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Reconstruction à l'identique - Page 2

  • De l’appréciation du délit de reconstruction sans autorisation mais à l’identique par le juge pénal

    La reconstruction sans autorisation mais à l’identique d’une maison sinistrée sur un terrain couvert par un POS se bornant à interdire les constructions nouvelles ainsi que l’aménagement et l’extension des constructions existantes n’est pas constitutive d’une infraction à ce POS.

    CA. Paris, 13 Ch. Section B, 12 octobre 2007, Mme Papin, n°07-03115.pdf07-03115.pdf



    Voici un arrêt intéressant en ce qu’il permet d’appréhender les discordances de la jurisprudence administrative et de la jurisprudence judiciaire au sujet de la notion de construction existante et ce, dans le cadre du problème particulier de la reconstruction à l’identique après sinistre.

    Dans cette affaire, Madame Papin avait acquis, en nombre 2003, un ensemble immobilier composé d’un terrain et d’une maison – inhabitée alors depuis deux ans – à la faveur d’un acte notarié indiquant expressément que cette maison avait été édifiée sans autorisation.

    Mais à la suite d’une tempête survenue en janvier 2004, Madame Papin devait reconstruire cette maison ; ce qu’il fit à l’identique mais sans avoir obtenu le permis de construire nécessaire à cet effet.

    Au mois de mars 2004, Madame Papin devait ainsi être poursuivi du double chef, d’une part, de construction sans autorisation et, d’autre part, de violation des prescriptions du règlement de la zone ND du POS communal, lequel, en substance, interdisait tant les constructions nouvelles que les travaux d’aménagement et d’extension des constructions existantes.

    Mais si la chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Meaux puis la Cour d’appel de Paris décidèrent de condamner la prévenue pour construction sans autorisation – en relevant qu’elle ne pouvait ignorer que sa maison avait été édifiée sans qu’aucun permis de construire de construire n’ait jamais été obtenue dès lors que cela était expressément précisé dans l’acte de vente de cette maison – ils la relaxèrent, en revanche, du chef de violation des prescriptions du POS au motif, précisément, que l’article 1er du règlement de la zone ND se bornait à interdire les constructions nouvelles ainsi que l’aménagement et l’extension des constructions existantes mais ne traitait pas « le cas d’une reconstruction en cas de sinistre ».

    Il est vrai que l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme dispose « la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement » ; ce qui induit, notamment, qu’un règlement local d’urbanisme n’interdisant pas expressément les « reconstructions à l’identique » doit être réputé les autoriser dans les conditions définies par cet article (CE. 23 février 2005, Hutin, req. n°271.270).

    Il reste que cet article précise que ce principe vaut pour la reconstruction à l’identique d’un bâtiment sinistré « dès lors qu'il a été régulièrement édifié ».

    On sait, d’ailleurs, que c’est dans le cadre de l’application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme que le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser ce qu’était une construction dotée d’une existence légale en jugeant que ne constituaient pas des constructions régulières, notamment, au sens de l’article précité (CE. 5 mars 2003, Nicolas Lepoutre, req. n°252.422) :

    - tout d’abord, les constructions édifiées sans autorisation, c’est-à-dire sans qu’une autorisation ait été obtenue ou sur le fondement d’une autorisation ayant précédemment été annulée, retirée ou frappée de caducité ;

    - ensuite, les constructions initialement régulières mais devenues illégales du fait de l’annulation ou de retrait ultérieur de l’autorisation en exécution de laquelle elles ont été construites ;

    - enfin, les constructions édifiées en méconnaissance de l’autorisation obtenue à cet effet.

    Il s’ensuit qu’en l’espèce, la maison acquise par la prévenue constituait une construction illégale au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme ne pouvant, par voie de conséquence, bénéficier de son dispositif.

    Dès lors qu’au regard du droit de reconstruire à l’identique posé par cet article, la maison en cause était dépourvue de toute existence légale, la prévenue n’aurait donc pas pu s’en prévaloir pour obtenir le permis de la (re)construire ou, le cas échéant, pour obtenir l’annulation du refus opposé à sa demande par le juge administratif, lequel n’aurait pu que considérer que cette demande tendait à la réalisation d’une construction nouvelle, interdite par l’article ND.1 du POS communal.

    Il reste que la notion de construction existante est le plus bel exemple des discordances pouvant affectées la jurisprudence administrative et la jurisprudence pénale.

    En effet, si pour le juge administratif une construction réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait jamais été obtenu demeure illégale et donc inexistante tant qu’elle n’a pas été régularisée – ce que le nouvel article L.111-12 du Code de l’urbanisme n’est pas, en lui-même, de nature à modifier, compte tenu des exceptions qu’il prévoit au principe de la « prescription décennale » qu’il institue – pour le juge judiciaire, en revanche, la prescription de l’action publique ôte aux faits tout caractère délictueux, si bien qu’en raison de cette prescription un bâtiment édifié sans autorisation peut accéder au statut de construction régulière (Cass. crim., 27 octobre 1993, Derrien, pourvoi n°92-82.372).

    En résumé et pour le juge pénal, une construction édifiée sans autorisation peut être régularisée et, par voie de conséquence, acquérir une existence légale par le seul effet du temps : en l’occurrence, trois ans à compter de l’achèvement des travaux (pour autant, bien entendu, qu’aucun acte de poursuite n’ait été pris durant cette période).

    Sauf à considérer que l’arrêt commenté ce jour est totalement erroné, c’est donc cette position de la jurisprudence pénale qui nous semble pouvoir en expliquer sa portée sur ce point (bien qu’il soit dépourvu de toute motivation spécifique à cet égard…) : la maison démolie étant ancienne et le délit de construction sans autorisation prescrit, celle-ci semble donc avoir été considérée comme une construction légalement existante et, partant, les travaux litigieux comme tendant à sa reconstruction à l’identique et non pas à la création d’une construction nouvelle au regard de l’article ND.1 du POS communal.

    Il reste que si la circonstance que « les murs ont été reconstruits avec des parpaings et non avec des plaques de béton » est, en tout état de cause et comme l’a relevé la Cour, sans incidence puisque l’application de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme ne s’oppose pas à l’existence de certaines différences mineures entre le bâtiment démoli et l‘ouvrage reconstruire (CE. 6 décembre 1993, Epx Bohn, req. n°103.884), la Cour d’appel de Paris a également fait preuve d’une conception particulièrement extensive de la notion de « reconstruction après sinistre ».

    Il convient, en effet, de relever que sa décision souligne que la prévenue avait « expliqué qu’après la tempête intervenue en janvier 2004, la toiture avait été abîmée ainsi qu’un mur côté Marne ; son mari avait d’abord fait tomber le toit, provoquant l’effondrement de deux murs en très mauvais état, et ils avaient du reconstruire ».

    Or, pour que l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme trouve à s’appliquer, il est certes impératif que les travaux projetés visent à reconstituer à l’identique la situation antérieure mais il est également nécessaire qu’il y ait reconstruction, ce qui implique qu’au préalable il y ait eu démolition et que celle-ci ait été directement provoquée par un sinistre.

    Dès lors il va sans dire que pour le juge administratif la demande de permis de construire qu’aurait dû formuler Madame Papin n’aurait pas pu bénéficier des dispositions de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme puisque, d’une part, une « toiture abimée » n’est évidemment pas synonyme de démolition de l’ouvrage et n’appelle, d’ailleurs, que des travaux de réfection et que, d’autre part, ce n’est donc pas la tempête de janvier 2004 qui avait emporter la démolition de la maison existante mais l’intervention (malheureuse) de l’époux de la prévenue. A titre d’exemple, on peut en effet relever que la Cour administrative d’appel de Marseille a refusé le bénéfice du dispositif prévu par l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme à la reconstruction d’un bâtiment déstabilisé par l’exécution de travaux dont la démolition s’imposait, en conséquence, pour des motifs techniques et de sécurité (CAA. Marseille, 21 mars 2002, Cne de Nîmes, req. n°98MA01738).

    A ce stade, il pourrait être opposé à la présente analyse d’apprécier le sens et la portée de l’arrêté commenté au regard de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme alors que cet arrêt n’y fait jamais référence.

    Il reste que le fondement de cette décision sur ce point tient, rappelons-le, à ce que le POS communal se bornait à interdire les constructions nouvelles ainsi que l’aménagement et l’extension des constructions existantes mais ne traitait pas « le cas d’une reconstruction en cas de sinistre ».

    Or, un bâtiment reconstruit même à l'indentique et après sinistre constitue nécessairement une construction nouvelle ; telle étant la raison d’être de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme : déroger aux principes applicables à une telle construction.

    Au regard du Code de l’urbanisme, la distinction « construction nouvelle » et « reconstruction après sinistre » ne se justifie donc que dans le cadre de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme. En dehors de ce cadre, la (re)construction projetée par Madame Papin ne pouvait ou n’aurait pu qu’être considérée comme une construction nouvelle au sens de l’article ND.1 du POS communal.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Une construction édifiée en méconnaissance d’une prescription illégale du permis de construire l’ayant autorisée ne constitue pas nécessairement une construction irrégulière

    Dès lors qu’aucune disposition du code de l’urbanisme n’autorise l’administration à subordonner l’engagement des travaux autorisés par un permis de construire à la production d’un document complémentaire, l’absence de production de ce document avant l’engagement des travaux ne saurait suffire à faire regarder la construction ainsi réalisée comme édifiée en méconnaissance des prescriptions du permis de construire et, par voie de conséquence, comme une construction irrégulière au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme.

    CAA. Lyon 26 avril 2007, M. Sylvain X., req. n°06LY01049


    Aux termes de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme « la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié ».

    En substance et sous réserve de dispositions contraires du règlement local d’urbanisme ou de la carte communale, l’article précité institue donc un droit de reconstruire à l’identique quand bien même la construction en cause ne serait-elle pas conformes aux prescriptions d’urbanisme lui étant alors opposables..

    Mais outre que la construction initiale ait été démolie (CAA. Marseille, 21 mars 2002, Cne de Nîmes, req. n°98MA01738) par un sinistre (CE. 20 février 2002, Plan, req. n°235.725), qu’il s’agisse d’une reconstruction à l’identique (TA. Pau, 23 octobre 2003, M. Seguette, req. n°01-02170) et que cette reconstruction ne soit pas exposée à un risque certain et prévisible (CE. avis du 23 février 2005, Hutin, req. n°271.270), il est nécessaire pour bénéficier de ce droit que le bâtiment à reconstruire ait été « régulièrement édifié ». C’est, d’ailleurs, la jurisprudence récente rendue au titre de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme qui a permis de définir la notion de construction régulière, c’est-à-dire celles dotées d’une existence légale et non pas seulement d’une existence physique et de fait, laquelle intéresse également les conditions d’application de la jurisprudence dite « Thalamy » ou encore l’ensemble des dispositions « dérogatoires » des règlements locaux d’urbanisme relatives aux travaux sur existant.

    On sait, en effet, que le Conseil d’Etat a eu l’occasion de juger que ne constituaient pas des constructions régulières au sens de l’article précité (CE. 5 mars 2003, Nicolas Lepoutre, req. n°252.422) :

    - tout d’abord, les constructions édifiées sans autorisation, c’est-à-dire sans qu’une autorisation ait été obtenue ou sur le fondement d’une autorisation ayant précédemment été annulée, retirée ou frappée de caducité ;

    - ensuite, les constructions initialement régulières mais devenues illégales du fait de l’annulation ou de retrait ultérieur de l’autorisation en exécution de laquelle elles ont été construites ;

    - enfin, les constructions édifiées en méconnaissance de l’autorisation obtenue à cet effet.

    Précisément, dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, était en cause la reconstruction d’un bâtiment prétendument édifié en méconnaissance des prescriptions du permis de construire obtenu à cet effet.

    Dans cette affaire, le requérant avait en effet obtenu en 1988 un permis de construire une maison individuelle, lequel était assorti d’une prescription imposant la production – et ce, avant l’engagement des travaux – un bulletin d’analyse justifiant de la potabilité de l’eau devant alimenter sa construction. Mais en 2003, la maison ainsi édifiée devait être détruite par un incendie. Conséquemment et sur le fondement de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme, le requérant devait présenté une demande de permis de reconstruire à l’identique – puisque l’article précité ne dispense pas de la nécessité d’obtenir une autorisation (CE. 20 février 2002, Plan, req. n°235.725) – laquelle devait toutefois faire l’objet d’un refus au motif que la construction détruite ne pouvait être regardée comme régulièrement édifiée dès lors qu’elle l’avait été en méconnaissance des prescriptions du permis de construire en 1988 puisque ce dernier avait été exécuté sans que son titulaire n’ait préalablement produit le bulletin justifiant de la potabilité de l’eau.

    Mais à cet égard, la Cour administrative d’appel de Lyon devait pour sa part juger que :

    « Considérant en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la possibilité de délivrer un permis de construire assorti d'une condition subordonnant le commencement des travaux à la production d'un document justificatif ; que par ailleurs l'administration n'établit ni même n'allègue que l'eau de la source devant alimenter le projet n'était alors pas potable ; que par suite, eu égard au but dans lequel ont été édictées les dispositions législatives précitées de l'article L. 111-3, et à la portée utile qui doit leur être donnée, le bâtiment détruit ne peut être regardé comme ayant été irrégulièrement édifié en raison de la seule circonstance que ledit bulletin d'analyse n'a pas été produit ; que le requérant est fondé à soutenir que ce premier motif est entaché d'illégalité ».

    En substance, la Cour semble donc avoir considéré que dès lors que la prescription subordonnant l’engagement des travaux à la production d’un bulletin justifiant de la potabilité des l’eau était illégale puisque « aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la possibilité de délivrer un permis de construire assorti d'une condition subordonnant le commencement des travaux à la production d'un document justificatif », le fait de l’avoir méconnu ne pouvait avoir pour effet de faire regarder la construction édifiée comme construite en méconnaissance du permis de construire l’ayant autorisée et, par voie de conséquence, comme irrégulièrement édifiée au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme.

    NB : Pour être complet, on précisera cependant que certaines dispositions du Code de l’urbanisme subordonne l’engagement des travaux autorisés par un permis de construire à la production de documents justificatifs. Tel est le cas, à titre d’exemple, de l’article R.421-39-1 du Code de l’urbanisme.

    Certes, on pourrait objecter, en première analyse, que dès lors que cette prescription était illégale le permis de construire l’était également puisque l’on sait qu’à l’exception des prescriptions financières, les prescriptions assortissant un permis de construire en sont, par principe, indivisibles, si bien que leur illégalité éventuelle affecte d’illégalité l’ensemble de l’autorisation les ayant édictées. Il reste que :

    - d’une part, le seul fait qu’une construction ait été édifiée en exécution d’un permis de construire illégal ne lui ôte pas son existence légale si ce permis n’a pas été annulé ou retiré, ce dont il résulte qu’une telle construction constitue néanmoins une construction régulièrement édifiée au sens de l’article L.111-3 du Code de l’urbanisme (CE. 5 mars 2003, Nicolas Lepoutre, req. n°252.422) ;

    - d’autre part, il a pu être jugé qu’une prescription technique se rapportant à l’exécution d’une autorisation d’urbanisme – et non pas aux conditions de sa légalité – en était divisible (CAA. Bordeaux, 20 novembre 2006, M. et Mme X, Construction & Urbanisme, n°2/2007. Voir également: CAA. Marseille, 9 octobre 2003, M.X., req. n°00MA01836).

    Mais sur ce second point, il faut relever que la Cour administrative d’appel de Lyon a souligné que « l'administration n'établit ni même n'allègue que l'eau de la source devant alimenter le projet n'était alors pas potable ».

    On peut donc penser que c’est parce qu’en l’espèce, la méconnaissance de la prescription illégale en cause était caractérisée d’un seul point de vue formel – par l’absence de production du bulletin ainsi prescrit – qu’elle n’a pas eu pour effet de rendre irrégulière la construction litigieuse.

    En effet, si au défaut de communication du bulletin prescrit, s’était ajoutée la circonstance que l’eau alimentant la construction était impropre à la consommation, il n’aurait pas été exclu que la Cour juge alors la construction irrégulière puisqu’il est clair qu’en subordonnant l’engagement des travaux à la production de ce bulletin, l’administration avait également entendu conditionner, sur le fond, la délivrance du permis de construire à la potabilité de l’eau.

    Il reste que même en ce sens, cette prescription était illégale - et affectait la légalité de l'ensemble du permis de construire dont, sur le fond, elle constituait le support indivisible - au regard de l'article L.421-3, al.1 du Code de l'urbanisme, lequel implique que l'administration prenne parti sur l'ensemble des aspects du projet sanctionné par le permis de construire dont l'alimentation en eau potable des constructions, prescrite par l'article R.111-8, fait bien entendu partie.


    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés