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Installations Classées - Page 2

  • ICPE soumise à autoirsation d'exploiter & Permis de construire tacite

    La circonstance d’une demande de permis de construire porte sur construction relevant par ailleurs de la législation sur les installations classées soumises à autorisation d’exploiter ne saurait suffire à l’exclure du champ d’application du permis tacite des lors que la demande de permis n’est pas en elle-même soumise à enquête publique.

    CE. ord. 14 octobre 2009, Eurovia c/ Cne de Mondelange, req. n°327.930 (140e note de commentaires)



    centrale d'enrobage.jpgVoici une décision d’importance en ce qu’elle constitue la première par laquelle le Conseil d’Etat a été amené à juger qu’un projet d’installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation d’exploiter peut donner lieu à un permis de construire tacite. La réponse n’était pas évidente. En effet, l’article R.421-19 (g) du Code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à la date des faits disposait que « le constructeur ne peut bénéficier d'un permis de construire tacite (…) lorsque la construction fait partie des catégories d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux soumis à enquête publique en application des articles R. 123-1 à R. 123-33 du code de l'environnement ».

    Toutefois, aux termes du point n°21 de l’annexe de l’article R.123-1 du Code de l’environnement les « constructions soumises à permis de construire » assujetties à la procédure d’enquête publique sont les constructions d'une SHOB supérieure à 5 000 mètres carrés (sur le territoire d'une commune non dotée, à la date du dépôt de la demande, d'un PLU ou d'un document en tenant lieu ayant fait l'objet d'une enquête publique), les immeubles à usage d'habitation ou de bureau d'une hauteur au-dessus du sol supérieure ou égale à 50 mètres, les ensembles immobiliers d'une SHON nouvelle à usage de commerce supérieure à 10 000 mètres carrés ainsi que les équipements culturels, sportifs ou de loisirs susceptibles d'accueillir plus de 5 000 personnes. Il reste que selon le point 17° de l’annexe précité toute installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation d’exploiter est assujettie à cette procédure d’enquête publique.

    Dans une certaine mesure, on peut ainsi rapprocher ce dispositif du champ d’application de la procédure d’étude d’impact puisqu’aux termes des points 1° et 2° de l’annexe de l’article R.122-6 du Code de l’environnement, en ce qu’ils renvoient aux points 7° et 9° de l’annexe de l’article R.122-8, sont assujettis à la procédure d’étude d’impact les réservoirs de stockage d'eau "sur tour" d'une capacité égale ou supérieure à 1 000 m3 et autres réservoirs de stockage d'eau d'une superficie égale ou supérieure à 10 ha, la création SHOB supérieure à 5 000 mètres carrés (sur le territoire d'une commune non dotée, à la date du dépôt de la demande, d'un PLU ou d'un document en tenant lieu ayant fait l'objet d'une enquête publique), la construction d'immeubles à usage d'habitation ou de bureau d'une hauteur au-dessus du sol supérieure à 50 mètres, la création d'une SHON nouvelle à usage de commerce supérieure à 10 000 mètres carrés ainsi que construction d'équipements culturels, sportifs ou de loisirs susceptibles d'accueillir plus de 5 000 personnes. Quant aux installations classées, il résulte du point 10° de l’annexe de l’article R.122-5 du Code de l’environnement que seules celles soumises à déclaration en sont dispensées ou, a contrario, que toute installation classée soumise à autorisation d’exploiter relève de la procédure d’étude d’impact.

    Or, à ce titre, et pour application de l’ancien article R.421-2 (8°) du Code de l’urbanisme en ce qu’il disposait que le dossier de demande de permis de construire devait comporter « l'étude d'impact, lorsqu'elle est exigée », il a été maintes fois jugé que tout dossier de demande de permis de construire devait nécessairement comporter une étude d’impact dès lors que la demande se rapporter à un projet portant sur une installation classée soumise à autorisation et ce, qu’il s’agisse d’une installation nouvelle (CE. 13 juillet 2007, SIETOM, req. n°294.603) ou de travaux portant sur une installation existante (CAA. Marseille, 21 février 2007, ANPER, req. n°03MA00068).

    Partant, et compte tenu des similitudes de la règlementation sur la procédure d’enquête publique avec celle sur la procédure d’étude d’impact, on pouvait donc penser que des lors que la demande se rapportait à une installation classée soumise à autorisation d’exploiter, celle-ci devait donc être considéré comme portant sur une construction soumise à enquête publique au sens de l’article R.421-19 (f) du Code de l’urbanisme et conséquemment exclue du champ d’application du permis de construire tacite.

    Il reste que pour présenter des aspects communs, les dispositifs relatifs aux procédures d’enquête publique, d’une part, et d’étude d’impact, d’autre part, présentent une différence substantielle. Il faut, en effet, préciser que l’article R.122-7 du Code de l’environnement dispose que « les dispenses d'étude d'impact résultant des dispositions du tableau de l'article R. 122-6 ne sont pas applicables aux catégories d'aménagements, ouvrages et travaux figurant au tableau de l'article R. 122-5 ». Il s’ensuit, en la matière et en substance, que le principe de dispense posé par l’article R.122-6 à l’égard des constructions soumises à permis de construire – hors de celles visées aux points 7° et 9° de l’article R.122-8 – s’efface devant les cas d’assujettissement à étude d’impact prévus par l’article R.122-5, lequel ne dispense de cette procédure que les installations classées soumise à déclaration.

    Or, non seulement les articles R.123-1 et suivants du Code de l’environnement ne comportent aucun dispositif équivalent à l’article R.122-7 mais, en outre, le cas des installations classées et celui des constructions soumises à permis de construire sont traités dans un même ensemble, en l’occurrence l’annexe de l’article R.123-1. Force est ainsi de considérer que l’annexe précitée doit faire l’objet d’une lecture stricte et, en d’autres termes, qu’une construction soumise à permis de construire n’est assujettie, en tant que telle, à enquête publique que dans les quatre cas prévue par son point 21°. D’ailleurs, s’agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l’ancien article R.421-17 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat avait pu juger qu’il ne pouvait être soutenu à l’encontre d’un permis de construire que « ce projet aurait dû faire l'objet d'une enquête publique au titre des dispositions du code de l'urbanisme, alors même qu'une telle enquête a été conduite au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (CE. 13 juillet 2006, Ministre de l’équipement, req. n°269.720).

    Dès lors, qu’une demande de permis de construire se rapportant à une installation classée soumise autorisation ne constituait pas un projet soumis à enquête publique au regard de l’article R.421-17 du Code de l’urbanisme, on voyait donc mal pourquoi il aurait dû en aller différemment pour application de l’article R.421-19 (f) du même code en ce qu’il visait les constructions faisant partie « des catégories d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux soumis à enquête publique en application des articles R. 123-1 à R. 123-33 du code de l'environnement ». C’est ce que confirme l’ordonnance du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009.

    installation classée 2.jpgDans cette affaire, la société pétitionnaire avait présenté une demande de permis de construire, portant sur une installation classée soumise à autorisation, relevant alors de la compétence du représentant de l’Etat dans le département, compte tenu de l’importance de ce projet envisagé sur le territoire d’une commune n’étant alors dotée d’autant document d’urbanisme local. Mais au terme de l’enquête publique se rapportant à la demande d’autorisation d’exploiter, le Préfet devait s’abstenir de statuer expressément sur la demande de permis de construire. Il reste qu’ultérieurement, la commune devait se doter d’un PLU puis opposer un refus de permis de construire à la société pétitionnaire. Toutefois, le Conseil d’Etat devait donc considérer que, d’une part, la demande avait précédemment donné lieu à un permis de construire tacite à l’expiration d’un délai d’un mois après la clôture de l’enquête publique sur la demande d’autorisation d’exploiter et, d’autre part et par voie de conséquence, que la décision de refus de la commune devait être requalifiée en décision de retrait d’un permis de construire tacite (pour exemple : CE. 19 février 2007, Sté d’Avignon Construction Immobilier, req. n°296.283) ; décision illégale compte tenu, notamment, de l’absence de mise en œuvre préalable de la procédure administrative contradictoire prévue par l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 mais aussi de la tardivité de cette décision de retrait au regard de la date de formation du permis du construire tacite (on regrettera toutefois que le Conseil d’Etat ne se soit pas prononcé sur le délai applicable au sujet d’un permis acquis avant le 1er octobre 2007 mais après l’entrée en vigueur de l’article L.424-5 limitant à trois mois le délai de retrait d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir).

    Bien que rendue sous l’empire du dispositif applicable avant le 1er octobre 2007 et, plus précisément, de l’ancien article R.421-19 (f) du Code de l’urbanisme, la solution ne nous parait devoir être différente au regard des dispositions en vigueur depuis cette date (Rép. Min. n°18.427 ; publiée au JO le : 19/08/2008 page : 7094) et ce, malgré les termes beaucoup plus généraux de l’article R.424-2 (d) en ce qu’il dispose que « par exception au b de l'article R. 424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet (…) lorsque le projet est soumis à enquête publique en application des articles R. 123-7 à R. 123-23 du code de l'environnement ». En effet, si cet article vise le cas où « le projet est soumis à enquête publique » là où l’ancien article R421-19 (f) visait plus particulièrement le cas où « la construction fait partie des catégories d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux soumis à enquête publique », il reste qu’ainsi qu’il a été pré-exposé le Conseil d’Etat a jugé que le fait que la demande de permis de construire porte sur une installation classée soumise à autorisation d’exploiter ne suffisait pas à considérer que cette demande était elle-même soumise à enquête au sens de l’ancien article R.421-17 du Code de l’urbanisme qui lui-même était applicable « lorsque le projet est soumis à enquête publique dans les condition prévues par les articles R. 123-1 à R. 123-33 du code de l'environnement » et ce, de la même façon et selon les mêmes termes que l’actuel article R.423-57.

    enquête publique.jpgD’ailleurs, si la soumission de l’autorisation d’exploiter à enquête publique devait amener à considérer que la demande de permis de construire devrait être traitée comme portant sur un « projet soumis à enquête publique » au sens du Code de l’urbanisme, il s’ensuivrait que l’instruction de cette demande serait régie par les articles R.423-20 et R.423-32 dudit code, lesquels disposent respectivement que, d’une part, « par dérogation aux dispositions de l'article R. 423-19, lorsque le permis ne peut être délivré qu'après enquête publique, le délai d'instruction d'un dossier complet part de la réception par l'autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête » et que, d’autre part, « dans le cas prévu à l'article R. 423-20 où le permis ne peut être délivré qu'après enquête publique (…) le délai d'instruction est de deux mois à compter de la réception par l'autorité compétente du rapport du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête ». Il reste que si tel était le cas, on comprendrait mal l’utilité de l’article L.425-10 du Code de l’urbanisme en ce qu’il dispose que « lorsque le projet porte sur une installation soumise à autorisation en vertu de l'article L. 512-2 du code de l'environnement (…) les travaux ne peuvent être exécutés avant la clôture de l'enquête publique ». En effet, admettre que la délivrance d’un permis de construire une installation classée soumise à autorisation d’exploiter serait nécessairement subordonnée à enquête publique préalable et, par voie de conséquence, que le délai d’instruction de la demande court à compter de la remise du rapport d’enquête rendrait sans objet l’article L.425-10 puisqu’en toute hypothèse, un permis de construire portant sur une telle installation classée ne saurait intervenir avant la remise dudit rapport, laquelle est nécessairement postérieure à la clôture de l’enquête publique : il n’y aurait donc aucune utilité à préciser que les travaux ne peuvent être entrepris avant cette clôture… Et force est donc de considérer qu’une demande de permis de construire se rapportant à une installation classée soumise à autorisation d’exploiter ne constitue pas un « projet soumis à enquête publique » au sens des dispositions du Code de l’urbanisme applicables depuis le 1er octobre 2007.

     

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • Sur l’intérêt à agir d’une association de défense de l’environnement à l’encontre du permis de construire une installation classée

    Dès lors qu’au regard de sa mission statutaire, les intérêts défendus par l’association requérante sont susceptibles d’être lésés par l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de la législation classée pour la protection de l’environnement, cette association est dépourvue d’intérêt à agir à l’encontre du permis de construire se rapportant au projet.

    TA. Rennes, 14 mai 2009, Association de défense de la Basse-Vallée de l’Aff, req. n°0901557-1 (ordonnance de référé.pdf).



    Dans cette affaire l’association requérante avait introduit un recours en annulation puis une requête en référé suspension à l’encontre d’un permis de construire des entrepôts liés à une usine de production ; l’ensemble étant soumis à autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement.

    Mais cette requête devait être rejeté pour défaut d’intérêt à agir, le juge des référés estimant « qu’eu égard à la généralité de son objet statutaire et au ressort géographique dans lequel elle intervient, l’association requérante ne justifie ainsi pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté attaqué par lequel le Maire de Cournon a accordé un permis de construire à la société Knauf Ouest, dès lors qu’à la différence de l’autorisation délivrée au titre de la législation sur les installations classées, ledit permis n’est susceptible de porter atteinte aux intérêts principalement environnementaux que l’association s’est statutairement donnée pour mission de défendre ; que par suite les conclusions à fin de suspension dudit arrêté sont irrecevables ».

    En substance, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a donc rejeté la requête comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir en considération de la généralité des missions statutaires de l’association requérante, de son ressort géographique d’intervention et, plus spécifiquement, de la spécialité de sa mission.

    Il faut en effet rappeler que l’intérêt à agir d’une association à l’encontre d’une décision administrative est exclusivement apprécié au regard de l’objet social de l’association requérante et non des moyens qu’elle entend développer pour sa réalisation (voir en ce sens : CE. 29 janvier 1988, Association « Segustero », Rec. , p. 947) et qu’à ce titre, il est notamment exigé que l’association ait une mission statutaire suffisamment précise et limitée – tant d’un point de vue matériel que géographique (CE. 26 juillet 1985, URDEN, Rec., p.251) – et que l’intérêt que cette mission révèle soit en rapport direct avec ceux que la décision attaquée est susceptible de léser (CE. 24 novembre 1961, Synd. Commissaire adjoint – Préfecture de police, Rec., p.656 ; CE. 13 mars 1987, Sté Albigeoise de Spectacles, Rec., p.97).

    Or, en l’espèce, non seulement les missions statutaires de l’association requérante étaient pour le moins larges et imprécises mais, en outre, l’intérêt que ses statuts révélaient n’était pas de ceux susceptibles d’être lésés par un permis de construire.

    En effet, si l’association requérante avait notamment pour objet statutaire «d’agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l’environnement, de l’aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l’urbanisme ainsi que de défendre en justice ses droits et intérêts », il reste qu’aux termes de l’article 1er de ses statuts, sa mission était la suivante :

    « L’association a pour objet de protéger, de conserver et de restaurer les espaces ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres fondamentaux écologiques, les eaux, l’air, les sols, le sous-sol, les sites, les paysages et le cadre de vie, le patrimoine culturel et historique, de lutter contre les risques, pollutions (thermiques, chimiques, magnétiques, etc.) et nuisances (bruit, lumière, vibrations, odeurs, etc.), générées notamment par les installations classées, contre l’aliénation des chemins ruraux et de randonnée, de promouvoir la découverte et l’accès à la nature et, d’une manière générale, d’agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l’environnement, de l’aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l’urbanisme ainsi que de défendre en justice ses droits et intérêts, l’association entend également s’intéresser à tout ce qui concerne l’utilisation des ressources naturelles et qui amènerait les citoyens à devenir des « usagers » ou « consommateurs » de l’environnement.
    A ce titre, l’association entend promouvoir le respect des préoccupations environnementales dans, notamment, les contrats administratifs (délégations de service public, marchés publics, etc.), la gestion des propriétés publiques, la commercialisation des ressources naturelles, la politique des transports, celle de l’énergie, l’agriculture, le tourisme, l’alimentation et les médias.
    L’association entend par ailleurs défendre le respect de la condition animale, qu’il s’agisse des animaux domestiques ou sauvages.
    L’association s’intéresse enfin aux questions environnementales lorsqu’elles concernent la santé publique. Cette problématique peut l’amener à se pencher sur des questions principalement liées à la santé publique, notamment sur les moyens de surveillance et prévention des crises sanitaires
    ».


    Or, il est de jurisprudence constante qu’un objet statutaire d’une telle généralité ne saurait conférer intérêt à agir à l’encontre d’un permis de construire puisqu’à l’égard d’associations à l’objet pourtant plus restreints, le Conseil d’Etat a jugé, à titre d’exemple, que :

    « Considérant que l’union régionale pour la défense de l’environnement, de la nature, de la vie et de la qualité de vie en Franche-Comté, pour demander l’annulation de l’arrêté en date du 2 octobre 1978 par lequel le maire de Luxeuil-les-Bains a accordé un permis de construire à la SCI Le Pasteur en vue d’édifier un immeuble à usage d’habitation et de commerce à Luxeuil-les-Bains, se prévaut de ce que sont objet social, tel qu’il figure à l’article 2 de ses statuts, porte notamment « sur tous les problèmes relatifs à l’urbanisme et à l’équipement en Franche-comté » ; que l’intérêt invoqué par l’association requérante n’est pas de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation de l’arrêté ci-dessus analysé » (CE. 26 juillet 1985, URDEN, Rec., p.251).

    ou encore que :

    « Considérant, d'autre part, que l'arrêt attaqué relève que, selon ses statuts, l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais a pour objet, dans toute la Martinique "... de défendre et de protéger : les droits de l'homme, les espèces animales et végétales, le cadre de vie, le sol, le sous-sol, les forêts, les eaux marines, terrestres et du sous-sol, le domaine public maritime, les étangs, marais et zones humides, les cinquante pas géométriques, les mangroves, les métiers respectant les cycles écologiques et la sécurité des hommes, des femmes et des enfants contre les risques naturels majeurs et technologiques" ; qu'en en déduisant que l'association ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire attaqué, la cour administrative d'appel a fait une exacte application des règles relatives à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir » (CE. 9 décembre 1996, ASSUPAMAR, req. n°155.477).

    De ce seul chef, l’association requérante n’apparaissait donc pas avoir intérêt à agir à l’encontre du permis de construire contesté ; étant rappelé qu’il « n'appartient pas au juge administratif pour statuer sur l'intérêt à agir d'une association (…) de distinguer (…) un objet social principal d'un objet social (…) secondaire » (CAA. Paris, 15 juin 2000, GALEC, req. n°97PA02517).

    En outre, il résultait de la seule circonstance que l’objet social de l’association requérante visait des domaines d’actions n’ayant strictement aucun rapport avec l’urbanisme lui déniait tout intérêt à agir à l’encontre du permis de construire en cause puisqu’à titre d’exemple, il a encore été récemment jugé que :

    « Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'objet social de l'ASSOCIATION, tel qu'il était défini à l'article 2 de ses statuts modifiés le 2 juin 2004 applicables à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif le 13 octobre 2002 était : « la défense et la protection de l'urbanisme, de l'environnement (...) de l'écologie, du paysage, de la qualité de la vie » ainsi que « la défense des contribuables et des consommateurs (...) » sur le territoire de cinq communes ; qu'eu égard à la généralité d'un tel objet, qui porte à la fois sur la défense de l'environnement et la protection des intérêts des consommateurs et des contribuables, l'association requérante ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la délibération litigieuse du conseil municipal de Loriol du 11 juin 2004 ; qu'ainsi sa demande devant le tribunal administratif n'était pas recevable ; qu'elle n'est par suite pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal administratif a, au motif de sa tardiveté, rejeté sa demande comme irrecevable ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante » (CAA. Lyon, 7 août 2008, Association urbanisme et environnement de la confluence Drome-Rhone, req. n°06LY01602).

    Mais en outre, l’article 1er des statuts de l’association requérante stipulait que : « L’association exerce son action sur le territoire du département du Morbihan (56) et, prioritairement sur celui de la Basse Vallée de l’Aff. Elle exerce également son action à l’égard de tout fait et notamment de tout dommage, bien que né en dehors de sa compétence géographique, serait de nature à porter atteinte à l’environnement du département précité ».

    Force était donc de considérer que l’association requérante entendait exercer, en tous lieux, l’ensemble des missions visées aux paragraphes précités de l’article 1er de ses statuts (CAA. Paris, 15 juin 2000, GALEC, req. n°97PA02517 ; précité).

    Par voie de conséquence et faute de réelle limitation, le champ d’action géographique de l’association requérante ne pouvait qu’être regardé comme national alors même que son nom vise la Basse-Vallée de l’Aff et qu’elle a son siège à Cournon (CE, 23 février 2004, Communauté des communes du Pays Loudunais, req. n° 250.482 ; CE. 5 novembre 2004, Association Bretagne Littoral, req. n° 264.819 ; CAA. Douai, 17 mars 2005, Assoc. « Vie & Paysage », req. n° 03DA00544).

    Mais dès lors que les bâtiments projetés en l’espèce n’étaient pas de nature à avoir un impact national l’association n’a pas, à cet égard également, intérêt à agir à l’encontre du permis de construire en cause.

    Mais plus spécifiquement, force est d’admettre que les missions statutaires de l’association requérante étaient quasi-exclusivement axées sur des préoccupations d’ordre environnemental. Or, compte tenu de l’indépendance des législations, ces préoccupations étaient sans rapport aucun avec l’objet d’un permis de construire, d’autant moins lorsqu’il porte, comme c’était le cas dans cette affaire, sur une installation classée pour la protection de l’environnement. En effet, même à admettre que l’installation contestée en l’espèce soit sources de nuisances environnementales, celles-ci ne pouvaient résulter que de ses conditions de fonctionnement.

    Il s’ensuit que les missions statutaires de l’association requérante renvoyaient directement à l’objet d’un arrêté d’autorisation d’exploitation délivré au titre de la législation sur les installations classées et non d’un permis de construire dont le seul objet est d’autoriser l’édification d’une construction.

    Or, si l’objet statutaire l’association requérante pouvait éventuellement permettre d’accueillir une requête dirigée à l’encontre de l’autorisation d’exploiter les installations en cause, cette circonstance ne pouvait suffire à établir la recevabilité de son action à l’encontre du permis de construire attaqué. On sait d’ailleurs que le Conseil d’Etat a jugé à l’encontre d’une association déférant au juge administratif un permis de construire que :

    « Si le permis litigieux a pour objet d’autoriser deux sociétés à ouvrir un magasin de vente à grande surface, dont l’exploitation est soumise à autorisation par la loi du 27 décembre 1973, cette circonstance, qui lui donnerait qualité pour déférer au juge de l’excès de pouvoir l’autorisation accordée au titre de cette législation, ne lui donne pas en revanche, qualité pour attaquer le permis de construire » (CE. 22 octobre 1986, Reynaud, Rec. , p.654 et 655).

    C’est donc à juste selon nous qu’en application des principes d’indépendances des législations et de spécialité des personnes morales que le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a pris en compte le fait « qu’à la différence de l’autorisation délivrée au titre de la législation sur les installations classées, ledit permis n’est susceptible de porter atteinte aux intérêts principalement environnementaux que l’association s’est statutairement donnée pour mission de défendre » ; cette ordonnance étant dans la droit ligne du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nantes avait lui-même estimé que :

    « Considérant que selon l’article 2 des statuts de l’association CRITOM, association régie par la loi du 1er juillet 1901, cette dernière a pour but : 1) d’assurer l’information et la défense de la population contre les nuisances de tout genre, particulièrement contre celles liées au déchets ; 2) de lutter contre tous les projets pouvant amener des nuisances pour l’environnement, 3) de proposer des aménagements visant à l’amélioration du cadre de vie et de l’environnement naturel, 4) de promouvoir l’idée de sauvegarde de l’environnement par le développement d’activités orientées vers la nature, 5) de veiller au respect de la législation sur les questions d’environnement et autres, en estant en justice chaque fois que nécessaire ;
    Considérant qu’un tel objet social ne confère pas à l’association requérante un intérêt lui donnant qualité pour demander la suspension de l’arrêté en date du 4 février 2002 par lequel le préfet de Maine et Loire a délivré (…) un permis de construire un centre d’incinération de déchets ménagers dès lors en effet qu’a la différence d’une autorisation, délivré au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, d’exploiter un tel centre, le dit permis n’est pas en lui-même susceptible de porter directement atteinte aux intérêts que l’association s’est statutairement donnés pour mission de défendre ; que par suite la requête de l’association CRITOM doit être rejetée
    » (TA Nantes, 17 mai 2002, CRITOM c/ Préfet de Maine et Loire, req. n°02.1035) ;


    cette ordonnance et ce jugement nous semblant en parfaite cohérence avec les récents arrêts par lequel le Conseil d’Etat a jugé que la légalité d’un permis de construire une installation classée pour la protection de l’environnement ainsi que l’urgence à en suspendre l’exécution ne sauraient être établies en considération de préoccupations saisies par l’autorisation d’exploiter (CE. 15 février 2007, Ministre de l’écologie et du développement durable, req. n°294.186 & CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852).

    Pour une critique de cette ordonnance, on attendra les commentaires d’Emmanuel WORMSER, que je salue.

    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat à la Cour
    Cabinet FRÊCHE & Associés

  • La délivrance du l’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement préjuge du respect des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme par le permis de construire

    L’appréciation des risques présentés par une installation classée pour la protection de l’environnement au regard des préoccupations saisies par les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme relève, au premier chef, de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de cette législation.

    CE. 15 février 2007, Ministre de l’écologie et du développement durable, req. n°294.186 / CE. 15 février 2007, Cne de Fos-sur-Mer, req. n°294.852.


    Aux termes de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme « le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ». Quant à l’article R.111-14-2 du Code de l’environnement celui-ci précise que « le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article 1er de la loi n. 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions, sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ».

    Eu égard à la rédaction des articles précités qui ne visent expressément que « les constructions » toute la question est de savoir s’ils peuvent justifier un refus de permis de construire ou l’annulation de l’autorisation éventuellement obtenue lorsque les risques existants ne relèvent pas directement de la construction projetée mais de l’activité devant y être exercée.

    En matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, cette question est d’autant plus problématique que les préoccupations visées, d’une façon générale, par les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ont vocation à être contrôlées, d’une façon spécifique, par une procédure d’autorisation ou de déclaration relevant d’une législation indépendance, en l’occurrence la législation environnementale.

    A cet égard est s’agissant d’un permis de construire une unité de production et de stockage de liants routiers, le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de juger que « si le requérant soutient que le permis de construire ne pouvait être délivré, en vertu des dispositions de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme, celles-ci ne visent que "les constructions qui par leur situation ou leurs dimensions sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" et non les activités qui y sont exploitées, lesquelles relèvent d'une législation distincte » (CE. 10 octobre 1994, Sté Euroliants, req. n°111.167).

    Les deux ordonnances de référé commentées ce jour – lesquelles ont été rendues dans la même affaire – tendent à confirmer que, par principe, le permis de construire une installation classée ne peut utilement être contesté pour des motifs relevant directement de l’autorisation d’exploiter délivrée au titre de cette législation, et inversement.

    Dans le litige objet de la première ordonnance, le Conseil d’Etat avait à connaître de la décision par laquelle le juge des référés avait suspendu l’exécution de l’autorisation d’exploiter contestée en considérant que l’urgence était présente eu égard au travaux de construction de l’installation critiquée. Mais la Haute-Cour devait, pour sa part, censurer cette analyse au motif suivant :

    « Considérant, en premier lieu, que l'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement et le permis de construire les bâtiments et les équipements de cette installation, qui sont pris en vertu des législations distinctes du code de l'environnement et du code de l'urbanisme et selon des procédures entièrement indépendantes, ont chacun une portée et un contenu propre ; que l'engagement des travaux de construction autorisés par le permis de construire et les nuisances susceptibles de résulter de ces travaux ne sont pas susceptibles d'être utilement invoqués pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de l'autorisation d'exploitation ; qu'ainsi, en fondant son appréciation de l'urgence sur des circonstances qui découlent de la délivrance du permis de construire et sont dépourvues de rapport avec l'exécution de l'acte dont la suspension est demandée, le juge des référés a entaché sa décision d'une erreur de droit ».

    A contrario, les risques présentés par l’exécution de l’autorisation d’exploiter ne peuvent donc pas justifier l’urgence à suspendre le permis de construire l’installation contestée ; précisons qui n’est pas inutile puisque si, par principe, le requérant bénéficie d’une présomption d’urgence à suspendre un permis de construire, celle-ci peut être contrebalancée par l’urgence à l’exécuter, laquelle ne saurait alors être remise en cause par des considérations tenant aux conditions d’exploitation de la construction projetée.

    Dans le second litige, le permis de construire l’installation classée contestée était donc critiqué sur le terrain de l’article R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ; grief que la Haute Cour devait écarter au motif suivant :

    « Considérant qu'il ressort du dossier soumis au juge des référés que le permis attaqué autorise la construction d'un équipement entrant dans la catégorie des installations classées pour la protection de l'environnement ; que ce projet a fait l'objet d'une enquête publique puis a bénéficié, avant la délivrance du permis, d'une autorisation d'exploitation délivrée dans le cadre des articles L. 511-1 et L. 512-1 et suivants du code de l'environnement ; que par suite, le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions du code de l'urbanisme».

    A titre liminaire, on peut ainsi relever que le Conseil d’Etat a apprécié les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme de façon globale, ce qui n’est pas illogique dès lors que, d’une part, les préoccupations visées par ces deux articles sont peu ou prou identiques en matière d’installations classées et où, d’autre part, il est de jurisprudence dorénavant bien établie que l’article R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ne peut justifier à lui seul un refus de permis de construire ou l’annulation de l’autorisation éventuellement obtenue (CE. 14 février 2003, Sté civile d’exploitation agricole le Haras d’Achères, req. n°220.215).

    Mais il faut surtout relever que le Conseil d’Etat n’a pas rejeté ce moyen en considérant, d’une part, que les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme ne visent que les constructions et pas les activités qui s’y développent et/ou, d’autre part, que l’indépendance de la législation d’urbanisme et de la législation environnementale interdit, par principe, que des préoccupations relevant de l’autorisation d’exploiter soient opposées au permis de construire puisqu’en effet, la Haute Cour a écarté ce moyen du simple fait que le projet litigieux avait fait l’objet, « avant la délivrance du permis, d’une autorisation d'exploitation délivrée dans le cadre des articles L. 511-1 et L. 512-1 et suivants du code de l'environnement ».

    En substance, c’est donc la seule délivrance préalable de l’autorisation d’exploiter au titre de la législation sur les installation classée pour la protection de l’environnement qui a suffit à établir que le projet, pour ce qui intéresse le permis de construire, ne méconnaissait pas les articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme.

    Tout d’abord, il faut souligner que le Conseil d’Etat a souligné que l’autorisation d’exploiter avait été délivrée avant le permis de construire ; ce qui ne va pas de soi puisqu’aux termes de l’article R.421-12 du Code de l’urbanisme le permis de construire une installation classée peut être délivré dès l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la clôture de l’enquête publique portant sur la demande d’autorisation d’exploiter : le cas échéant, cette dernière peut donc être délivrée après le permis de construire se rapportant au même projet.

    Ensuite, il convient de préciser que dans cette affaire, le permis de construire contesté, à l’instar de l’autorisation d’exploiter, avait été délivré par le Préfet de Département et non pas par le Maire.

    Enfin, on rappellera que la requête aux fins de référé suspension dirigée à l’encontre de l’autorisation d’exploiter, par ailleurs, attaquée devait également être rejetée, c’est-à-dire que celle-ci n’apparaissait pas illégale au regard des moyens développés à son encontre par les requérants.

    Il semble donc raisonnable de considérer que le Conseil d’Etat a écarté le moyen tiré des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme dans la mesure où, à la date de délivrance du permis de construire attaqué, l’autorité en charge de sa délivrance avait déjà régulièrement statué sur la conformité du projet au regard de la législation environnementale.

    Au regard de la rédaction et de la motivation du « considérant » précité, il est donc permis de se demander si la solution retenue aurait été identique si l’autorisation d’exploiter avait été délivrée ultérieurement au permis de construire, si ce dernier avait été délivré par une autorité administrative distincte et/ou si cette autorisation avait précédemment été suspendue ou annulée.

    Mais en toute hypothèse, il ressort donc de cette seconde ordonnance que la seule délivrance de l’autorisation d’exploiter doit préjuger du respect par le permis de construire des articles R.111-2 et R.111-14-2 du Code de l’urbanisme et, en résumé, que la prise en compte de la législation environnementale assure le respect de la législation d’urbanisme ; du moins pour ce qui intéresse le juge des référés et son office.



    Patrick E. DURAND
    Docteur en droit – Avocat au barreau de Paris
    Cabinet FRÊCHE & Associés