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L’extension des zones urbaines et à urbaniser d’un POS/PLU n’assujettit pas ipso facto les terrains sis dans ces secteurs au droit de préemption urbain précédemment institué

La déclaration d'utilité publique emportant mise en compatibilité du document d’urbanisme local et créant ainsi une nouvelle zone à urbaniser n'a pas pour effet, en l'absence d'une nouvelle délibération du conseil municipal instituant un droit de préemption urbain sur la zone litigieuse, de soumettre automatiquement celle-ci à ce dernier.

Cass. civ. 8 novembre 2006, GFA du Grand Viltain, pourvoi n°05-17.462


Intervenant sur les modalités de calcul de l’indemnité de dépossession consécutive à une expropriation, l’arrêt commenté précise les modalités d’institution du droit de préemption urbain et, plus précisément, de définition et d’appréciation de son champ d’application territorial.

Dans cette affaire, une partie des terrains du GAF Grand Viltain avait été expropriée en conséquence d’une déclaration d’utilité publique, publiée le 18 juin 2001, emportant également, en application de l’article L.123-16 du Code de l’urbanisme, mise en compatibilité du POS de la commune de Saclay avec le projet visé par cette déclaration et ayant, plus concrètement, pour conséquence d’en modifier le classement de zone naturelle en zone d’urbanisation future.

Ainsi, aux fins d’établir la date de référence d’évaluation du prix des terrains expropriés, la Cour d’appel d’Orléans avait retenu le 18 juin 2001et ce, en application de l’article L.213-4-a) du Code de l’urbanisme – dont on rappellera qu’il dispose que « le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d'expropriation. Toutefois, dans ce cas (a) La date de référence prévue à l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols ou approuvant, modifiant ou révisant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien » – puisque, d’une part, la commune Saclay avait institué, par une délibération du 16 juillet 1987, le droit de préemption urbain sur les zones urbaines et les zones à urbaniser délimitées par son POS et que, d’autre part, l’article L.213-6 du Code de l’urbanisme précise que « lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L. 213-4 ».

En substance, la Cour d’appel d’Orléans avait donc estimé que la publication de la déclaration d’utilité publique intervenue le 18 juin 2001 et ayant pour effet de classer les terrains à exproprier en zone à urbaniser avait également pour conséquence immédiate d’assujettir ipso facto ces terrains au droit de préemption urbain précédemment institué et qu’il y avait donc lieu, en application des prescriptions de l’article L.231-6 du Code de l’urbanisme d’arrêter la date de référence d’évaluation des terrains selon les modalités définies par l’article L.213-4-a).

Mais cette analyse n’a donc pas été suivie par la Cour de cassation, laquelle a pour sa part jugé que :

« Attendu que pour évaluer à un certain montant cette indemnité en fixant la date de référence par application des articles L. 213-6 et L. 213-4 a du code de l'urbanisme au 18 juin 2001, l'arrêt retient que par délibération du conseil municipal de la commune de Saclay du 16 juillet 1987 a été institué sur le territoire de la commune un droit de préemption urbain renforcé sur l'ensemble des zones urbaines et sur les zones d'urbanisation futures du plan d'occupation des sols, que la déclaration d'utilité publique du 9 mai 2001, valant modification du plan d'occupation des sols, a été publiée le 18 juin 2001 et que par cette modification, une partie de la parcelle sous emprise devait être considérée comme classée en zone d'urbanisation future (NAUL) et soumise au droit de préemption ; Qu'en statuant ainsi, alors que la déclaration d'utilité publique emportant mise en compatibilité du plan d'occupation des sols n'a pu avoir pour effet, en l'absence d'une nouvelle délibération du conseil municipal de la commune instituant un droit de préemption urbain sur la zone litigieuse, de soumettre automatiquement celle-ci au droit de préemption urbain, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

A suivre l’arrêt précité, le champ d’application territorial du droit de préemption est donc cristallisé par la délimitation des zones urbaines et à urbaniser opérée par le document d’urbanisme local en son état à la date à laquelle se droit est institué. Par voie de conséquence, l’extension du périmètre de ces zones ou la création de nouvelles n’assujettit pas les terrains qui y sont sis au droit de préemption urbain en l’absence d’une nouvelle délibération prise à cet effet sur le fondement de l’article L.211-1 du Code de l’urbanisme.

Si cette solution n’est pas illogique, force est d’admettre qu’elle ne fait pas preuve d’un grand pragmatisme dès lors que l’article précité dispose que « les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan ».

A notre sens, en effet, la solution pourrait être plus nuancée et consistait à considérer que lorsque le droit de préemption urbain n’a été institué que sur une partie de ces zones, leur extension ou la création de nouvelles ne saurait emporter ipso facto leur intégration au champ d’application territorial de ce droit mais qu’en revanche, lorsqu’il a été institué sur toutes les zones urbaines et/ou sur toutes les zones à urbaniser, leur extension ou la création de nouvelles les assujettit alors immédiatement à ce droit ; sauf à ce que la commune compétente en ait expressément décidé autrement.

Mais précisément, on peut se demander si la solution proposée par l’arrêt commenté vaut pour l’ensemble des procédures d’évolution d’un document d’urbanisme local (modification, révision, mise en compatibilité) ou est propre à la déclaration d’utilité publique emportant sa mise en compatibilité avec le projet objet de celle-ci puisque son adaptation subséquente résulte alors d’une décision du Préfet de département et non pas de la commune intéressée, c’est-à-dire de l’autorité par principe compétente pour modifier tant son document d’urbanisme local qu’en toute hypothèse, le champ d’application du droit de préemption urbain qu’elle a institué.


Patrick E. DURAND
Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
Cabinet Frêche & Associés

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