req. n°96BX00112) et où, d’autre part, si le Conseil d’Etat a pu considérer qu’une telle insuffisance était constitutive d’un vice d’illégalité interne (CE . 26 novembre 1993, SCI du Domaine de Maurevert, req. n°82.285), il a abandonné cette jurisprudence consécutivement à l’entrée en vigueur de l’article L.600-1 du Code de l’urbanisme pour juger ainsi qu’il s’agit d’un vice de forme dont l’illégalité ne peut plus être excipée passé un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur du document d’urbanisme local en cause (CE. 12 juin 1995, Association intercommunale contre un projet de carrière, BJDU, n°4/1995, p.281).


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La marge prescrite par l’article 6 du règlement d’urbanisme local n’est opposable qu’aux constructions implantées sur les terrains sis en bordure de voie

    Lorsque l’article 6 du règlement d’urbanisme local régit l’implantation des constructions par rapport aux voies en instituant une marge d’implantation ou de recul au sein ou en dehors de laquelle les bâtiments doivent être édifiés, cette prescription n’est opposable qu’aux terrains jouxtant la voie de référence. Par voie de conséquence, les constructions projetées sur une unité foncière séparée de cette voie par une autre unité foncière peuvent s’implanter librement, indépendamment de toute considération liée à cette marge.

    CAA. Douai, 7 septembre 2006, Cne de Faumont, req. n°05DA00991



    Dans cette affaire, les consorts X étaient initialement propriétaires d’une unité foncière jouxtant un chemin départemental mais qu’ils avaient ultérieurement divisée en deux parcelles pour vendre à des tiers celle bordant ce chemin et ne conserver ainsi que celle en retrait de ce dernier.

    Pour autant, le Maire de la commune de Faumont leur avait opposé un certificat d’urbanisme négatif puis un refus de permis de construire au motif tiré de la méconnaissance des prescriptions de l’article 6 du POS communal puisque la maison qu’ils projetaient d’édifier n’était pas sise dans la bande de 20 mètres instituée par cet article.

    Il est, en effet, fréquent que l’article 6 du POS/PLU régisse l’implantation des constructions par rapport aux voies en instituant une marge au sein ou en dehors de laquelle les bâtiments doivent être édifiés. Mais toute la question est alors de savoir comment appliquer cette prescription puisque deux solutions sont envisageables :

    - soit, une application extensive : la prescription s’applique à l’ensemble des terrains compris dans cette marge, c’est-à-dire également à ceux séparés de la voie de référence par un ou plusieurs autres ;
    - soit, une interprétation restrictive : la prescription ne s’applique qu’aux seuls terrains jouxtant la voie de référence et, a contrario, ne s’applique pas à ceux en retrait de cette voie, même s’ils sont sis dans les limites de la marge considérée.

    Saisie en appel par la commune de Faumont, la Cour administrative d’appel de Douai a ainsi retenu une interprétation restrictive de l’article 6 du POS communal en jugeant que :

    « Considérant que, pour le maire de Faumont, auteur des deux décisions attaquées, le projet de construction envisagé par M. et Mme X, qui est « desservi par le chemin Coquet, chemin rural privé, se trouve implanté à plus de 20 mètres (environ 55 mètres) de la voie publique (RD 30 dite rue Coquet) » et méconnaît, par suite, les dispositions précitées de l'article UA 6 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune en tant qu'elles portent sur l'implantation des façades avant des constructions dans une bande de 20 mètres ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les époux X avaient, en novembre 1985, sollicité et obtenu un arrêté individuel d'alignement constatant la limite de la voie « côté VC » par rapport à leur parcelle cadastrée P 1240 sur le territoire de la COMMUNE DE FAUMONT puis, d'autre part, avaient obtenu l'autorisation de construire une maison sur ladite parcelle à l'époque d'un seul tenant ; qu'après division de cette parcelle en deux, la parcelle construite, désormais cadastrée A 1737, limitrophe du chemin départemental 30 dit rue Coquet, a été vendue et la parcelle, répertoriée au cadastre sous le numéro A 1738, uniquement bordée par le chemin Coquet, a été conservée par les époux X ; que, compte tenu de la configuration des lieux, issue de la division parcellaire, la parcelle A 1738, objet du certificat d'urbanisme négatif puis du refus de permis de construire, n'étant plus limitrophe du chemin départemental 30, le maire ne pouvait calculer la distance comprise entre la façade avant du projet de construction et la limite de l'alignement ou de la marge de recul s'y substituant à partir de la route départementale, mais, le cas échéant compte tenu de l'arrêté d'alignement intervenu, uniquement, ainsi que le réclament les époux X, à partir du chemin Coquet seul limitrophe de la parcelle dont s'agit ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE FAUMONT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a censuré le motif tiré de la méconnaissance de l'article UA 6 du règlement du plan d'occupation des sols qui constituait l'unique motif du certificat d'urbanisme négatif et le premier motif du permis de construire attaqués ».

    Ce faisant la Cour a ainsi confirmé et affiné sa jurisprudence puisqu’elle avait précédemment eu l’occasion de juger que :

    « Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article UB 6 du plan d'occupation des sols de la commune, qui réglemente "l'implantation par rapport aux voies" : "Si la construction projetée jouxte une construction existante en bon état, elle peut être implantée dans le prolongement de la façade de l'ancienne construction. Les constructions doivent être implantées à l'alignement ou avec un retrait (R) d'au moins 4 m par rapport à l'alignement ( ...). Aucune construction ne peut être implantée au delà d'une bande de 30 m de profondeur comptée à partir de l'alignement des voies publiques (ou susceptibles de le devenir)" ; que ces dispositions ne visent que les constructions implantées sur des terrains en bordure des voies mentionnées » (CAA. Douai, 18 janvier 2001, M. Truchand, req. n°97DA00297).

    En résumé, que l’article 6 du document d’urbanisme local impose ou interdise l’implantation des constructions dans la bande qu’il institue depuis l’alignement des voies, ses prescriptions ne valent que pour les bâtiments à édifier sur les terrains jouxtant ces voies et, en d’autres termes, n’est pas applicable sur les terrains séparés de ces voies par un ou plusieurs autres terrains.

    L’arrêté commenté appelle, toutefois, deux observations.

    D’une part, ce n’est pas seulement la division du terrain d’assiette de la construction projetée en deux parcelles cadastrales distinctes qui a suffit à rendre inopposables les prescriptions de l’article 6 du POS communal mais le fait que celle jouxtant le chemin départemental considéré avait précédemment été vendue à des tiers ; ce dont il résultait que ces deux parcelles, pour être contiguës, n’en formaient pas moins deux unités foncières.

    Il s’ensuit qu’il serait inopérant de se borner à procéder à un découpage cadastral du terrain et de construire sur la parcelle en retrait de la voie, tout en conservant la propriété de celle jouxtant cette dernière, pour échapper aux prescriptions de l’article 6 du règlement d’urbanisme local puisqu’un terrain au sens de ce dernier s’entend d’une unité foncière : en pareil cas, la construction serait certes implantée sur une parcelle cadastrale en retrait de la voie mais serait néanmoins sise sur une unité foncière jouxtant cette dernière.

    D’autre part, il faut rappeler que la pratique consistant à acquérir une parcelle voisine ou à vendre une parcelle du terrain d’assiette de la construction projetée peut être constitutif d’une fraude lorsque cette opération n’est faite que pour donner une apparence de régularité au projet. On sait, en effet, qu’ont été jugées frauduleuses les ventes de bande de terrain intervenues aux fins de permettre l’implantation des constructions en limites séparatives et ainsi contourner les prescriptions de l’article 7 du règlement d’urbanisme local (CE. 24 janvier 1993, Cts Saint-Guilly, req. n°122.112 ; CE. 3 février 1978, Meppiel, req. n°04469).

    Ce qui, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, aurait, selon nous, pu être retenu dans l’hypothèse où la vente d’une parcelle du terrain des pétitionnaires serait intervenue entre le certificat d’urbanisme négatif et le refus de permis de construire ultérieurement opposé puisque cette vente aurait alors pu être considérée comme intervenue dans le seul et unique but de contourner les prescriptions de l’article 6 du POS communal.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés